III. DÉBATS ASSEMBLÉE NATIONALE DU 16 NOVEMBRE 2010

Débats AN première lecture

Première séance du mardi 16 novembre 2010

Article 88

M. le président. « Art. 88. - I. - À la fin du I de l'article 19 de la loi n° 2007-1786 du 19 décembre 2007 de financement de la sécurité sociale pour 2008 sont insérés les mots suivants :

« , à la condition que l'organisme ait un effectif inférieur à dix salariés. Cet effectif est apprécié selon les mêmes modalités que celles définies pour l'application de l'article L. 241-13 du code de la sécurité sociale. »

II. - Le présent article s'applique aux cotisations et contributions sociales dues à compter du 1 er janvier 2011.

Je suis saisi de six amendements identiques, n os 202, 314, 325, 328, 330 et 411, visant à supprimer l'article 88.

L'amendement n° 202 est présenté par M. Eckert, rapporteur spécial au nom de la commission des finances, M. Censi, M. Carayon, M. Mathis, M. Vigier, M. Flory, M. Giscard d'Estaing, M. Michel Bouvard, M. Binetruy, M. Le Fur et les commissaires membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

L'amendement n° 314 est présenté par Mme Oget, Mme Massat, M. Gille, M. Liebgott, Mme Iborra, M. Sirugue, Mme Carrillon-Couvreur, M. Manscour, M. Jung, M. Eckert, M. Christian Paul, M. Rousset et les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

L'amendement n° 325 est présenté par M. Descoeur, M. Alain Marc, M. Bony, M. Binetruy, M. Pancher, M. Vannson, M. Morel-A-L'Huissier, M. Saint-Léger, M. Proriol, M. Saddier, M. Cherpion, M. Marcon, M. Raison, M. Giscard d'Estaing, Mme Bassot et M. Gaultier.

L'amendement n° 328 est présenté par M. Giraud, M. Charasse, Mme Berthelot, M. Giacobbi, Mme Girardin, M. Likuvalu, Mme Jeanny Marc, Mme Orliac, Mme Pinel et Mme Robin-Rodrigo.

L'amendement n° 330 est présenté par M. Giscard d'Estain.

Et l'amendement n° 411 présenté par M. Lassalle.

Ces amendements sont ainsi rédigés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur spécial, pour soutenir l'amendement n° 202 de la commission des finances, dont j'observe qu'il est cosigné par MM. Censi, Carayon, Mathis, Vigier, Flory, Giscard d'Estaing, Michel Bouvard, Binetruy et Le Fur, ainsi que par les membres du groupe socialiste, radical, citoyen et divers gauche.

M. Christian Eckert, rapporteur spécial . L'article 88 a heurté de nombreux collègues sur tous les bancs de l'hémicycle. L'amendement n° 202, qui vise à le supprimer, a d'ailleurs a été cosigné par plusieurs députés et adopté par la commission.

Le dispositif d'exonération prévu par l'article est fermé pour les nouvelles entrées depuis l'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008. Les embauches postérieures à 2007 ne sont en effet plus éligibles à cette exonération.

Supprimer ce dispositif pour les entreprises de moins de dix salariés aurait des conséquences graves, car il a fait ses preuves : grâce à lui, de nombreux emplois ont été créés et d'autres n'ont pas été supprimés. De surcroît, son coût est relativement modeste puisqu'il ne concerne que les zones de revitalisation rurale.

Je relaie l'avis favorable de la commission sur la suppression de l'article 88. À défaut, si l'Assemblée n'adoptait pas l'amendement, je soutiendrais d'autres propositions permettant de respecter la volonté du Gouvernement de diminuer les dépenses liées à cette exonération.

M. le président. La parole est à M. Francis Saint-Léger.

M. Francis Saint-Léger. En tant que cosignataire de l'amendement n° 325 que Vincent Descoeur s'apprête à défendre, je rappellerai que la mesure d'exonération des charges sociales en faveur des zones de revitalisation rurale est prévue par la loi relative au développement des territoires ruraux, dont je fus corapporteur avec Yves Coussain.

