2.17. DÉBAT

M. Ohyama

Nous avons entendu des exemples de Yokosuka, du Sénat et des collectivités locales françaises. Je connais très bien le site de Yokosuka puisque j'y étais directement impliqué. Le président disait que le nouveau portail allait peut-être trop loin. Je constate des différences entre le site de Yokosuka et les sites des collectivités locales françaises qui nous ont été présentées tout à l'heure. En effet, il me semble que le site de Yokosuka contrôle l'accès pour fournir à ceux dont l'identité a été reconnue des informations plutôt personnelles alors que les collectivités locales françaises mettent à la disposition des citoyens les informations qui doivent être rendues publiques sans contrôle d'accès. Au Japon aussi, il existe une loi sur l'accès aux informations qui prévoit que les administrations centrale et locale doivent mettre les informations dont elles disposent à la disposition des citoyens. Cette différence est un peu comme la différence entre la cuisine française et la cuisine japonaise, c'est-à-dire que toutes les deux sont délicieuses, et on ne peut pas dire que l'une soit meilleure que l'autre, car il s'agit d'une question de goût.

Je voudrais moi-même poser une question. Si j'ai bien compris, en France, les administrés peuvent donner leur avis aux projets et services de collectivités locales. Au Japon aussi, des administrés donnent leur point de vue aux collectivités locales, mais très souvent, ces dernières ne leur répondent pas. Aussi les administrés finissent par penser que les collectivités locales ne tiennent pas compte de leur avis, ce qui les décourage de continuer à donner leur point de vue. Je voudrais connaître ce que font les collectivités locales françaises avec les internautes qui font part de leur avis.

M. Bellanger

Monsieur Jourdan.

M. Jourdan

Je vais peut-être reprendre la parole, en essayant de resituer le débat par rapport aux internautes. Nous avons effectivement ouvert un forum des internautes pour qu'ils s'expriment sur les sites de leur mairie, les services attendus, la qualité générale du site, et si ce site répondait à leur besoin.

Il apparaît que la qualité des sites des collectivités locales en France est très variable. Elle est jugée comme telle, à la fois en termes de services rendus, mais aussi de technologie, de développement de la page HTML en elle-même, que ce soit au niveau des langages, au niveau des temps de téléchargement, au niveau de la qualité des images ou simplement l'esthétisme ou le graphisme général. Si l'on creuse un petit peu, on s'aperçoit que le problème de fond est très souvent un problème de budget, un problème d'organisation, à la fois dans la mise en oeuvre d'un site Internet pour une collectivité - mais ça pourrait être le cas pour un acteur privé de la même façon - mais surtout de maintenance et de suivi dans le temps.

Effectivement, beaucoup d'internautes se sont exprimés en déplorant en particulier le manque d'interactivité, le manque de réponse à leur demande. Sur un forum, on est souvent excessif. Utilisent souvent les forums des gens qui ont des choses à dire, qu'elles soient très bonnes ou très critiques. Mais l'absence de réponse à leur contact, l'absence de réponse à leurs demandes, l'absence d'actualisation des sites, traduisent moins une prise de conscience encore insuffisante par les collectivités locales qu'un budget pour mettre un site en place n'est pas forcément quelque chose qui dépasse leurs moyens, aussi petites soient-elles, que l'absence de prise en compte de l'importance de l'équipe chargée de gérer le site, de traiter les demandes des administrés, de proposer des services toujours plus gourmands en développement en requête, et aussi d'actualiser avec les derniers langages ou les dernières technologies de développement sur le Net. Et là, les ordres de grandeur des budgets sont effectivement beaucoup plus importants.

Malgré tout, on s'aperçoit quand on fait une typologie des sites, ce n'est pas forcément parce qu'on est une grosse collectivité qu'on a, d'un point de vue internaute, le meilleur site. Il y a de petites collectivités en France qui ont des sites absolument remarquables, mais effectivement ce sont elles qui vont aussi se trouver le plus vite limitées en termes de moyens et d'équipes pour développer réellement la relation à l'administré à travers leurs sites.

Ma réponse est un peu longue, mais j'ai essayé de résumer globalement les opinions des Internautes amenés à s'exprimer sur les sites des collectivités territoriales au sens large.

M. Bellanger

Je passe la parole à M. Nakamura.

M. Nakamura, professeur invité au Massachussetts Institue of Technology

Comme j'interviens à la fin de la deuxième séance, je vais essayer d'éclaircir la question suivante : qu'est-ce que les nouvelles technologies ? J'ai quitté mes fonctions au gouvernement japonais il y a trois ans, et depuis, je fais des allers-retours entre le Japon et les États-Unis. J'habite actuellement à Boston qui est à trois heures de route de New York. Il y a cinq mois, le 11 septembre, j'étais au volant de ma voiture en direction de New York. Sur le pont qui mène à Manhattan, on m'a dit que je ne pourrais pas aller plus loin et j'ai dû faire demi-tour vers Boston. À mon retour à Boston, j'ai su sur CNN qu'il y avait eu des attentats. Autrement dit, j'étais tout près du lieux des attentats mais j'ignorais qu'il y avait eu des attentats. Parmi vous, combien de personnes y a-t-il qui ont vu en temps réel les avions foncer vers les tours ? Ah je vois qu'il y en a pas mal. Merci. Moi je n'ai pas pu le voir en temps réel alors qu'un grand nombre d'amis au Japon m'ont dit qu'ils l'avaient vu en temps réel à la télévision.

