POLITIQUES DU PATRIMOINE, DU MONDIAL AU LOCAL



Actes des colloques organisés au Sénat sous le Haut patronage de Christian Poncelet, Président du Sénat (2002 / 2003)

III. LE PATRIMOINE, TRAIT D'UNION ENTRE VILLES ET TERRITOIRES

A. LE PUY-EN-VELAY, PAR MARCEL SCHOTT, PRÉSIDENT DE LA COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATIONS DU PUY-EN-VELAY, ET PAR ARLETTE ARNAUD-LANDAU, MAIRE DU PUY-EN-VELAY, MEMBRE DE LA COMMISSION NATIONALE SUR LES SECTEURS SAUVEGARDÉS

Marcel Schott, Président de la communauté d'agglomérations du Puy-en-Velay

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs, nous allons essayer de tenir l'horaire, bien que nous soyons deux à intervenir.

Issue des élections de 2001 l'équipe de l'agglomération du Puy-en-Velay est toute nouvelle. En écoutant vos interventions, nous avons l'impression d'être un peu isolés, enclavés. Pour nous, la situation n'est pas aussi consensuelle que celles dont vous nous parlez depuis ce matin. Malgré la richesse du patrimoine en Haute-Loire, la communauté d'agglomérations que nous avons essayé de mettre en n'est pas encore signée. Le Président de la région n'y est pas favorable.

On nous reproche aussi de privilégier la culture et le patrimoine, au détriment de l'économie. Notre projet de contrat d'agglomération a pourtant comme objectif l'attractivité de la région. Aussi, s'est-il entièrement consacré à la valorisation et à la promotion du patrimoine, afin de maintenir des activités et attirer de nouvelles populations. Toutefois l'actualité semble indiquer l'inverse et l'ouverture du territoire, tend à favoriser une fuite de la population vers la région Auvergne ou vers la région Rhône-Alpes. Cette ambition culturelle et patrimoniale passe notamment par une remise à niveau des équipements. Le théâtre municipal, l'école nationale de musique et de danse, le musée, ont fait ou font l'objet de rénovation dont les coûts dépassent souvent les moyens de notre petite communauté d'agglomérations.

Enfin pour consolider une identité qui la rendrait plus attractive, la communauté souhaiterait devenir pays d'art et d'histoire. Le développement touristique, la mise en place de pôles d'accueil, le renouvellement des outils de communication sont autant d'instruments que nous voulons mettre au service de cette ambition. La promotion de produits en relation avec le patrimoine dans son acception la plus large comme la dentelle ou la lentille verte du Puy 18 ( * ) s'inscrit dans cette dynamique.

Arlette Arnaud-Landau, Maire du Puy-en-Velay

Le Puy a un secteur sauvegardé de 35 ha. Elle comporte 75 monuments classés, avec la cathédrale classée patrimoine mondial de l'UNESCO. La ville a perdu un quart de sa population en 25 ans. Le centre ville et son parc d'habitations, en très mauvais état et qui n'ont pas su évoluer, sont à l'origine de cette déperdition. Ce secteur sauvegardé se caractérise aussi par sa population à la fois vieillissante et en grande précarité.

Malgré l'ensemble des actions réalisées, les dysfonctionnements propres à cette configuration existent encore et il convenait de les réduire. Nous avons alors eu recours à un compositeur urbain nous a permis de faire un diagnostic complet et détaillé - dysfonctionnements, atouts, évaluation des aides possibles, objectifs. Puis, un programme de revitalisation globale de la ville a été lancé. Nous avons eu recours à tout un ensemble d'outils opérationnels, en ce moment même la révision du plan de secteur sauvegardé.

Quelques grandes orientations peuvent ici être retenues :

Comment créer les conditions d'une mixité sociale et d'un renouvellement de la population ? Un des objectifs prioritaires est l'accueil des familles, ce qui implique de favoriser les grands logements et les logements conventionnés. La réponse consiste en partie à la nécessité d'adapter les logements anciens à cette nouvelle configuration sociale 19 ( * ) tout en proposant des services de proximité. Ce programme se fixe donc aussi comme ambition de lutter contre la vacance des logements et contre et l'insalubrité. Ces initiatives devraient permettre la réalisation des curetages prévus dans le plan de sauvegarde et sans lesquels les programmes de réhabilitation de logements n'ont pas de sens.

