II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 27

Observations de votre Rapporteur spécial :

Le présent article a pour objet de renforcer les ressources propres de l'OFII, le principal opérateur de l'État chargé de la politique d'immigration et d'intégration.

I.- LE DROIT EXISTANT

A.- L'OFII EST LE PRINCIPAL OPÉRATEUR DE L'ÉTAT EN MATIÈRE D'IMMIGRATION

L'Office français de l'immigration et de l'intégration est un établissement public administratif de l'État créé par la loi n° 2009-323 du 25 mars 2009 de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion et le décret du 25 mars 2009 pour reprendre les missions de l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations.

Il est ainsi chargé, sur l'ensemble du territoire, de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner en France et, lorsqu'ils souhaitent s'y installer durablement, de les engager dans un parcours d'intégration pendant les cinq premières années de leur résidence en France. Cette démarche est alors formalisée par le contrat d'accueil et d'intégration (CAI).

Dans le cadre de ce parcours, l'OFII est en particulier chargé de la mise en oeuvre des dispositifs d'apprentissage de la langue française adaptés aux besoins d'intégration des personnes étrangères.

L'opérateur a également pour mission de participer à toutes actions administratives, sanitaires et sociales relatives :

- à l'entrée et au séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois des étrangers ;

- à l'introduction en France, au titre du regroupement familial ou du mariage avec un Français, d'étrangers ressortissants de pays tiers à l'Union européenne. Pour préparer leur intégration, l'OFII est responsable de l'organisation de tests et, le cas échéant, de formations dès le pays d'origine ;

- à l'introduction en France au titre du travail, d'étrangers ressortissants de pays tiers à l'Union européenne et des ressortissants de l'Union soumis à des mesures transitoires. À ce titre, l'Office doit faciliter l'action des entreprises à l'étranger ;

- à l'organisation du contrôle médical des étrangers admis à séjourner en France plus de trois mois ;

- à l'accueil et au suivi des demandeurs d'asile. L'Office pilote à ce titre la gestion du dispositif de premier accueil des demandeurs d'asile qui a pour mission de les informer et de les accompagner tout au long de la procédure, et de leur trouver, si nécessaire, une solution d'hébergement en attendant leur entrée dans un centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA). L'OFII est également chargé de piloter la gestion du dispositif national d'accueil incluant le réseau des CADA ;

- au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine ainsi qu'à des actions de développement solidaire.

Pour mener cette politique, l'opérateur dispose, outre ses directions territoriales, du réseau des plateformes d'accueil régionales ou infrarégionales.

Près de 187 000 étrangers sont passés par les services de l'OFII en 2009. 97 736 contrats d'accueil et d'intégration ont été signés au cours de la même année ; et plus de 32 000 demandeurs d'asile (mineurs accompagnants compris) ont été pris en charge par le dispositif national d'accueil.

Il convient de souligner que l'ensemble des prestations assurées par l'OFII en direction des demandeurs d'asile, migrants et employeurs potentiels (accueil, information, conseil, accompagnements divers, visite médicale, tests, formations et hébergement) sont gratuites .

Pour l'ensemble de ses missions, l'OFII prévoit que ses dépenses budgétaires s'établissent en 2010, hors investissements, à un montant de 150,3 millions d'euros - en tenant compte des efforts de réduction des effectifs qui lui sont demandés.

B.- L'OFII EST FINANCÉ PAR PLUSIEURS TYPES DE RESSOURCES

1.- Les ressources propres

Diverses taxes, perçues par voie de timbre, sont affectées à l'Office dont elles constituent l'essentiel des ressources . Après des modifications réglementaires intervenues au cours de l'année 2010 ( 14) , le rendement attendu de ces taxes devrait atteindre un peu moins de 125 millions d'euros.

1.1. Les taxes payées par les étrangers et les hébergeants

a) La taxe pour délivrance d'un premier titre de séjour

Le montant de cette taxe est fixé par décret entre 200 et 340 euros pour la délivrance de la carte de séjour temporaire, de la carte de résident et de la carte de séjour « compétences et talents ».

Le montant de la taxe est fixé entre 100 et 170 euros pour les étrangers entrés en France au titre du regroupement familial en tant qu'enfants mineurs.

Le montant de la taxe est fixé entre 55 et 70 euros pour les étrangers auxquels est délivrée :

- une carte de séjour temporaire portant la mention « étudiant », « stagiaire », « salarié », « salarié en mission » ou « vie privée et familiale » du fait d'une incapacité permanente supérieure ou égale à 20 % assortie du versement d'une rente au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles ;

- une carte de résident, du fait de la conjonction du dernier critère évoqué ci-dessus et du caractère régulier du séjour en France.