Désormais les nouvelles technologies relient les citoyens des quatre coins du monde. Mais ce n'est pas parce qu'on est relié par les nouvelles technologies que la paix va régner sur le monde et que tout le monde va bien s'entendre. Au contraire. Le fait d'être relié par les nouvelles technologies peut renforcer des différences et engendrer des conflits. Au XX e siècle, la compétition ou la guerre ont été les moteurs de la société qui fonctionnait sur ces conflits. Au XXI e siècle, il faut transformer les conflits qui se passent dans le monde virtuel en énergie. Ces conflits font apparaître des questions sur l'identité d'un État ou l'identité d'un individu. Les États-Unis ou le Japon peuvent difficilement apporter une réponse à cette question alors que la France a certainement un rôle à jouer pour trouver des réponses.

Par ailleurs, avec la crise, certains prétendent que la révolution des technologies de l'information est déjà terminée. Mais peut-on appeler révolution quelque chose qui ne peut pas survivre à une crise ? S'il existe ce qu'on peut appeler une révolution des technologies de l'information, je pense que nous n'en sommes qu'à ses débuts. Donc tant qu'on était au stade du développement des techniques cela pouvait très bien être une mode, mais maintenant que les technologies d'information sont intégrées dans la société, dans la vie quotidienne des gens, désormais nous sommes au stade de l'utilisation. La société entière va essayer d'intégrer les potentialités des technologies de l'information. On peut maintenant parler de démocratie et de capitalisme au sens propre du terme qui vont pouvoir se réaliser. Avec Internet, les prix vont être beaucoup plus flexibles, ce qui va créer des compétitions sur le marché, et le capitalisme dans le sens classique du terme va pouvoir se réaliser. Par ailleurs, avec une meilleure interface entre le gouvernement et les citoyens, la démocratie au sens propre du terme s'instaurera. En effet, au Japon, plusieurs millions de personnes sont abonnées à la revue électronique du Premier ministre Koizumi et le projet de la mise en place du gouvernement électronique avance progressivement.

Les technologies de l'information renforcent le pouvoir des individus. Ce ne sont plus les producteurs qui décident des prix sur le marché mais les consommateurs. Si l'on est relié sur un réseau, on peut travailler où que l'on soit indépendamment du lieu de travail et de son logement, et c'est mon cas puisque je me déplace entre les États-Unis et le Japon. Le pouvoir des technologies de l'information, c'est de pouvoir court-circuiter les capitales. En effet, les villes peuvent être reliées directement avec d'autres villes du monde. Les infrastructures de transport ou de logistique sont aménagées de façon à ce que les villes se relient à la capitale. Désormais avec les NTIC les villes peuvent se relier à d'autres villes dans le monde.

Au Japon, pendant longtemps il y avait une grande concentration sur Tokyo. Je crois qu'il en va de même en France, il y a une grande concentration sur Paris. Ceci dit, je ne suis pas tout à fait d'accord pour disperser la force de la capitale sur les régions car cela ne relève pas la force d'une nation. Ni le Japon ni la France ne peuvent se permettre de perdre du temps en répartissant la force de leur capitale sur l'ensemble de leur territoire. Au contraire, Paris et Tokyo doivent prendre davantage de force pour concurrencer les grandes villes dans le monde. La capitale comme les autres villes doivent songer chacune à prendre plus de force grâce aux technologies de l'information.

Cependant toutes ces idées reposent sur les valeurs du XX e siècle telles que le fonctionnalisme et l'évolutionnisme. Les nouvelles technologies qui nous relient en réseau nous permettent de surmonter cette pensée moderniste, et suscitent une évolution du sens esthétique qui peut engendrer une renaissance plutôt qu'une révolution industrielle ou un changement des valeurs qui passe de la concurrence, dans laquelle les États-Unis excellent, à la coexistence. Tout en ayant été créées par les États-Unis, la plupart des NTIC permettent de développer les points faibles des États-Unis. C'est pourquoi le plus important n'est pas de mettre au point les techniques et les produits et de les offrir aux citoyens, mais de savoir les utiliser et de sélectionner des informations foisonnantes. Et on en a parlé tant pour la France que pour le Japon, qui ont chacun leur cuisine, particulière et excellente. S'il en est ainsi, ce n'est pas parce qu'il y a beaucoup de bons cuisiniers, mais c'est parce que les gens ont du goût. Chacun va donc disposer désormais des technologies avec lesquelles il va déambuler. On va penser avec des images et s'exprimer avec des images. Par exemple si l'on associe un téléphone mobile à une caméra numérique, on a les mêmes moyens techniques qu'une régie mobile comme si une station de télévision était en mesure de marcher.

La question sur ce que chacun veut exprimer dans le cyberespace se pose alors, et la faculté d'expression de chacun prend toute son importance. Et en ce sens tant la France que le Japon ont un rôle très important à jouer dans le monde. On parlait souvent d'Internet jusqu'à présent comme des autoroutes de l'information. Les routes sont utilisées pour transporter des choses. Toutefois, Internet est plus un forum qu'une route. Les gens peuvent dans ce lieu présenter chacun leur idée, échanger des idées, et créer de nouvelles valeurs. L'objectif est de transformer Internet, qui était un lieu comme une église où l'on entendait simplement des propos réconfortants, en un salon où chacun expose son idée. Il est par ailleurs important de laisser cet espace ouvert. Comme Picasso, un Espagnol, et Chagall, un Russe, avaient contribué à créer la culture parisienne autrefois, il nous faudrait créer une communauté ouverte et la maintenir.

Je crois que la technologie est en voie de transformation actuellement. Prenez par exemple l'imprimerie, la technique inventée par Gutenberg. Au bout d'un certain nombre de tribulations historiques, après trois siècles, cette technique a abouti à la création de l'État moderne et du capitalisme. Je ne sais pas si Gutenberg aurait pu prévoir ces évolutions trois siècles plus tard. Alors la question qui se pose, c'est de savoir quels enseignements on peut tirer de l'histoire. Maintenant que nous assistons à une évolution numérique, nous pouvons nous demander à quoi les technologies que nous utilisons aboutiront dans trois siècles. J'aurais voulu vous montrer un portrait de Gutenberg, mais comme je n'en avais pas, j'ai demandé à mon fils de dessiner ce que le nom de Gutenberg évoquait pour lui. Ce que l'on voit actuellement à l'écran est le visage de Gutenberg dessiné par lui.

Nous en sommes actuellement à la troisième génération d'ordinateurs. Nous avons d'abord connu ce qu'on appelle le main frame et puis le PC. Désormais chaque personne sera entourée d'une multiplicité d'ordinateurs de différentes formes. Il s'agit de téléphones mobiles, d'ordinateurs portables ou encore d'ordinateurs que l'on peut porter sur soi. Et l'ordinateur ne sera plus forcément carré comme les boîtes d'antan. Ce sera désormais comme une peluche ou un jouet. C'est un peu comme si l'ordinateur regrettait ses erreurs passées et cherchait à se rapprocher de nous. Et je m'attends à ce que les formes traditionnelles des ordinateurs soient appelées à disparaître. Cela ne signifie pas pour autant que ces technologies vont s'intégrer dans chaque pays de la même façon. Je crois que l'intégration des technologies dans la société diffèrera selon les pays. Par exemple au Japon, on constate la progression de l'association entre les téléphones mobiles et Internet. Même les enfants utilisent ce système et on les voit à tous les coins de rues en train de regarder l'écran et de rédiger avec le pouce un message qu'ils envoient ensuite. Le téléphone mobile est désormais un outil de lecture et d'écriture. Les nouvelles technologies, les nouvelles expressions, les nouvelles règles sociales seront créées par les enfants de nos enfants.

Avec cette idée, je travaille au MIT pour un projet de création d'un centre d'études sur les médias et les enfants. L'ouverture de ce centre est prévu pour 2004. Et avant même cela, nous avons ouvert au Japon l'automne dernier un centre pour encourager la créativité médiatique des enfants.

Alors en terminant, j'ai appris que le haut débit n'est pas encore très généralisé en France. C'est évidemment un défi politique important en France. Aux États-Unis, le gouvernement Clinton avait mené une politique d'encouragement aux nouvelles technologies. Et ce qui est très important est que le président Clinton avait fait des nouvelles technologies une question politique. Et à l'instar des États-Unis, les pays européens ont mené la politique de développement des nouvelles technologies sous la conduite des chefs d'État ou des premiers ministres. Par contre, il n'y a que depuis deux ans que le Premier ministre japonais conduit la politique de développement des nouvelles technologies. Et je crois que dans un contexte où la numérisation prend de plus en plus d'importance, ce sont les initiatives des pouvoirs publics qui détermineront l'évolution des nouvelles technologies. Aussi c'est sur des dirigeants comme ceux qui sont réunis dans cette salle que nous pouvons compter. Je vous remercie.

M. Bellanger

Merci M. Nakamura, pour cette vision de l'avenir que vous nous avez présentée. Je voudrais maintenant excuser M. le sénateur Alain Joyandet qui devait être parmi nous et qui est à l'origine, en Haute-Saône, de certaines réalisations. Avant de passer à notre débat, je vais donner la parole à M. Guillaume Force, assistant parlementaire de M. Joyandet qui a beaucoup travaillé avec lui et qui doit nous présenter ces réalisations.

M. Force

Je remplace, à sa demande, M. Alain Joyandet, sénateur de la Haute-Saône et maire de Vesoul. Cette ville, vous la connaissez par une chanson de Jacques Brel, notamment, mais elle a, comme je vais vous l'exposer, accompli de nombreuses réalisations dans le domaine des technologies de l'information.

Vesoul se situe en Haute-Saône, en Franche-Comté. C'est une ville de 19 000 habitants, qui est la ville-centre d'une agglomération de 33 000 habitants dans un département qui compte 230 000 âmes. La Haute-Saône est donc un territoire peu peuplé, avec des paysages ruraux, mais qui a ceci de particulier qu'il a un tissu industriel surdimensionné par rapport à la moyenne nationale. En effet, à Vesoul, se trouve le centre mondial des pièces détachées Peugeot. Par conséquent, les technologies de l'information sont un moyen pour des territoires comme la Haute-Saône de préparer l'avenir, de faire migrer leur tissu économique vers le secteur des services.

Je vais vous présenter rapidement ce qui nous avons fait dans une philosophie qui s'est basée d'abord sur les services. À Vesoul, nous avions jusqu'à il y a peu un problème de débit. Comme l'a dit Madame Tulard, les régions françaises sont encore très mal desservies et, quand M. Joyandet a lancé son initiative, il n'y avait guère d'accessible que le Numéris, c'est-à-dire l'ISDN ou le RNIS pour les Français.

Fin 1997, une étude a été lancée en collaboration avec un cabinet-conseil. Cette étude s'est intéressée aux besoins de quatre grands groupes d'utilisateurs :

- la jeunesse et son éducation,

- les entreprises,

- les collectivités locales,

- le grand public.

Au bout d'un an de travail, d'auditions, d'analyse de questionnaires, nous avons abouti à la définition d'un projet qui a été mis en oeuvre à partir de fin 1998.

Nous avons commencé par agir pour l'éducation. En 1999, nous avons équipé toutes les écoles de la communauté de communes de l'agglomération de Vesoul - c'est-à-dire 32 établissements scolaires - avec des personal computers qui ont été reliés à Internet. Mais plus que la connexion à l'Internet, nous nous sommes attachés à apporter des contenus aux enfants des écoles maternelles et élémentaires. Pour y parvenir, nous avons créé un Intranet, Galileo , dédié aux écoles afin que les enfants puissent interagir entre eux et donc utiliser le réseau pour apprendre à communiquer et à devenir des producteurs de contenus ayant un auditoire naturel.

La seconde étape de la mise en place des services a concerné les collectivités locales. En 2000, à l'instar de ce qu'a fait M. Hirokawa, nous avons mis en place un système d'information géographique afin de permettre, dans un premier temps, aux services techniques des différentes communes qui composent la communauté de communes de l'agglomération de Vesoul de pouvoir travailler de concert sur les réseaux, les voies de circulation et les espaces verts. À terme nous pourrons ouvrir ce système à d'autres utilisateurs. De plus, nous avons mis en place un Intranet dédié aux collectivités locales, Proxima , qui permet aux élus et aux personnels des services des communes de communiquer, d'échanger, de consulter le Web via des sites classés, etc.

Il reste encore beaucoup de travail à effectuer, notamment pour les entreprises et le grand public. Nous allons bientôt mettre en ligne notre site Web, qui n'est pas la première de nos réalisations. En effet, nous avons d'abord voulu essaimer l'usage des technologies de l'information avant de lancer notre site dont nous voulons faire un véritable outil de communication à l'usage des citoyennes et des citoyens. Avec l'arrivée de la signature électronique, nous pourrons vraiment permettre une interaction poussée.

Cette logique d'essaimage a toujours présidé à la logique de mise en oeuvre de notre projet. Ainsi, en juin 1999, Vesoul a ouvert la première Cyber'base de France. Alors une Cyber'base, c'est quoi ? C'est un espace public qui permet à tout un chacun de venir s'initier aux technologies de l'information et plus particulièrement à l'Internet. Cet espace a été ouvert en tant que site pilote en partenariat avec la Caisse des Dépôts et Consignations.

Enfin, nous travaillons actuellement sur les réseaux, ce qui n'est pas chose simple dans un territoire connaissant une faible densité de peuplement. De grands dossiers arrivent actuellement en France comme la télévision numérique terrestre, qui va permettre de multiplier le nombre de chaînes visibles sur les ondes hertziennes. Nous nous attachons en outre à câbler Vesoul.

J'en arrive à mon dernier point. Lorsqu'on met en oeuvre un projet touchant aux technologies de l'information, il est essentiel à mon sens de ne pas oublier que ces technologies sont faites pour relier les hommes, leur permettre par le biais d'interfaces de communiquer, d'interagir.

Cela, Alain Joyandet l'a parfaitement compris. Il m'a en effet laissé toute latitude d'action mais aussi de communication autour du projet. En effet, plus vous communiquez, plus vous informez, plus vous créez autour du projet un intérêt et une dynamique. Par exemple, à l'instar de ce que vous avez fait ce matin en communiquant avec le Japon, nous avons aussi utilisé la visioconférence pour permettre au public de deux boîtes de nuit, l'une à Vesoul et l'autre à Brighton en Angleterre, de danser au même moment sur les mêmes musiques en se voyant mutuellement par le biais d'écrans géants. Ce type d'initiative vous attache la sympathie des médias locaux et crée un mouvement dans la population. Ce dernier point me semble aussi important que la mise en oeuvre technique d'un projet.

M. Bellanger

Merci de ce témoignage. Alors un peu la parole à la salle, mais on a pris un peu de retard. On va essayer de concentrer un peu. Je crois que j'avais déjà une demande d'intervention.

M. Gilonne

Merci, Monsieur le Président. Je voulais intervenir en complément de ce qui a été dit ce matin sur les sites. M. Ohyama se posait la question de l'inertie administrative. Il me semble qu'en France dans les collectivités locales, il y a deux conceptions, selon qu'on prend le site comme un outil de communication, souvent on se limite à la vitrine, ou alors c'est un projet de services publics en ligne. Ce qui est un peu différent, c'est-à-dire qu'on a des services municipaux, qui offrent un service et forcément en évidence les faiblesses du service public et des collectivités en France qui sont notamment liées à la taille des communes. Quand je disais ce matin que seules neuf cents villes en France ont plus de dix mille habitants, c'est aussi vrai du personnel. La majorité des communes et des collectivités en France n'ont que très peu de personnel disponible. Et, en tout cas, pas de personnel communiquant en mesure de prendre en charge les sites. À l'inverse, dans les grandes communes, le site Internet est souvent l'affaire du service communication et il peut arriver qu'il soit déconnecté des services administratifs eux-mêmes.

Question

M. Calamarte, ministère de l'Intérieur, spécialiste des collectivités locales et professeur de faculté associé. Ce qui me frappe, c'est au fond une double appréhension de la technique nouvelle des informations et de la communication. Nos interlocuteurs japonais nous ont décrit un système par lequel, en réalité, on aboutit sur un temps programmé à une mutation de l'administration et à une technique administrative nouvelle. Alors que pour nous, notre option est surtout d'accroître la communication, de faciliter l'accès du citoyen au dialogue du pouvoir, si vous voulez, mais il n'y a pas, me semble-t-il, dans le choix des collectivités locales françaises, en arrière plan, comme nous avons pu le voir au Japon, la préparation d'un plan de modernisation ou de restructuration de la gestion.