C'est une vraie mesure de solidarité et d'aménagement du territoire que nous avions souhaité instaurer, pour soutenir à la fois les organismes d'intérêt général et l'emploi dans ces territoires en difficulté que sont les ZRR.

Sans vouloir relancer le débat que nous avons eu en 2005 sur ce sujet, je rappelle tout de même que les ZRR sont des territoires qui ont une très faible densité de population - moins de 31 habitants au kilomètre carré - et qui sont extrêmement fragiles. Elles ont besoin, pour s'en sortir, de mesures de soutien à l'activité.

Dans un département comme le mien, la Lozère, qui est le plus rural et le moins peuplé de France, et qui est classé intégralement en ZRR, de très nombreux emplois ont été fortement aidés par cette mesure.

Le dispositif s'est donc révélé très efficace. Le supprimer brutalement ou, ce qui reviendrait à peu près au même, le raboter en instituant un seuil, serait très préjudiciable au monde rural.

C'est pourquoi je soutiens cet amendement, qui émane de l'Association nationale des élus de la montagne, et qui vise à conserver le dispositif existant.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Renée Oget, pour soutenir l'amendement n° 314.

Mme Marie-Renée Oget. Je suis également favorable à la suppression de cet article. Un rapport paru l'an dernier a certes souligné « un décalage entre les objectifs initiaux à destination des organismes d'intérêt général et l'utilisation du dispositif », mais son extinction brutale mettrait en péril bon nombre de structures.

Je voudrais donner un exemple de ce qui pourrait se passer dans un établissement hospitalier spécialisé de ma circonscription. Cet établissement bénéficie du dispositif depuis 2007, ce qui a permis la création de soixante équivalents temps plein à l'occasion de l'ouverture d'une unité pour malades difficiles, mais aussi d'une maison d'accueil spécialisée et d'un service de médecine et de soins de suite, tout cela en accord avec l'agence régionale de l'hospitalisation.

Je pourrais également évoquer huit postes qui ont été créés dans une autre MAS, et douze autres dans un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Ce dispositif est un soutien à la création, mais aussi au maintien d'emplois dans des zones rurales difficiles. Ce n'est pas pour rien qu'elles ont été classées ZRR.

M. le président. La parole est à M. Vincent Descoeur, pour soutenir l'amendement n° 325.

M. Vincent Descoeur. Cet article aurait pour effet de restreindre considérablement l'exonération dont bénéficient les organismes d'intérêt général situés en zone de revitalisation rurale.

Les élus de la montagne, mais aussi bon nombre d'autres collègues élus de territoires ruraux, ont attiré l'attention de Michel Mercier, alors ministre de l'espace rural, sur les effets négatifs qu'aurait cette disposition sur l'emploi en milieu rural. En effet, contrairement à ce qu'affirme le rapport de 2009, nous sommes convaincus que ce dispositif a eu des effets positifs sur le maintien de l'emploi, mais aussi sur la création et le maintien des services, ainsi que sur leur coût.

Qu'il me soit permis de rappeler que les territoires ruraux ont déjà fourni des efforts : nous avons accepté en 2007 que ce dispositif ne concerne plus que les emplois créés antérieurement, et que les nouveaux emplois n'en soient plus bénéficiaires. Nous pensions donc que les efforts étaient derrière nous. Le rapport indique d'ailleurs que la charge pour l'État diminue d'année en année.

Réunis récemment autour de Michel Mercier, nous avons longuement abordé cette question. Chacun a convenu que nous ne disposions pas, pour l'heure, des éléments qui permettraient de prendre une telle décision, et qu'il était impossible de proposer une modification du dispositif, car aucun ministère n'était capable d'en évaluer les effets.

Je propose donc que nous prenions le temps d'une évaluation sereine et objective. D'ici là, ce dispositif doit être maintenu.

M. le président. La parole est à M. Louis Giscard d'Estaing, pour soutenir l'amendement n° 330.

M. Louis Giscard d'Estaing. La pertinence du dispositif créé par la loi sur les territoires ruraux a été démontrée. Il aide les établissements médico-sociaux, ainsi que les maisons familiales rurales, qui jouent un rôle important en matière d'éducation.

