II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 1

Observations et décision de la Commission :

Le présent article vise à préfigurer l'instauration, à compter de 2012, d'un nouveau fonds de péréquation des ressources du bloc communal. Cet article répond à une des demandes formulées par le Parlement au Gouvernement à l'article 76 de la loi de finances pour 2010 en vue de la revoyure de la réforme de la taxe professionnelle.

I.- LES ENJEUX ET LES DIFFICULTÉS DE MISE EN oeUVRE D'UNE PÉRÉQUATION COMMUNALE INNOVANTE À L'ISSUE DE LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE

En 2009, lors de la discussion de la réforme de la taxe professionnelle elle-même, le législateur n'a pas été en mesure de proposer la mise en place de nouveaux mécanismes de péréquation au sein du bloc communal. En effet, les conséquences de la réforme du point de vue des inégalités de recettes futures des communes et des EPCI paraissaient impossibles à mesurer dès l'automne 2009.

L'article 78 de la loi de finances pour 2010 a donc garanti la survie, jusqu'à l'exercice 2011 inclus, des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle (FDPTP) et du fonds de solidarité de la région Île-de-France (FSRIF), tandis que l'article 76 a renvoyé le débat de fond au présent projet de loi de finances.

Ce débat n'a rien perdu en complexité depuis 2009. Si les travaux d'évaluation de la réforme ont bel et bien confirmé que de nouvelles inégalités émergeraient de la nouvelle architecture fiscale, il est également apparu que leur correction serait difficile à mettre en place.

A.- LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE APPELLE UN RENFORCEMENT DE LA PÉRÉQUATION HORIZONTALE

Ainsi que le Rapporteur général a déjà eu l'occasion de le rappeler, toute réforme de la fiscalité locale s'opérant sous condition de garantie individuelle de ressources entraîne la reconduction des inégalités antérieures. Pour le bloc communal, comme pour les départements et les régions ( cf. article 62), tout l'enjeu de la péréquation consiste donc à corriger l'impact des dynamiques futures sur les inégalités existantes.

1.- L'impact décroissant du FNGIR

Cette projection dans le temps impose de mesurer l'effet de « brouillard » causé par le fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR).

En effet, en 2011, l'action du FNGIR aura pour conséquence de replacer chaque commune et EPCI dans sa situation antérieure, du point de vue du volume de recettes perçues (et non pas du point de vue de la composition de ce panier de recettes). À l'échelle du pays, le FNGIR brouillera donc les conséquences de la réforme pour donner une photographie des inégalités très proche, sinon identique, à celle de 2009 ou 2010. Ainsi, la mesure du volume de recettes de la CU de Dunkerque, du SAN Ouest-Provence ou de la CARENE continuerait de faire apparaître, en 2011, ces EPCI comme beaucoup plus « riches » que la moyenne. À l'inverse, les prélèvements subis au profit du FNGIR donneront le sentiment que la grande majorité des communes rurales retrouvent en 2011 la modestie de leurs ressources.

Ce brouillard se lèvera cependant, année après année. En effet, tandis que le montant du FNGIR restera stable en valeur (qu'il prélève ou reverse), son impact réel diminuera à double titre : il se dévaluera en volume du fait de la croissance des prix, et les budgets locaux évolueront en fonction des impositions. Ce dernier effet sera probablement le plus fort : un EPCI fortement bénéficiaire du FNGIR deviendra relativement moins « riche » au fil du temps car il ne profitera que d'une dynamique fiscale modérée par comparaison aux autres. À l'inverse, un EPCI fortement contributeur au FNGIR (c'est-à-dire dont les impositions ont un rendement beaucoup plus fort qu'avant la réforme) bénéficiera d'une dynamique fiscale beaucoup plus rapide qu'auparavant, que ne contrebalancera pas le FNGIR.

L'exemple suivant montre cet effet décroissant du FNGIR. Il ne tient compte d'aucun dynamisme des bases fiscales locales, hormis une croissance forfaitaire en valeur de 2 % par an uniforme sur tout le territoire, proche de la revalorisation forfaitaire des valeurs locatives. Les deux EPCI considérés ont le même volume de ressources en 2010, comparable à la moyenne nationale.

EPCI 1

EPCI 2

moyenne nationale

Ressources avant réforme

100

100

100

Écart à la moyenne

0 %

0 %

Impôts après réforme

140

60

100

FNGIR

- 40

+ 40

0

Ressources après réforme

100

100

100

Écart à la moyenne

0 %

0 %

Impôts 2015

155

66

110

FNGIR 2015

- 40

+ 40

0

Ressources 2015

115

106

110

Écart à la moyenne 2015

+ 4 %

- 4 %

Impôts 2020

188

81

135

FNGIR 2020

- 40

+ 40

0

Ressources 2020

148

121

135

Écart à la moyenne 2020

+ 10 %

- 10 %

On observe donc, comme ci-après sur le graphique, que la richesse relative de chacun des EPCI - mesurée afin d'évaluer les besoins respectifs de péréquation - se déforme dans le temps à seule raison de l'action du FNGIR. Avec le même taux de croissance des impositions, le premier EPCI voit sa dynamique démultipliée et dépasse la moyenne, tandis que le second voit sa dynamique atrophiée et décroche par rapport à la moyenne.

Le Rapporteur général souligne donc tout l'enjeu d'un mécanisme de péréquation des ressources du bloc communal après la réforme. Un tel mécanisme ne doit pas se borner à corriger les écarts de dynamiques, mais la façon dont ces écarts affectent les inégalités déjà existantes en 2011.

2.- La concentration des ressources fiscales du bloc communal

Or, cet impact découlera naturellement de la composition du panier de recettes fiscales du bloc communal.

