V. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011) ANNEXE 24

Commentaire : le présent article vise à actualiser les dispositions relatives aux modalités de calcul des potentiels fiscaux et financiers des différents niveaux de collectivités territoriales.

I. LE DROIT EXISTANT

Le potentiel fiscal et le potentiel financier permettent d'établir une comparaison de la richesse fiscale (et financière) potentielle, et non réelle, des collectivités les unes par rapport aux autres.

Ils sont pris en compte dans le calcul des dotations de péréquation :

- dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale (DSU-CS), dotation de solidarité rurale (DSR), dotation nationale de péréquation (DNP), dotation d'intercommunalité ainsi que fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France (FSRIF) pour le niveau communal ;

- dotation de fonctionnement minimale et dotation de péréquation urbaine pour les départements ;

- dotation de péréquation régionale pour les régions.

Le potentiel fiscal et le potentiel financier sont définis par le code général des collectivités territoriales.

L'article L. 2334-4 contient les définitions applicables aux communes et l'article L. 3334-6 définit le potentiel fiscal et financier du département.

Le potentiel fiscal communal et départemental est « déterminé par application aux bases des quatre taxes directes locales » de ces collectivités « du taux moyen national d'imposition à chacune de ces taxes ».

On ajoute au potentiel fiscal de la commune le montant de la dotation de compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, perçu l'année précédente, et au potentiel fiscal du département le montant de cette même dotation ainsi que la moyenne sur les cinq dernières années des droits de mutation à titre onéreux.

Le potentiel financier d'une commune est égal à son potentiel fiscal, majoré du montant de la dotation forfaitaire perçu par la commune l'année précédente, hors la part correspondant à la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle.

Le potentiel financier d'un département est égal à son potentiel fiscal majoré des montants perçus l'année précédente au titre de la dotation de compensation et de la dotation forfaitaire, hors les montants antérieurement perçus au titre de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle.

L'article L. 4332-5 définit le potentiel fiscal de la région .

« Le potentiel fiscal d'une région est déterminé par application aux bases brutes servant à l'assiette des impositions régionales des trois taxes de l'année précédente du taux moyen national d'imposition de la même année à chacune de ces taxes. Il est majoré d'un produit potentiel déterminé en fonction des compensations servies par l'Etat aux régions à raison des exonérations ou réductions de bases de fiscalité directe. »

L'article L. 5211-30 (II), enfin, donne la définition du potentiel fiscal des EPCI à fiscalité propre.

« Le potentiel fiscal des communautés urbaines de 2000 à 2002, des communautés de communes ou des communautés d'agglomération est déterminé par application à leurs bases brutes d'imposition aux quatre taxes directes locales du taux moyen national à ces taxes constaté pour la catégorie d'établissement à laquelle elles appartiennent. »

Ce potentiel est majoré du montant de la dotation de compensation de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle;

La suppression de la taxe professionnelle et la mise en place pour 2010 d'un régime transitoire avec la compensation relais ont rendu largement obsolètes les dispositions relatives aux modalités de calcul des potentiels fiscaux et financiers des différents niveaux de collectivités territoriales.

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose, pour remplacer les notions actuelles de potentiel fiscal et financier, un dispositif en deux temps dont l'objectif prioritaire est le maintien du droit constant .

Il considère justement que la logique de la compensation relais, qui compense la perte des produits de taxe professionnelle pour les collectivités en 2010, est un produit réel faisant intervenir les recettes effectivement perçues au titre de la taxe professionnelle sur un territoire (bases réelles multipliées par le taux appliqué au niveau local), alors que le calcul du potentiel fiscal repose sur des données théoriques. En effet, seules les inégalités objectives de situation, et non celles liées à des différences de gestion (vote des taux), sont prises en compte dans ce calcul. Jusqu'à la réforme de la taxe professionnelle, le potentiel fiscal ne mesurait ainsi que le montant que percevrait la collectivité si elle appliquait les taux moyens nationaux aux bases d'imposition des quatre taxes directes locales.

Afin de préserver la logique d'objectivité du calcul du potentiel fiscal, une distinction est donc faite entre l'année 2011 et les années suivantes afin d'écarter l'effet de la compensation-relais. Le potentiel fiscal pour 2011 prendrait donc en considération les taux moyens nationaux des trois impôts sur les ménages de l'année 2010, et les bases et taux moyens nationaux de taxe professionnelle utilisés pour le calcul du potentiel fiscal 2010.

La disposition proposée permettrait ainsi de faire de l'année 2011 une année de transition dans la répartition des dotations de l'État aux collectivités territoriales.

A compter de 2012, le présent article propose la mise en place d'un potentiel fiscal recalculé tirant les conséquences de la suppression de la taxe professionnelle et des recompositions de fiscalité locale entre niveaux de collectivités.

Le I du présent article propose une nouvelle rédaction de l'article L. 2334-4 du code général des collectivités territoriales qui définit le potentiel fiscal et le potentiel financier des communes .