Vous proposez, monsieur le ministre, d'introduire un seuil de dix salariés. Il me semble que nous devons préférer la simplicité. Le dispositif fonctionne bien. Ne le modifions pas en y introduisant un seuil, car il serait difficile de déterminer quels établissements seraient réellement impactés par cette modification. La solution la plus simple, c'est la suppression de cet article.

M. le président. La parole est à Mme Chantal Robin-Rodrigo, pour soutenir l'amendement n° 328.

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Je veux à mon tour insister sur le soutien à l'emploi que représentent les ZRR dans nos territoires, en particulier de montagne. C'est un progrès substantiel qui a été fait pour la création d'emplois. Il est très important, pour le secteur de la santé et du médico-social, mais aussi pour le commerce et l'artisanat, que cet article soit supprimé. S'il ne l'était pas, ce sont des milliers d'emplois qui disparaîtraient dans des zones fragiles.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle, pour soutenir l'amendement n° 411.

M. Jean Lassalle . Je tiens d'abord à vous remercier, monsieur le président, de me donner la parole, ainsi que de présider aussi remarquablement cette assemblée. Depuis que je suis non-inscrit, je me suis rendu compte à quel point il était difficile de parler. Je sais que vous n'y êtes pour rien, mais je tiens quand même à le dire. J'ai pensé pendant très longtemps qu'un député égalait un député, et que chacun d'entre nous était une petite parcelle de la nation française. Eh bien, je me suis rendu compte qu'ici ce n'était pas aussi évident que cela.

Comme tous mes amis l'ont dit, c'est une question de vie ou de mort pour les territoires situés en zone de revitalisation rurale. Le dispositif dont il est question ici avait été instauré après une très longue réflexion. Il ne peut pas être uniquement destiné à aider les associations qui s'occupent de nos anciens. Il s'agit de bien plus que cela. Il s'agit de faciliter la création d'emplois, sans contingenter le dispositif en introduisant un seuil de dix, trente ou cent salariés.

Quand, chez nous, on a la chance de voir s'installer une usine de 100 ou 110 emplois, le fait qu'elle soit située en ZRR y est pour beaucoup.

Si nous retirons maintenant ces avantages, c'est toute une économie que nous mettons par terre. La carte des ZRR montre qu'elles couvrent les trois quarts du territoire français, pour seulement 7 % de la population. Allons-nous laisser tomber ces hommes et ces femmes qui ont choisi d'être les vigiles, les sentinelles d'un territoire qu'ils aiment passionnément ? Allons-nous laisser disparaître cette France pour qu'elle se fonde dans les banlieues, lesquelles connaissent déjà les problèmes que ces zones de revitalisation rurale connaîtront demain si ce noir dessein se réalisait ?

Monsieur le ministre, je compte sur votre sagesse. Je sais à quel point vous connaissez la France, et combien vous l'aimez. Je sais que vous ne ferez pas cela. (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces amendements de suppression ?

M. François Baroin, ministre . Il me semble important de clarifier les choses et de mettre fin à une certaine confusion.

Je précise d'abord que la mesure dont il est question touche des organismes d'intérêt général. Aucune entreprise située en zone de revitalisation rurale n'est concernée. C'est là un premier élément, qui écarte plus de la moitié des arguments qui viennent d'être avancés, à droite comme à gauche.

Deuxièmement, nous sommes dans une logique de recherche d'économies. Je veux le dire et le redire : nous sommes dans une logique de recherche d'économies. En 2005, lorsque a été instauré ce dispositif d'exonération de cotisations sociales pour les organismes d'intérêt général dans les zones de revitalisation rurale, l'objectif était essentiellement d'aider les petites associations locales, employant autour de dix salariés, à maintenir un lien social dans ces zones. Or, quelle évolution a-t-on pu constater ?

Vous avez dit, cher Louis Giscard d'Estaing, que ce dispositif fonctionnait bien. Oui, il fonctionne tellement bien qu'il est aujourd'hui hors de prix pour nos finances publiques : plus de 200 millions d'euros. Ce n'est pas une petite affaire. À partir de 3, 4 ou 5 millions, le ministre du budget commence à regarder les choses de près. Il n'y a pas de petites économies. Quand une dépense est supérieure à 200 millions, elle fait partie des éléments qui mettent en jeu l'équilibre général du budget. Avec d'autres mesures que j'ai eu l'honneur de vous proposer au nom du Gouvernement, celle qui figure dans cet article vise donc à atteindre notre objectif de réduction du déficit.

Entrons dans le détail : 31 % du montant de l'exonération bénéficie à des établissements publics à caractère administratif. Nous sommes loin de l'esprit originel de la mesure. J'ajoute que 50 % des bénéficiaires comptent plus de 100 salariés. Là encore, nous sommes loin du point de départ qui a été évoqué, avec émotion et sincérité, par Jean Lassalle. Enfin, 84 % de l'exonération bénéficie au seul secteur médico-social.

Vous ayant dit que la mesure ne concerne aucune entreprise du secteur privé, vous ayant dit qu'il s'agissait d'un élément budgétaire important, vous ayant dit que la répartition des bénéficiaires fait apparaître que le dispositif est quasiment à l'opposé de l'esprit originel qui avait présidé à son instauration en 2005, le Gouvernement ne peut évidemment qu'être défavorable à ces amendements de suppression.

Vous me permettrez de rappeler que je suis moi-même un élu rural. La circonscription où j'ai été élu député est rurale à 95 %. Je sais précisément quel sera l'impact de cette mesure dans cette circonscription : il sera marginal. Elle ne concernera pas ce sur quoi nous avons travaillé, les uns et les autres - je vois Jean-Claude Mathis, ici présent -, dans nos départements respectifs. En réalité, nous allons redéfinir le périmètre et le recentrer sur l'essentiel.

J'entends bien ceux qui s'inquiètent pour les structures qui vont sortir de l'assiette du dispositif, et je veux les rassurer. Elles vont bénéficier de façon automatique, à compter du 1 er janvier 2011, des allégements généraux de charges. Elles ne resteront pas sans soutien de la part de l'État. Toutes les structures qui comptent moins de 50 salariés vont également bénéficier de l'exonération prévue pour toute nouvelle embauche au sein d'une entreprise installée en ZRR. Nous atteignons ici la cible que beaucoup d'entre vous avaient évoquée. Enfin, ces structures vont continuer de bénéficier de nombreux avantages fiscaux, par exemple l'exonération de l'impôt sur les bénéfices - totale pendant deux ans, puis partielle pendant trois ans - pour les entreprises créées en ZRR.

La suppression de cet article conduirait à une perte comprise entre 110 et 200 millions d'euros. Je suis désolé, mais je souhaite, en me fondant sur une argumentation qui me semble recevable, que le message du Gouvernement soit entendu.

Et, quoi qu'il en soit, je demande une suspension de séance, monsieur le président. (Exclamations sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. À la demande du Gouvernement, je suspendrai la séance avant le vote sur ces amendements. Pour l'heure, la discussion se poursuit.

La parole est à M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson . Monsieur le ministre, il serait intéressant, avant que nous votions, que le Gouvernement indique à la représentation nationale s'il est d'accord avec la proposition de la commission des affaires sociales, qui est aussi celle du Nouveau Centre, de porter le seuil de dix à trente salariés.

Car si le ministre en est d'accord, qui va en bénéficier, mes chers collègues ? Le ministre a dit la vérité, mais pas toute la vérité. Ces organismes sanitaires et sociaux, quels sont-ils ? Les entreprises étant exclues du dispositif, il s'agit essentiellement des hôpitaux, qui relèvent d'un mode de financement tout autre, entièrement public, sur cotisations sociales notamment.

Si, avant que nous procédions au vote, le Gouvernement se déclarait officiellement favorable à cet amendement - puisqu'il l'est, si j'en crois mon deuxième bureau (Sourires) -, le vote en serait éclairé.

M. le président. Je vais donner la parole à Mme Oget, à M. Lassalle et aux rapporteurs s'ils le souhaitent, après quoi je suspendrai la séance, à la demande du ministre, et nous procéderons au vote immédiatement après sa reprise.

La parole est à Mme Marie-Renée Oget.

