ARTICLE 77 TER : ADAPTATION ET SIMPLIFICATION DU DISPOSITIF DE SUBVENTION À LA RÉNOVATION HÔTELIÈRE EN OUTRE-MER

I. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 3 NOVEMBRE 2010

M. le président. Je suis saisi d'un amendement de la commission des finances, n° 13, qui fait l'objet d'un sous-amendement, n° 45.

L'amendement n° 13 est ainsi rédigé :

APRÈS L'ARTICLE 77, insérer l'article suivant :

L'article 26 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le bénéfice de l'aide n'est pas conditionné au bénéfice des dispositions prévues aux articles 199 undecies B et 217 undecies du code général des impôts. » ;

2° Le dernier alinéa est supprimé.

Le sous-amendement n° 45 est ainsi rédigé :

Après l'alinéa 1, insérer l'alinéa suivant :

« 1° A Le deuxième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le décret mentionné à la première phrase du présent alinéa tient compte, pour la détermination du montant de l'aide, de l'absence de classement des hôtels à Saint-Pierre-et-Miquelon. » ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial . Cet amendement, adopté par la commission des finances, résulte des travaux conduits sur l'application de la LODEOM. Gaël Yanno en est d'ailleurs cosignataire...

Mme Isabelle Vasseur. L'excellent Gaël Yanno ! (Sourires.)

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial. ...ainsi que le président de la commission des finances, qui a lui-même eu à connaître de ces sujets en tant que rapporteur spécial.

La LODEOM a prévu une aide budgétaire pour la rénovation hôtelière, essentiellement dans les DOM. Cette aide, d'un montant maximal de 7 500 euros par chambre, serait particulièrement utile pour relancer le tourisme, secteur d'avenir, mais en grande difficulté. L'article 26 de la LODEOM prévoit un agrément de l'aide dans les mêmes conditions que ce qui est prévu pour la défiscalisation des investissements productifs et locatifs outre-mer.

Lors de l'examen du projet de loi, le rapporteur Gaël Yanno a tenu à préciser que cette identité de procédure ne liait pas les deux dispositifs : en d'autres termes, le bénéfice de l'aide n'est pas conditionné au fait, pour l'exploitant, d'avoir par ailleurs bénéficié de la défiscalisation. Outre qu'elle serait contraire à la lettre et à l'esprit de la loi, une telle exigence serait économiquement infondée, car elle reviendrait à soutenir doublement les plus grosses structures, qui disposent déjà de l'ingénierie et de l'assiette fiscale nécessaires à la défiscalisation, et à exclure les plus petites.

Pourtant, une circulaire en cours de préparation lierait, au-delà d'un certain seuil, l'aide à la rénovation hôtelière et la défiscalisation. Afin d'empêcher une application de la loi contraire à son esprit, l'amendement n° 13 propose de supprimer la procédure d'agrément, complexe et mal comprise, et de prévoir expressément l'absence de lien entre défiscalisation et aide à la rénovation hôtelière.

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin, pour présenter le sous-amendement n° 45.

Mme Annick Girardin. À la demande des parlementaires, le dispositif a été étendu à l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon. Toutefois, le décret du 22 janvier 2010 a entendu de façon stricte la référence au classement hôtelier, et en a fait une condition impérative pour bénéficier des aides. Ce qui rend le dispositif très difficile à appliquer dans l'archipel, qui ne dispose d'aucune structure classée.

Comme le Gouvernement, je suis favorable à ce que l'accueil hôtelier s'améliore, et à ce que les structures hôtelières de Saint-Pierre-et-Miquelon soient un jour classées. Mais si le classement est nécessaire pour bénéficier de l'aide à la rénovation, un hôtel de Saint-Pierre-et-Miquelon qui voudrait en bénéficier devra d'abord faire une demande de premier classement. Comme il n'existe pas de structure de classement sur place, cela signifiera qu'une telle demande exigera une mission de deux personnes au minimum, qui se rendront dans l'archipel pour deux à trois jours afin de donner un conseil sur le nombre d'étoiles à attribuer ; c'est seulement à ce moment que le dossier sera étudié. Il appartiendra ensuite à cet hôtel de présenter une demande d'aide pour rénover sa structure, puis une nouvelle demande de classement, puisque son objectif est bien de viser, non pas le nombre d'étoiles dont il pourrait bénéficier aujourd'hui, mais bien celui dont il pourrait bénéficier demain, après rénovation.

Madame la ministre, vous disiez tout à l'heure qu'il fallait traiter chaque territoire selon ses besoins et selon ses spécificités. Nous sommes en plein dedans ! Je sais bien que vous n'avez pas envie d'accorder cette dérogation à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mais autant dire alors que ce dispositif sera difficilement applicable dans l'archipel.

Je sais que vous avez envie que les services de l'État à Saint-Pierre-et-Miquelon se mettent à la disposition de l'ensemble des hôteliers. Mais il y a déjà trois refus d'étude des dossiers par la préfecture - non parce que la circulaire n'est pas sortie, mais parce que l'organisme n'est pas classé.

Je souhaite donc que mon sous-amendement n° 45 soit soutenu par l'ensemble de mes collègues, sur tous les bancs : il faut comprendre les difficultés spécifiques de certains territoires. Il ne s'agit pas de contourner une règle et d'éviter à l'archipel de disposer, demain, de structures classées ; il s'agit de permettre l'application dès cette année de ce dispositif. Enfin, à ceux qui s'inquiéteraient de l'ampleur budgétaire d'une telle mesure, précisons que l'on parle à Saint-Pierre-et-Miquelon de soixante chambres...

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Claude Bartolone, rapporteur spécial . La commission n'a pas examiné ce sous-amendement. J'y suis favorable à titre personnel.