A contrario , ne donne pas lieu au versement d'une taxe la délivrance d'un certain nombre de titres de séjour :

- la carte de séjour temporaire « vie privée et familiale » délivrée aux apatrides, aux bénéficiaires de la protection subsidiaire et aux étrangers dont l'état de santé le justifie ;

- la carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle aux travailleurs temporaires et saisonniers ;

- la carte de résident délivrée, sous condition de régularité du séjour, aux étrangers ayant combattu pour la France 1 ( * ) , aux réfugiés et aux apatrides résidant depuis plus de trois ans en France.

Enfin, la délivrance d'un visa de long séjour valant titre de séjour donne lieu à perception de la taxe correspondant au titre de séjour concerné 2 ( * ) .

b) La taxe pour renouvellement des titres de séjour et fourniture de duplicata

Le montant de cette taxe est fixé par décret entre 55 et 110 euros.

La fourchette est ramenée entre 15 et 30 euros pour les étrangers auxquels est délivrée une carte de séjour temporaire « étudiant ».

Les réfugiés et les bénéficiaires de la protection subsidiaire ne sont pas soumis au paiement de cette taxe.

c) La taxe relative aux documents de circulation des étrangers mineurs

La délivrance, le renouvellement et la fourniture de duplicata des documents de circulation délivrés aux étrangers mineurs donnent lieu à la perception d'une taxe de 30 euros.

Il s'agit d'une part du titre d'identité républicain délivré à tout mineur né en France de parents étrangers titulaires d'un titre de séjour, d'autre part du document de circulation délivré aux mineurs dont au moins l'un des parents appartient à certaines catégories d'étrangers, dont la liste est déterminée à l'article L. 321-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), et inclut notamment les détenteurs d'une carte de séjour temporaire « vie privée et familiale ».

1.2. Les contributions des employeurs de salariés étrangers

Tout employeur qui embauche un travailleur étranger lors de sa première entrée en France ou de sa première admission au séjour en qualité de salarié paie une taxe au profit de l'OFII.

Le montant de la taxe est toutefois variable selon la durée de l'embauche :

- lorsque celle-ci intervient pour un emploi saisonnier, le montant de la taxe est modulé en fonction de la durée de l'embauche, à raison de 50 euros par mois d'activité salariée ;

- lorsque l'embauche intervient pour un emploi temporaire compris entre trois et douze mois, le montant de la taxe est fixé par décret entre 50 et 300 euros ;

- lorsque l'embauche intervient pour un an ou plus, le montant de la taxe représente 60 % du salaire versé à ce travailleur étranger, pris en compte dans la limite de 2,5 fois le salaire minimum de croissance.

2.- Les ressources budgétaires

La loi de finances initiale pour 2011 a prévu le versement d'une subvention pour charges de service public à l'OFII d'un montant de 14,4 millions d'euros de subventions du budget de l'État, au titre des Actions nationales d'accueil des étrangers primo-arrivants et de formations linguistiques du programme 104 Intégration et accès à la nationalité de la mission Immigration, asile et intégration .

Elle devrait être complétée par un transfert de crédits du Fonds européen d'intégration d'un montant de 3,9 millions d'euros attendu en 2011.

3.- Les autres recettes

La contribution spéciale est une amende administrative appliquée aux employeurs d'étrangers non autorisés à travailler, prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail.

De même, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en séjour irrégulier doit payer une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des personnes concernées.

Le produit de ces deux contributions est affecté à l'OFII même s'il n'en assure pas ou plus le recouvrement.

L'OFII peut percevoir en outre des recettes diverses, issues par exemple de cessions de valeurs mobilières.

II.- LES MODIFICATIONS PROPOSÉES PAR LE PRÉSENT ARTICLE

A.- LE PRÉSENT ARTICLE S'INSCRIT DANS LA PERSPECTIVE D'UN RENFORCEMENT DE L'AUTONOMIE FINANCIÈRE DE L'OPÉRATEUR

Depuis la réforme en 2009 du système des taxes qui lui sont affectées et qui constituent l'essentiel de ses ressources, la reconfiguration de ses premières missions et le transfert de nouvelles (auxquelles sont imputables 17 millions d'euros de dépenses supplémentaires) se sont effectués sans le transfert de fonds supplémentaires et dans le cadre d'un plafond d'emplois contraint.

En 2009 au contraire, la dotation pour charges de service public de l'OFII a été sensiblement réduite en mettant à profit le fonds de roulement récupéré de son prédécesseur.

Aujourd'hui cependant, bien que des efforts supplémentaires lui soient demandés en matière d'effectifs, le fonds de roulement de l'Office n'est plus suffisant pour lui permettre de faire face à des charges croissantes alors que ses ressources fiscales seront plus faibles que prévu ; et ce, malgré le maintien d'une dotation pour charge de service public significative.

Ce besoin de financement a conduit à augmenter en 2010 le tarif des taxes à l'intérieur des fourchettes fixées par la loi. Mais cette possibilité a atteint ses limites s'agissant de la primo-délivrance et du renouvellement des titres.