Comment requalifier les espaces publics pour les habitants ? En partie par la mise en place de rues piétonnes jusque-là inexistantes.

Comment changer la perception de ces espaces et de ces rues dont l'image s'est dégradée ? Par la mise en oeuvre de vastes campagnes de ravalement de façades qui ont déjà profité à 400 maisons.

La communauté d'agglomérations travaille également sur un schéma de développement commercial pour développer l'implantation des commerces du centre ville et maintenir la fréquentation.

Dans cette optique, une galerie commerciale à ciel ouvert est en chantier. Le FISAC a été associé à ce schéma de développement. Une signature de convention de développement culturel avec l'état porte sur la rénovation du théâtre à l'italienne, situé au centre ville. En 2005, nous comptons l'ouvrir comme scène conventionnée. Cette convention concerne aussi le musée Crozatier. Bien que détenant le patrimoine de toute une région, il comporte des salles sans électricité et sans chauffage. Ce musée n'est pas à l'échelle d'une commune, ni même à celle d'une communauté d`agglomérations. Il a une dimension départementale. Si la communauté d'agglomérations veut travailler au-delà de la seule programmation actuellement à l'étude, elle doit trouver d'autres partenaires.

Je voudrais rajouter que ces échanges nous apportent beaucoup. Je souhaite aussi participer à ces ateliers que vous nous avez proposés.

B. DISCUSSION AVEC LA SALLE

Dominique Masson, Responsable du bureau des secteurs sauvegardés

Les difficultés rencontrées avec certains plans de sauvegarde et de mise en valeur sont dues au fait que beaucoup de leurs concepteurs avaient choisi d'aborder le patrimoine du seul point de vue de son histoire. Du coup, ni la dimension socio-économique, ni celle de la relation du bâtiment à la ville et à son développement ni l'éventualité d'une déshérence n'était prise en compte. C'est donc un problème de parti pris et non de cohérence qui est à l'origine de la nécessité de revoir certains d'entre eux.

Yvan Houssard, Directeur de la Société d'encouragement aux métiers d'art

Pour l'ensemble des questions économiques qui sont liées au développement des métiers d'art et de l'artisanat qui sont une des forces vives du patrimoine, nous sommes prêts à vous apporter appui et conseil dans la mesure de nos compétences.

Marcel Schott, Président de la communauté d'agglomérations du Puy-en-Velay

Lors des ateliers qui seront mis en place, il sera essentiel de montrer que la relation qui existe entre le patrimoine et la culture d'une part et le tourisme d'autre part, tout en étant réelle, n'en est pas pour autant nécessaire.

On entend souvent dire que l'économie est la première compétence de la communauté d'agglomérations. Encore faut-il savoir quel sens on donne à ce mot. D'après la loi l'économie dont il s'agit, renvoie aux zones artisanales ou commerciales n'ayant rien à voir avec le patrimoine ou la culture. Un vrai projet de développement de territoire comme le nôtre peut donc se faire sans rapport avec ce type d'économie. Les investissements engagés dans la restauration de certains monuments et les retombées économiques que ces investissements peuvent avoir, ne sont pas toujours bien perçus par les petites communes, étant donné leurs petits budgets.

L'Association Nationale pourrait se charger d'expliquer à ces communes rurales le rôle et la réalité concrète de la culture, du tourisme et du patrimoine comme étant aujourd'hui un incontournable moteur du développement économique.

Jean-Michel Marchand, Maire de Saumur

Comme la nôtre, votre communauté d'agglomérations est atypique parce qu'elle est plus rurale qu'urbaine.

Je relève aussi cette phrase : plan de sauvegarde en adéquation avec les besoins modernes des habitants. Il ne s'agit de sanctuariser les espaces, ce qui était un peu le cas jusqu'à maintenant. En ce moment, nous nous battons contre l'interdiction pour les cafetiers d'avoir la terrasse qu'ils demandent sur une place semi-piétonne en tufeau. La solution serait un aménagement global de l'espace dans lequel les installations proposées respecteraient la qualité de la pierre.

Yves Dauge, Sénateur d'Indre et Loire

La commission nationale des secteurs sauvegardés est porteuse de cette vision. Le passage du tramway dans le secteur sauvegardé de Bordeaux est l'occasion de faire évoluer ce secteur. La règle n'est pas là pour être un obstacle inconditionnel à l'évolution. Elle est là pour l'accompagner.

