VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 30 NOVEMBRE 2010

Séance du mardi 30 novembre 2010

Article 82

M. le président. L'amendement n° II-274, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 31, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La subvention ne doit pas avoir pour effet de faire prendre en charge tout ou partie des dépenses de fonctionnement courant regroupant principalement les frais de rémunération des personnels, les dépenses d'entretien et de fourniture et les frais de fonctionnement divers correspondant aux compétences de la collectivité, hormis celles accordées au titre d'une aide initiale et non renouvelable lors de la réalisation d'une opération.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. La rédaction de l'article 82 ne permet pas, en l'état, une mise en oeuvre en 2011 de la nouvelle dotation d'équipement des territoires ruraux, la DETR.

En effet, il ne définit pas les dépenses de fonctionnement courant pouvant exceptionnellement être financées au titre de la DETR, ce qui contraint la commission d'élus dans le choix des catégories de projets éligibles en 2011, et pourrait retarder le lancement des appels à projets.

Le présent amendement vise à répondre à cette préoccupation : il propose une définition des dépenses de fonctionnement courant, étant précisé qu'elles sont financées à l'appui d'un projet et ne sont pas renouvelables.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Je suis prêt à soutenir l'amendement de Pierre Jarlier, mais je m'inquiète que l'on puisse s'engager dans des dépenses de fonctionnement, même à titre exceptionnel, par le biais de l'ancienne DDR et de l'ancienne DGE. Nous n'avons jamais fait cela dans le passé !

M. Jackie Pierre. C'est exact !

M. Alain Vasselle. S'engager dans de telles dépenses de fonctionnement, alors que nous avons des difficultés pour financer tous les projets, me semble pour le moins aventureux !

Monsieur le ministre, je me permets donc d'attirer votre attention sur ce risque. Il faut rapidement encadrer la situation et publier une circulaire d'application très précise ! (M. Jackie Pierre applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Je tiens à rassurer M. Vasselle : l'amendement de la commission ne change en rien le droit existant.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-274.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-16, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Alinéa 41

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« La commission fixe chaque année les catégories d'opérations prioritaires et, dans des limites fixées par décret en Conseil d'État, les taux minima et maxima de subvention applicables à chacune d'elles.

« Le représentant de l'État dans le département arrête chaque année, suivant les catégories et dans les limites fixées par la commission, la liste des opérations à subventionner ainsi que le montant de la subvention de l'État qui leur est attribuée. Il porte à connaissance de la commission la liste des opérations sous maîtrise d'ouvrage communale qu'il a retenues. La commission est saisie pour avis des projets de subventions portant sur des opérations présentées par les établissements publics de coopération intercommunale.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Le rôle de la commission d'élus de la nouvelle DETR est défini restrictivement par rapport à celui de la commission d'élus de la DDR actuelle.

Le présent amendement vise à redonner un pouvoir consultatif à la commission d'élus sur la liste des opérations et des subventions, établie par le représentant de l'État dans le département, comme cela se faisait au titre de la DDR.

L'amendement distingue toutefois les opérations menées par les communes, qui feront simplement l'objet d'un « porter à connaissance » - comme c'est le cas actuellement dans les commissions d'élus de la DGE -, et les opérations plus importantes, conduites par les établissements publics de coopération intercommunale, qui feront l'objet d'un avis de la commission, comme c'est le cas aujourd'hui au sein de la commission d'élus de la DDR.

J'ajoute que ces commissions travaillent avec efficacité et que les élus y sont très attachés. Elles permettent une concertation entre les élus et les préfets sur l'opportunité et la faisabilité des projets structurants menés à une échelle intercommunale.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement de la commission.

Je tiens en effet à rappeler que la future commission des plans d'équipement des territoires ruraux combinera un pouvoir d'orientation et de programmation et un pouvoir de choix des projets.

Grâce à la fusion entre la DGE et la DDR, les crédits de la nouvelle entité s'élèveront à un total de 615 millions d'euros, dont 80 % proviendront de la DGE et 20 % de la DDR.

Messieurs les sénateurs, vous connaissez le fonctionnement des commissions d'élus de la DDE. Réunies en sous-préfecture, ces dernières définissent les principes d'intervention à partir desquels le sous-préfet répartit les crédits, en étroite relation avec les élus de la commission.

En ce qui concerne la DDR, les commissions d'élus vont aujourd'hui plus loin, puisqu'elles examinent chaque projet séparément.

La fusion des deux dotations pose donc une question de méthode. Doit-on privilégier l'examen individuel de chaque dossier par la commission d'élus ? Doit-on considérer que, une fois les principes d'intervention définis, l'individualisation des crédits doit être traitée par la sous-préfecture et les représentants de l'État ?

