IV. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 4 DÉCEMBRE 2010

Séance du samedi 4 décembre 2010

Article 86 bis (nouveau)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Je souhaite tout d'abord lever une inquiétude s'agissant des prestations liées à l'aide médicale d'État, l'AME : contrairement à ce que l'on entend parfois, les bénéficiaires de l'AME n'ont pas plus de droits que les titulaires de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C. Ces derniers sont mieux protégés, car ils ont accès à des remboursements de soins dentaires et optiques supérieurs aux tarifs de la sécurité sociale, et ne peuvent se voir appliquer de dépassements d'honoraires. Les bénéficiaires de l'AME, en revanche, peuvent se voir appliquer ces dépassements.

Dans l'ensemble, le coût moyen des soins pour les titulaires de l'AME s'élève à 2 055 euros, contre 2 188 euros pour les assurés sociaux. De plus, les premiers ont recours aux médicaments génériques dans la même proportion que les seconds. Il n'est donc pas légitime d'affirmer que l'AME représente une charge financière disproportionnée par rapport à l'assurance maladie dont bénéficie le reste de la population.

L'article 86 bis ouvre la possibilité d'exclure de la prise en charge des soins et transports sanitaires « les actes, les produits et les prestations dont le service médical rendu n'a pas été qualifié de moyen ou d'important ou lorsqu'ils ne sont pas destinés directement au traitement ou à la prévention d'une maladie ». Cette exclusion sera déterminée dans des conditions prévues par décret en Conseil d'État.

La commission des affaires sociales comprend les objectifs visés par cet article. Elle s'interroge cependant sur le moyen choisi pour y parvenir. En effet, la demande de soins des titulaires de l'AME correspond, d'après les données fournies par le ministère et les associations d'aide aux migrants, à des soins de première nécessité.

Lors du débat à l'Assemblée nationale, la fécondation in vitro et les cures thermales ont été citées comme exemples de soins susceptibles d'être exclus du panier accessible par l'AME ; ils n'emportent pas la conviction.

Les cures thermales reposent sur le paiement par le curiste de son hébergement, sans prise en charge : il n'est donc pas étonnant qu'aucun titulaire de l'AME n'ait, à ce jour, bénéficié de tels soins. L'Agence de la biomédecine ne recense pas non plus de titulaires de l'AME ayant bénéficié d'une fécondation in vitro . De toute façon, les équipes médicales refusent de s'engager dans un tel processus avec des personnes dont la situation est économiquement et socialement précaire, au nom du bien-être de l'enfant.

La responsabilité des soignants, et particulièrement des médecins, dans les soins qu'ils prescrivent est la meilleure garantie de l'absence de dérives de l'aide médicale d'État. Il est particulièrement difficile de faire intervenir le pouvoir réglementaire dans la relation entre le médecin et son malade.

Par ailleurs, l'article entend limiter l'attractivité de l'aide médicale d'État pour répondre au risque d'une immigration fondée sur le besoin de soins non essentiels. Il n'est pas impossible que la perspective d'obtenir des soins joue, pour une part, dans la décision d'immigration des personnes qui se savent malades. Mais tel n'est pas le cas de la majorité des titulaires de l'AME. En effet, ceux-ci n'ont fait l'objet d'aucune prise en charge ni d'aucun dépistage dans leur pays d'origine, et sont principalement des personnes jeunes - 72 % d'entre eux sont âgés moins de quarante ans, d'après les chiffres fournis par la direction de la sécurité sociale -, physiquement capables d'entreprendre le voyage qui les conduira en France.

L'attractivité du système de soins français peut être plus importante pour les étrangers souffrant de maladies graves, mais ces derniers ne sont pas des titulaires de l'AME. En application de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ils ont en effet la possibilité de bénéficier de la CMU et de la CMU-C.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des affaires sociales vous proposera un amendement de suppression de cet article.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, sur l'article.

M. Jean Desessard. Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les sénatrices et sénateurs écologistes se prononceront pour la suppression de l'article 86 bis , qui tend à limiter le bénéfice de l'AME aux actes ou aux prestations dont le service médical rendu est considéré comme moyen ou important.

Cette mesure est l'expression la plus radicale et la plus contestable de la stigmatisation de l'étranger en situation irrégulière initiée par le Gouvernement.