Ainsi que l'a démontré la mission conjointe conduite par l'IGF et l'IGA sur la réforme de la taxe professionnelle, la part de la fiscalité pesant sur les ménages dans les recettes du bloc communal passera de 57 % en 2010 à 72 % en 2011, cet effet étant particulièrement fort pour les EPCI, financés pour l'essentiel par la taxe professionnelle unique.

Cette situation entraîne en premier lieu un effet péréquateur, qui concernerait, selon la mission, 57 % de la population du bloc communal. Ceci s'explique par la disparition des écarts de ressources liés à la taxe professionnelle elle-même, dont la suppression rapproche la plupart des collectivités locales et groupements de la moyenne relative. Dans le temps, cet effet s'analyse comme une moindre dynamique des territoires les plus riches.

Cette situation entraîne, en second lieu, un effet contre-péréquateur, des communes et des EPCI s'éloignant de la moyenne relative. Plus encore, les analyses de la mission d'inspection montrent que cette contre-péréquation affecterait majoritairement des communes et EPCI ayant un potentiel fiscal plus faible que la moyenne (dont il s'éloignerait donc encore) et de taille importante. Cet effet est plus complexe à expliquer que le premier, mais il résulte pour l'essentiel de la concentration des ressources fiscales des communes et des EPCI sur des impositions moins diversifiées :

- Premièrement, communes et EPCI seront davantage dépendantes demain de la valorisation des assiettes foncières servant de base à la majeure partie de leurs recettes fiscales. Dès lors, un périmètre intercommunal dont les VLC sont modestes ne disposera plus, à compter de 2011, que de la CVAE pour compenser une dynamique fiscale moins favorable que la moyenne.

- Deuxièmement, force est de constater que la consolidation de la richesse relative des territoires à l'échelle des périmètres intercommunaux fait apparaître un phénomène qui avait été peu mesuré jusqu'ici. Dans de nombreux blocs communaux, la fiscalité économique relativement élevée (en taux, comme en base) compensait en réalité une fiscalité sur les ménages relativement modeste (en taux comme en base). Ainsi, dans ces blocs, la suppression de la taxe professionnelle représente une dégradation relative de la richesse fiscale que ne compense pas le transfert de la taxe d'habitation. Projetée dans le temps, cette situation explique que des territoires au potentiel fiscal déjà inférieur à la moyenne s'en écartent encore au fil des années.

B.- UNE PÉRÉQUATION HORIZONTALE QUI DOIT TENIR COMPTE DES NOUVEAUX ENJEUX FISCAUX DU BLOC COMMUNAL

Une fois ainsi dressé le constat que la réforme de la taxe professionnelle appelle probablement un renforcement de la péréquation, le Rapporteur général souligne qu'il convient également de relever que ce renforcement sera d'autant plus délicat à opérer qu'il devra tenir compte d'une fiscalité communale et intercommunale bouleversée par la réforme.

1.- Abandonner la péréquation sur la seule fiscalité des entreprises

Depuis deux décennies, les mécanismes de péréquation horizontale ou verticale du bloc communal ont principalement tenté de corriger les inégalités des bases de taxe professionnelle, c'est-à-dire de la fiscalité pesant sur les entreprises. Ce fut explicitement le cas des FDPTP et du FSRIF, dont le fonctionnement s'adossait aux bases de taxe professionnelle. Ce fut également, de facto , le cas des dotations de péréquation de la DGF qui, en corrigeant les inégalités de potentiels fiscaux, corrigeaient majoritairement celles relatives à la taxe professionnelle, principale composante du panier fiscal communal.

À l'évidence, il conviendra désormais de corriger des inégalités aux origines plus diffuses, qui ne résulteront plus principalement de la fiscalité pesant sur les entreprises et qui ne pourront plus se corriger par la redistribution de celle-ci. En effet, comme l'a rappelé le Rapporteur général ci-dessus, la nouvelle fiscalité du bloc communal pèsera davantage sur les ménages que sur les entreprises, ce qui entraîne deux conséquences distinctes :

- En premier lieu, les nouvelles inégalités résultant de la concentration sur un même périmètre intercommunal de la taxe d'habitation frappant des valeurs locatives élevées ne pourront pas être corrigées par écrêtement ou redistribution de la CFE ou de la CVAE du bloc communal.

- En second lieu, le Rapporteur général rappelle que la diminution du poids de la fiscalité locale pour les entreprises est particulièrement sensible au sein du bloc communal :

Avant réforme

Après réforme

TP

100

CFE

20

CVAE

50

TOTAL

100

80

Baisse générale

- 20 %

Produit communal

58

33

Baisse du produit communal

- 43 %

Base 100. En tenant compte des poids relatifs moyens de la CFE dans la TP (20 %), de la CVAE par rapport à la TP (50 %) et de la part moyenne du bloc communal dans la TP (58 %).

Cette baisse pose inévitablement la question de l'impact fiscal, dans les années à venir, de l'accueil des entreprises sur les territoires communaux. Le Rapporteur général observe que les chiffres moyens ci-dessus, qui sont encore plus sévères dans le cas d'une entreprise industrielle ( 56 ) , ne laissent aucune marge de manoeuvre à une péréquation qui prendrait la forme d'un écrêtement pur et simple de la fiscalité économique locale. Une telle péréquation désavantagerait définitivement, au plan fiscal, l'accueil des entreprises, ce qui n'est nullement souhaitable.

2.- Une péréquation sur les dynamiques qui serait insuffisante

Afin de corriger les inégalités nées des différentiels de dynamiques suscités par la réforme, il a pu être envisagé d'opérer une péréquation sur les croissances des produits fiscaux du bloc communal, à l'instar de ce que la loi de finances pour 2010 a prévu pour les départements et les régions. Cette alternative n'est cependant pas exempte de critiques.