Au regard de ces deux situations inégales, Saumur et Bordeaux, se pose la question de savoir comment éviter cette inégalité dans le traitement des secteurs sauvegardés ? Comment traiter la diversité stratégique et notamment mieux répondre aux enjeux sociaux issus des profonds déséquilibres des populations ?

Il est vrai que toutes les villes ont perdu de la population en centre ville. Certaines d'entre elles en ont perdu beaucoup comme le Puy. La ville de Bayonne, quant à elle, est parvenue à reconquérir une partie de sa population en centre ville grâce à une politique très dynamique du logement menée avec les offices HLM. Dans cette politique, la surcharge foncière est prise en charge par la communauté d'agglomérations.

Jean-Marie Vincent, Inspecteur de l'architecture et du patrimoine

Depuis quelque temps, on parvient à sortir de ce débat binaire suivant lequel, soit on aménage sans tenir compte du patrimoine, soit on préserve le patrimoine en interdisant tout aménagement. La démarche de l`Association Nationale est appréciable car elle part du patrimoine et de ses qualités pour bâtir le projet. L'aménagement s'appuie sur le patrimoine et respecte ses spécificités.

Yves Dauge, Sénateur d'Indre et Loire

La restauration du théâtre du Puy ne pourra pas se faire sans un partenariat solide avec la région et/ou le département ainsi que l'État. Les communautés qui sont prises dans cette fracture ville/campagne ou périphérie/centre n'en sortiront qu'avec l'aide une autorité partenaire qui puisse assurer la transition.

Arlette Arnaud-Landau, Maire du Puy-en-Velay

Je voudrais souligner que sans l'aide de tous les partenaires de l'État, jamais cette convention développement culturel avec le Ministère de la culture n'aurait pu être établie en une seule année.

Yves Dauge, Sénateur d'Indre et Loire

La ville de Thiers, secteur sauvegardé est dans une situation critique et se trouve un peu isolée tant géographiquement qu'institutionnellement. Le rôle de notre Association Nationale serait d'aider à rompre l'isolement par le biais de son intégration au réseau.

Jean-Michel Galley, Chargé de mission de l'Association Nationale des villes d'art et d'histoire et des villes à secteur sauvegardé

Que penseriez-vous de transférer à la communauté d'agglomérations le cloître géré par le centre des monuments nationaux ? Ne serait-ce pas le moyen d'assurer une cohérence autour de la cité épiscopale et du coup de contribuer à l'attractivité que vous recherchez ?

Arlette Arnaud-Landau, Maire du Puy-en-Velay

Nous avons déjà du mal à financer le patrimoine dont nous avons la charge. Je changerais plutôt la loi sur les affectataires.

Marcel Schott, Président de la communauté d'agglomérations du Puy-en-Velay

Le transfert cloître est une question délicate. Il permettrait peut-être d'uniformiser la démarche de promotion de visite. Mais il fait partie de la cathédrale, toujours affectée au culte. Le changement de propriété ne fera pas disparaître les difficultés inhérentes aux affectataires.

Yves Dauge, Sénateur d'Indre-et-Loire

Merci infiniment. Il nous reste deux interventions. À leur issue, Dominique Tremblay parlera de la mission Val de Loire et Yvan Houssard présentera la Société d'encouragement aux métiers d'art.

C. LECTOURE, PAR GÉRARD DUCLOS, MAIRE DE LECTOURE

Merci Monsieur le Président. Pour situer la géographie de Lectoure, imaginez que la ville correspond à un point qui se trouve au milieu d'une ligne que vous tracez entre Bordeaux et Perpignan. Entre Atlantique et Méditerranée, c'est une ville d'art qui veut devenir ville d'art et d'histoire puis, leader d'un pays d'art et d'histoire. Nous sommes heureux de sortir de notre isolement et de découvrir que nous pouvons partager nos préoccupations.

