ARTICLE 76 : REPORT DE L'ÉCHÉANCE DE SUPPRESSION DE LA PUBLICITÉ SUR LES ANTENNES DE FRANCE TÉLÉVISIONS

I. TEXTE DU PROJET DE LOI

A la deuxième phrase du premier alinéa du VI de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, les mots : « de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision mentionnés au même I sur l'ensemble du territoire métropolitain » sont remplacés par les mots : « du 6 janvier 2014 ».

II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 29

Observations et décision de la Commission :

Le présent article vise à modifier le régime relatif à la suppression de la publicité diffusée entre 6 heures et 20 heures sur les services nationaux de France Télévisions.

Il propose de reporter au 6 janvier 2014 l'arrêt de la diffusion de ces messages publicitaires et modifie en conséquence l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

I.- LE LÉGISLATEUR A PRÉVU UNE SUPPRESSION DE LA PUBLICITÉ
EN DEUX TEMPS

La loi n° 2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision a, notamment, profondément modifié le régime économique du groupe France Télévisions en consacrant la suppression progressive de la publicité commerciale sur les antennes du groupe audiovisuel public .

En effet, cette suppression ne s'est opérée ni immédiatement, ni intégralement, le législateur ayant fait le choix d'un dispositif graduel, échelonné dans le temps.

Le mécanisme, prévu par l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication prévoyait ainsi :

- dans un premier temps : la suppression des annonces publicitaires entre 20 heures et 6 heures sur les services nationaux de France Télévisions, celle-ci ayant été effective dès le 5 janvier 2009 après résolution du conseil d'administration du groupe en ce sens ;

- dans un second temps : l'arrêt de la publicité diurne, diffusée entre 6 heures et 20 heures, à compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision édités par France Télévisions sur l'ensemble du territoire métropolitain.

De fait, la disparition totale de la publicité commerciale sur les écrans des chaînes de France Télévisions devait intervenir au 30 novembre 2011, date de passage à la diffusion numérique terrestre.

Rappelons que le législateur a prévu des dérogations au principe de suppression des annonces publicitaires 1 ( * ) . Ainsi, l'interdiction de diffuser des messages publicitaires ne s'applique pas :

- aux décrochages régionaux et locaux ;

- à la publicité pour des biens et services présentés sous leur appellation générique ;

- aux campagnes d'intérêt général ;

- aux opérations de parrainage.

Afin de compenser la perte de recettes résultant de cette suppression et pour permettre à France Télévisions de s'acquitter des charges qui lui incombent au titre de ses missions de service public, la loi a prévu le versement, par le budget général de l'État, d'une dotation complémentaire à celle allouée au groupe au titre de la contribution à l'audiovisuel public. France Télévisions bénéficie donc, depuis 2009, d'un financement public mixte associant contribution à l'audiovisuel public et crédits budgétaires.

II.- LE MORATOIRE SUR LA SUPPRESSION DE LA PUBLICITÉ DIURNE : TENIR COMPTE À LA FOIS DE LA CONJONCTURE ET DE LA VOLONTÉ DU LÉGISLATEUR

A.- LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE GOUVERNEMENT

1.- Un moratoire nécessaire au regard de la maîtrise de la dépense publique

Le présent article propose de reporter au 6 janvier 2014 la suppression de la publicité diurne sur les services nationaux de France Télévisions . Celle-ci interviendrait donc un peu plus de deux ans après la date du 30 novembre 2011, échéance initialement prévue par la loi du 5 mars 2009.

De fait, ce report aurait pour conséquence de ne pas verser au groupe France Télévisions la dotation budgétaire complémentaire qui lui aurait été allouée au titre du mois de décembre 2011, soit 29 millions d'euros environ 2 ( * ) .

Pour l'année 2012, qui aurait dû être la première année pleine de diffusion sans messages commerciaux, la dotation complémentaire aurait atteint quelque 212 millions d'euros 3 ( * ) . En effet, la suppression de la publicité diurne se traduira par une augmentation du coût net de service public, et donc par une hausse corrélative du financement public.

Le moratoire se traduit donc, en année pleine, par une économie substantielle pour le budget général de l'État. Dans un contexte économique et financier dégradé marqué par la nécessité de maîtriser la dépense publique , une telle décision et non seulement légitime mais nécessaire.

Surtout, elle ne remet nullement en cause l'équilibre financier de France Télévisions . L'évolution des recettes publicitaires résiduelles du groupe démontre en effet la capacité de celui-ci à dégager les ressources propres nécessaires à son développement et à l'accomplissement de ses missions de service public (cf. infra ).

Enfin, elle reste conforme à la volonté du législateur de suppression progressive de la publicité, celui-ci s'étant prononcé en faveur d'un dispositif graduel.