Mme Marie-Renée Oget. Je veux interroger le ministre.

Notre collègue de Courson vient de le dire, les établissements qui ne bénéficieront plus du dispositif des ZRR sont souvent des établissements médico-sociaux qui ont perçu ces aides, parfois sous la forme d'un transfert de charges, parce qu'ils ne trouvaient pas d'autres financements. Ils étudient aujourd'hui leur budget ; comment pallieront-ils ce défaut de financement ?

Dans l'établissement que je connais bien, cela représentera un trou énorme dans le budget, qui ne sera pas compensé. Ces établissements ne sont pas des entreprises : ils n'auront pas droit aux autres financements que vous avez proposés.

Nous n'avons donc pas d'autre solution que de supprimer l'article.

M. le président. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Monsieur le ministre, cher François Baroin, je sais que vous êtes député du monde rural et que vous êtes très profondément républicain. Or la République, c'est l'égalité des chances, partout et pour tous. Mais le monde moderne a creusé des écarts effroyables, dont nous n'avions pas idée autrefois.

Or, en matière d'équipements sociaux et médico-sociaux, nous avons réussi à créer notamment des centres pour handicapés. Ceux-ci viennent la plupart du temps des villes. Quand on est très gravement handicapé, vivre en ville ou à la campagne ne change pas grand-chose, à ceci près que l'on trouve à la campagne un supplément d'âme, et je crois que ces personnes s'y sentent mieux.

Et cela a permis de créer des emplois - non pas trente emplois, mais cinquante, soixante, voire soixante-dix emplois dans plusieurs établissements qui se sont donc installés dans ces zones grâce à ce dispositif.

En outre, monsieur le ministre, il s'agit souvent d'emplois féminins, très difficiles à créer dans nos campagnes. Or là où il y a de l'emploi féminin, tout reprend vie, car des familles se constituent et l'agriculture est soutenue, de même que toutes les autres activités.

On croit ce monde rural en déclin, son agriculture vieillissante. Pourtant, ces territoires ont un grand avenir devant eux, mais à condition que la communauté nationale tout entière poursuive ses efforts. Car ils sont généralement très isolés, n'étant desservis ni par la route, ni par des lignes TGV, ni par des LGV - et ils ne le seront jamais.

Pour quelques centaines de millions d'euros, adresser un message si négatif à 75 % de nos territoires : vous ne pouvez pas faire une chose pareille, monsieur le ministre. La portée d'une telle décision dépasse vos intentions. Cette économie n'en est pas une ; elle se retournera contre vous, car c'est en banlieue, dans les circonscriptions de collègues qui n'en peuvent plus, que l'on retrouvera ceux qui auront été privés de leur emploi, au RSA ou dépendants d'un autre des accompagnements que l'on connaît.

Monsieur le ministre, je compte sur vous ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.)

M. Jean-Pierre Dupont et M. Francis Saint-Léger . Bravo !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour l'emploi.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales pour l'emploi . Ce débat est intéressant, car il témoigne de l'attachement qui nous lie tous à ces zones où la vie est parfois plus difficile qu'ailleurs et où l'activité économique et sociale a besoin d'être soutenue.

Toutefois, comme l'a dit notre collègue de Courson, nous pourrions peut-être trouver une solution médiane. En effet, si nous sommes conscients de la nécessité de ne pas restreindre le dispositif, nous poursuivons les mêmes objectifs de bonne gestion et de rigueur que le ministre.

Voilà pourquoi la commission des affaires sociales, par différents amendements émanant tant de la droite que de la gauche, a proposé de substituer aux mots « dix salariés » les mots « trente salariés ». (Exclamations sur quelques bancs du groupe UMP.)

Certes, le dispositif en serait quelque peu modifié, mais cela n'aurait pas les conséquences que vous redoutez. On pourrait du reste en étudier les effets au cours de l'année à venir. Ainsi serait-il possible de concilier les objectifs du ministre et notre volonté de défendre nos entreprises et nos organismes sociaux sur tout le territoire.

M. le président. Mes chers collègues, de plus en plus d'orateurs demandent la parole avant la suspension de séance. Je le répète, nous procéderons au vote immédiatement après la suspension.