Le rapporteur spécial propose que la nouvelle commission n'étudie séparément que les dossiers intercommunaux. Pour les communes, les dossiers répondant aux principes fixés par la commission seraient validés par l'État, sans être examinés isolément.

Tout en garantissant le rôle de la commission, qui fixe les orientations en amont, le Gouvernement estime, dans une optique de simplification, qu'il serait préférable d'éviter l'examen séparé de certains dossiers, qui provoque une disparité de traitement des projets en fonction de leur origine. En effet, avec une telle procédure, les dossiers communaux seront validés d'office, ou du moins très rapidement, alors que les dossiers intercommunaux devront être examinés par une commission qui devra se réunir à cet effet.

Le Gouvernement souhaite simplifier les procédures. Je préfère donc que la nouvelle commission fixe les grands principes et que pour le reste, l'on fasse confiance aux services de l'État pour étudier les dossiers.

M. Jean-Claude Gaudin. C'est sage !

M. Philippe Richert, ministre. Monsieur le rapporteur spécial, je vous invite donc à bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, j'y serai défavorable.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement n° II-274 ?

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Non, monsieur le président, et ce pour une question de principe.

Les élus des commissions jouissaient jusqu'ici d'un certain pouvoir de décision, ou d'avis, sur les projets les plus importants. C'était aussi l'occasion pour eux de définir des priorités, de dialoguer avec le préfet sur les projets structurants de leurs territoires, notamment à l'échelle intercommunale. Il me paraît important que les élus conservent cette prérogative dans la nouvelle commission.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. Chat échaudé craint l'eau tiède !

En qualité de président de l'association des maires de l'Oise, je préside régulièrement la commission d'élus de la DGE, et je copréside avec le préfet la commission d'élus de la DDR. J'ai donc une véritable expérience en la matière.

Le présent projet de loi menace de modifier la nature de ces dotations, en fusionnant deux fonds destinés à financer des de projets dont les caractéristiques sont différentes.

M. René-Pierre Signé. Les fonds sont différents mais fongibles !

M. Alain Vasselle. Au titre de la DGE, on finance des équipements. Au titre de la DDR, on finance également des équipements, mais à vocation économique. En d'autres termes, les projets étaient subventionnés s'ils permettaient la création d'emploi ou une offre de service à la population. Le taux de la subvention restait à l'appréciation de la commission d'élus de la DDR et faisait l'objet d'un échange entre élus et représentants de l'État.

La fusion des deux fonds sera à l'origine d'un mélange des genres et les élus risquent d'avoir bien du mal à s'y retrouver.

C'est pourquoi il me paraît préférable, dans un premier temps, de suivre la commission, à moins que le Gouvernement ne donne des garanties suffisantes contre les effets pervers du dispositif.

Combien de fois avons-nous dû nous opposer à des préfets ou des secrétaires généraux de préfectures, qui souhaitaient faire financer par les collectivités des services ou des équipements permettant à l'État de se désengager ? Je pense notamment aux relais de services publics, encouragés par l'État, dont les collectivités auraient sans doute été amenées à financer les dépenses d'investissement et de fonctionnement. Je m'y suis opposé et nous avons fort heureusement réussi à éviter ce type de financements.

Cependant, si, demain, les commissions d'élus ne sont plus chargées que de définir les domaines d'intervention, et si les préfets - qui reçoivent leurs instructions du ministre de l'intérieur - ont les mains libres pour agir, je crains que le fonctionnement du nouveau fonds ne connaisse quelques dérives.

Je suis donc très réticent à l'idée exprimée par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission. Monsieur le ministre, nous devons préserver une relation de grande confiance entre le représentant de l'État et les élus. C'est le sens de l'amendement de la commission des finances, qu'a présenté Pierre Jarlier.

Je ne suis pas persuadé que nous puissions dans l'instant élaborer une bonne rédaction, mais nous avons besoin de monnaie en vue de la commission mixte paritaire. À cette fin, le Sénat ne peut pas adopter en l'état toutes les dispositions votées à l'Assemblée nationale. Je m'engage à ce que nous puissions, en relation étroite avec M. le ministre et ses collaborateurs, définir d'ici à la CMP une rédaction appropriée, qui lève toutes les ambigüités.

Pour ces raisons, je maintiens l'amendement de la commission.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre. Je tiens tout d'abord à rappeler que les crédits dont il est question sont et resteront des crédits d'État. Il ne s'agit pas de crédits destinés à compenser d'éventuels transferts de compétences.