2.- Le financement de France Télévisions préservé du fait du dynamisme de ses ressources publicitaires et de parrainage

Rappelons que le financement de France Télévisions est assuré à près de 87 % par les ressources publiques 4 ( * ) . Pour autant, la réforme du service public audiovisuel n'a pas obéré la capacité de France Télévisions à mobiliser des ressources propres. Elle n'a notamment pas entamé les performances de la régie publicitaire du groupe, dont l'efficacité commerciale est reflétée par les surplus substantiels enregistrés depuis la mise en oeuvre de la loi.

Ainsi, en 2009 , des surplus de recettes publicitaires et de parrainage à hauteur de 144,9 millions d'euros ont été constatés par rapport aux prévisions du plan d'affaires.

En 2010 , le budget de France Télévisions prévoyait un nouveau surplus de 110 millions d'euros par rapport à ce même plan. En juin 2010, le conseil d'administration de France Télévisions a été informé que cet objectif serait à nouveau dépassé pour atteindre 372 millions d'euros de recettes de publicité et de parrainage, soit 142,6 millions d'euros de plus que les prévisions inscrites dans le plan d'affaires. Les dernières estimations effectuées au mois d'octobre 2010 laissent espérer un produit total de 430 millions d'euros, soit une « sur-performance » de plus de 200 millions d'euros par rapport au plan d'affaires et de près de 90 millions d'euros par rapport au budget initialement arrêté.

À la lumière de ces évolutions passées, il est alors raisonnable de considérer que les recettes de publicité et de parrainage en 2011 dépasseront de plus de 171 millions d'euros les montants prévus au plan d'affaires et se maintiendront à un niveau au moins égal au montant estimé à l'occasion de la première reprévision de juin 2010, soit 372 millions d'euros.

Pour 2011, les ressources propres totales du groupe France Télévisions sont ainsi estimées à 384,9 millions d'euros, soit :

- 372 millions d'euros issues des recettes publicitaires et de parrainage ;

- 12,9 millions d'euros de recettes commerciales 5 ( * ) .

Au total, l'addition des ressources publiques (contribution à l'audiovisuel public et dotation budgétaire) et privées (publicité, parrainage, autres recettes commerciales) assureront au groupe France Télévision une assise financière solide lui permettant de s'acquitter pleinement et efficacement de ses missions de service public.

ÉVOLUTION DES RECETTES DE PUBLICITÉ ET DE PARRAINAGE
DE FRANCE TÉLÉVISIONS 2007-2011

(en millions d'euros)

2007

2008

2009

2010

2011

Réalisé

Réalisé

Plan d'affaires / Budget

Réalisé

Plan d'affaires

Budget

Reprévisions

Plan d'affaires

Prévisions

788,5

591,3

260

404,9

229,4

339

juin : 372

octobre : 430

200,8

372

Source : direction générale des médias et des industries culturelles.

B.- LA POSITION DU RAPPORTEUR SPÉCIAL : ALIGNER LE MORATOIRE SUR LA DURÉE DU MANDAT DU PRÉSIDENT DE FRANCE TÉLÉVISIONS ET DU COM

Favorable au principe du moratoire, le Rapporteur spécial estime toutefois nécessaire d'en adapter les modalités d'application. Ainsi serait-il cohérent de faire coïncider la durée du moratoire avec la durée du mandat du président de France Télévisions et du nouveau COM qui couvrira ce mandat .

Le président du groupe ayant été nommé à compter du 22 août 2010 6 ( * ) , le Rapporteur spécial aurait pu proposer une extension du moratoire jusqu'au 23 août 2015. Il propose un moratoire jusqu'au 4 janvier 2016 .

Il apparaît en effet préférable de maintenir le dispositif sur une année 2015 complète. Le moratoire couvrirait ainsi l'intégralité du mandat du président de France Télévisions tout en garantissant une nécessaire visibilité stratégique à la régie France Télévision Publicité comme aux investisseurs. En outre, cette extension ne lierait pas exagérément le futur président du groupe puisqu'elle subsisterait uniquement pendant les quatre premiers mois de son mandat.

Au regard de ces considérations, le Rapporteur spécial propose donc une suppression de la publicité diurne au 4 janvier 2016, date qui correspond au premier lundi de cette même année 7 ( * ) .

*

* *

La Commission est saisie de l'amendement II-CF-24 du Rapporteur spécial, ainsi rédigé :

Remplacer les mots : « du 6 janvier 2014 » par les mots : « du 4 janvier 2016 ».

M. Patrice Martin-Lalande, Rapporteur spécial. Je vais laisser au Rapporteur général, cosignataire de l'amendement, le soin de le présenter.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Le Gouvernement propose de repousser de 2011 à 2014 la suppression de la publicité en journée. L'amendement vise à retarder cette échéance de deux années supplémentaires, en la fixant à 2016, cela pour l'ajuster à la durée du mandat du président de France Télévisions et à celle du nouveau contrat d'objectifs et de moyens, qui courra jusqu'à la fin de l'année 2015.