Ce matin, nos amis japonais nous ont expliqué qu'il y avait des normes prévues jusqu'à 2003 puis 2005, locales, régionales, nationales. Pour nous si vous voulez, nous sommes à des niveaux d'initiatives locales que nous encourageons. Ce que nous a dit Madame Tulard sur l'informatisation du Sénat - que je suis d'ailleurs de manière presque quotidienne sur mon appareil, étant donné que c'est un excellent outil d'information - correspond bien à une option informative. Pour moi, et c'est un intérêt énorme du colloque, on a décelé deux conceptions. Au fond - je ne sais pas si la salle partagera mon avis - il me semble que le Japon opte, via les nouvelles techniques, vers une adaptation et une restructuration de la technique de gestion. C'est une chose que nous envisageons, nous, de manière beaucoup plus diversifiée, voire ponctuelle. C'est l'opinion que je retire après plusieurs heures d'échanges et je me permets de la délivrer, parce que je trouvais ceci passionnant, et je remercie le Sénat de nous avoir donné l'occasion de ces discussions extrêmement riches.

Question

Mon métier consiste à traduire les attentes et les besoins des usagers et celles des administrations sur le Web et puis ensuite d'implémenter cela en anticipant aussi, compte tenu des enjeux de la communication interactive publique. Je ne suis pas tout à fait d'accord avec ce qu'a dit M. Gilonne à l'instant sur le fait que l'on avait soit des sites de communication vitrine soit des sites de services. Si on a un site vitrine, déjà on n'est pas un site de communication. L'enjeu ce sont les contenus, mais pas au sens où on a pu l'entendre ce matin, c'est-à-dire de contenu descendant, de la municipalité vers les usagers, mais de contenu qui soit accessible selon divers modes d'entrée pour les usagers, des entrées thématiques, des entrées par publics, et puis des entrées aussi sous forme d'approche besoins-solutions. Au sens où on approche une clientèle. Comme on devrait approcher les usagers aujourd'hui grâce aux technologies de l'information et de la communication.

Tout l'enjeu, c'est la transformation des contenus en services, c'est-à-dire à la fois ce qu'on appelle la «customisation» de ces contenus et de ces services, du type, j'ai besoin de ceci, j'ai besoin de résoudre cela, et cela va jusqu'à la performance de la carte à puce dont on a parlé ce matin, ça c'est la première transformation des contenus en services.

La seconde dimension, c'est celle du citoyen ; les enjeux de la démocratie électronique et participative, ce sont la transformation des contenus en possibilité de consultation et de réaction sur toutes les politiques publiques mises en oeuvre dans les collectivités locales, et puis la troisième dimension de cette transformation des contenus en services, c'est la mise en place de process de production d'information partagés par l'ensemble des acteurs de la ville et l'ensemble des communautés d'acteurs numériques.

Et enfin, la dernière dimension de cet avenir des sites locaux, c'est bien entendu une mise en forme plus attractive et plus multimédia de l'ensemble de ces contenus et services, qui amène effectivement, et c'est une orientation prise par l'État français, à traiter les demandes, les besoins et les supports de communications des usagers, des administrés comme on traiterait ceux d'une clientèle.

M. Julien

Oui, mais je crois qu'à ce stade du débat, nous arrivons vraiment au coeur de l'hésitation que j'évoquais ce matin au cours de mon intervention. Je parlais également de contenu, avec plaisir, je constate effectivement donc qu'on reparle de contenu.

En France, nous avons cette hésitation entre le site Internet avec un contenu d'une information qui va de l'hôtel de ville vers l'internaute qui vient consulter des informations pratiques comme les horaires d'ouverture de la mairie, comme le nom des élus, les fonctions d'untel ou d'untel à la mairie pour pouvoir éventuellement accomplir telle ou telle formalité, donc quelque chose d'assez statique, alors que nos amis japonais, je l'ai vu effectivement tout à l'heure à travers les exposés qui ont été faits vont beaucoup plus loin dans la réflexion, c'est-à-dire, comme cela a été justement souligné, il y a quelques instants vers une véritable interactivité et une participation beaucoup plus grande de l'internaute qui devient non pas simplement consommateur d'information, mais acteur de l'information à ce niveau.

C'est toute l'ambiguïté, c'est une ambiguïté que je vis justement dans ma mairie à Beauvais, puisque nous avons hérité d'un site Internet qui était donc le premier thème que nous évoquions tout à l'heure, c'est-à-dire l'information très statique que l'on donnait vers l'internaute, vers le citoyen de la ville de Beauvais. Nous allons refondre effectivement ce site Internet. Les grandes discussions que nous avons actuellement portent justement là-dessus. Que faisons-nous : est-ce que nous développons, est-ce que nous poursuivons la démarche de cette information à simple sens, ou est-ce que nous essayons effectivement de donner une participation beaucoup plus importante de l'utilisateur, du citoyen par la remontée de l'information, par ces avis, par une multiplication des services, comme je le vois par exemple à Amiens. Mon collègue, Gilles de Robien, sur son site Internet fait intervenir de plus en plus les internautes. C'est une vraie réflexion, il y a des doutes, des interrogations qui se manifestent. Et je crois qu'en France on n'est pas encore sorti de ces interrogations, ce qui explique ces hésitations dans la construction de nos sites Internet.

Soyez sûrs que du colloque d'aujourd'hui, je vais tirer plein d'enseignements, puisque je suis en charge des NTIC à la ville de Beauvais, pour essayer peut-être d'aller un petit peu plus loin dans la démarche, et pour engager effectivement la reconstruction d'un site beaucoup plus participatif alors qu'auparavant il était simplement informatif. En tout cas, je crois que nous sommes vraiment au coeur du problème, je le redis une nouvelle fois, c'est un vrai débat, je crois qu'on ne le clôturera pas ce soir, il y aura d'autres discussions dans d'autres lieux qui interviendront là-dedans, et je crois qu'en sortant de ce débat, très certainement nous améliorons vraiment, grandement donc les NTIC en France.

Question

Marc-Antoine Carlotti, je suis consultant en stratégie et développement auprès de collectivités locales en particulier aujourd'hui je représente la collectivité locale de Corse pour les missions de coopération décentralisée.

