AFFAIRES CULTURELLES

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Jeudi 14 octobre 1999

- Présidence de M. Adrien Gouteyron, président. -

PJLF pour 2000 - Audition de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie

La commission a procédé à l'audition de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur la politique de la francophonie et les crédits qui lui sont affectés dans le projet de budget.

M. Charles Josselin a fait le point sur la mise en place du nouveau dispositif de coopération au cours de l'année 1999. Il a rappelé que dès le 1er janvier dernier, la direction générale de la coopération internationale et du développement (DGCID) avait été constituée par la fusion des services de la coopération et de l'ancienne direction générale des relations scientifiques, culturelles et techniques (DGCRST). Le comité interministériel (CICID) créé à l'occasion de cette restructuration a été réuni pour fixer les contours de la nouvelle zone de solidarité prioritaire, ainsi que les modalités d'emploi de nos instruments de coopération. Enfin, la révision des statuts de l'agence française de développement (AFD) ainsi que du décret régissant le fonds d'aide à la coopération (FAC) a été lancée. Le FAC deviendra " fonds de solidarité prioritaire " le 1er janvier prochain.

Après quelques mois d'adaptation, les nouvelles structures de la coopération fonctionnent ainsi dans de bonnes conditions.

M. Charles Josselin a ensuite analysé le budget des affaires étrangères pour l'an 2000, notant qu'il marquait un coup d'arrêt à l'érosion des crédits et des effectifs du ministère. Ce budget est en augmentation pour la première fois depuis 1995 : + 0,8 %, ce qui représente un supplément de crédits de 170 millions de francs. La part du budget du ministère dans les dépenses de l'Etat reste fixée à 1,28 %.

L'harmonisation des emplois budgétaires des anciens services de la coopération avec ceux du ministère des affaires étrangères permet par ailleurs de dégager, sans création nette, 90 emplois. Ils permettront de renforcer les moyens de l'administration consulaire et aideront à compenser en partie la disparition progressive des appelés du contingent et des coopérants du service national, avant que le nouveau volontariat civil n'assure le relais de ces dispositifs.

Le projet de budget parachève enfin la fusion des moyens des deux ministères en supprimant la distinction, maintenue en 1999, dans les moyens de fonctionnement des postes, entre les services diplomatiques et les services de coopération. C'est ainsi que les crédits de fonctionnement, d'informatique et de déplacement seront regroupés en 2000 sur un chapitre unique. Cela permettra de lancer des mesures telles que la déconcentration dans les postes de la gestion des crédits de déplacement et des dépenses de location immobilière, la déconcentration de la gestion des recrutés locaux, la poursuite de l'expérimentation de la réforme des structures et des procédures comptables.

M. Charles Josselin a estimé que le projet de budget permettrait d'assumer les priorités du ministère, notamment en matière de coopération culturelle et de coopération au développement.

En ce qui concerne la coopération culturelle, il a noté que l'action audiovisuelle extérieure, qui bénéficie d'un crédit global de 1,065 milliard de francs, sera dotée de 25 millions de francs de mesures nouvelles qui financeront le plan d'amélioration des programmes de TV5. Il a aussi indiqué que la coopération culturelle, scientifique et technique disposera de moyens supplémentaires en faveur de la promotion de notre enseignement supérieur : les crédits affectés aux bourses d'excellence distribuées dans le cadre du programme Eiffel seront augmentés de 35 millions de francs, et les activités d'Edufrance seront dotées d'un montant supplémentaire de 5 millions de francs.

Les moyens consacrés à l'aide au développement seront globalement préservés. Les dotations en autorisations de programme du fonds de solidarité prioritaire, et des " dons projets " de l'AFD sont reconduites au niveau de 2,3 milliards atteints en 1999, alors que les crédits de paiement correspondants progresseront de 5 % pour s'établir à 1,89 milliard de francs.

M. Charles Josselin a conclu son exposé introductif en évoquant trois mesures nouvelles particulièrement significatives :

- le renforcement des efforts de solidarité en faveur des Français de l'étranger, avec l'augmentation de 15 millions de francs des crédits de bourse de l'AEFE ;

- l'augmentation de 4,7 millions de francs des crédits d'assistance aux Français en difficulté ;

- l'augmentation de 30 millions de francs des dotations consacrées aux contributions volontaires aux organisations internationales et l'augmentation de 6 millions de francs de l'aide humanitaire.

Un débat s'est ensuite engagé.