Sans parler d'humanisme, cette valeur qui fait cruellement défaut dans votre politique, je souhaite évoquer les dangers d'une telle mesure en termes de santé publique.

D'abord, cette disposition est un contresens en termes de rationalité des coûts, puisque nous savons que la médecine préventive est essentielle pour la prévention de pathologies qui peuvent évoluer, si elles ne sont pas soignées, vers d'autres maladies plus graves. À ce moment-là, effectivement, ces pathologies coûteront cher !

Le bilan coût-avantage de cette disposition fait apparaître son inutilité budgétaire : quelques économies réalisées, aujourd'hui, sur le dos des étrangers sans papiers se transformeront en plusieurs millions d'euros dépensés, demain, pour soigner des pathologies graves qui n'auront pu être détectées à temps !

La visée de cet article est absurde, tout comme le sont les justifications avancées pour soutenir son adoption : nous avons ainsi appris qu'il existait un réseau d'étrangers sans papiers coutumiers de la cure thermale et de la chirurgie esthétique !

Comment peut-on imaginer qu'une personne qui dispose de moins de 634 euros par mois pour vivre, ce qui induit une situation de grande précarité, puisse songer à une cure thermale, alors qu'elle se débat chaque jour pour survivre ?

L'article 86 bis est populiste et discriminatoire, et véhicule, au moyen d'accusations mensongères, des préjugés que l'on pourrait qualifier de xénophobes et qui sont indignes de notre République. (Mme Marie-Thérèse Hermange s'exclame.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. Jean Desessard. C'est pourquoi nous voterons les amendements de suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange, sur l'article.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je ne peux pas laisser dire que les étrangers ne sont pas accueillis au sein de notre système hospitalier !

Vous êtes un élu parisien, monsieur Desessard. Je vous invite donc à vous rendre ce soir, au choix, dans le service des urgences des hôpitaux Lariboisière, Tenon, Robert Debré, dans toutes les maternités de l'Assistance publique, ou bien encore dans les services des urgences dentaires de la Pitié-Salpêtrière, ou ophtalmiques de l'Hôtel-Dieu : vous constaterez que tout un chacun est accueilli à l'hôpital et que la dimension humaine est bien présente dans la politique française de santé ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Paul Virapoullé. Elle a raison !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L'amendement n° II-156 est présenté par MM. Autain et Fischer, Mmes Pasquet, David, Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

L'amendement n° II-213 est présenté par MM. Teulade, Daudigny, Godefroy, Le Menn et Gillot, Mmes Printz, Alquier, Campion, Demontès, Ghali, Jarraud-Vergnolle, Le Texier, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Cazeau, Jeannerot, Kerdraon, S. Larcher et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° II-278 est présenté par M. Milon, au nom de la commission des affaires sociales.

L'amendement n° II-287 rectifié est présenté par M. Collin et Mme Escoffier.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° II-156.

Mme Marie-France Beaufils. Cet article, issu de l'adoption d'un amendement déposé à l'Assemblée nationale, nous interroge autant qu'il nous inquiète.

Il nous interroge, parce qu'il tend à préciser que les dépenses de santé mentionnées à l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale pourraient ne plus être prises en charge par l'aide médicale d'État si le service médical rendu n'a pas été qualifié de moyen ou d'important, ou s'il n'est pas destiné directement au traitement ou à la prévention de maladies.

Pour se prononcer sur cet article, il convient de se reporter aux frais qu'il vise : les frais de médecine générale et spéciale. On voit mal comment cette disposition pourrait être appliquée raisonnablement. L'AME prenant la forme d'une dispense de frais, qui pourra décider que la consultation d'un médecin généraliste par le bénéficiaire de l'AME n'est pas justifiée par l'état de santé de ce dernier ? S'agira-t-il d'un contrôle avant consultation, ou bien permettrez-vous aux médecins consultés de juger par eux-mêmes si cette consultation relève, ou non, de la prise en charge par l'AME ?

Si je pose cette question, c'est parce que nous sommes inquiets. Personne n'ignore que les bénéficiaires de l'AME sont dans un état de grande précarité. Nul ne peut le nier, puisque l'une des conditions essentielles d'attribution de cette aide réside dans le fait de disposer de revenus inférieurs à 634 euros ! L'annonce lors de la consultation - surtout d'un médecin spécialiste ! - de la non-prise en charge de l'avance de frais sera synonyme, pour ces personnes, d'un renoncement aux soins.

Nous voyons dans cet article une manière subtile, mais efficace, de rendre légal ce qui ne l'est pas actuellement : la discrimination en matière d'accès aux soins dont sont victimes les bénéficiaires de l'AME. N'oublions pas que, pour certaines spécialités, le taux de refus de soins prononcés contre les bénéficiaires de l'AME est de 30 % !

En agissant ainsi, les auteurs de l'amendement initial, qui est devenu un article de ce projet de loi de finances, espèrent que le refus de soins prononcé par le médecin se transformera, de fait, en renoncement aux soins de la part du patient.

Cet article, inséré par l'Assemblée nationale, vise également à soumettre à conditions la prise en charge à 100 % des actes de réadaptation fonctionnelle et de rééducation consécutifs à un accident - qui pourrait croire qu'il existe des fraudes en la matière ? -, ou encore de matériels et médicaments contraceptifs, une mesure qui aurait pour effet de priver les femmes de ce droit fondamental, leur liberté de décider elles-mêmes si elles souhaitent, ou non, être enceintes.

Par ailleurs, cet article est profondément redondant par rapport au droit en vigueur. En effet, l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale dispose déjà que les dépenses de santé les plus importantes doivent être justifiées par l'état de santé du patient : ne sont visés que les soins ou les actes qui sont, pour reprendre les termes mêmes de cet article 86 bis , « destinés directement au traitement ou à la prévention d'une maladie ».

C'est le cas des frais d'interventions chirurgicales, qui doivent être, selon l'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale, « nécessaires pour l'assuré et les membres de sa famille ».

C'est aussi le cas de la couverture des frais de transport : à leur égard, le même article dispose, d'ores et déjà, que les patients concernés doivent se trouver « dans l'obligation de se déplacer pour recevoir les soins ou subir les examens appropriés à leur état ».

Cet article participe non pas d'une réflexion visant à améliorer la qualité de nos dépenses publiques, mais plutôt d'une autre, qui concerne l'accueil des populations immigrées sur notre territoire.

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, pour présenter l'amendement n° II-213.

M. Yves Daudigny. L'offensive politique actuelle menée à l'encontre de l'AME n'est pas nouvelle : ce dispositif est régulièrement remis en cause depuis une dizaine d'années. Les coups portés, qu'ils le soient par voie réglementaire ou par voie législative, n'ont cessé de rigidifier ou de grignoter l'accès aux soins des étrangers les plus précaires.

Pour prendre un exemple récent, il suffit de se reporter à l'examen, en octobre dernier, du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité par l'Assemblée nationale. Au cours de ce débat, un amendement restreignant l'accès à un titre de séjour des étrangers gravement malades a été adopté, tandis qu'un autre tendant à multiplier les obstacles administratifs à l'obtention de l'AME et à réserver l'accès aux soins aux cas urgents a été renvoyé à l'examen du projet de loi de finances pour 2011. Nous y voilà donc : ce qui était prévisible est arrivé !

Mardi 2 novembre, lors de l'examen des crédits de la mission « Santé » à l'Assemblée nationale, le démantèlement de l'AME s'est accéléré, avec l'adoption de plusieurs amendements cautionnés par Mme Bachelot, alors ministre de la santé.

La restriction du panier de soins, qui fait l'objet de l'article 86 bis , constitue une remise en cause des soins dispensés aux bénéficiaires de l'AME ; elle est, par là même, en contradiction avec une politique de santé publique cohérente.

Cette limitation de la prise en charge des soins aux seuls bénéficiaires d'un service médical rendu qualifié d'important ou de moyen ne peut que restreindre l'accès aux soins, à la prévention, en amont, et au suivi médical. Tout cela ne peut qu'aboutir à des prises en charge tardives et à une dégradation de l'état de santé des personnes concernées.

Il n'est pas inutile de rappeler, par ailleurs, que le panier de soins de l'AME est déjà réduit : ce n'est pas, et de loin, le panier de soins universel que certains ont parfois évoqué.

En effet, si l'on établit une comparaison avec les bénéficiaires de la CMU-C, par exemple, force est de constater que ni les titulaires de l'AME ni leurs enfants ne bénéficient d'une prise en charge effective des prothèses dentaires et des lunettes.

En outre, contrairement à ce que d'aucuns n'ont pas manqué d'asséner à plusieurs reprises à l'Assemblée nationale, il est avéré que, à revenu équivalent, les personnes en situation irrégulière bénéficient d'une couverture maladie moins importante que les Français ou les étrangers en situation régulière. Et plus encore que d'autres personnes vivant dans la précarité, elles se voient opposer des refus de soins, devenus très fréquents.

M. Jean Desessard. Bravo !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° II-278.

M. Alain Milon, rapporteur pour avis. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Escoffier, pour présenter l'amendement n° II-287 rectifié.

Mme Anne-Marie Escoffier. Monsieur le président, si vous me le permettez, je défendrai également, dans un même élan, les amendements que mon groupe a déposés sur les articles 86 ter, quater et quinquies, à savoir les amendements n os II-288 rectifié, II-289 rectifié et II-290 rectifié.

Devant la prétendue augmentation continue des dépenses de l'aide médicale d'État, l'Assemblée nationale a souhaité réformer ce dispositif de solidarité nationale. Ainsi, quatre articles additionnels ont été insérés dans le projet de loi de finances pour 2011, rattachés à la mission « Santé ».

Avec plusieurs de mes collègues, nous nous interrogeons sur l'intérêt de ces articles. S'agit-il seulement d'encadrer un dispositif afin de maîtriser son évolution financière ? Ou bien existerait-il d'autres raisons qui trouveraient leur origine dans des débats sur l'immigration, dont nous aurons bientôt à connaître ?

Il y a, à mes yeux, une seule et incontournable exigence sur ce point : elle est humanitaire et sanitaire ! Je connais bien ce problème, pour avoir été, en d'autres temps et en d'autres lieux, confrontée au devoir d'accepter ou de refuser l'accès aux soins de certains de ces étrangers. L'absence récurrente - et personne n'en parle ! - d'une carte sanitaire mondiale valable est un handicap majeur. Vous le savez, cette absence doit être corrélée au problème que nous évoquons ici !

La France est certainement l'un des pays au monde qui fait preuve de la plus grande générosité envers les étrangers, ces derniers étant toutefois contraints de séjourner sur notre territoire en situation irrégulière et fragile.

Nous sommes, au groupe RDSE, comme tous sur ces travées, attachés à cette France républicaine, celle des droits de l'homme. Les articles adoptés par l'Assemblée nationale sont non seulement humainement discriminants, mais encore contre-productifs en termes de santé publique et économiquement inefficaces.

C'est pourquoi, nous proposons de les supprimer.

La sagesse, d'ailleurs, voudrait que nous attendions - comme l'a signalé M. le rapporteur pour avis -, au moins, le rapport conjoint de l'IGAS et de l'IGF. Il sera toujours temps de réfléchir sereinement, et non dans la précipitation comme l'ont fait nos collègues députés ! (M. Jean-Paul Virapoullé applaudit.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ces quatre amendements identiques ?

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur spécial de la commission des finances. Si vous me le permettez, monsieur le président, je donnerai l'avis de la commission sur l'ensemble des amendements déposés sur les articles 86 bis, 86 ter, 86 quater et 86 quinquies .

Ces amendements tendent en effet presque tous à supprimer ces articles, insérés par l'Assemblée nationale, ayant pour objet d'encadrer davantage le dispositif de l'aide médicale d'État. De fait, ces articles tendent à recentrer le panier de soins des bénéficiaires de l'AME sur les actes au service médical modéré ou important, à prévoir un contrôle préalable pour certains actes de la condition de résidence et à donner la possibilité aux caisses de récupérer les sommes indûment versées, ainsi qu'à créer un droit de timbre annuel.

Je souhaite rappeler quatre éléments.

Premièrement, la principale préoccupation de la commission des finances concernant l'AME a toujours été la sincérité de la budgétisation de la dotation qui y était destinée. En effet, il s'agit d'un poste de dépenses qui a fait l'objet d'une sous-budgétisation récurrente les précédentes années, comme je le disais dans ma dernière intervention. Sur ce point, il convient toutefois de reconnaître que des efforts ont été accomplis depuis 2007 : d'une part, les dotations initiales ont été revalorisées et, d'autre part, les dettes de l'État à l'égard de la sécurité sociale ont été apurées en 2007 et en 2009.

