V. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011)

Commentaire : le présent article propose de proroger pour deux ans le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique venant à échéance en 2010. Il propose également d'en réduire le montant ainsi que les possibilités de cumul avec les autres dispositifs de soutien à l'agriculture biologique.

I. LE DROIT EXISTANT

A. UN CRÉDIT D'IMPÔT À REPLACER DANS LE CONTEXTE DES MESURES DE SOUTIEN À L'AGRICULTURE BIOLOGIQUE

Dans le but d' encourager les agriculteurs à pratiquer l'agriculture biologique 2 ( * ) et de réduire la part de l'agriculture « conventionnelle » dans le monde agricole, les pouvoirs publics ont mis en place un dispositif fiscal incitatif . Ce dernier vient compléter trois types d'aides , issues de différents règlements communautaires 3 ( * ) , consistant à subventionner les exploitants ayant décidé de s'engager dans des pratiques satisfaisant aux exigences du mode de production biologique :

- les aides à la conversion à l'agriculture biologique ;

- les aides au maintien de l'agriculture biologique ;

- le dispositif de soutien direct pour production biologique .

Alors que les deux premiers régimes s'inscrivent dans le cadre de la politique communautaire de développement rural , le troisième relève du dispositif des aides directes communautaires .

En 2005, lors de la mise en place de la première aide, qui consistait à subventionner l'exploitant ayant décidé de s'engager dans un projet quinquennal de transition, pour tout ou partie de ses parcelles, vers l'agriculture biologique, on a constaté que les agriculteurs ne pouvaient pas valoriser correctement leur production pendant ces cinq années du fait de l'absence de certification « bio ». Il a donc été choisi d'instaurer un avantage fiscal sous forme de crédit d'impôt pour les exploitants ayant achevé leur conversion .

L'article 244 quater L du code général des impôts (CGI), qui résulte de l'article 75 de la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d'orientation agricole, prévoit donc un crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique .

B. LES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ À CE CRÉDIT D'IMPÔT

Aux termes de cet article, les entreprises agricoles qui ont engagé une production biologique au titre de chacune des années comprises entre 2005 et 2010 peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt à la condition, d'une part, d'avoir au moins 40 % de leurs recettes annuelles provenant d'activités agricoles 4 ( * ) et, d'autre part, d'avoir fait l'objet d'une certification en agriculture biologique , au sens de l'article 8 du règlement (CEE) n° 2092/91 du Conseil du 24 juin 1991 concernant le mode de production biologique de produits agricoles et sa présentation sur les produits agricoles et les denrées alimentaires. Les bénéficiaires de cette mesure sont donc toutes les exploitations agricoles , qu'elles soient soumises à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés.

La certification « agriculture biologique » dans le droit communautaire

L'annexe I du règlement (CEE) n° 2092/1991 du Conseil du 24 juin 1991 définit les principes de production biologique des exploitations pouvant bénéficier de la certification en agriculture biologique. L'article 8 de ce règlement prévoit également que tout opérateur qui produit, prépare ou importe d'un pays tiers des produits biologiques au sens de l'annexe I, en vue de leur commercialisation, doit notifier cette activité à l'autorité compétente de l'Etat membre dans lequel cette activité est exercée, et soumettre son exploitation au régime de contrôle étatique prévu par l'article 9 du même règlement.

Toutefois, afin de se prémunir contre un cumul excessif d'avantages fiscaux, les entreprises dotées d'un contrat territorial d'exploitation ou d'un contrat d'agriculture durable comprenant une mesure d'aide à la conversion à l'agriculture biologique 5 ( * ) sont exclues de ce dispositif de crédit d'impôt.

Par ailleurs, l'article 121 de la loi n° 2008-1425 de finances pour 2009, est venu doubler le plafond du crédit d'impôt en faveur des agriculteurs biologiques. Ce plafond est donc passé de 1 200 euros à 2 400 euros . Ce même article a également doublé la majoration du crédit d'impôt par hectare exploité selon le mode de production biologique, de 400 euros contre 200 euros auparavant (cette majoration étant elle-même être limitée à 1 600 euros au maximum par exploitation, contre 800 euros selon le dispositif mis en place en 2006).

C. CALCUL DU CRÉDIT D'IMPÔT

Le plafond total du crédit d'impôt s'élève à 4 000 euros. En effet, le crédit d'impôt est calculé en fonction d'une part fixe , de 2 400 euros, et d'une part variable qui vient majorer la première part, sur la base de 400 euros par hectare exploité selon le mode de production biologique, dans la limite de 4 hectares, dont la répartition devait permettre de couvrir les frais de structure des exploitations à forts investissements structurels (soit 1 600 euros au maximum).