Mme Danièle Pourtaud s'est félicitée de l'affectation de 25 millions de francs de mesures nouvelles à TV5 pour l'amélioration de ses programmes, mais a relevé que plus de la moitié des crédits de l'action audiovisuelle extérieure -1,065 milliard de francs- bénéficiaient à RFI. Elle a demandé quelle était la répartition exacte des crédits entre les différents organismes. Elle a noté, d'autre part, le caractère stratégique du renforcement de la présence française à l'étranger grâce aux images et aux programmes de télévision en français. Elle a manifesté à cet égard le sentiment, partagé par l'ensemble des membres d'une récente mission d'information de la commission des affaires culturelles au Moyen-Orient, que le français conservait dans ces pays l'image d'une langue culturelle, pratiquée par une élite mais peu utile dans la vie quotidienne. Elle a estimé que l'effort consenti en faveur de l'enseignement du français devait être relayé par un renforcement de la présence des programmes français ou en français à la télévision, afin de freiner la régression de l'usage du français par les jeunes générations.

Elle a aussi fait état de demandes récurrentes en ce qui concerne la qualité des programmes de TV5, et d'inquiétudes relatives à la régression de l'offre gratuite de CFI. Selon certaines informations, CFI aurait diminué son offre gratuite de 50 % afin de la remplacer par une offre commerciale.

M. Jacques Legendre, rapporteur pour avis des crédits de la francophonie, s'est réjoui de la légère évolution positive du projet de budget, tout en rappelant qu'il reste loin de pouvoir répondre à la " demande de français " qui s'exprime dans le monde ; il a observé que l'important moyen d'action pour les satisfaire constitué par les volontaires du service national (VSN) est appelé à bientôt disparaître.

Qualifiant de " nébuleux " le déroulement du récent sommet de la francophonie à Moncton, il a déploré que son thème officiel, la jeunesse, n'ait guère été abordé, alors que des polémiques sur l'éventuel non-respect des droits de l'homme dans des pays de la communauté francophone ont été abusivement médiatisées.

M. Jacques Legendre s'est interrogé sur les actions qui seront entreprises jusqu'au prochain sommet, prévu dans deux ans à Beyrouth, et a rappelé que certains grands pays, comme l'Algérie, demeuraient encore à l'écart de cette communauté, essentiellement pour des raisons de politique intérieure. Il a donc souhaité que des actions significatives, mais respectueuses de la souveraineté algérienne, viennent conforter les francophones de ce pays.

Evoquant un récent déplacement au Nigéria, qui a récemment choisi le français comme deuxième langue officielle, il a estimé qu'une action globale de soutien de ce choix restait à mettre en place.

M. Jacques Legendre a enfin exprimé son inquiétude sur la viabilité de l'agence Edufrance, destinée à répondre à la demande solvable d'un grand nombre de jeunes étrangers désirant étudier en France, mais dont les interventions se font attendre.

M. Pierre Laffitte, s'appuyant sur l'exemple du consulat français de Calcutta, a souhaité que soit renforcée notre présence diplomatique en Inde. Il a par ailleurs estimé qu'Internet constituait désormais un vecteur privilégié de la diffusion de la culture et des technologies françaises, et a souhaité que des mécanismes de financement soient créés afin d'aider les multiples projets en cours d'élaboration dans ce domaine. Il a remarqué, à cet égard, que le site Internet du Louvre était parmi les plus consultés des sites francophones et a rappelé qu'une initiative étudiante était à l'origine de sa mise en place.

Mme Hélène Luc s'est félicitée de l'augmentation des crédits destinés aux bourses d'études en France, ainsi que de l'augmentation des crédits de la coopération culturelle. Elle a demandé dans quel cadre étaient affectées les bourses destinées à l'apprentissage du français à l'étranger. Elle a aussi demandé si un effort particulier était consenti en faveur de certains pays particulièrement intéressés tels que l'Algérie, le Vietnam et Madagascar.

Elle a enfin souhaité savoir quelle était la réflexion du Gouvernement sur le maintien de l'exception culturelle dans les négociations internationales.

M. Michel Dreyfus-Schmidt a demandé que la France prenne des initiatives afin qu'Israël soit reçu dans la communauté des pays francophones.

Le président Adrien Gouteyron a noté à son tour le caractère capital de l'action audiovisuelle extérieure pour la promotion de la francophonie. Il a estimé qu'un effort particulier serait justifié en faveur du Liban, compte tenu des moyens considérables dégagés pour l'enseignement du français dans ce pays. Il a noté le hiatus existant entre l'ampleur de cet effort, qui permet à 80 % des jeunes Libanais d'apprendre notre langue, et le fait que les mêmes jeunes perdent après leurs études l'usage du français, qu'ils n'ont plus l'occasion de parler. La présence d'une chaîne francophone forte au Liban serait un moyen de favoriser la vitalité de la francophonie au-delà de la période scolaire.

Il a aussi relevé que des pays comme la Syrie et la Jordanie mettaient en ce moment en place l'enseignement obligatoire d'une seconde langue vivante, et a estimé qu'il était nécessaire de saisir cette chance de promotion du français dans ces pays essentiellement anglophones.