Lectoure est situé sur un piton rocheux. Elle conserve des remparts autour de la ville, un musée archéologique installé dans un palais épiscopal et qui présente une collection d'autels tauroboliques du II e et III e siècles, la deuxième après Rome, la cathédrale Saint-Gervais, la Tour du Bourreau, une fontaine du XIII e siècle, des couvents, des hôtels particuliers. On y trouve aussi des monuments non protégés comme une église d'origine pré-romane, un site de nécropole, une ancienne tannerie royale du XVIII e siècle. Depuis 1989, je travaille sur la construction d'un centre thermal et de remise en forme. Il a été installé dans un hôtel du XVIII e siècle et va bientôt ouvrir ses portes. Lectoure est aussi une étape sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Une partie de ce tronçon est classé au patrimoine mondial de l'UNESCO. La commune s'est engagée sur l'inventaire, la restauration et la mise en valeur de documents rares et précieux. Nous sommes l'un des quatre centres nationaux français de photographie et le seul en milieu rural.

De nombreuses associations sont à l'origine de projets innovants et de qualité. Afin d'assurer une bonne gestion de ce patrimoine, nous sommes engagés dans une procédure de ZPPAUP, concentrée sur la ville et ses abords, en substitution d'une ZIG 20 ( * ) . Gilles Sérafin, architecte conseil des ateliers du patrimoine de Cahors, suit cette étude. Les possibilités d'un développement urbain cohérent pour l'accueil de nouveaux actifs et les curistes attendus, sont envisagées à travers une procédure de PLU 21 ( * ) en cours. L'éboulement récent d'une partie des remparts a incité la ville à mener des études historiques topographiques et patrimoniales, afin d'en étudier l'origine. Notre but est de procéder à une restauration qui respecterait l'architecture d'origine. L'Europe prendra en charge à hauteur de 50 %, le coût de ces travaux, soit 89830 euros hors taxes. Une partie du budget est aussi réservée au fleurissement de la commune.

Le manque de moyens compromet la réalisation de tous ces projets, d'autant plus que nous sommes dépendants d'un certain nombre de contraintes de différents ordres :

La situation géographique qui rend difficile le développement urbain et les retombées économiques qui l'accompagnent.

Le suivi obligatoire par un ABF 22 ( * ) de la rénovation des façades engendre des surcoûts.

Lectoure, en tant que chef lieu de canton se substitue aux autres communes pour bon nombre d'équipements alors que les taux sont plus élevés en ville que sur les petits villages.

Du fait d'un petit nombre d'habitants 23 ( * ) , les ressources de la commune sont faibles.

Dans un tel contexte, comment organiser des liens avec la métropole régionale, les villes moyennes et les communes rurales ?

Le Pays Portes de Gascogne regroupe 159 communes et 53 241 habitants et 10 communautés de communes. La charte de développement durable, après diagnostic, définit deux axes, l'accueil de populations nouvelles et la préservation du cadre de vie. Un projet de territoire envisage une forme de jumelage culturel entre Lectoure et Fleurance, ainsi que la labellisation « pays d'art et d'histoire ».

Nos axes de travail et de recherche sont les suivants :

Inventaire des sites archéologiques et du patrimoine,

Reconstitutions historiques,

Mises en place d'animations passant par la mise en place d'une vitrine ouverte sur l'espace publique et le recrutement d'animateurs,

Promotion, diffusion et information,

Identification des savoir-faire locaux spécialisés dans la rénovation du bâti ancien,

Étude des possibilités de mutualisation des moyens,

Création d'un PEP créateur d'emploi

Et création d'un établissement public de coopération culturelle (à l'étude).

Mais 52 communes sur les 159 ne sont pas membres de la structure de coopération intercommunale. Les priorités de la commune et celles de la communauté de commune sont divergentes.

Notre communauté de communes a donné la priorité au développement économique avec un volet touristique. Les initiatives telles que la contribution au développement et à la mise en réseau des offices de tourisme sur des projets d'intérêt communautaire, l'accompagnement au thermalisme, le tourisme culturel ou scientifique, la contribution au développement des capacités d'hébergement touristique et à leur mise en réseau, la signalisation, ont alors été mises en oeuvre. La commune, quant à elle, se préoccupe avant tout de financer la restauration et la valorisation de son patrimoine puisqu'il constitue sa ressource principale. Or la communauté de communes n'ayant pas les mêmes intérêts, elle a refusé de participer au financement de la reconstruction des remparts.

En conséquence, la commune cherche elle-même les financements extérieurs pour réaliser ce type d'opérations qui auraient du être validé par le pays. Et là, la commune qui est partie prenante et qui souhaite bien sûr être un leader de ce pays, veut quand même garder sa compétence en matière culturelle parce que son patrimoine constitue son identité. Est-ce de la schizophrénie ?