La première critique procède du fait que, contrairement aux départements et aux régions, les communes et les EPCI enregistrent des dynamiques qui sont directement corrélées à l'implantation de bases fiscales ou à leur disparition. Alors que les phénomènes s'équilibrent autour d'une tendance haussière ou baissière dans un département, et a fortiori dans une région, les mouvements peuvent être très sensibles à l'échelle d'une commune ou d'un EPCI. Ce sera notamment le cas au terme d'une politique d'aménagement de ZAC, par exemple, ou si une entreprise s'implante sur une zone d'activité. Dans la plupart des situations, l'évolution des assiettes taxables est un élément clé de la politique d'aménagement urbain ou de développement économique d'une agglomération. Cette évolution permet de construire un amortissement des investissements ou acquisitions réalisés.

Faut-il alors écrêter ou prélever ces dynamiques fiscales qui sont à la fois le fruit de la politique de développement local et sa contrepartie financière souvent indispensable ?

À l'évidence, si le législateur venait à répondre par l'affirmative à cette question, l'intensité des prélèvements qui en résulteraient ne pourrait être que très modérée, afin de conserver au bloc communal ses leviers d'action.

Ceci explique largement la seconde critique à l'encontre d'une péréquation prélevant les dynamiques fiscales communales, qui repose sur la modicité des montants qui pourraient être redistribués. La dynamique moyenne nationale ou régionale d'un impôt comme la taxe d'habitation (ou comme la CFE) étant principalement tractée par les implantations de nouvelles bases, un éventuel mécanisme de péréquation prélèverait peu de collectivités en forte croissance, et non beaucoup de collectivités en croissance modérée. Dès lors, afin, précisément, de conserver une attractivité fiscale à l'implantation de nouvelles assiettes, un prélèvement assis sur un faible nombre de contributeurs ne pourra qu'être étalonné relativement bas. Il serait, en effet, difficilement acceptable de proposer que la moitié des habitants d'un lotissement nouvellement sorti de terre acquittent une taxe d'habitation au profit d'un fonds national et non de leur commune ou EPCI.

Il est donc à craindre qu'une péréquation financée par les dynamiques des impôts communaux ou intercommunaux conduise finalement à une action correctrice par trop limitée.

II.- L'ARCHITECTURE PROPOSÉE

On observe ainsi que la marge de manoeuvre pour créer un mécanisme de péréquation des ressources communales se révèle particulièrement étroite. Avec prudence, le présent article propose une conception en deux temps :

- Un premier temps de préfiguration des grands principes du futur mécanisme, qui devrait fonctionner à compter de 2012.

- Un second temps de validation, en loi de finances pour 2012, des critères et curseurs précis, sur la base d'un travail d'évaluation par le Gouvernement.

Il en résulte que le présent article comporte deux volets distincts : tandis que les I à IV posent des principes qui s'appliqueront à compter de 2012, le V renvoie à un rapport du Gouvernement et à la loi de finances pour 2012 la fixation des règles et des critères précis du futur mécanisme.

A.- LES PRINCIPES FIXÉS PAR LE PRÉSENT ARTICLE

Le Rapporteur général se félicite particulièrement de la méthode retenue par le Gouvernement pour bâtir, avec le Parlement, en recherchant le meilleur consensus possible, une nouvelle forme de péréquation communale. Il relève que la discussion du présent article donnera lieu à un débat de fond sur les grandes orientations, ce qu'il juge positif.

1.- L'architecture de la péréquation

Les alinéas 1 à 3 du présent article donnent corps à la proposition de la mission conjointe IGF/IGA de créer un mécanisme unique national de péréquation des ressources communales et intercommunales.

a) Un fonds national unique

La question de l'échelon pertinent de péréquation a été longuement discutée au cours du premier semestre 2010, tant par la mission d'inspection que par les parlementaires, soit dans le cadre de leur mission auprès du Gouvernement soit dans le cadre des travaux des commissions des finances des deux assemblées.

À ce jour, le principal mécanisme existant - les FDPTP - est départemental. Il consiste à répartir au sein de la collectivité départementale les bases économiques exceptionnelles.

Le FSRIF, pour sa part, est un mécanisme régional, qui organise une véritable péréquation horizontale entre les budgets des communes et EPCI d'Île-de-France.

En pratique, cette question est double :

- Premièrement, il s'agit d'une question d'efficacité péréquatrice sur le volet « prélèvements » du fonds. Vaut-il mieux répartir des ressources au sein d'une même collectivité régionale ou départementale, ou au contraire à l'échelle nationale, ou encore à deux niveaux ?

- Deuxièmement, il s'agit d'une question de gestion du fonds, qui peut aussi avoir un impact sur l'efficacité péréquatrice. Quel que soit l'échelon géographique de collecte des sommes, leur répartition doit-elle être le fait de la loi ou de règles définies région par région, ou département par département ?

Le présent article propose d'opter pour un fonds national unique, dont les critères de répartition seraient fixés par la loi. Le Rapporteur général estime pour sa part que, s'il sera, en effet, plus efficace que les sommes à la disposition du fonds soient réparties selon des critères légaux, rien n'interdit en revanche d'envisager deux échelons de solidarité, national et régional, par exemple.

b) La fin des FDPTP

En complément de l'option consistant à retenir un fonds national unique, le présent article propose également de supprimer les FDPTP au profit du futur fonds. Ce choix ne va pas de soi et mérite d'être mûrement pesé.