M. Jean-Patrick Gille. Soyez ferme, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Alain Marc.

M. Alain Marc. Mon intervention s'inscrit dans le droit fil de celle de M. de Courson.

L'économie évoquée ne sera qu'un transfert. À Bercy, on sera content d'avoir épargné ces 200 millions d'euros. Mais, à y regarder de plus près, à la faveur de cette mesure gérée par une association, un établissement médico-social crée de l'emploi et thésaurise au bon sens du terme, c'est-à-dire qu'il met de l'argent de côté pour l'investir ensuite. Ainsi, le prix de journée n'est pas influencé par un investissement trop lourd.

Dès lors, l'économie immédiatement réalisée représenterait en fait une dépense supplémentaire pour la sécurité sociale. Monsieur le ministre, il semble bien que l'on n'ait pas évalué au niveau interministériel les conséquences d'une telle décision, qui fait économiser de l'argent à Bercy aujourd'hui pour en faire perdre demain à la sécurité sociale. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP.)

Mme Chantal Robin-Rodrigo. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Henriette Martinez.

Mme Henriette Martinez. Monsieur le ministre, depuis le début de cette discussion, je soutiens toutes les propositions du Gouvernement, parfois sans enthousiasme (« Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe SRC) , mais toujours avec discipline.

Toutefois, dans cette affaire, je ne peux pas être d'accord avec le Gouvernement. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Je suis élue d'un département de montagne. Il ne s'agit pas simplement de ruralité, mais de zones rurales difficiles, que l'on a voulu revitaliser. Or nous sommes en train de les dévitaliser.

Sur les 177 communes que compte le département des Hautes-Alpes, 159 sont situées en ZRR.

M. Jean Lassalle. Voilà !

Mme Henriette Martinez. Imaginez-vous, monsieur le ministre, l'effet politique de la mesure que vous nous proposez...

M. Jean Lassalle. Désastreux !

Mme Henriette Martinez. ...dans des départements qui ont déjà subi les fermetures de services publics, les restructurations militaires, judiciaires, hospitalières, et j'en passe ? S'y ajoute, dans mon département, l'abandon de l'autoroute A 51.

Et je reviendrais dans ma circonscription en disant que nous avons supprimé une mesure qui favorise l'emploi en milieu rural, qui va affecter toutes les maisons sanitaires installées dans des départements de montagne pour des raisons climatiques,...

M. Marcel Rogemont. C'est bien de le rappeler ! N'est-ce pas, monsieur le ministre ?

Mme Henriette Martinez. ...et qui sont déjà en difficulté ? Je ne peux pas faire cela, monsieur le ministre ! Je veux bien qu'on lance des plans et des programmes pour le Grand Paris, pour les banlieues, pour les agglomérations,...

M. Jean-Pierre Dupont. Bravo !

M. Dominique Baert. Le Parlement se rebelle !

M. Marcel Rogemont. Maintenant que Fadela Amara est partie...

Mme Henriette Martinez. ...mais n'oublions pas qu'il y a aussi en France une ruralité, que Jean Lassalle a parfaitement décrite, qui souffre et dont nous ne pouvons nourrir ainsi le sentiment d'abandon ! (Vifs applaudissements sur de nombreux bancs du groupe UMP et sur les bancs du groupe SRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre,...

M. Marcel Rogemont. Il va s'en remettre à la sagesse de l'Assemblée !

M. le président. ...,après quoi je suspendrai la séance - si vous le jugez toujours utile, monsieur le ministre. (Sourires.)

M. François Baroin, ministre. En effet, une suspension ne sera pas inutile (Sourires) : après le tonnerre d'applaudissements qui a salué l'intervention de Mme Martinez, je suis moins certain de l'issue du vote !

M. Marcel Rogemont. Il suffit que la gauche applaudisse un député de droite pour que le ministre s'inquiète !

M. François Baroin, ministre. Je veux dire à Charles de Courson et à Bernard Perrut - que je remercie - que le Gouvernement n'est sourd à aucun argument,...