Le présent article 74 propose en conséquence une refonte des montants et conditions de versement de certaines taxes affectées à l'OFII afin de consolider durablement sa situation financière et d'assurer la pérennité de ses actions en faveur de l'accueil et de l'intégration des migrants et demandeurs d'asile .

Le présent article propose également de moduler différemment certaines taxes dans un souci d'efficacité et de plus grande équité, en introduisant notamment plus de différenciation selon la durée des titres de séjour délivrés.

B.- LE PRÉSENT ARTICLE REVALORISE MAIS AUSSI NUANCE CERTAINES TAXES AFFECTÉES À L'OFII

1.- Les plafonds des taxes dues par les étrangers seraient augmentés et modulés.

Le plafond de la taxe de droit commun perçue à l'occasion de la délivrance d'un premier titre de séjour serait porté de 340 à 385 euros.

Établies à 110 euros aujourd'hui, les taxes perçues à l'occasion du renouvellement d'un titre de séjour ou de la délivrance d'un duplicata pourraient être fixées par décret jusqu'à un montant de 220 euros.

Mais ces tarifs seraient désormais modulés en fonction de la nature et de la durée des titres, et feraient notamment la différence entre les titres valables seulement un an et les plus longues durées. Les cartes de séjour d'un an au plus pourraient ainsi bénéficier d'un taux inférieur au montant uniforme qui est pratiqué en l'état actuel du droit.

Par ailleurs, le taux réduit (entre 15 et 30 euros) ne serait plus applicable aux étudiants dont le titre de séjour est d'une durée supérieure à un an ; et l'exonération de la taxe de renouvellement en faveur des réfugiés et des bénéficiaires de la protection subsidiaire serait supprimée.

La taxe perçue sur les documents de circulation des étrangers mineurs serait portée de 30 à 45 euros.

2.- Les taxes incombant aux hébergeants et aux employeurs seraient nuancées.

La taxe acquittée par l'hébergeant à l'occasion de la demande de validation d'une attestation d'accueil serait réduite de 45 à 30 euros.

La taxe acquittée par les employeurs de salariés étrangers embauchés pour une durée égale ou supérieure à un an passerait de 60 % à 50 % du salaire versé au salarié en restant plafonnée à 2,5 fois le SMIC.

Cette baisse vise à fluidifier les recrutements correspondant à des besoins économiques, la protection du marché national de l'emploi étant mieux assurée par les contrôles effectués lors de l'instruction des demandes d'autorisation de travail.

Le dispositif prévoit même un aménagement plus favorable s'agissant de l'embauche de jeunes professionnels dans le cadre d'accords bilatéraux d'échanges : la taxe versée par les employeurs pourrait être fixée réglementairement dans une fourchette de 50 à 300 euros.

3.- Le système dit du « double droit de chancellerie » serait supprimé.

En cas de régularisation, les étrangers doivent aujourd'hui acquitter le double du droit du visa consulaire qu'ils auraient dû détenir.

Pour simplifier ces procédures et rétablir l'égalité de traitement, il est proposé de créer, au profit de l'OFII, un droit de visa de régularisation d'un montant préfixé uniformément à 220 euros.

Cette taxation ne s'appliquerait pas aux réfugiés, apatrides et bénéficiaires de la protection subsidiaire, ni aux étrangers qui remplissent les conditions d'acquisition de la nationalité française, ni, dans certaines conditions, à ceux ayant combattu pour la France ou ayant été confiés aux services de l'aide sociale à l'enfance.

4.- Un droit de timbre serait créé sur les demandes de naturalisation, de réintégration dans la nationalité française et de déclaration d'acquisition de la nationalité à raison du mariage

Dispensées aujourd'hui de droit de timbre, ces demandes seraient désormais taxées - au profit de l'OFII - au taux réduit de 55 euros.

Cette taxation vise à responsabiliser les demandeurs et écarter ainsi les moins sérieux pour améliorer le traitement de l'ensemble des demandes.

C.- LES AUTRES DISPOSITIONS DU PRÉSENT ARTICLE

Le paragraphe III (alinéas 19 et 20) propose la simple correction des dispositions mentionnant l'organisme précédant l'OFII.

Le paragraphe V (alinéa 24) prévoit l'application de ces nouvelles dispositions aux territoires de Saint-Barthélémy et Saint-Martin.

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La Commission, suivant l'avis favorable du Rapporteur spécial, adopte l'article 74 sans modification .


* 1 Sauf dans la Légion étrangère.

* 2 Par exemple, un conjoint de français sollicitant un visa en cette qualité pour résider en France, qui se verrait remettre à l'étranger un visa long séjour lui permettant de résider un an sans démarche auprès de la préfecture devrait, dans les trois mois suivant son entrée en France, se manifester auprès de l'OFII pour que celle-ci tamponne son visa et prenne ainsi note de son domicile en France. Cet étranger devrait aussi s'acquitter d'une taxe liée à la délivrance de son visa.