J'ai une première question pour M. Ohyama, et une deuxième pour M. Nakamura. Dans le cadre du développement de la carte multiservice au Japon, est-ce que vous avez eu affaires à des réticences au lancement de cette carte au Japon par des associations qui tiennent à préserver la liberté de l'individu ?

Ma deuxième question s'adresse à M. Nakamura. Je souhaite revenir à ce qu'il a dit tout à l'heure sur le renforcement des capitales, en faisant allusion à Paris et à Tokyo. Pour ma part, pour ce qui concerne Paris que je connais mieux que Tokyo - bien que je connaisse un peu Tokyo - j'ai l'impression que les capitales de ces deux pays sont des capitales qui se ressemblent, dans l'utilisation et dans le pouvoir qu'a l'État dans la gestion de ses services à travers tout le pays. J'aurais voulu qu'il développe un peu mieux ce qu'il entendait par renforcer les capitales. Quand on dispose d'un outil de démocratisation tel qu'Internet, et ce que l'on peut en faire, comment voit-il le renforcement des capitales dont il a parlé tout à l'heure ?

M. Bellanger

Avant de demander aux deux interpellés de répondre, je crois qu'il faut prendre une question qui a été posée là-bas depuis longtemps.

Question

Je m'appelle Monsieur Otani. J'ai compris que le Sénat et la ville de Yokosuka proposent chacun des services sur Internet et ont également de nouveaux projets de services. Toutefois, ce qui est important pour bénéficier de ces services, c'est que les citoyens aient un ordinateur et soient abonnés à Internet. Sinon ils n'y ont pas accès. Et sur cet aspect-là, par rapport aux États-Unis, au Royaume-Uni ou à la Corée, le taux d'abonnement à Internet du Japon ou de la France est plus bas. Pourquoi ce problème se pose-t-il ? Que faut-il faire pour résoudre ce problème et rattraper ce retard ? Y a-t-il des problèmes d'infrastructure, des problèmes législatifs, ou des problèmes de système ? Quelles sont les solutions qui sont envisagées ?

M. Bellanger

Et bien peut-être M. Ohyama qui a été interpellé et M. Hirokawa qui a été interpellé aussi.

M. Ohyama

Il s'agit de questions de base et je ne sais pas s'il y a beaucoup de personnes qui aient des connaissances spécialisées sur les cartes dans cette assistance. La mise au point technologique des cartes est effectué avec le soutien du gouvernement japonais. En ce qui concerne les associations à but non lucratif pour la protection des informations privées, bien sûr des associations s'y sont opposées. On leur répond donc qu'il leur suffit de ne pas se servir de ces cartes s'ils ne sont pas d'accord.

Je pense que vous avez tous des cartes magnétiques. Si on transforme la carte de crédit, la carte bancaire, ou la carte d'assurance maladie en carte à puce, et qu'on a des cartes différentes, je pense que personne ne sera contre. S'il y a des personnes contre, alors à ce moment-là autant renoncer complètement aux cartes à puce. Ensuite si on pouvait mettre trois puces sur une seule carte, est-ce qu'il y a des gens qui ont peur ? Est-ce que vous préférez avoir trois cartes ou une seule carte avec trois puces ? Est-ce que vous pensez que c'est plus sûr parce qu'on voit trois cartes ? En effet, on a peur quand on entre dans l'univers des ordinateurs où les choses sont invisibles. Il est vrai qu'il faudrait du temps, mais au moins pour la protection des informations privées, comme on vient de le dire, les cartes multiservices sont dotées de puces complètement indépendantes les unes des autres. Et les logiciels internes ne peuvent être modifiés. Ce n'est pas du tout comme Windows ou d'autres ordinateurs. Ils sont complètement intégrés dans le read-only memory .

La France coopère pour la sécurité de ces logiciels, et nous sommes tout à fait conformes à la norme de sécurité internationale, ce qui signifie que notre norme est certifiée par un tiers. Et pour les puces également, il est nécessaire aussi d'avoir la certification du tiers. En France, malheureusement, il paraît que la sécurité des cartes bancaires a été violée, et cela nous a beaucoup stimulés. Maintenant la sécurité de nos cartes est d'un niveau élevé, et les progrès des NTIC en quelques années ont été très importants, vous le savez. Avec les prévisions que l'on peut faire actuellement, je sais qu'il n'est pas correct de prévoir l'avenir avec les éléments actuels.

Enfin pour la protection des informations privés, nous sommes en train au Japon d'élaborer un cadre législatif, je fais partie de la commission de réflexion. Pour ce qui est des cartes, le président a dit qu'il était interdit de croiser les bases de données pour la protection des informations privées et je suis d'accord. Pourtant je soutiens les cartes, parce que comme je l'ai dit tout à l'heure, les puces sont complètement distinctes. Il y a simplement plusieurs puces sur une même carte, mais elles ne sont pas reliées entre elles, car il est impossible de les relier. Alors on pourrait avoir des cartes avec un seul objectif. Mais pour garantir la sécurité d'Internet, le CPU de huit octets ne suffit pas. De plus, il faut le random access memory pour augmenter la vitesse et il faut une autre fonction pour la signature électronique. Et si ces fonctions n'existent pas, on ne peut pas garantir la sécurité d'Internet et donc dans ce cas-là, autant ne rien faire. Comme la taille de la puce dépend de la taille du silice, augmenter un petit peu la mémoire n'influe pas beaucoup sur le prix. Par contre utiliser tout un trousseau de clés pour un but, c'est vraiment trop cher. Pour éviter des investissements doubles ou triples, le gouvernement japonais veut une coopération. Du point de vue de la protection des informations privées, comme les puces sont distinctes à l'intérieur sans relier les bases de données, on peut librement bénéficier de services, et je crois que c'est une solution beaucoup plus réaliste même du point de vue de la protection des informations privées.