Le dispositif proposé comprend deux volets, le premier, transitoire, doit s'appliquer à l'année 2011, le second, définitif, prendra effet au 1 er janvier 2012.

Pour 2011 , le potentiel fiscal est inchangé, puisqu'il repose sur les données 2010, à l'exception de la taxe professionnelle. Du fait des mouvements dus à la prise en compte de la compensation-relais en lieu et place de la taxe professionnelle, le texte propose une solution conservatoire visant à utiliser en 2011 les bases et taux moyens de taxe professionnelle utilisés pour le calcul du potentiel fiscal en 2010.

A compter de 2012 , le texte prévoit que le potentiel fiscal sera égal à la somme des impositions remplaçant la taxe professionnelle et des impôts ménages (y compris en prenant en compte les transferts de fiscalité entre collectivités).

Les impositions visées excluent toutefois, en application de références confuses compte tenu des versions successives du texte visé (article 1379 du CGI), l'imposition forfaitaire sur les pylônes et la taxe annuelle sur les éoliennes.

Le texte proposé par l'article 86 du projet de loi de finances précise que les « impositions prises en compte » pour le calcul du potentiel fiscal des communes « sont celles résultant du I de l'article 1379 du code général des impôts, hors impositions prévues aux 6°, 7° et 8° de cet article . »

Les impositions visées diffèrent toutefois selon les versions de l'article 1379.

Article 1379 du CGI en vigueur

Article 1379 du CGI en vigueur au
1er janvier 2011

I. Les communes perçoivent, dans les conditions déterminées par le présent chapitre :

1° La taxe foncière sur les propriétés bâties ;

2° La taxe foncière sur les propriétés non bâties ;

3° La taxe d'habitation ;

4° La taxe professionnelle ;

5° La redevance des mines ;

6° L'imposition forfaitaire sur les pylônes ;

7° La taxe annuelle sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent situées dans les eaux intérieures ou la mer territoriale.

I. - Les communes perçoivent, dans les conditions déterminées par le présent chapitre :

1° La taxe foncière sur les propriétés bâties, prévue aux articles 1380 et 1381 ;

2° La taxe foncière sur les propriétés non bâties, prévue à l'article 1393 ;

3° La taxe d'habitation, prévue à l'article 1407 ;

4° La cotisation foncière des entreprises, prévue à l'article 1447 ;

5° Une fraction égale à 26,5 % du produit de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises afférent à son territoire prévu à l'article 1586 octies ;

6° La redevance des mines, prévue à l'article 1519 ;

7° L'imposition forfaitaire sur les pylônes, prévue à l'article 1519 A ;

8° La taxe annuelle sur les installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent situées dans les eaux intérieures ou la mer territoriale, prévue à l'article 1519 B ;

9° La moitié de la composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relative aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent et aux installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique hydraulique des courants situées dans les eaux intérieures ou dans la mer territoriale, prévue à l'article 1519 D. Pour ces dernières, le produit est rattaché au territoire où est installé le point de raccordement au réseau public de distribution ou de transport d'électricité. Pour les installations terrestres de production électrique utilisant l'énergie mécanique du vent, le produit de l'imposition est perçu pour 30 % par la commune d'implantation et pour 70 % par l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre auquel appartient la commune d'implantation ou, à défaut, par le département lorsque la commune d'implantation n'appartient à aucun établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ;



10° La moitié de la composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relative aux installations de production d'électricité d'origine nucléaire ou thermique à flamme, prévue à l'article 1519 E ;

11° La moitié de la composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relative aux centrales de production d'énergie électrique d'origine photovoltaïque ou hydraulique, prévue à l'article 1519 F. Le produit de cette composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux afférent aux ouvrages hydroélectriques mentionnés au premier alinéa de l'article 1475 est réparti comme les valeurs locatives de ces ouvrages selon les règles fixées par ce même article ;

12° La composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relative aux transformateurs électriques, prévue à l'article 1519 G ;

13° Deux tiers de la composante de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux relative aux stations radioélectriques, dans les conditions prévues à l'article 1519 H ;

14° La taxe additionnelle à la taxe foncière sur les propriétés non bâties, prévue à l'article 1519 I.

Le potentiel financier d'une commune est égal à son potentiel fiscal, majoré du montant de la dotation forfaitaire perçu par la commune l'année précédente, la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) et le Fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) étant pris en compte dans ce calcul.

Le II du présent article accorde un sursis d'une année au système du Fonds de solidarité des communes de la région Ile-de-France ( FSRIF ), régi par l'article L. 2531-13 du CGCT et dont les bases du second prélèvement 1 ( * ) sont devenues obsolètes du fait de la suppression de la taxe professionnelle par la loi de finances pour 2010.

Le dispositif proposé prévoit, en effet, qu'en « 2011 les bases et les taux de taxe professionnelle retenus sont ceux utilisés pour l'application du II ( i.e. le second prélèvement ) en 2010. »

Le III du présent article propose un ajustement de la notion de potentiel fiscal et financier du département et modifie en ce sens l'article L. 3334-6 du CGCT.