Par ailleurs, il convient de relever que pour le calcul du crédit d'impôt des groupements agricoles d'exploitation en commun (GAEC) , le montant est multiplié par le nombre d'associés, sans que le crédit d'impôt ainsi obtenu puisse excéder trois fois le crédit d'impôt calculé dans les conditions de droit commun.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA PROROGATION DU DISPOSITIF EXISTANT

En vue de porter l'offre française en matière de produits biologiques à un niveau satisfaisant, il est nécessaire d' augmenter les surfaces consacrées à l'agriculture biologique et de pérenniser les surfaces actuellement exploitées selon ce mode de production. Or le crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique, qui constitue l'une des mesures de soutien au mode de production biologique, arrive à échéance fin 2010 .

Aussi, au regard des bénéfices environnementaux majeurs liés au mode de production biologique, aux effets positifs en termes de création d'activités et d'emplois, à l'engouement des consommateurs pour les produits « bio » et aux objectifs de développement de la production nationale en agriculture biologique, le présent article propose de proroger ce dispositif de deux ans, soit jusqu'à la fin de l'année 2012 .

La disparition du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique aurait en effet un impact négatif trop brutal sur le développement de l'agriculture biologique sur notre territoire. Toutefois, dans le contexte de rationalisation des dépenses fiscales , la prorogation demandée se conjugue avec des aménagements concernant le montant du crédit d'impôt et son cumul avec les aides en vigueur .

B. LA RATIONALISATION DU MONTANT ET DU CUMUL DES AIDES

Le présent article propose ainsi de ramener le montant de la part fixe du crédit d'impôt de 2 400 euros à 2 000 euros .

De plus, dans le cadre de la prorogation du dispositif, il est proposé d'aménager les conditions de cumul du crédit d'impôt avec les aides octroyées pour production biologique . Il est proposé que le cumul des aides ( à la conversion ou au maintien de l'agriculture biologique) et des mesures de soutien direct pour production biologique avec le crédit d'impôt soit possible, au titre de chacune des années 2011 et 2012, à la condition que le total de leur montant et du montant du crédit d'impôt n'excède pas 4 000 euros . Le montant du crédit d'impôt serait, le cas échéant, diminué en conséquence.

En outre, le dispositif de crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique serait désormais subordonné au respect du règlement (CE) n° 1535/2007 de la Commission du 20 décembre 2007 concernant l'application des articles 87 et 88 du Traité CE 6 ( * ) aux aides de minimis dans le secteur de la production de produits agricoles .

Un tel aménagement réduira donc, au prorata du crédit d'impôt versé , le montant maximal auquel peut prétendre dans ce cadre l'exploitant individuel, montant qui est fixé pour mémoire dans le règlement communautaire précité à 7 500 euros sur une période de trois années .

L'Assemblée nationale a adopté cet article sans modification.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le dispositif proposé devrait permettre de ramener le coût de la dépense fiscale de 33 millions d'euros à 17 millions d'euros par an , selon le ministère de l'Économie, de l'industrie et de l'emploi.

Les différents dispositifs en faveur de l'agriculture biologique ne permettent pas une conversion rapide à l'agriculture biologique.

Ainsi, d'après les évaluations préalables jointes au présent projet de loi de finances, alors que la France comptait, fin 2004, 11 059 exploitations agricoles pratiquant l'agriculture biologique sur 534 037 hectares , soit 1,93 % de la surface agricole utile (SAU) nationale, il s'agit fin 2009, de 16 400 exploitations engagées dans ce mode de production, représentant 670 000 hectares cultivés (516 000 certifiés et 154 000 en conversion), soit 2,4 % de SAU.

Des résultats plus significatifs ont toutefois été obtenus l'année dernière . 3 600 exploitations nouvelles se sont ainsi converties à l'agriculture biologique en 2009, soit une augmentation de 23 % des producteurs « bio ». Cette croissance est nettement supérieure à celle des années précédentes.

Tout en se satisfaisant à ce stade du dispositif proposé par le présent article, votre rapporteur général ne manquera pas de tirer les conséquences des futures évaluations du crédit d'impôt en faveur de l'agriculture biologique.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 2 L'agriculture biologique est un mode de production agricole spécifique, désignant un ensemble de pratiques visant à la préservation de l'environnement, en particulier des ressources naturelles et des sols. Ses externalités positives sont réputées importantes.

* 3 Il s'agit des règlements (CE) n° 1257/99 du Conseil du 17 mai 1999, (CE) n° 1698/2005 du Conseil du 20 septembre 2005 et (CE) n° 73/2009 du Conseil du 19 janvier 2009, établissant des règles communes pour les régimes de soutien direct en faveur des agriculteurs dans le cadre  de la politique agricole commune et établissant certains régimes de soutien en faveur des agriculteurs.

* 4 Il s'agit des activités dont les revenus sont pris en compte pour la détermination du bénéfice agricole au sens de l'article 63 du CGI.

* 5 Sauf si au moins 50 % de la surface de leur exploitation est en mode de production biologique et que ces mêmes 50 % ne bénéficient pas d'aide à la conversion.

* 6 Ces articles sont désormais les articles 107 et 108 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE).