II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Santé

Article 86 bis (nouveau)

Les deuxième et troisième alinéas de l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles sont remplacés par des 1° à 4° ainsi rédigés :

« 1° Les frais définis aux 1° et 2° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale. Toutefois, ces frais peuvent être exclus de la prise en charge, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État, et à l'exclusion des mineurs, pour les actes, les produits et les prestations dont le service médical rendu n'a pas été qualifié de moyen ou d'important ou lorsqu'ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d'une maladie ;

« 2° Les frais définis aux 4° et 6° du même article L. 321-1 ;

« 3° Les frais définis à l'article L. 331-2 du même code ;

« 4° Le forfait journalier institué par l'article L. 174-4 du même code pour les mineurs et, pour les autres bénéficiaires, dans les conditions fixées au septième alinéa du présent article. »

III. RAPPORT SÉNAT N° 111 TOME III (2010-2011) ANNEXE 26

Commentaire : le présent article, inséré à l'Assemblée nationale, tend à recentrer le panier de soins des bénéficiaires de l'AME sur les actes, les produits et les prestations dont le service médical rendu a été qualifié de moyen ou d'important ou lorsqu'il n'est pas destiné directement au traitement ou à la prévention d'une maladie.

I. LE DISPOSITIF DE L'AIDE MÉDICALE DE L'ÉTAT

A. UN DISPOSITIF PARALLÈLE À LA COUVERTURE MALADIE UNIVERSELLE

1. Une création dans le cadre de la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle

A côté de la couverture maladie universelle (CMU), a été mis en place par la loi n° 99-641 du 27 juillet 1999, un dispositif particulier destiné à assurer la protection de la santé des personnes étrangères résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois , mais ne remplissant pas la condition de régularité de séjour exigée pour l'admission à la CMU et dont les ressources sont inférieures au plafond de ressources de la CMU-c.

Ce dispositif, relevant de la solidarité nationale, est financé par une dotation budgétaire inscrite sur le programme 183 « Protection maladie » de la mission « Santé ».

2. Une couverture sociale avec dispense d'avance de frais

L'AME offre une couverture sociale avec dispense d'avance de frais à près de 215 763 personnes . Elle comprend trois dispositifs :

- le dispositif « de droit commun », géré par la caisse nationale d'assurance maladie pour le compte de l'Etat ;

- les soins urgents des personnes françaises ou étrangères qui ne résident pas en France ( l'AME « humanitaire » ) ;

-  les évacuations sanitaires d'étrangers résidant à Mayotte vers des hôpitaux de la Réunion et éventuellement vers la métropole, ainsi que les soins des personnes retenues dans les locaux de rétention administrative.

3. Une montée en charge rapide du nombre de bénéficiaires qui a conduit à resserrer les conditions d'accès au dispositif

Le nombre de bénéficiaires de l'AME a rapidement augmenté ( cf . tableau) ce qui a conduit au resserrement des conditions d'accès à ce dispositif.

Nombre d'usagers concernés par l'AME

Au 31 décembre 2002

154 015

Au 31 décembre 2003

180 415

Au 31 décembre 2004

154 971

Au 31 décembre 2005

189 284

Au 31 décembre 2006

202 396

Au 31 décembre 2007

194 615

Au 31 décembre 2008

202 503

Au 31 décembre 2009

251 763

Source : projet annuel de performances pour 2011 de la mission « Santé »

a) Une première vague de mesures entre 2002 et 2006

A la fin du mois de décembre 2006, l'AME prenait en charge près de 202 396 bénéficiaires, contre 154 015 en 2002. Cette forte évolution a conduit à renforcer les conditions d'accès au dispositif :

- la loi de finances rectificative pour 2002 a ainsi introduit le principe d'un ticket modérateur , qui n'a cependant jamais été mis en oeuvre ( cf . commentaire de l'article 86 quinquies ) ;

- la loi de finances rectificative pour 2003 a, quant à elle, introduit une condition de résidence ininterrompue sur le territoire français de trois mois ;

- enfin, deux décrets du 28 juillet 2005 ont renforcé le contrôle des conditions légales d'accès au dispositif en mettant fin aux déclarations sur l'honneur à l'exception de celle portant sur la condition de ressources.