M. Marcel Rogemont. Il est seulement aveugle !

M. François Baroin, ministre . Non plus ! Le Gouvernement est pragmatique et envisage la situation à long terme.

Monsieur Marc, le ministre du budget est aussi le ministre des comptes publics : ce qu'il perd au budget, il le retrouve à la sécurité sociale, et réciproquement.

M. Dominique Baert. C'est bien le problème !

M. François Baroin, ministre . La même personne sera donc confrontée aux conséquences que vous évoquez, sous une forme ou sous une autre. Et vous retrouverez en examinant le PLFSS ce que vous aurez perdu lors de la discussion du PLF. (Sourires sur quelques bancs du groupe UMP.)

M. Dominique Baert. Des menaces ?

M. François Baroin, ministre. Mais non ! La menace est plus importante que l'exécution ; vous le savez, si vous jouez aux échecs. (Sourires.)

Monsieur de Courson, monsieur Perrut, le Gouvernement est favorable au relèvement du seuil. Celui-ci réduit l'économie de 15 %, ce qui est acceptable pour le Gouvernement. Et ce compromis devrait être acceptable aux yeux de tous : passer de dix à trente salariés, cela paraît convenable. (Protestations sur les bancs du groupe SRC et sur quelques bancs du groupe UMP.) Nous en discuterons. Dire que ce n'est pas acceptable ne constitue pas un argument ! (« Si ! » sur les bancs du groupe SRC.)

M. Marcel Rogemont. Dire que c'est acceptable non plus !

M. François Baroin, ministre . Sommes-nous d'accord pour dire que nous cherchons à réduire le déficit et que nous voulons nous en donner les moyens ?

M. Marcel Rogemont. La baisse de la TVA dans la restauration coûte trois milliards d'euros par an !

M. le président. Monsieur Rogemont, s'il vous plaît !

M. François Baroin, ministre . Et si nous sommes d'accord sur ce principe, sommes-nous capables de nous entendre sur ses modalités d'application ?

Nous achoppons sur des difficultés qui donnent lieu à un débat ; celui-ci est vertueux, car il fournit l'occasion de souligner la vitalité de nos territoires et de réfléchir aux modes d'accompagnement permettant d'y maintenir des emplois.

Or je rappelle que cette mesure adoptée en 2005 devait à l'origine permettre d'aider de petites associations locales afin de pérenniser des emplois de proximité dans des entreprises de moins de dix salariés. Le succès a été au rendez-vous, ce qui a donné lieu à des situations sur lesquelles on ne peut pas ne pas s'interroger.

Monsieur Lassalle, vous m'avez parlé d'âme ; je vais passer pour un être vulgaire, puisque je vous répondrai en parlant d'euros. Selon une enquête de l'Inspection générale des finances, on a subventionné et maintenu sous perfusion des emplois qui existaient déjà. Cela a coûté 60 000 euros par emploi !

Mme Marie-Christine Dalloz. Ça, c'est scandaleux !

M. François Baroin, ministre . Dans l'état actuel de nos finances publiques, peut-on continuer de consacrer 60 000 euros, payés en dernière instance par le contribuable, à un emploi qui aurait existé sans ce dispositif ? Un peu de hauteur de vues n'est pas inutile !

Je le dis avec la même conviction que vous, car, en définitive, nous poursuivons le même objectif : d'une part, maintenir des emplois dans les zones de revitalisation rurale par des dispositifs dérogatoires au droit commun, les seuls qui permettent de préserver les emplois et les services économiques dans nos départements fragiles ; d'autre part, additionner les économies pour éloigner de la tête de chaque Français l'épée de Damoclès que représente notre niveau de déficit et d'endettement.

M. Bernard Perrut, rapporteur pour avis . Très bien !

Suspension et reprise de la séance

M. le président. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix heures quarante-cinq, est reprise à dix heures cinquante-cin q.)

M. le président . La séance est reprise.

Je mets aux voix les amendements de suppression.

(Les amendements identiques n os 202, 314, 325, 328, 330 et 411 sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 88 est supprimé et tous les autres amendements à cet article tombent.

Voir les débats sur l'ensemble de la mission « Travail et emploi » :

- 15 novembre 2010 ;

- 16 novembre 2010 ;

- 16 novembre 2010 (suite) .