Ainsi que le Rapporteur général l'a rappelé dans son commentaire de l'article 18 du présent projet de loi, les FDPTP ont traversé la réforme de la taxe professionnelle. Historiquement alimentés par des produits exceptionnels de taxe professionnelle, la loi de finances pour 2010 a prévu qu'ils survivent en 2011 au moyen d'une garantie de ressources sur les produits exceptionnels en question. Ainsi, plutôt que de garantir les dotations des fonds directement aux communes défavorisées bénéficiaires en 2009, le législateur a préféré garantir le volume de ressources aux fonds eux-mêmes.

L'action des fonds à compter de 2011 consiste donc moins en une étape supplémentaire de péréquation que dans la poursuite de leur oeuvre de répartition au sein du département de l'impôt économique local, même s'il ne reste de celui-ci qu'une survivance sous forme de compensation budgétaire. Juridiquement, il n'y a donc aucune nécessité à la suppression des FDPTP. Il n'y a pas davantage de contradiction formelle à maintenir ces fonds en sus d'un nouveau mécanisme national de péréquation. Le Rapporteur général observe d'ailleurs que la superposition existait déjà en Ile-de-France.

A contrario , le Rapporteur général souligne que si les objectifs et les bénéficiaires des FDPTP et du nouveau fonds national de péréquation devaient être identiques ou comparables, l'efficacité commanderait probablement de rationaliser l'édifice et d'unifier les sommes disponibles au sein d'un seul mécanisme. À l'évidence, l'analyse des modes de répartition actuels des FDPTP montre que leur action ne peut pas recouper pleinement celle d'un fonds national corrigeant des inégalités sur la base de critères légaux. Est-ce à dire pour autant qu'une forme de péréquation doit l'emporter sur l'autre et que l'existence d'un mécanisme national doit entraîner la suppression des mécanismes existants localement ?

En tout état de cause, le présent article prévoit explicitement que le futur mécanisme de péréquation sera financé, pour moitié, par la dotation servie en 2011 aux FDPTP. Une telle disposition purgerait donc les sommes à la disposition des fonds départementaux et entraînerait leur disparition de fait.

c) Un objectif en volume peu ambitieux

Le Rapporteur général salue l'innovation du présent article, qui prévoit, aux alinéas 4 et 5 , un objectif global de péréquation en volume. Cet objectif est calculé en pourcentage du volume total des recettes fiscales des communes et des EPCI. Calculé par la mission conjointe IGF/IGA, ce volume total à l'issue de la réforme est de 42 731 millions d'euros.

Le présent article prévoit une montée en charge du futur mécanisme, en quatre quarts, pour atteindre un montant total de 2 % des recettes fiscales du bloc communal en 2015.

Cependant, le Rapporteur général observe que le fait que le futur fonds perçoive la dotation des FDPTP, en leurs lieu et place, pour un total de 411 millions d'euros, soulève deux questions.

Premièrement, il semble y avoir un problème de cohérence entre les moyens à la disposition du fonds dès 2012, par suppression des FDPTP, et la montée en charge proposée, comme le montre le tableau suivant :

OBJECTIF DE FINANCEMENT DU FONDS DE PÉRÉQUATION DE 2012 À 2015

(en millions d'euros)

2012

2013

2014

2015

Objectif

0,50 %

1 %

1,50 %

2 %

soit en valeur

214

427

641

855

dont dotation des FDPTP

411

411

411

411

effort supplémentaire prévu

-

16

230

444

soit en % des recettes fiscales

-

0,038 %

0,538 %

1,038 %

Il conviendra donc d'éclaircir, a minima , l'objectif de recettes assigné au fonds en 2012 puisque le bénéfice de la dotation des FDPTP devrait permettre, à lui seul, de dépasser largement l'objectif de 0,5 % fixé par le présent article.

Deuxièmement, le fait que le futur fonds perçoive finalement la dotation des FDPTP destinée aux communes défavorisées conduit à relativiser sensiblement l'effort de péréquation demandé par le présent article. Comme le montre le tableau précédent, au terme de la montée en charge, le fonds ne mutualiserait finalement que 1,04 % des recettes fiscales du bloc communal. Compte tenu des ambitions fortes qui avaient accompagné l'adoption de l'article 76 de la loi de finances pour 2010 et des attentes exprimées alors en matière de péréquation, le Rapporteur général se demande si une telle mutualisation sera réellement à la hauteur des enjeux.

2.- Un prélèvement sur le stock de ressources des communes et EPCI aisés

Le présent article préfigure également les conditions d'alimentation du fonds par les communes et les EPCI. Celles-ci reposeraient essentiellement sur la mesure du potentiel fiscal consolidé des communes et des EPCI.

a) La consolidation du potentiel fiscal

Les alinéas 6 à 8 du présent article prévoient que seraient contributeurs au futur fonds tous les EPCI, toutes leurs communes membres ainsi que toutes les communes isolées, sous une unique condition de potentiel fiscal.

Ce potentiel fiscal serait calculé de manière consolidée à l'échelle des périmètres intercommunaux. Sur ce point, le présent article renvoie à l'application de l'article L. 5211-30 du code général des collectivités territoriales, lui-même modifié par l'article 86 du présent projet de loi, qui devrait disposer que le potentiel fiscal de l'EPCI est additionné à ceux de ses communes membres afin de permettre d'évaluer sa richesse relative.

Le Rapporteur général rappelle que la consolidation des potentiels fiscaux à l'échelle des périmètres intercommunaux représente l'avenir de l'analyse des richesses relatives au sein du bloc communal. Cependant, contrairement à ce que prévoit l'article L. 5211-30, cette consolidation doit fonctionner dans les deux sens. Il ne s'agit assurément pas uniquement de pondérer la richesse fiscale de l'EPCI des potentiels fiscaux des communes, mais aussi de majorer les potentiels fiscaux des communes de la richesse fiscale potentielle de l'EPCI dont elles sont membres et dont elles bénéficient.