M. Bellanger

Merci. Monsieur Hirokawa ?

M. Hirokawa

J'aurai deux points à noter. D'abord on nous disait tout à l'heure que notre portail allait un petit peu trop loin. Ce qu'il faut bien dire, c'est que tout cela dépend des désirs du titulaire de la carte, et que l'accès est réservé au titulaire, l'époux ou l'épouse du titulaire ne peut pas avoir accès à ces informations. Et comme il s'agit des désirs du titulaire bien entendu, il peut se rendre à l'hôtel de ville. Bien entendu il y des gens qui sont trop occupés et qui peuvent préférer ce mode d'accès. Donc, comme le disait le professeur Ohyama, ces clés permettent une authentification précise et ne permettent pas l'accès à d'autres personnes. Du côté de l'hôtel de ville, on ne va pas donner l'accès à l'ensemble des informations à l'ensemble des administrés.

En ce qui concerne maintenant le taux de diffusion d'Internet, auquel on a fait allusion, je le disais déjà tout à l'heure, avec une multiplication des contenus supplémentaires, je crois que la diffusion ne se fera pas attendre. C'est-à-dire que, tout comme dans le cas des téléphones mobiles au Japon, nous avons la possibilité d'accéder à Internet par le biais d'un téléphone mobile, c'est-à-dire le i-mode, qui s'est beaucoup développé. Et beaucoup de gens l'utilisent. C'est un peu comme la télévision. À partir du moment où les programmes sont devenus intéressants, tout le monde a commencé à s'intéresser à la télévision. Je crois c'est la même chose pour Internet et pour le reste. Plus il y aura de services intéressants, plus il y aura une augmentation de la diffusion et du nombre de transactions. Il y a aussi la question du prix qui obère la diffusion. Comme on l'a expliqué à maintes reprises, pour diffuser Internet jusque dans l'ensemble des ménages, il faudrait des budgets dont les décisions lient les pouvoirs publics et les collectivités. La question a été aussi posée de savoir s'il faut un multiservice ou un monoservice, moi je crois que les deux sont nécessaires. Je crois que les informations fournies par les municipalités ne sont pas suffisantes actuellement. Tout ça dépend de l'optique et des politiques suivies par les collectivités locales.

Supposons que 60 % de la population de Yokosuka puissent effectuer leurs procédures par Internet. Cela permettrait à la municipalité une économie de quelque 200 millions de yens par an. Comment est-ce qu'on aboutit à ce résultat ? Pour aller jusqu'à l'annexe de l'hôtel de ville la plus proche, il faut au moins une heure aller-retour. Il faut aussi dépenser de l'argent pour prendre les transports publics, ce qui représente un manque à gagner. Pendant le temps qu'on a consacré pour aller à l'hôtel de ville, on aurait pu travailler et gagner de l'argent. Et à Yokosuka, contrairement à Paris, le tarif des transports en commun varie selon la distance parcourue. Donc si on habite loin, il faut payer une jolie somme et effectivement il y a des gens pour qui se rendre à l'hôtel de ville coûte trop cher. Si on prend en compte ce manque à gagner, on s'aperçoit que l'on aboutit à des économies de l'ordre de 200 millions de yens. C'est pourquoi nous pensons que c'est un chantier qui doit être mis en place, et nous comptons nous y employer.

M. Jamin, vice-président Europe de elections.com

Je fais en fait la dernière présentation d'une application qui pourrait faire partie de ces applications dans le cadre des cartes multiservices sécurisées pour le citoyen, et qui est une application qui peut permettre de répondre à une des questions dont on a parlé tout à l'heure, qui est ce problème d'évolution entre ce web vitrine, ce qu'on appelait techniquement le web publishing et le web interactif où l'on demande au citoyen non seulement de questionner mais aussi de prendre des décisions par rapport à ce qui lui a été présenté. Et c'est donc le vote par Internet, qui a été l'occasion de plusieurs tests et de plusieurs réalisations en France dans les collectivités locales.

Effectivement le vote par Internet a été introduit, il y a quelques années déjà dans les assemblées générales d'actionnaires. Il a été introduit beaucoup plus récemment pour le vote dit public « politique », avec les avantages qu'il a pu apporter déjà dans le secteur privé à savoir résoudre un problème de participation : de moins en moins de gens votent aujourd'hui. Et on le voit dans tous les pourcentages d'abstention qui augmentent énormément. Un autre problème est de réduire la fraude. Effectivement l'utilisation du média électronique permet de réduire un certain nombre d'erreurs, qui peuvent être des erreurs de manipulation, volontaires ou involontaires. Et enfin un dernier problème, qui pourrait être de réduire les coûts, tout en augmentant la participation, d'augmenter l'efficacité du vote.

On a fait un parallèle tout à l'heure avec le web vitrine et je dis qu'effectivement on voit aujourd'hui dans les collectivités locales se développer la même problématique que l'on a vu se développer dans le e-commerce, il y a quelques années à savoir que l'on va évoluer de plus en plus du « web vitrine » vers le web interactif, et je ne pense pas qu'il y ait une culture anglaise, une culture française, une culture japonaise, etc. en la matière. Chacun avance à la vitesse à laquelle il avance dans le monde des nouvelles technologies et il faut savoir simplement que le web supprime des intermédiaires, qui vont permettre de visualiser plus rapidement une information et un contenu. Il va supprimer des intermédiaires, ce qui va permettre d'agir par rapport à ce contenu, voire donc de prendre des décisions et de voter.