Par ailleurs, messieurs les sénateurs, vous savez bien comment une commission d'élus de DGE fonctionne. Elle arrête des principes, elle définit les catégories d'équipements et de projets qui peuvent être retenus. Évitons tout climat de défiance entre les uns et les autres. Efforçons-nous au contraire d'élaborer un mode de fonctionnement plus rapide.

Combien de fois ai-je entendu, au Sénat comme ailleurs, qu'il fallait assouplir les modes de fonctionnement, les normes et les règles afin d'instruire les dossiers plus rapidement. Avec le présent amendement, la commission va définir des principes d'intervention avant d'étudier certains dossiers de manière séparée. Il aurait été plus simple de fixer clairement les attributions des commissions d'élus, afin d'éviter tout dérapage, puis de s'en remettre à l'État pour l'application des procédures. Il s'agit, je le répète une nouvelle fois, de crédits d'État. Il est donc cohérent de confier leur gestion aux services de l'État.

Pour autant, si j'ai garantie que cette question fera l'objet d'un examen avec le Gouvernement avant la CMP, je m'en remettrai à la sagesse du Sénat.

Il faut qu'une relation de confiance mutuelle s'installe entre l'État et les collectivités. Je suis prêt à faire un pas dans ce sens, mais il faut éviter de mettre en place un système encore plus lourd que le précédent. Les élus se plaignent souvent que les réunions des commissions durent du matin au soir, quasiment sept jours sur sept. Le Gouvernement vous propose aujourd'hui une mesure permettant d'accélérer les procédures, d'aller directement à l'essentiel. J'ajoute que le dispositif du Gouvernement respecte le partage des responsabilités entre l'État et les collectivités.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Notre groupe votera l'amendement de la commission des finances pour les raisons de principes exposées par M. Jarlier et reprises par M. Arthuis.

Comme l'a indiqué M. Vasselle, nous connaissons bien le fonctionnement de ces commissions. Elles jouent un rôle positif, tant pour la DGE que pour la DDR.

Dans la mesure où l'on veut fusionner les deux fonds, il est à nous yeux de bon sens de fusionner également les deux commissions d'élus. Elles pourront ainsi continuer de s'exprimer comme elles le font actuellement. Les élus apprécient le fait d'être associés aux décisions qui sont prises, ils doivent continuer à l'être.

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Cette année, par un simple coup de crayon, le préfet de la Moselle a transféré à la DGE la moitié des crédits dont il disposait au titre de la DDR.

Je ne vois pas où réside l'innovation du nouveau système. Je ne vois pas davantage pourquoi nous nous posons des questions de nature métaphysique puisque, aujourd'hui, un préfet peut, indépendamment des votes de la commission d'élus, transférer de manière arbitraire, des crédits de la DDR vers la DGE.

J'ai été très surpris par ce qui s'est passé en Moselle. Au Parlement, on nous explique en effet que la DGE et la DDR sont deux dotations distinctes, dont les finalités et les contextes sont différents !

On s'achemine maintenant vers un nouveau système, mais le problème essentiel demeure : les arbitrages rendus par les préfets quant aux attributions de la DGE et de la DDR sont-ils purement techniques, ou bien tiennent-ils compte du contexte politique ? En Moselle, on peut parfois s'interroger sur ce point !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-17, présenté par M. Jarlier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 44

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

... -  Pour 2011, la commission instituée par l'article L. 2334-37 du code général des collectivités territoriales est constituée des commissions mentionnées aux articles L. 2334-35 et L. 2334-40 du même code dans leur rédaction antérieure à la loi n°  du  de finances pour 2011.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial. Afin de ne pas retarder les attributions de subventions en 2011, le présent amendement prévoit que la commission d'élus compétente pour la dotation de développement rural, la DDR, soit constituée en 2011 de la fusion des deux commissions existantes, celle chargée de la dotation globale d'équipement, la DGE, et celle chargée de la DDR.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Richert, ministre. Avis favorable.

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.

M. Alain Vasselle. J'approuve bien évidemment cet amendement, mais il faudra nous expliquer, monsieur le ministre, comment va fonctionner cette commission.

En effet, les modalités de fonctionnement des commissions en charge de la DGE et de la DDR étaient fort différentes. Ainsi, pour la DGE, on distinguait selon que cette dotation concernait les communes de moins de 2000 habitants ou de plus de 2000 habitants. Cette distinction va-t-elle subsister ? Aura-t-on encore une liberté d'appréciation pour définir les domaines d'intervention auprès de chaque collectivité ?

Je suis assez inquiet de la manière dont ce fonds va fonctionner. J'espère que les circulaires d'application permettront d'y voir un peu plus clair, car l'on ne peut pas se contenter de voter une fusion de deux fonds sans en mesurer pleinement les conséquences.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-17.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 82, modifié.

(L'article 82 est adopté.)