En conclusion, le patrimoine est l'expression de nos racines. Il peut être un trait d'union entre nos villes, entre pays et générations, à condition que nous soyons solidaires dans sa préservation.

D. DISCUSSION AVEC LA SALLE

Yves Dauge, Sénateur d'Indre-et-Loire

Dans les interventions, je sens beaucoup de professionnalisme mais aussi beaucoup de sentiments, ce qui donne de la force à cette réunion.

Dominique Masson, Responsable du bureau des secteurs sauvegardés

Comment parvenez-vous à garantir une protection des intérieurs, votre patrimoine n'étant pas tout en extérieur ?

Gérard Duclos, Maire de Lectoure

Dernièrement, j'ai eu l'occasion de rentrer à l'intérieur de maisons dont les fenêtres à meneaux étaient bardées de béton. Nous avons des actions à mener dans ce domaine. Certains chantiers en cours permettront peut-être, avec l'arbitrage d'experts et l'autorité de l'ABF, de remédier à ce type de déprédation.

Dominique Masson, Responsable du bureau des secteurs sauvegardés

Le patrimoine n'est pas qu'une façade, c'est un tout. Cette préoccupation est aussi celle des secteurs sauvegardés. Par ailleurs, la gestion des intérieurs a été partiellement et indirectement réintroduite dans la ZPPAUP, via la restauration immobilière et grâce à la fiscalité Malraux. Dans un tel contexte, celle-ci nécessite la création de périmètres de restauration immobilière, avec à la clé, des déclarations d'utilité publique de travaux de restauration. C'est ainsi qu'on peut avoir un petit droit de regard indirect sur les intérieurs. L'ANAH peut aussi être partenaire sur ce type de préoccupations. Quand il s'agit d'encourager l'intervention privée, nous avons une politique de coopération qui porte essentiellement sur le secteur sauvegardé. Elle porte aussi sur les ZPPAUP, et parfois, sur les abords des monuments historiques. Nous privilégions ensemble les déplafonnements de subvention de l'ANAH pour des travaux d'intérêt architectural.

Yves Dauge, Sénateur d'Indre-et-Loire

La remise aux normes est parfois douloureuse quand elle ambitionne de remettre la ville à neuf. Je demande aux architectes des Bâtiments de France de laisser de la patine, un peu de poésie sur nos murs et nos façades. Le changement complet de tufeau à Chinon relève du même abus de remise à neuf. La ville a perdu beaucoup de son âme, sans compter les coûts qu'une telle radicalisation engendre.

Jackie Cruchon, Directeur de l'urbanisme de la ville de Bayonne

Merci à Dominique pour ses propos.

Les déplafonnements des subventions ANAH marchent très bien, mais supposent des études. Il faut accéder à l'intérieur des immeubles, réaliser des inventaires, etc. Leur efficacité repose aussi sur un dialogue préalable tripartite entre l'ANAH, les collectivités et les architectes des Bâtiments de France. Les DUP 24 ( * ) peuvent être, certes, le prétexte d'un droit de regard sur les intérieurs. Étant pour la plupart du temps vide de contenu, la protection des intérieurs pourrait y apparaître clairement. Cette mention légitimerait l'intervention du prescripteur et constituerait un fonds commun pour les actions sur cette question. Il est tout aussi urgent d'établir une vraie conformité sur les autorisations de travaux en matière de secteur sauvegardé et de défiscalisation.

Yves Dauge, Sénateur d'Indre-et-Loire

Notre ami maire de Pézenas va prendre la parole. Puis, nous entendrons Bruno Monnier qui dirige Culture Espace, une structure très intéressante qui mène un travail remarquable dans la gestion du patrimoine. Pour finir, Dominique Tremblay et Yvan Houssard interviendront.