En tout état de cause, cette consolidation devrait n'intervenir qu'à compter de 2012. Néanmoins, s'il adhère pleinement à son principe, le Rapporteur général souligne qu'il conviendra de préciser - au plus tard en loi de finances pour 2012 - comment s'analyse la richesse d'une commune membre d'un EPCI : au moyen de son seul potentiel fiscal, au moyen du seul potentiel fiscal consolidé de son EPCI, ou au moyen d'un potentiel fiscal consolidé qui lui serait propre et reprendrait une fraction de celui de son EPCI.

b) La méthode du prélèvement sur recettes

Le présent article fixe également le principe du prélèvement sur l'ensemble des recettes des communes et EPCI contributeurs. En réalité, cette méthode est la seule qui permette d'échapper aux critiques recensées précédemment sur la péréquation sur la seule fiscalité économique ou sur les dynamiques.

Dès lors que le critère de contribution sera le potentiel fiscal incluant toutes les impositions perçues par le bloc communal, assises sur les ménages comme sur les entreprises, la méthode du prélèvement sur recettes est celle qui permet de ne pénaliser la croissance d'aucune recette particulière, tout en prenant en compte l'ensemble des facteurs de richesse.

En outre, le Rapporteur général souligne que le potentiel fiscal lui-même intégrera la dynamique propre des bases fiscales sur chacun des territoires, mais dans une appréciation plus vaste et plus équilibrée de sa richesse relative.

B.- LES PRÉCISIONS QUI DEVRONT ÊTRE ARRÊTÉES EN LOI DE FINANCES POUR 2012

Les principes fixés par le présent article devront être complétés par des critères, des seuils et des taux plus fins que ceux prévus. Afin que le législateur puisse, dans la loi de finances pour 2012, fixer ces règles précises de fonctionnement du futur fonds, le présent article propose que le Gouvernement remette avant le 1 er septembre prochain un rapport d'évaluations et de propositions. Le périmètre de ce rapport, qui serait soumis à l'avis du Comité des finances locales, est prévu par les alinéas 10 à 18 du présent article .

1.- Les règles fines concernant l'alimentation du fonds

S'agissant des prélèvements ayant vocation à alimenter le fonds, plusieurs points essentiels sont renvoyés au prochain rapport.

a) Les éléments d'appréciation de la richesse relative

Il s'agit tout d'abord des critères et seuils qui serviront à la mesure des inégalités devant conduire certaines communes et certains EPCI à contribuer au fonds de péréquation.

En premier lieu, le rapport devra préciser les strates démographiques et les catégories d'EPCI qui serviront de cadre à la comparaison des potentiels fiscaux consolidés.

En second lieu, le rapport devra également préciser le seuil à partir duquel communes et EPCI seraient contributeurs.

b) Le taux de la contribution et son plafonnement

Par ailleurs, le rapport devra également préciser le taux de la contribution, ou son mode de calcul, et les conditions de son plafonnement.

En effet, les travaux conduits dans le cadre de la conférence des déficits publics en 2010 montrent de très grandes inégalités de potentiels fiscaux au sein du bloc communal (de 1 à 1 000). Même en procédant à des comparaisons stratifiées ou par catégories, il est donc à craindre que la fixation d'un taux de contribution forfaitaire s'avère très inéquitable pour les petits contributeurs et peu soutenable pour les très gros.

Ceci commandera donc probablement que la contribution au fonds soit plafonnée, en valeur ou en proportion des recettes fiscales de l'EPCI ou de la commune.

De la combinaison de ces deux facteurs découlera la réelle portée péréquatrice du prélèvement au profit du fonds de péréquation. À cet égard, le Rapporteur général souligne que le difficile calibrage de l'écrêtement du complément de garantie de la DGF des communes, proposé à l'article 80 du projet de loi de finances, témoigne parfaitement de la complexité de parvenir à un juste équilibre sur le volet « contribution » au fonds de péréquation.

2.- Le mécanisme de redistribution des moyens du fonds

L'alinéa 9 du présent article demeure particulièrement flou quant aux principes qui devraient être retenus pour répartir les sommes du fonds de péréquation. Deux points de la rédaction retenue par le Gouvernement méritent cependant d'être relevés :

- les communes membres d'un EPCI ne percevraient aucune dotation du fonds, seuls leurs groupements et les communes isolées y étant éligibles ;

- la redistribution des sommes du fonds retiendrait à la fois des critères d'insuffisance de ressources et des critères de charges.

Le rapport prévu aux alinéas suivants devrait, évidemment, préciser ces deux principes. Cependant, le Rapporteur général indique que le débat sur les inégalités relatives de richesse ou de pauvreté résultant des charges supportées par les communes et les EPCI a fort peu de chances d'aboutir rapidement et de façon consensuelle.

3.- Le cas de la région Ile-de-France

Enfin, le rapport prévu au présent article devrait préciser l'avenir du FSRIF et subséquemment les conditions spécifiques d'action du futur fonds dans le cas de la région Ile-de-France où un fonds de prélèvement sur les stocks de recettes existe déjà.

*

* *

La Commission est saisie, en discussion commune, des amendements II-CF 239 de M. Marc Laffineur, II-CF 280 et 284 de M. Marc Goua, II-CF 286 de M. Thierry Carcenac et II-CF 281 de M. Marc Goua.

L'amendement II-CF 239 est ainsi rédigé :

Substituer aux alinéas 1 à 9 les 14 alinéas suivants :

I.- À compter de 2012, il est créé, dans chaque région, un fonds régional de péréquation des recettes communales et intercommunales.