Des mesures nouvelles sont également prévues dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2010, qui sera examiné dans quelques jours au Sénat.

Deuxièmement, les dépenses d'AME répondent, comme l'indique le projet annuel de performances de la mission « Santé », a un double objectif humanitaire et de santé publique. Les mesures proposées pour en maîtriser le coût doivent donc rechercher un juste équilibre entre l'amélioration de l'efficacité du dispositif et le maintien d'un accès au soins satisfaisant des étrangers en situation irrégulière.

Je me réjouis, de ce point de vue, que l'Assemblée nationale n'ait pas retenu certaines propositions de nos collègues députés tendant à recentrer le panier de soins des bénéficiaires de l'AME sur les seuls soins urgents.

Troisièmement, comme le notait la mission conjointe de l'IGF et de l'IGAS de 2007 sur ce sujet, le dispositif de l'AME, qui représente 588 millions d'euros, demeure de taille relative au regard des dépenses totales d'assurance maladie, qui s'élèvent à 167 milliards d'euros. En revanche, il revêt un caractère symbolique puisqu'il dépend de la politique d'immigration que l'on choisit. Ce sujet dépasse ainsi largement le cadre de l'examen de la mission « Santé ».

Enfin, je relève que ces dispositions ont été introduites à l'Assemblée nationale avant que la nouvelle mission conjointe de l'IGF et de l'IGAS n'ait rendu ses conclusions. Celles-ci devaient être connues à la fin du mois de novembre. Or, à ce jour, elles n'ont pas été transmises à notre commission. Pourriez-vous, madame la secrétaire d'État, nous faire part de l'état d'avancement de ces travaux ? Ces éléments pourraient peut-être éclairer notre assemblée.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé. Mesdames, messieurs les sénateurs, cet article 86 bis a pour objet la restriction du panier de soins des bénéficiaires de l'AME aux seuls actes dont le service rendu est faible ou qui ne sont pas destinés au traitement ou à la prévention d'une maladie.

Il ne s'agit donc pas de stigmatiser les bénéficiaires de l'AME ! Cet article prévoit que les soins pris en charge doivent être vraiment utiles et importants afin d'éviter que certaines personnes puissent abuser de ce système. Les actes, produits ou prestations concernés seront précisés par décret. En fait, l'article vise essentiellement les médicaments remboursés à 15 %, les cures thermales ou encore le traitement de la stérilité. Ils ne seront donc aucunement à la discrétion du médecin.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de ces quatre amendements.

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, je tiens à réagir aux propos de Mme la secrétaire d'État, car on ne peut laisser dire que ces articles visent simplement à corriger certains prétendus abus. Il n'est qu'à se reporter aux débats de l'Assemblée nationale. En effet, l'un de nos collègues députés a tranquillement expliqué que certains étrangers venaient en France pour profiter de la prise en charge, au titre de l'AME, des cures thermales ! Or l'on sait pertinemment - ce n'est pas moi qui le dis, ce sont l'IGAS et l'IGF qui l'affirment - que les dépenses de l'AME restent inférieures de près de 800 euros aux dépenses engagées par l'assurance maladie pour un affilié au régime général !

À qui veut-on faire croire que ces dispositions ont pour objet de lutter contre les abus ? Il faut être sérieux et cesser de dire n'importe quoi ! Vous voulez nous faire prendre des vessies pour des lanternes !

J'ajoute que, si un certain nombre de ressortissants de l'Union européenne bénéficiaient de la CMU, comme c'était le cas avant 2008, nous ne nous poserions pas ces questions sur l'AME.

Ces questions spécifiques aux ressortissants européens ont une dimension communautaire et appellent un traitement particulier.

Enfin, j'apprécie la décision de la commission des finances de s'en remettre à la sagesse de notre assemblée, et je souhaite que cette sagesse puisse s'exprimer.

Mme Nathalie Goulet. Bien !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n os II-156, II-213, II-278 et II-287 rectifié.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 86 bis est supprimé.

L'amendement n° II-37, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

Cet amendement n'a plus d'objet.