Un petit sondage de plus : les gens sont foncièrement pour le vote par Internet, 70-80 %, et c'est ce qu'on a pu constater dans tous les pilotes que l'on a pu réaliser ou les expériences. Nous avons effectivement réalisé une expérience pour le référendum du 24 septembre 2000 à Brest notamment dans un bureau de vote pour les personnes âgées et nous avons vu qu'un certain nombre de ces personnes qui n'avaient jamais utilisé l'Internet ont trouvé dans l'usage de l'Internet un moyen tout à fait intéressant pour voter, notamment parce qu'un certain nombre de ces personnes avaient des amis qui n'avaient pas pu aller voter, car incapables de se déplacer. Nous avons ensuite réalisé une autre expérience à Voisins-le-Bretonneux pour les municipales et les cantonales le 11 mars 2001. Et là encore, le sentiment de la population qui a participé à cette expérience a été tout à fait positif et pourrait encourager la mise en place du vote à distance et du vote de chez soi, puisque cela été d'ailleurs la grande conclusion de la plupart des gens qui sont venus voter par Internet. Et puis récemment pour Issy-les-Moulineaux nous avons pu faire la première élection réelle, qui n'a pas été une élection en double comme cela a été le cas dans le cadre des municipales, c'est une élection qui a été faite pour le conseil économique et social de la ville d'Issy-les-Moulineaux, et bien que cela ait été la première fois qu'Internet ait été proposé comme moyen de vote, et bien que les gens aient pu aussi voter en papier, ils ont choisi à 90 % de voter par Internet, ce qui a été extrêmement positif bien évidemment pour la commune.

L'Internet pénètre effectivement dans la politique, notamment par les sites de campagnes, voici quelques exemples de sites qui sont apparus lors des présidentielles aux États-Unis et on va voir effectivement la même chose apparaître dans les sites de campagne pour les prochaines présidentielles avec de plus en plus d'interactivité et de moins en moins de sites vitrine pour attirer le citoyen vers les messages politiques.

La première expérience du vote par Internet, c'est maintenant un peu de l'histoire, c'était en mars 2000, et c'était la première élection publique politique qui avait eu lieu sur le web, elle avait eu lieu dans l'Arizona pour les primaires américaines, et si vous pouvez voir les chiffres qui sont sur ce tableau, je sais que ce n'est pas évident, mais enfin on voit les tranches d'âge qui partent de 18 ans et qui vont jusqu'à 60 ans, c'est plus de 60 % des gens qui ont voté par Internet, qui ont utilisé ce système de vote, bien que tous les autres systèmes de vote leur aient été proposés, que ce soit d'aller au bureau de vote ou de voter de chez soi par correspondance.

Le vote par Internet c'est aussi pouvoir s'enregistrer en ligne et là encore répondre au problème de déficit d'enregistrement sur les listes électorales, notamment dans les pays comme le nôtre où l'enregistrement - même si pour les jeunes, il est plus ou moins obligatoire maintenant - n'est pas automatique. L'approche sécurité est bien évidemment très importante dans le cadre du vote par Internet et si on veut la considérer comme une de ces applications qu'on pourrait avoir sur ces cartes du citoyen multiservice, elle devra répondre à tous les problèmes de confidentialité du vote, et notamment que personne ne doit être capable de savoir pour qui vous avez voté, tout en authentifiant formellement la personne. Là encore, les solutions technologiques que l'on a évoquées, notamment dans les précédentes expériences japonaises, pourraient être particulièrement utiles, à savoir le développement de ce que l'on appelle les infrastructures à clés publiques, et de signatures fortes. C'est ce qui permettrait aussi bien évidemment de crypter, de garantir l'intégrité, la non-répudiation du vote. Aujourd'hui c'est possible par ce que l'on appelle l'utilisation de codes statiques, c'est-à-dire des mots de passe avec des codes identifiants comme on le fait dans le cadre de la carte bancaire.

Comment se passe le vote ? Vous voyez que les gens reçoivent des codes, soit sous la forme de mot de passe, soit sous la forme de carte électronique, vont sur leur écran Internet, votent sur une urne à travers des sessions chiffrées, et il y a séparation, au moment où vous arrivez sur le site web du vote entre votre identification, et le résultat du vote de manière à ce que, à aucun moment on puisse voir quel a été le vote que vous avez passé après vous être identifié. Un système de vote par Internet, c'est un système qui permettrait de rendre interactif cet accès au web mais aussi un système qui utilise tous les environnements qui vous permettent de voter, à savoir Internet, le téléphone, la télévision interactive, les Palm Pilot, etc. tout en préservant la possibilité de se synchroniser avec le vote papier, puisqu'il est hors de question de remplacer un système par un autre, mais de le compléter.

Donc le vote par Internet, c'est aussi ça, c'est aussi de permettre à des gens qui n'avaient jamais voté jusqu'à présent de pouvoir voter, des gens qui sont obligés de voter par procuration de façon systématique, des gens handicapés, notamment comme cela a été le cas pour ce handicapé lors de la primaire américaine que nous avions réalisée, c'est la première fois qu'il votait pour une élection, il était incapable d'aller à un bureau de vote jusqu'à présent ou alors de permettre aux aveugles de voter à travers des systèmes Braille de reconnaissance sur Internet. Donc l'Internet, c'est effectivement une façon de rendre le vote beaucoup plus accessible, de résoudre un certain nombre de problèmes. Offrir le vote sur Internet dans les collectivités locales comme on a pu le faire jusqu'à présent - on va encore faire des pilotes pour les élections présidentielles, avec un certain nombre de collectivités locales qui sont un petit peu en avance par rapport aux autres -, c'est de rendre le web beaucoup plus interactif, beaucoup plus dirigé vers le citoyen, et vers ce que j'appellerai la e-citoyenneté. Je vous remercie.

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