ARTICLE 64 BIS : PROROGATION DU DISPOSITIF FISCAL FAVORISANT LA CONSTITUTION DE CONSORTIUM D'ACHAT D'ÉLECTRICITÉ À LONG TERME PAR DES INDUSTRIELS ÉLECTRO-INTENSIFS

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 17 NOVEMBRE 2010

M. le président. L'amendement n° 811 présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 64, insérer l'article suivant :

À l'article 238 bis HV du code général des impôts, l'année : « 2010 » est remplacée par l'année : « 2012 ».

La parole est à Mme la ministre, pour le soutenir.

Mme Christine Lagarde, ministre. La loi de finances rectificative pour 2005 a introduit un dispositif de déduction des sommes versées pour la souscription au capital des sociétés agréées qui ont pour activité l'acquisition de contrats d'approvisionnement à long terme d'électricité.

Ce dispositif s'applique au consortium Exeltium constitué par des industriels électro-intensifs qui se sont regroupés pour acheter sur le long terme dans les meilleures conditions possibles l'électricité nécessaire à leur activité.

Compte tenu du retard pris pour la mise en oeuvre du dispositif Exeltium, le présent amendement a pour objet d'actionner ce dispositif pour l'année 2011.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Gilles Carrez, rapporteur général . Je ferai observer à Mme la ministre, qui le sait, que c'est la cinquième fois que l'on actionne le dispositif bien connu dit Exeltium que Michel Bouvard défend chaque année.

La commission est plutôt favorable à cet amendement.

(L'amendement n° 811 est adopté.)

II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 64 bis (nouveau)

À l'article 238 bis HV du même code, l'année : « 2010 » est remplacée par l'année : « 2012 ».

III. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011)

Commentaire : le présent article vise à proroger une nouvelle fois le dispositif fiscal favorisant la constitution de consortiums d'achat d'électricité à long terme par des industriels électro-intensifs.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES DISPOSITIONS RELATIVES À LA MISE EN PLACE DE CONSORTIUMS D'ENTEPRISES ELECTRO-INTENSIVES

1. La définition des entreprises électro-intensives et l'autorisation des consortiums

L'article 43 de la loi n° 2005-1720 de finances rectificative pour 2005 a introduit les articles 238 bis HV à 238 bis HZ bis dans le code général des impôts (CGI), autorisant la création de consortiums dédiés à la conclusion de contrats d'approvisionnement à long terme en électricité . Le décret n° 2006-506 du 3 mai 2006 en a fixé les modalités d'application.

Selon ces dispositions, une entreprise est considérée comme électro-intensive lorsqu'au titre du dernier exercice clos, le rapport existant entre la quantité d'électricité consommée et la valeur ajoutée était supérieur à 2,5 kilowattheures par euro.

Les volumes d'électricité éligibles correspondent, quant à eux, à la consommation annuelle en France des sites vérifiant trois conditions cumulatives :

- une consommation du site en heures creuses, c'est-à-dire réalisée entre 20 heures et 8 heures en semaine, ainsi que le samedi et le dimanche, représentant au moins 55 % de la consommation annuelle totale d'électricité ;

- un rapport entre l'énergie consommée au-dessous d'un certain seuil de puissance et cette puissance supérieur ou égal à 8 000 heures, hors arrêts exceptionnels et périodes d'entretien ;

- et une consommation du site donnant lieu au paiement des charges de service public de l'électricité, définies par l'article 5 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité.

Cette définition concerne un peu plus d'une centaine de sites industriels sur le sol national, lesquels représentent environ 13 % de la consommation électrique française .

2. L'amortissement exceptionnel des souscriptions au capital

Aux termes de l'article 217 quindecies du code général des impôts, pour l'établissement de l'impôt sur les sociétés, les entreprises peuvent pratiquer, dès l'année de réalisation de l'investissement, un amortissement exceptionnel égal à 50 % du montant des sommes effectivement versées pour la souscription au capital des sociétés définies à l'article 238 bis HV du même code, c'est-à-dire des consortiums d'électro-intensifs .