1° L'objectif de ressources de chaque fonds régional est fixé à 1 % des recettes fiscales des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de la région en 2015. En 2012, 2013 et 2014, cet objectif est fixé respectivement à 0,25 %, 0,5 % et 0,75 % des mêmes recettes.

2° Chaque fonds régional bénéficie d'un prélèvement sur les recettes des communes et des établissements publics de coopération intercommunale de la région, dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à une fois et demie le potentiel fiscal par habitant moyen respectivement de l'ensemble des communes de la région et de l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale de la région. Les potentiels fiscaux sont ceux définis aux articles L. 5211-30 et L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales.

3° Dans chaque région, le prélèvement, calculé afin d'atteindre chaque année l'objectif fixé au 1°, est réparti entre les établissements publics de coopération intercommunale, leurs communes membres et les communes qui ne sont pas membre de tels établissements au prorata de la part des recettes fiscales de chacune de ces trois catégories dans le total régional mentionné au 1°.

4° Dans chaque région, le prélèvement, au sein de chacune des trois catégories mentionnées au 3°, est réparti entre les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale au prorata de l'écart entre le potentiel fiscal par habitant de chaque commune ou établissement contributeur en vertu du 2° et le potentiel fiscal par habitant moyen de sa catégorie sur l'ensemble de la région.

5° Les sommes à la disposition de chaque fonds régional sont réparties entre les établissements publics de coopération intercommunale de la région, dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au potentiel fiscal par habitant moyen de l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale de la région, au prorata des écarts avec ce potentiel moyen.

6° Chaque établissement public de coopération intercommunale reverse, chaque année, à ses communes membres, une fraction, qui ne peut être inférieure à 50 %, des sommes perçues du fonds régional. Le montant de cette fraction et les critères de sa répartition entre les communes membres sont fixés par une délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale.

II.- À compter de 2012, il est créé un fonds national de péréquation des recettes communales et intercommunales.

1° L'objectif de ressources de ce fonds est fixé à 1 % des recettes fiscales des communes et des établissements publics de coopération intercommunale en 2015. En 2012, 2013 et 2014, cet objectif est fixé respectivement à 0,25 %, 0,5 % et 0,75 % des mêmes recettes.

2° Le fonds bénéficie d'un prélèvement sur les recettes des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, dont le potentiel fiscal par habitant est supérieur à une fois et demie le potentiel fiscal par habitant moyen respectivement de l'ensemble des communes et de l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale. Les potentiels fiscaux sont ceux définis aux articles L. 5211-30 et L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales.

3° Le prélèvement, calculé afin d'atteindre chaque année l'objectif fixé au 1°, est réparti entre les établissements publics de coopération intercommunale, leurs communes membres et les communes qui ne sont pas membre de tels établissements au prorata de la part des recettes fiscales de chacune de ces trois catégories dans le total national mentionné au 1°.

4° Le prélèvement, au sein de chacune des trois catégories mentionnées au 3°, est réparti entre les communes ou les établissements publics de coopération intercommunale au prorata de l'écart entre le potentiel fiscal par habitant de chaque commune ou établissement contributeur en vertu du 2° et le potentiel fiscal par habitant moyen national de sa catégorie.

5° Les sommes à la disposition du fonds sont réparties entre les établissements publics de coopération intercommunale, dont le potentiel fiscal par habitant est inférieur au potentiel fiscal par habitant moyen national de l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale, au prorata des écarts avec ce potentiel moyen.

6° Chaque établissement public de coopération intercommunale reverse, chaque année, à ses communes membres, une fraction, qui ne peut être inférieure à 50 %, des sommes perçues du fonds national. Le montant de cette fraction et les critères de sa répartition entre les communes membres sont fixés par une délibération de l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale.

L'amendement II-CF 280 est ainsi rédigé :

1.- Rédiger ainsi l'alinéa 2 :

« Le fonds vise à diminuer les inégalités de ressources fiscales entre les communes. »

2.- Rédiger ainsi l'alinéa 9 :

« IV.- Les versements du fonds sont attribués aux communes, au regard de l'insuffisance de leurs ressources fiscales et de critères de charges. ».

L'amendement II-CF 284 est ainsi rédigé :

.- À l'alinéa 4, substituer aux mots : « 2 % », les mots : « 5 % ».

II.- À l'alinéa 5, substituer aux mots : «0,5 %, 1 %, 1,5 % », les mots : « 1,25 %, 2,5 %, 3,75 % ».

L'amendement II-CF 286 est ainsi rédigé :

Au quatrième alinéa, le taux : « 2 % » est remplacé par le taux : « 3 % ».

L'amendement II-CF 281 est ainsi rédigé :

.- Compléter le IV par une phrase ainsi rédigée:

« Les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre qui en sont bénéficiaires, reversent l'intégralité de leur dotation à leurs communes membres en fonction de critères objectifs. »

II.- Après l'alinéa 15, insérer l'alinéa suivant:

« 6° Les critères de ressources et de charges utilisés dans le reversement des attributions au titre du fonds, opéré par les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre à leurs communes membres, ainsi que leur poids respectif ; ».

M. Marc Laffineur. Cet amendement concerne aussi la péréquation communale et intercommunale. Suite au rapport que nous avons remis, M. Jean-Pierre Balligand et moi-même, en juin 2009, je propose que coexistent deux enveloppes de péréquation : une régionale et une nationale, basées sur les mêmes principes. Car si la péréquation n'intervient qu'à l'échelon régional, elle ne touche que des collectivités dont les niveaux de richesse sont analogues. Par cet amendement, le fonds de péréquation serait réparti, à chaque échelon territorial, entre les établissements publics de coopération intercommunale, chacun devant reverser à ses communes membres au moins 50 % des sommes reçues du fonds régional.