M. Charles Josselin a présenté les réponses suivantes :

- en ce qui concerne le Liban, la présence culturelle de la France est effectivement importante, et les Libanais souhaitent qu'elle soit mieux structurée. Une rencontre récente avec le ministre libanais de la culture a mis en lumière le souhait de nos partenaires que des professeurs libanais d'anglais soient formés en français à Paris. Cet exemple démontre la possibilité de passer par l'anglais pour promouvoir le français.

Le Liban sera le siège du prochain sommet francophone. Ceci pourrait permettre de faire évoluer les esprits en ce qui concerne la participation d'Israël à la francophonie, résultat qui ne saurait cependant être atteint sans que l'évolution de la politique israélienne ne se poursuive dans la bonne direction ;

- RFI reçoit 452 millions de francs de crédits, dont 20 millions de francs de mesures nouvelles afin de développer sa présence dans les Balkans. En ce qui concerne la connotation élitiste du français, il est vrai que les nouvelles techniques de la communication impliquent souvent l'usage de l'anglais. Il est aussi vrai qu'il existe un snobisme de l'anglais. On peut regretter, à cet égard, qu'un pays francophone comme la Roumanie s'exprime en anglais à la tribune des Nations unies. Comment infléchir cette situation ? L'installation d'une entreprise dans une capitale est, à titre d'exemple, une occasion importante d'encourager l'usage du français. L'existence d'un contenu économique est particulièrement propice à la francophonie ;

- en ce qui concerne la qualité des programmes de TV5, le président Jean Stock met en oeuvre une réforme qui devrait améliorer la situation. Des problèmes demeurent. C'est ainsi que TV5 Canada, qui détermine les programmes diffusés par TV5 Etats-Unis, a une image vieillotte. TV5 Etats-Unis n'a ainsi conquis que quelque 3.000 abonnés. Si le marché des Etats-Unis est extrêmement concurrentiel et difficile pour l'audiovisuel français, en revanche l'Amérique latine, dont TV5 Canada contrôle aussi les programmes, est un marché plutôt favorable que nous risquons de perdre si l'image de la chaîne reste négative. Ce dossier devra être réglé dans un délai de 6 mois. En cas de confirmation des difficultés actuelles, une des solutions avancées est la mise en place d'une chaîne française d'information continue.

Les crédits et la zone d'intervention de CFI restent inchangés. Il conviendra donc de vérifier l'information selon laquelle l'offre gratuite de programme serait en diminution sensible. En ce qui concerne la capacité des télévisions partenaires d'acheter des programmes français, il convient simplement d'observer que l'achat de séries américaines ne semble guère leur poser de problèmes.

Le ministre a également précisé que :

- le prochain sommet de la francophonie, qui se réunira dans deux ans à Beyrouth, sera sans doute l'occasion d'examiner la candidature d'Israël ;

- au Cambodge, le français est particulièrement utilisé dans le secteur médical, qu'il conviendra de continuer à soutenir après la disparition des VSN ;

- l'Algérie bénéficierait de 13 millions de francs de bourses d'études l'an prochain ;

- Internet est une priorité de l'agence de la francophonie. 200 projets sont actuellement instruits par celle-ci. Il s'agit d'un excellent vecteur pour tout ce qui concerne l'apprentissage et la formation ;

- les services consulaires seront les premiers bénéficiaires des emplois dégagés par la réforme du ministère des affaires étrangères ;

- en ce qui concerne l'exception culturelle, la France intervient en toute occasion afin que la culture ne soit pas traitée comme une marchandise. Il est nécessaire d'évoquer ce dossier à chaque réunion francophone. Le plus difficile sera toutefois d'obtenir une position européenne dans le sens de nos préoccupations.

Le président Adrien Gouteyron s'est alors déclaré intéressé par le propos du ministre sur TV5, retenant que la mise en place d'une chaîne francophone d'information continue, jusqu'à présent présentée comme financièrement hors de portée, n'était plus exclue.

M. Charles Josselin a précisé que le président de TV5 gardait toute la confiance du Gouvernement, et qu'il était important que nos partenaires comprennent la nécessité de faire un effort en ce qui concerne le continent américain, faute de quoi la France devra reconsidérer son action.

Organisme extraparlementaire - Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur - Désignation de candidats

Au cours de la même réunion, la commission a décidé de proposer au Sénat les candidatures de M. Pierre Martin, en qualité de membre titulaire, et de M. Jean Bernadaux et Mme Hélène Luc, en qualité de membres suppléants, pour siéger au sein de l'Observatoire national de la sécurité des établissements scolaires et d'enseignement supérieur.