E. PÉZENAS, PAR ALAIN VOGEL-SINGER, MAIRE DE PÉZENAS, TRÉSORIER DE LA SOCIÉTÉ D'ENCOURAGEMENT AUX MÉTIERS D'ART

Pézenas compte 8000 habitants. Ce nombre n'a pas changé depuis 1789. Son secteur sauvegardé qui compte 17 hectares a permis la préservation de son patrimoine dans une perspective qui épouse non seulement le bâti et ses fonctions les plus courantes, logement, équipements et services, loisirs et culture, mais au-delà dans une vision très vivante qui est celle des métiers d'art et de l'artisanat. Ces métiers ont motivé notre adhésion à l'Archipel des Métiers d'Art, au moment de sa création par Yvan Houssard, en 1992. En conséquence c'est un patrimoine dans son sens le plus large qui a été le ciment de huit communes, constituées en communauté de communes du pays de Pézenas dés 1988. Il s'agissait donc de fédérer les initiatives du pays de Pézenas au travers du faisceau de toutes ses ressources à savoir sa qualité paysagère, ses vins, son patrimoine bâti, son patrimoine vernaculaire.

On pourrait encore dire que le cadre et la qualité de la vie sont les vrais guides du projet de la communauté de communes. Pour ce qui est du logement, nous avons lancé une opération programmée d'amélioration de l'habitat/patrimoine qui mettait en valeur les travaux d'intérêt architectural. Elle a été complétée par une action façades et une autre action de valorisation des enseignes du patrimoine en fer forgé ou en bois. En parallèle, nous n'avons pas négligé la découverte de nos espaces que ce soit par l'habitant ou le touriste, ce qui a débouché sur la mise en place d'une signalétique. C'est une forte incitation à l'appropriation par tous du patrimoine urbain.

Signalons que Pézenas, comme beaucoup de villes d'art de la première génération, n'avait pas éprouvé le besoin d'évoluer vers une ville d'art et d'histoire. En février 2002, nous sommes directement venus à la création d'un pays d'art et d'histoire dans le contexte de la communauté de communes. Du même coup, nous avons relancé une dynamique d'animation du patrimoine autour de trois thèmes : Molière et le grand siècle, le patrimoine du Pays des Causses et le patrimoine viticole des demeures et châteaux autour de la ville et dans la vallée de la Peyne. Ce fût une nouvelle occasion de décliner différents aspects du patrimoine, à travers des sujets tels que musiques et vins en pays de Pézenas.

Au-delà de ces actions, travaux et programmes, il fallait engendrer une véritable politique d'information de tous les publics. C'est ainsi que la mise en réseau de la médiathèque avec chacune des communes de la communauté, a permis la diffusion de l'ensemble des ressources liées au patrimoine, jusqu'aux espaces verts qui font aussi partie de nos sujets de travail. Toutes ces réalisations montrent l'effectivité du patrimoine comme moteur de développement. On peut toutefois regretter que l'État n'ait pas toujours relayé nos efforts pour la restauration du théâtre de Pézenas. Le spectacle n'est-il pas un excellent vecteur de vie et d'usage du patrimoine ?

Pour terminer j'insiste sur cette dynamique nécessaire à nos petites communes, celle du regroupement concret des forces vives d'un territoire. Depuis 2003, la communauté de communes du pays de Pézenas a rejoint celle des pays d'Agde pour créer l'agglomération Hérault-Méditerranée située dans la basse vallée de l'Hérault. Préoccupé par les valeurs de la méditerranée, l'ensemble des élus porte la même volonté de faire du patrimoine une valeur fédératrice. Tous souhaitent que le patrimoine soit le fondement de la politique de développement touristique de la communauté d'agglomérations. Celle-ci compte le Cap d'Agde, première station touristique de l'Europe, ce qui l'incite à s'orienter vers un tourisme plus culturel, plus patrimonial et plus chaleureux.

Je vous remercie.

F. DISCUSSION AVEC LA SALLE

Yves Dauge, Sénateur d'Indre-et-Loire et Maire de Chinon

Depuis l'ouverture, on entend des personnes motivées, porteuses de compétences et de projets dont la dimension politique est tout à fait capable de faire évoluer les choses et de provoquer une mobilisation générale Ce n'est pas le cas de certaines villes du Val-de-Loire. Je ne parle pas d'Amboise et de Richelieu, qui ont tendance à attendre que les choses se fassent toutes seules. Nous manquons de personnes aussi motivées qu'Alain Vogel-Singer ouGérard Duclos. Il faudrait mailler le territoire d'un réseau de personnes telles que celles qui interviennent depuis ce matin.

Après les interventions de Bruno Monnier, de Dominique Tremblay et de Yvan Houssard, je demanderai à Madame Yang, Directrice de projets spéciaux à l'UNESCO, de venir. Son intervention sera liée à celle de Dominique Tremblay.