Toutefois, l'article 238 bis HV borne ce dispositif dans le temps. Après trois prorogations 1 ( * ) ( cf . ci-après), il dispose que sont concernées par l'avantage fiscal précité les souscriptions en numéraire, effectuées avant le 1 er janvier 2010, au capital de tels consortiums .

B. LA LENTE MISE EN PLACE D'EXELTIUM

Comme cela a été détaillé à plusieurs reprises par votre rapporteur général à l'occasion de diverses lois de finances ayant prorogé ce dispositif fiscal 2 ( * ) , un groupement s'est constitué le 15 mai 2006, dénommé Exeltium , autour de sept industriels 3 ( * ) .

Toutefois, le processus a pris beaucoup de retard , ce qui explique d'ailleurs les prorogations successives demandées jusqu'à présent :

- d'une part, en raison de difficultés communautaires , la Commission européenne contestant la conformité du dispositif initial avec le droit communautaire. De longues négociations ont abouti à des modifications législatives et à une redéfinition du fonctionnement d'Exeltium. L'article 89 de la loi de finances rectificative pour 2008 a ainsi supprimé le principe selon lequel le consortium ne pouvait vendre son électricité qu'aux sites de ses actionnaires ;

- d'autre part, en raison du temps pris pour négocier un contrat avec un fournisseur d'électricité, conforme à la fois au droit national et communautaire ainsi qu'à l'intérêt des parties.

Finalement, au terme d'un long chemin, un accord a été conclu le 14 avril 2010 entre Exeltium et EDF , les désormais 26 membres du consortium s'étant engagés à acheter environ 150 TWh d'électricité à EDF pour une durée de 24 ans, pour un prix non communiqué mais qui, tout en offrant une visibilité de long terme, demeure, selon Exeltium, « soumis à des aléas significatifs ». Les premières livraisons ont commencé en mai 2010.

Cependant, l'accord portant finalement sur environ la moitié des besoins estimés nécessaire à l'origine, il est probable que cette « première phase » doive être suivie d'une « deuxième phase » , nécessitant de nouvelles souscriptions au capital du consortium et la conclusion d'un nouvel accord.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Le présent article, introduit par l'Assemblée nationale à l'initiative du Gouvernement, avec l'accord de la commission des finances, tend à proroger, une fois encore, la date limite de souscription au capital de tels consortiums ouvrant droit à l'amortissement exceptionnel de 50 % du montant des sommes effectivement versées .

A cette fin, il propose de fixer cette date, au sein de l'article 238 bis HV du code général des impôts, au 1 er janvier 2012 .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Dans un contexte d'incertitude sur l'avenir des prix de l'électricité, votre rapporteur général est évidemment favorable, sur le fond, à la mise en place de mécanismes permettant d'apporter de la visibilité et de la sécurité aux industriels les plus dépendants de l'évolution de ces prix. Il s'agit là d'un sujet de compétitivité majeur.

En outre, il se félicite que le processus soit enfin véritablement lancé et que la conclusion d'un contrat de long terme entre Exeltium et EDF permette à l'ensemble des acteurs d'avancer sur la voie tracée depuis cinq ans.

Néanmoins, comme par le passé, il s'étonne de la perpétuelle impression d'improvisation législative qui se dégage, depuis l'origine, de ce dispositif. Ainsi, comme toujours, c'est par un amendement de dernière minute que le Gouvernement a fait insérer ce texte par l'Assemblée nationale, suscitant un vote précipité et sans procéder à une étude d'impact. La méthode apparaît d'autant plus étonnante que le besoin était prévisible, le principe d'une « deuxième phase » d'Exeltium étant annoncé depuis le printemps.

Décision de la commission : sous le bénéfice de ces observations, votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 Le dispositif d'origine était borné au 1 er janvier 2007.

* 2 Voir ainsi le rapport n° 135, tome II (2008-2009), commentaire de l'article 43 du projet de loi de finances rectificative pour 2008 (article 89 de la loi promulguée), ou le rapport n° 127(2007-2008), Tome I, commentaire de l'article 21 octies (article 54 de la loi promulguée).

* 3 A l'époque Air Liquide, Alcan, Arcelor, Arkema, Rhodia, Solvay et UPM-Kymmene.