b) Une nouvelle vague de mesures traduisant les conclusions de la mission d'audit de 2007

Compte tenu de la forte croissance des dépenses d'AME, une mission d'audit de modernisation a été mise en place en 2007 sur la gestion de l'AME 1 ( * ) . Ses principales préconisations ont depuis lors été mises en oeuvre :

- l'extension du dispositif « tiers payant contre génériques » ;

- la mise en place à titre expérimental d'un titre sécurisé qui devrait être généralisé à la fin de l'année ;

- l'extension du champ de la mise sous accord préalable à l'AME.

c) Une forte augmentation des dépenses d'AME en 2009 qui a conduit à la mise en place d'une nouvelle mission d'audit

Une forte augmentation des dépenses d'AME a, de nouveau, été constatée en 2009 (+ 13,3 %) , soit plus de 60 millions d'euros de dépenses supplémentaires d'une année sur l'autre.

Selon le ministère de la santé et des sports, cette évolution s'expliquerait, pour moitié, par la hausse du nombre des bénéficiaires qui est passé de 202 503 à 215 763 entre décembre 2008 et décembre 2009, soit une augmentation de 6,5 %.

On constate ensuite que la progression des dépenses d'AME est surtout significative dans les établissements de santé (+ 14,9 % en 2009) qui concentrent 70 % des dépenses d'AME. Une des explications de cette tendance serait à rechercher dans le passage à la tarification à l'activité à 100 % qui aurait conduit les hôpitaux à être plus vigilants quant à l'exhaustivité des facturations à l'assurance maladie.

Une nouvelle mission conjointe des inspections générales des affaires sociales et des finances (IGAS-IGF) a ainsi été créée pour analyser plus précisément les causes de cette forte évolution des dépenses d'AME en 2009. Les conclusions de cette mission doivent être rendues à la fin du mois de novembre 2010.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

A. LE PANIER DE SOINS ACTUEL DES BÉNÉFICIAIRES DE L'AME

En application de l'article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles, les bénéficiaires de l'AME bénéficient de la prise en charge à 100 % , dans la limite des tarifs de la sécurité sociale, des soins médicaux et hospitaliers en cas de maladie ou de maternité, soit :

- la couverture des frais de médecine générale et spéciale , des frais de soins et de prothèses dentaires , des frais pharmaceutiques et d'appareils , des frais d'examens de biologie médicale , des frais d'hospitalisation et de traitement dans des établissements de soins, de réadaptation fonctionnelle et de rééducation ou d'éducation professionnelle, ainsi que des frais d'interventions chirurgicales nécessaires pour l'assuré et la couverture des médicaments, produits et objets contraceptifs et des frais d'examens de biologie médicale ordonnés en vue de prescriptions contraceptives ( 1° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale ) ;

- la couverture des frais de transport de l'assuré se trouvant dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état de santé ( 2° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale ) ;

- la couverture des frais de soins et d'hospitalisation afférents à l'interruption volontaire de grossesse ( 4° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale ) ;

- la couverture des frais relatifs aux actes et traitements à visée préventive réalisés dans le cadre des programmes de santé destinés à éviter l'apparition, le développement ou l'aggravation de maladies ou incapacités ( 6° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale ) ;

- les frais médicaux, pharmaceutiques, d'analyse et d'examens de laboratoires, d'appareils et d'hospitalisation relatifs ou non à la grossesse, à l'accouchement et à ses suites ( article L. 331-2 du code de la sécurité sociale ) ;

- enfin, le forfait journalier hospitalier pour les mineurs et, dans des conditions particulières, pour les autres bénéficiaires de l'AME ( article L. 174-4 du code de la sécurité sociale ).

B. UN RECENTRAGE SUR LES ACTES, PRODUITS ET PRESTATIONS POUR LESQUELS LE SERVICE MÉDICAL RENDU EST IMPORTANT

Adopté à l'initiative de notre collègue député, Dominique Tian, et avec l'avis favorable du Gouvernement, le présent article propose que les frais définis aux 1° et 2° de l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale (soit, notamment, les frais de médecine générale et spéciale, et les frais de transport) puissent ne plus être pris en charge par l'assurance maladie lorsqu'ils résultent d' actes , de produits et de prestations dont le service médical rendu n'a pas été qualifié de moyen ou d'important ou lorsqu'ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d'une maladie .