Je souhaite surtout que le débat soit ouvert. Nous avions procédé de la même façon, l'année dernière, et avec succès, pour les droits de mutation.

M. Marc Goua. On ne peut certes qu'approuver la philosophie de la péréquation proposée, mais certains points demeurent inquiétants quant à la répartition du fonds, qui serait laissée au bon vouloir de l'organe délibérant de l'EPCI, sans critère préalable, à l'exception du seuil de 50 %. Quelles seront ensuite les clés de répartition ? Certaines expériences récentes montrent que les résultats de la péréquation ne sont pas toujours ceux que l'on souhaitait. Je voudrais donc que l'on précise le mode de répartition du fonds de péréquation.

Par ailleurs, au moment où la politique de la ville est réaffirmée au niveau de la collectivité de base qu'est la commune, on envisage de réaliser la péréquation au niveau des EPCI. L'amendement II-CF 280 vise donc à préciser que le fonds est destiné à diminuer les inégalités de ressources fiscales entre les communes. La répartition devrait s'opérer au profit des communes comme à celui des EPCI.

L'amendement II-CF 284 est destiné à déterminer le montant souhaité pour le fonds et ses clés de répartition. Une étude réalisée par l'Association Villes et banlieues de France conclut à un besoin de 3 milliards d'euros.

M. Thierry Carcenac. L'amendement II-CF 286 est un amendement de repli.

M. François Pupponi. Avec la réforme de la taxe professionnelle, nous avons perdu 600 millions d'euros de péréquation au niveau communal, en particulier au titre du Fonds de solidarité d'Île-de-France (FSRIF), pour 180 millions, ainsi que des fonds départementaux de la taxe professionnelle (FDTP) reversés aux communes défavorisées. Avec l'article 63 comme avec l'amendement de Marc Laffineur, combien ces fonds vont-ils rapporter ? Il est difficile de parler de péréquation sans connaître les rendements... L'objectif est, au moins, de récupérer les 600 millions d'euros car on ne peut imaginer que nos communes les plus défavorisées souffrent désormais d'une péréquation moindre. Et il ne peut évidemment s'agir de réintroduire simplement ce qui existait déjà. Comment procédera-t-on ? A quelle hauteur placera-t-on la barre pour qu'il y ait une réelle péréquation au niveau du bloc communal ? L'amendement II-CF 284 est destiné à intégrer les communes les plus pauvres, environ 9000, dans la moyenne. Ce qui nécessite, globalement, 3 milliards d'euros. Si l'on prend pour base les ressources fiscales de l'ensemble des communes et des blocs communaux, qui s'élève à environ 50 milliards d'euros, il faut donc monter le fonds jusqu'à, au moins, 5% de ce montant.

Que devient le FSRIF ? Si l'on adopte l'amendement II-CF 239, chaque région disposera d'un fonds de péréquation. Je ne suis pas certain qu'en l'espèce, on retrouvera le niveau du FSRIF. Dans ce cas, la péréquation régresserait en Île-de-France. Il faut donc bien se baser sur les montants que l'on a perdus et sur ceux dont on a besoin.

M. le rapporteur général. Nous posons les principes d'une architecture qui n'entrera en application qu'à partir de 2012. C'est dans la loi de finances correspondante que nous aurons à fixer à la fois les modalités, les objectifs et les montants précis de la péréquation.

Pour répondre par avance aux critiques sur l'absence de péréquation départementale, je rappelle que le texte du Gouvernement supprime tout ce qui subsistait des fonds départementaux de péréquation. L'avantage de l'amendement de Marc Laffineur est de conserver, au niveau départemental, les 420 millions d'euros qui alimentaient les communes défavorisées. Les communes concernées ou d'implantation bénéficiaient d'un versement régulier et récurrent, intégré dans la réforme de la taxe professionnelle à travers le Fonds national de garantie individuelle de ressources (FNGIR). Ce qui ne constitue pas pour autant une dotation, mais signifie que les 420 millions, que l'on conserve, seront répartis entre les départements sur la base historique et que chaque département aura la possibilité de les réattribuer de façon différente : il ne sera pas tenu de les distribuer aux mêmes communes qu'auparavant.

Jusqu'en 2010, les fonds départementaux recevaient environ un milliard d'euros, attribués de façon systématique selon les mêmes montants revenant chaque année aux communes d'implantation, ainsi qu'aux communes concernées, où résident les salariés. Ce mécanisme fut intégré dans la réforme de la taxe professionnelle. Une troisième catégorie de communes, défavorisées, était attributaire de 420 millions d'euros mais les bénéficiaires pouvaient ne pas être les mêmes d'une année à l'autre. Le Gouvernement propose de renvoyer ce dispositif au niveau national et Marc Laffineur de le maintenir au niveau du département afin de conserver à celui-ci une marge de manoeuvre pour aider diverses communes défavorisées. La mesure, bien que seulement conservatoire, soulève cependant la question des difficultés financières que pourront éprouver les départements en raison du poids élevé de leurs dépenses sociales.

Les 420 millions d'euros en cause constituent un montant inchangé, en quelque sorte « cristallisé ».

Se pose maintenant la question des nouveaux flux à créer pour alimenter les fonds.

Les fonds départementaux ne peuvent plus être alimentés par leurs recettes traditionnelles provenant de l'écrêtement des établissements exceptionnels puisque, dans le nouveau système, ceux-ci n'existent plus, mise à part, peut-être, une centrale nucléaire ici ou là. Il faut donc réfléchir à un nouveau mode d'alimentation, essentiellement à partir de la cotisation assise sur la valeur ajoutée, ce qui a été fait pour les départements et pour les régions. Comment cela pourrait-il fonctionner à l'échelon communal ? Faut-il instituer un fonds exclusivement national, où l'on comparerait la richesse des 36 000 communes et des 4000 EPCI de France ? Ou bien faut-il également prévoir une déclinaison locale selon laquelle on comparerait l'écart entre communes de la même région, le souci étant de se tenir proche du terrain, comme cela se pratique déjà en Île-de-France ? Telle est la proposition de Marc Laffineur. Pour ma part, je trouve souhaitable l'existence des deux niveaux, national et local.