M. le Rapporteur spécial. Il s'agit en effet d'une question de cohérence. En outre, nous devons donner à France Télévisions du temps pour qu'elle soit à même de mener une politique ambitieuse. Confrontée à l'évolution de son cadre juridique, à une crise de la publicité et à un développement d'Internet qui n'a pas encore produit tous ses effets, la régie publicitaire doit quant à elle trouver son rythme de croisière. Nous aurons en 2016 tous les éléments en main pour trancher clairement entre le maintien de la publicité diurne et la suppression de toute publicité.

M. Charles de Courson, Président. Selon une expression chère à notre Rapporteur général, il convient aussi de « protéger les recettes ».

M. Henri Nayrou. Cet amendement est bienvenu, sachant que France Télévisions va perdre 76 millions d'euros de dotation publique par rapport au plan d'affaires 2009-2012 qui figure dans l'avenant au contrat d'objectifs et de moyens.

M. le rapporteur spécial. M. Nayrou, il convient de prendre en compte l'ensemble des recettes - publiques comme privées - dont dispose France Télévisions. Le dynamisme des recettes de publicité et de parrainage depuis 2009 et les surplus enregistrés plaident pour un rebasage de la dotation publique. Au total le financement du groupe est pleinement assuré.

M. François Goulard. Chacun comprend bien pourquoi il faut autoriser la publicité diurne et interdire la publicité nocturne. Considérant que la durée du jour n'est pas constante tout au long de l'année, ne pourrait-on pas toutefois introduire une limite variable ?

M. Charles de Courson, Président. Nous avons débattu d'un problème similaire à l'occasion de la loi sur la chasse : qu'est-ce que l'aube et qu'est-ce que le crépuscule ? Je crois me souvenir que nous nous sommes alignés sur le calendrier des Postes, en ajoutant trente minutes à ce qu'il indique.

La Commission adopte l'amendement II-CF-24 ( amendement n° II-336 ).

Elle examine ensuite l'amendement II-CF-133 rectifié de M. Gaël Yanno, ainsi rédigé :

Compléter ainsi cet article par les deux alinéas suivants :

« Après les mots : « par heure d'horloge donnée. », la fin du premier alinéa du VI de l'article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi rédigée :

« À compter du 30 novembre 2011, les programmes des services régionaux et locaux de télévision de la société mentionnée au I de l'article 44 diffusés entre vingt heures et six heures sur le territoire d'un département d'outre-mer, d'une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution ou de Nouvelle-Calédonie ne comportent pas de messages publicitaires autres que ceux pour des biens ou services présentés sous leur appellation générique, sous réserve de l'existence sur le territoire de la collectivité en cause d'une offre de télévision privée diffusée par voie hertzienne terrestre en mode numérique en clair. Sous cette même réserve et à compter de la mise en oeuvre de la disposition mentionnée à la deuxième phrase du premier alinéa du présent VI, cette disposition s'applique également aux programmes des services régionaux et locaux de cette même société diffusés entre six heures et vingt heures. Elle ne s'applique pas aux campagnes d'intérêt général. Le temps maximal consacré à la diffusion de messages publicitaires s'apprécie par heure d'horloge donnée. »

M. Gaël Yanno. La publicité « nocturne » sur les chaînes publiques a été supprimée, en métropole, à compter du premier lundi de l'année 2009 ; la suppression totale des messages publicitaires devait intervenir au 30 novembre 2011, mais nous avons reporté la date au premier lundi de l'année 2016. Outre-mer, en revanche, la publicité diffusée en soirée n'a pas été supprimée. La loi prévoit, pour le moment, que la publicité y sera totalement supprimée au 30 novembre 2011.

Cet amendement, cosigné par le Rapporteur spécial, demande que la publicité en soirée soit supprimée outre-mer à l'extinction de l'analogique, c'est-à-dire au plus tard le 30 novembre 2011, et que la publicité en journée soit supprimée en même temps qu'en métropole, le premier lundi de l'année 2016, sous réserve qu'existe une offre de télévision privée. On pourrait dire qu'il s'agit d'un amendement de cohérence.

La Commission adopte l'amendement II-CF-133 rectifié ( amendement n° II-351 ).

Suivant l'avis favorable du Rapporteur spécial, elle adopte ensuite l'article 76 ainsi modifié .


* 1 Article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

* 2 Article 53 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

* 3 Sources : ministère du Budget, des comptes publics et de la réforme de l'État et ministère de la Culture et de la communication.

* 4 Pour 2011, le groupe doit bénéficier de 2 536 millions d'euros de ressource publiques (soit plus de 2 146 millions d'euros au titre de la contribution à l'audiovisuel public et près de 390  millions d'euros de crédits budgétaires), ses ressources propres étant estimées à près de 385 millions d'euros selon les dernières prévisions.

* 5 Recettes diverses des diffuseurs (6,2 millions d'euros) et des recettes spécifiques liées au média global (6,7 millions d'euros).

* 6 Décret du 22 juillet 2010 portant nomination du président de la société nationale de programme France Télévisions .

* 7 La même logique avait présidé au choix de la date du 5 janvier 2009 quand il s'était agi de supprimer la publicité entre 20 heures et 6 heures.