Les mineurs ne seront pas concernés par cette mesure, conformément à l'article 3.1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Les conditions d'application de ce dispositif seront précisées par un décret en Conseil d'Etat .

Le reste du panier de soins des bénéficiaires de l'AME demeure inchangé .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

A. DES ÉCONOMIES SUBSTANTIELLES DIFFICILES À RECHERCHER DANS CE TYPE DE DISPOSITIF

L'AME constitue un dispositif de taille modeste lorsqu'on le compare à l'ensemble des prestations de l'assurance maladie. Il revêt néanmoins une importance symbolique forte.

Comme le notait également la mission d'audit de 2007, il est assez illusoire d'attendre des économies importantes d'une réforme de l'AME , sauf à remettre en cause la politique d'immigration de notre pays ou à encourir des risques graves en matière de santé publique. Les dépenses d'AME sont, en effet, largement liées au nombre d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire national et répondent à un double objectif humanitaire et de santé publique .

Les mesures proposées pour en maîtriser le coût doivent donc rechercher un juste équilibre entre l'amélioration de l'efficience du dispositif et le maintien d'un accès aux soins satisfaisant des étrangers en situation irrégulière.

B. LES RISQUES LIÉS À LA SEULE PRISE EN CHARGE DES SOINS URGENTS

La seule prise en charge des soins urgents de cette population particulière , parfois proposée, aurait ainsi des conséquences lourdes :

- d'une part, une renonciation aux soins et un suivi défaillant de l'état de santé de ces personnes qui accroîtrait à terme le coût des soins délivrés ;

- d'autre part, le report sur les professionnels de santé libéraux et les établissements de santé de la majeure partie des économies réalisées . En effet, comme le rappelle la mission d'audit précitée, « les actes gratuits de praticiens libéraux, les créances irrécouvrables des hôpitaux et les fonds des associations (le plus souvent subventionnées par l'Etat) se substitueraient aux crédits de l'Etat ».

C. LA REDÉFINITION DU PANIER DE SOINS PROPOSÉE PAR LE PRÉSENT ARTICLE NE SERA PAS SANS POSER DE DIFFICULTÉS

La redéfinition du panier de soins des bénéficiaires de l'AME proposée par nos collègues députés est plus limitée .

Elle ne viserait en réalité qu'à ne plus prendre en charge les soins dits de confort . Or, comme le soulignait la mission d'audit de modernisation de 2007, l'AME couvre très peu de soins de confort. Le seul type de soins mentionné par les interlocuteurs de la mission comme pouvant être exclu d'une prise en charge par l'AME concerne les fécondations in vitro , dont le nombre apparaît très limité.

Par ailleurs, ce nouveau dispositif est encadré puisque, d'une part, les mineurs ne sont pas concernés et que, d'autre part, les conditions de l'application du nouvel article L. 251-2 du code de l'action sociale et des familles seront précisées par un décret en Conseil d'Etat.

Il convient néanmoins de s'interroger sur les modalités d'application de ce dispositif : il est vraisemblable que les professionnels de santé soigneront les patients qui viendront les consulter, également pour des soins exclus du « panier » de AME, et que les coûts correspondants seront supportés in fine par les professionnels de santé ou les établissements de santé.

De façon plus générale, il apparaît nécessaire de veiller au juste équilibre entre l'amélioration de l'efficience du dispositif et le maintien d'un accès aux soins satisfaisant des étrangers en situation irrégulière . Il est, en outre, regrettable que ces propositions soient mises en oeuvre sans attendre les conclusions de la mission commune d'inspection, prévues pour la fin du mois de novembre.

Décision de la commission : sous réserve de ces observations, votre commission des finances vous propose d'adopter cet article sans modification.


* 1 IGF-IGAS, Mission d'audit de modernisation sur la gestion de l'aide médicale de l'Etat - mai 2007.