Michel Bouvard estime, au motif que le système a toujours été départemental, qu'il n'y a aucune raison qu'il ne le demeure pas. Mais celui-ci était alimenté par le mode, très particulier, des établissements exceptionnels : il suffisait qu'un seul établissement, dans une commune, représente plus de deux fois les bases moyennes par habitant de l'ensemble de la France pour que le supplément de ressources fiscales en résultant se trouve écrêté. Ce qui entraînait, dans plusieurs départements, la pénalisation de certaines collectivités. A titre d'exemple, en Île-de-France, l'écrêtement d'Orly a toujours pénalisé les communes du Val-de-Marne car l'essentiel du produit fiscal profitait à l'Essonne, alors que les avions décollent et atterrissent au-dessus de Villeneuve-Saint-Georges ou de Villeneuve-le-Roi. Le cadre départemental n'était donc pas forcément le mieux approprié.

On peut imaginer, comme Marc Laffineur, un cadre régional, mais, pourquoi pas, aussi multirégional. En Île-de-France, il est hors de question de régresser par rapport au FSRIF. Il faudra donc maintenir le même niveau de solidarité, à hauteur d'au moins 600 millions.

La péréquation doit-elle s'opérer uniquement à travers les EPCI ou également par les communes ? L'amendement de Marc Laffineur prévoit que, si la redistribution s'effectue au niveau de l'EPCI, celui-ci en dirige une partie vers les communes. Alors que, dans la rédaction du Gouvernement, tout se passe au niveau des EPCI.

Quelles seront demain les collectivités riches ? Pas forcément les mêmes qu'aujourd'hui. Ainsi, La Baule est devenue potentiellement plus riche et Saint-Nazaire potentiellement plus pauvre : la première bénéficie de la totalité de la taxe départementale d'habitation alors que la deuxième ne touche qu'une dotation remplaçant une partie de ses anciennes recettes de taxe professionnelle.

Une partie substantielle du produit de la fiscalité locale étant orientée vers les EPCI, ne doit-on pas raisonner en termes de consolidation ? La richesse prise en compte doit-elle se limiter à celle de la commune, sans tenir compte de l'intercommunalité à laquelle celle-ci appartient, ou bien doit-on l'apprécier à la fois du point de vue communal et du point de vue intercommunal, c'est-à-dire de façon consolidée ?

Voilà donc toutes les questions que nous devons aborder et que pose assez bien l'amendement de Marc Laffineur. Mais, à ce stade, nous ne prenons pas de décision concrète, nous engageons simplement une discussion.

Je suis donc favorable à l'amendement II-CF 239.

M. François Pupponi. Comment seront alimentés les FDTP ?

M. le rapporteur général. Ils ne le seront plus.

M. François Pupponi. Je parle des nouveaux fonds de péréquation.

M. Marc Laffineur. Les montants correspondants aux anciens fonds, on l'a dit, sont « cristallisés ».

M. le rapporteur général. Il existe, depuis cette année, un prélèvement de 418 millions d'euros sur recettes de l'État, venant alimenter les fonds départementaux. On conserve ce système.

La Commission adopte l'amendement II-CF 239 ( amendement n° II-478 ).

Les amendements II-CF 280, II-CF 284 et 281 de M. Marc Goua et II-CF 286 de M. Thierry Carcenac deviennent sans objet .

M. le président Jérôme Cahuzac. Le bureau de notre Commission a suggéré que MM. Marc Laffineur et Jean-Pierre Balligand approfondissent cette question dans le même esprit consensuel que celui qui avait présidé à leurs premiers travaux, avec un certain succès.

La Commission examine l'amendement II-CF 279 de M. Marc Goua, ainsi rédigé :

À l'alinéa 10 de cet article, après les mots : « les modalités », insérer les mots : « d'alimentation et ».

M. Marc Goua. Il est prévu, dans le cadre de la péréquation, de mener une étude sur les modalités de la répartition du fonds de péréquation. Nous proposons d'étendre le champ de l'étude à celles de son alimentation.

Suivant l'avis favorable du rapporteur général, la Commission adopte l'amendement ( amendement n° II-479 ), puis rejette les amendements II-CF 282 et 283 de M. Marc Goua .

La Commission est ensuite saisie de l'amendement II-CF 285 de M. Marc Goua, ainsi rédigé :

Compléter cet article par les cinq alinéas suivants :

« VI. - À chaque projet de loi de finances, le Gouvernement dépose au Parlement un rapport qui rend compte de l'efficacité de l'ensemble des dispositifs de péréquation demandés par l'article 72-2 de la Constitution. Ce rapport précise notamment :

« I.- l'état des lieux des inégalités financières entre collectivités,

« II.- les indicateurs de ressources et de charges permettant de définir ces inégalités,

« III.- un récapitulatif des dispositifs de péréquation mis en oeuvre, par l'État et par les collectivités et leurs groupements, ainsi que leurs montants,

« IV.- un objectif chiffré annuel de réduction de ces inégalités et les moyens qui seront mis en oeuvre pour y parvenir. »

M. le rapporteur général. Avis favorable, même s'il ne faut pas abuser des rapports.

La Commission adopte l 'amendement ( amendement n° II-480 ).

Puis elle adopte l'article 63 ainsi modifié .