Tout a été dit : le décret prévoit l'aide en fonction du classement de l'hôtel, mais il n'y a pas d'hôtel classé à Saint-Pierre-et-Miquelon. Il serait donc cohérent de prévoir une application différente dans cet archipel.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement et le sous-amendement ?

Mme Marie-Luce Penchard, ministre chargée de l'outre-mer. Je suis favorable à l'amendement n° 13 : en effet, l'article 26 de la loi pour le développement économique des outre-mer liait la subvention de 7 500 euros à un agrément. On sait combien il est important de rénover nos structures hôtelières. Permettre la rénovation des chambres et, partant, d'améliorer la qualité d'accueil des touristes dans nos territoires, c'est, je crois, une bonne proposition.

S'agissant maintenant du sous-amendement n° 45 présenté par Mme Girardin, le classement est effectivement une des conditions nécessaires. Il est très important que la rénovation se traduire de meilleures conditions d'hébergement, et c'est le classement qui permet de constater cette amélioration.

Vous dites qu'il n'y a pas de procédure de classement à Saint-Pierre-et-Miquelon : je maintiens, quant à moi, que cette procédure s'applique. Le préfet vient d'ailleurs de m'indiquer qu'un hôtel est en passe d'être classé trois étoiles. Il n'y a donc aucune impossibilité juridique à l'application de la mesure, dès lors que l'amendement serait adopté.

M. le président. La parole est à M. Philippe Folliot.

M. Philippe Folliot. Je voulais seulement demander une petite précision sur l'article 26 de la loi pour le développement économique des outre-mer. On fait référence aux départements d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Qu'en est-il alors de Saint-Barthélemy, de la Polynésie, de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna ? Font-ils l'objet de mesures spécifiques ?

Mme Christiane Taubira. C'est déjà assez compliqué comme ça ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme Annick Girardin.

Mme Annick Girardin. Je n'ai pas d'information sur les autres territoires d'outre-mer.

J'ai bien dit qu'il ne s'agissait pas d'un problème juridique, madame la ministre : le classement est bien entendu possible à Saint-Pierre-et-Miquelon. Le problème est que n'a jamais été fait, faute de structure d'agrément.

Si un hôtel a demandé un classement à la préfecture, c'est probablement le seul grand hôtel de l'archipel, le seul qui ait les moyens de faire venir deux missions - c'est-à-dire de payer deux fois 5 000 euros - pour pouvoir se faire classer. C'est ridicule. Jamais nous n'arriverons ainsi à soutenir l'ensemble des structures ; elles ne sont pourtant pas bien nombreuses... L'État, le Gouvernement ne prendraient guère de risques.

Madame la ministre, il est tout à fait possible de dire que le dossier peut être instruit en préfecture sans classement, que 50 % de l'aide est donnée au début de l'instruction, et que le complément n'est versé qu'après l'obtention du nombre d'étoiles.

Mais je trouve un peu ridicule de demander aux organismes de Saint-Pierre-et-Miquelon de faire deux fois une opération de classement. C'est du gaspillage d'argent. De toute façon, à part cet hôtel-là, très peu d'organismes feront la démarche.

M. Charles de La Verpillière. Un hôtel, c'est déjà pas mal !

M. le président. La parole est à M. Serge Letchimy.

M. Serge Letchimy. Le sous-amendement de notre collègue Girardin se justifie et je le soutiens. Sa démonstration est claire : le plus important, c'est de disposer des moyens pour pouvoir bénéficier de ces aides.

Cet amendement n° 13 est précieux pour faire face à la crise très préoccupante que nous connaissons dans le domaine touristique, plus spécifiquement dans la rénovation hôtelière et, demain, dans la construction de nouvelles structures. Ce secteur est en crise et les menaces de chômage sont réelles. Je souscris pleinement à cette proposition. Il faut l'entériner par la loi.

Cela étant, même si l'on rompt le lien juridique entre défiscalisation et aide, il restera toujours un lien parce que celui qui fera le montage financier aura besoin instantanément de la décision de la défiscalisation en même temps que la décision administrative pour cumuler l'aide de 7 500 euros par chambre avec sa propre contribution et renforcer sa capacité à mobiliser de l'autofinancement ou un emprunt. Or, dans la pratique, entre l'instruction du dossier de défiscalisation et l'octroi de l'aide, le décalage est énorme : c'est exactement là qu'est la cause de la panne que nous connaissons depuis une année dans le logement social.

Il serait intéressant que vous précisiez les choses, madame la ministre. Pour les contrats de plan État-région, les aides liées à des défiscalisations sont adossées à des fonds européens. On accuse les collectivités de ne pas consommer ; on oublie simplement que la mobilisation bancaire pour l'apport personnel est extrêmement compliquée, et que le décalage avec la durée d'instruction est tellement énorme que l'opérateur ne parvient jamais à concrétiser.

Enfin, n'oublions pas qu'opération peut comprendre plusieurs tranches de rénovation. Je ne sais pas pour quelles raisons vous avez fixé un seuil de 100 chambres. Est-ce à dire que si un hôtel dispose de 120 chambres, 20 chambres ne seront pas éligibles ? Sera-t-il possible d'avoir des tranches supplémentaires ? En spécifiant que l'aide est donnée d'un seul tenant à un moment donné T, le texte semble vouloir dire qu'une personne qui engage une deuxième tranche ne bénéficiera pas l'aide.

Le Sénat pourra peut-être corriger cela en prévoyant que les tranches seront acceptées au même titre qu'une opération globale.

(Le sous-amendement n° 45 est adopté.)

(L'amendement n° 13, sous-amendé, est adopté.)

Voir l'ensemble des débats sur la mission « Outre-mer » :

- mercredi 3 novembre 2010 ;

- mercredi 3 novembre 2010 (suite) .