Bruno Monnier, Directeur de Culture Espace

Le musée fait partie de ces nombreuses activités du patrimoine que vous avez évoquée depuis ce matin. Les types très variés des musées et monuments que notre structure gère dans la France entière nous permettent d'avoir une vision assez riche du patrimoine au sein des collectivités. Le patrimoine, on l'a bien vu, peut être autre chose qu'une charge, mais, à moyen ou long terme, un véritable atout du développement. Bon nombre d'études et d'actions de mise en valeur sur le territoire français, convergent et prouvent que, bien géré le patrimoine engendre un nombre considérable de retombées, directes, indirectes ou induites. Je citerai comme exemple Les Baux de Provence dont les recettes constituent 50 % de budget de la ville. Ce site était pourtant presque méconnu, il y a encore trente ans.

Beaucoup de communes se demandent comment rendre le patrimoine bénéficiaire. Certes il faut considérer avec attention les seuils de fréquentation, dont on peut légitimement penser que les 100 000 visiteurs par an, sont en quelque sorte un nombre plancher à la viabilité d'une gestion raisonnée. Cette ambition suppose la prise en considération d'un certain nombre d'éléments :

L'augmentation du temps libre a engendré la création d'un certain nombre d'activités qui concurrencent la simple visite d'un musée. Les parcs de loisirs, les aquariums, les loisirs liés à l'environnement ont un pouvoir d'attrait supérieur à celui du patrimoine. Le taux de fréquentation des grandes expositions ne doit pas faire illusion puisque qu'il ne concerne que 30 % du public français.

La progression de la fréquentation touristique, extérieure ou résidente, reste largement inférieure à celle du développement des projets patrimoniaux.

La visite classique offerte par le patrimoine n'est plus suffisamment attrayante pour un public habitué à la richesse des nouvelles technologies et notamment des jeux interactifs. C'est pourquoi nous avons adapté notre politique à cette évolution dans la consommation des loisirs. Les visites sont proposées toute la semaine et nous y nous insérons des technologies comme l'audio guidage dans la visite, plus adapté au rythme et à la gestion des particularités linguistiques des visiteurs individuels. Nous agrémentons le parcours de nos visites par des animations vivantes, plus efficaces dans la re-dynamisation des lieux que des équipements lourds. En fin de visite, des librairies ou une boutique sont à la disposition des visiteurs. Nous avons multiplié et diversifié les lieux de diffusion de nos dépliants et plus généralement de notre offre, car l'office du tourisme traditionnel ne suffit plus.

En conclusion, l'offre pléthorique et concurrentielle en matière de loisirs entrave ce recours au patrimoine comme outil de développement économique. La multiplication du nombre de projets, même innovants, ne résoudra pas malheureusement cette difficulté.

Yves Dauge, Sénateur d'Indre-et-Loire

L'investissement des départements doit anticiper sur la gestion et se consacrer aussi aux moyens permettant la mise en place d'une politique de proximité.

Jean Barillet, Président de l'Office de Tourisme de Richelieu

Sans une animation des monuments historiques, le public ne se déplace plus.

Florence Menard, Maire Adjointe aux affaires culturelles et au patrimoine, Thouars

Je partage cet avis sur l'importance de faire vivre le patrimoine à travers sa réutilisation au quotidien. Un château du XVII e siècle dont la propriété a été transférée au département, abrite actuellement un collège de 500 élèves. Une chapelle désacralisée accueillant des expositions d'art contemporain témoigne aussi de cette forme de réhabilitation.

Yves Dauge, Sénateur d'Indre-et-Loire et Maire de Chinon

Merci Beaucoup, Bruno Monnier. Peut-être pourrait-on disposer d'une documentation que nous distribuerons aux participants de cette réunion ?

Je souhaite que la Fondation du patrimoine, qui n'était pas prévue, vienne à la tribune et nous expose rapidement son rôle à l`égard du patrimoine.

* 18 Appellation d'origine contrôlée

* 19 Dupleix

* 20 ZIG : Zone d'intérêt général

* 21 PLU : Plan local d'urbanisme

* 22 ABF : Architecte des Bâtiments de France

* 23 4440 habitants

* 24 DUP : Déclaration d'utilité publique

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