Comme pour le bloc communal, il vise à mettre en place un calcul provisoire pour l'exercice 2011 et une définition définitive applicable à compter de 2012.

Il prévoit ainsi, pour l'année 2011 , de retenir les bases et le taux moyen de taxe professionnelle utilisés pour le calcul du potentiel fiscal 2010.

A compter de 2012 , les impositions prises en compte pour le calcul du potentiel fiscal seraient « celles résultant du I de l'article 1586 du code général des impôts, hors impositions prévues au 2° de cet article. Le potentiel fiscal d'un département est déterminé par application aux bases départementales des impositions directes locales du taux moyen national d'imposition de chacune de ces impositions.

« Le potentiel fiscal est majoré des montants prévus aux 1.2 et 2.2 de l'article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010. »

Le IV du présent article propose de modifier la définition du potentiel fiscal de la région qui figure à l'article L. 4332-5 du CGCT.

Comme pour les départements, les bases et le taux moyen de taxe professionnelle utilisés pour le calcul du potentiel fiscal 2011 seraient celles de l'année 2010.

A compter de 2012 , les impositions prises en compte pour le calcul du potentiel fiscal seraient « celles prévues à l'article 1599 bis du code général des impôts. Le potentiel fiscal d'une région est déterminé par application aux bases brutes servant à l'assiette des impositions régionales du taux moyen national d'imposition de chacune de ces impositions. Il est majoré des montants prévus aux 1.3 et 2.3 de l'article 78 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010 . »

Le V du présent article tend à modifier le II de l'article L. 5211-30 du CGCT. Il propose une nouvelle définition du potentiel fiscal des EPCI à fiscalité propre et de la notion de potentiel agrégé.

Comme pour les départements et les régions, les bases et le taux moyen de taxe professionnelle utilisés pour le calcul du potentiel fiscal 2011 seraient celles de l'année 2010.

Dans le cas d'un changement de périmètre après le 1 er janvier 2010, les bases de taxe professionnelle retenues seraient égales à la somme des bases de taxe professionnelle des communes membres de l'établissement au 31 décembre 2010 utilisées pour le calcul de leur potentiel fiscal 2010.

Le texte donne également une définition du potentiel agrégé visant à apprécier de façon plus appropriée la richesse d'un territoire par agrégation des bases communales et intercommunales, et des taux moyens appliqués à ces bases.

III. LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Avec l'avis favorable du Gouvernement, l'Assemblée nationale a adopté cinq amendements rédactionnels proposés par Marc Laffineur, rapporteur spécial.

Elle a également adopté, dans les mêmes conditions, un amendement visant à reporter à 2012 la consolidation des potentiels fiscaux des EPCI avec ceux de leurs communes membres considérant qu'il « ne semble pas pertinent d'opérer cette consolidation dès 2011 alors que les recettes prises en compte - celles de 2010 - résultaient des impositions antérieures à la réforme . »

IV. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre rapporteur spécial est convaincu du bien-fondé de la position retenue par le Gouvernement pour l'année 2011. Il est, en effet, judicieux d'écarter, pour cette année, la compensation-relais qui entre dans une logique très différente de celle qui est retenue pour le calcul de la richesse potentielle.

Pour ce qui concerne les définitions des potentiels fiscal et financier proposées pour 2012 et les années suivantes , l' appréciation de votre rapporteur spécial est extrêmement réservée .

La proposition formulée par le présent article a certes le mérite d'exister et de constituer une base de réflexion. Il est également appréciable qu'elle vise à élargir la définition actuelle du potentiel fiscal en l'ouvrant à l'ensemble des impositions économiques.

Toutefois, pour 2012, votre rapporteur spécial constate qu'il n'existe pas de simulations détaillées autres que celles qui ont pu être réalisées dans le cadre des travaux de la mission confiée à l'inspection générale de l'administration et l'Inspection générale des finances (rapport « Durieux ).

Comme l'a confirmé la DGCL auditionnée par votre rapporteur spécial, l'administration « ne dispose pas de données fiscales post-réforme de la taxe professionnelle (CVAE, CFE, impositions transférées entre niveaux de collectivités locales, DCRTP, FNGIR) autres que celles, provisoires et sur des périmètres 2009, utilisées par la mission IGA/IGF ».

En outre, le projet de loi de finances comporte plusieurs propositions d'ajustement de la fiscalité économique locale qui ne manqueront pas d'avoir des effets importants sur le potentiel fiscal des collectivités territoriales.

Dans ces conditions de grande incertitude, il apparaît donc plus raisonnable de laisser du temps à la réflexion et à la concertation, y compris avec les associations d'élus, d'attendre de disposer de simulations et de reporter à plus tard la définition du potentiel fiscal 2012. Tel est l'objet de l' amendement proposé par votre commission.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi modifié.


* 1 Les ressources du FSRIF proviennent de deux prélèvements. Le premier fait appel à la notion de potentiel financier par habitant, le second aux bases totales de taxe professionnelle rapportées au nombre d'habitants.