ARTICLE 90 : SUPPRESSION D'EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES EN MATIÈRE DE SERVICES À LA PERSONNE

I. TEXTE DU PROJET DE LOI

I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au troisième alinéa de l'article L. 133-7, les mots : « , auquel cas les cotisations patronales de sécurité sociale sont réduites de quinze points » sont supprimés ;

2° Le cinquième alinéa du même article est supprimé ;

3° Le III bis de l'article L. 241-10 est abrogé.

II. - L'article L. 7233-3 du code du travail est abrogé.

III. - Le V de l'article L. 741-27 du code rural et de la pêche maritime est abrogé.

IV. - Le présent article s'applique aux cotisations et contributions sociales dues à compter du 1 er janvier 2011.

II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 45

Observations et décision de la Commission :

Le présent article procède à la suppression des exonérations de cotisations sociales spécifiques au secteur des services à la personne : d'une part, l'abattement de quinze points de cotisations pour les particuliers employeurs déclarant leurs salariés « au réel » et, d'autre part, l'exonération de cotisations patronales dont bénéficient les entreprises ou structures agréées proposant des services à la personne.

I.- PRÉSENTÉE COMME UNE MESURE DE NORMALISATION, CETTE MODIFICATION DU RÉGIME SOCIAL DES SERVICES À LA PERSONNE SACRIFIE L'ÉQUITÉ À LA RIGUEUR BUDGÉTAIRE

Les particuliers qui recourent à des services à la personne ont la possibilité soit d'être employeur direct de salarié soit de solliciter des entreprises ou associations spécialisées, les organismes agréés de services à la personne.

A.- LA SUPPRESSION DE L'ABATTEMENT FORFAITAIRE DE QUINZE POINTS TOUCHERA PLUS DE 760 000 PARTICULIERS EMPLOYEURS ET PLUS DE 250 000 SALARIÉS

Lorsque les particuliers sont employeurs directs , ils peuvent, en accord avec leurs salariés, opter entre deux régimes de déclaration des salaires versés :

? Le régime forfaitaire fait bénéficier l'employeur d'un allégement de charges sociales quel que soit le niveau de rémunération octroyé au salarié. Cette option est avantageuse pour l'employeur ; elle ne permet pas, en revanche, au salarié de bénéficier d'une couverture sociale en rapport avec la rémunération réellement perçue (les droits sont proportionnels aux cotisations qui se limitent à : maladie, retraite, allocations familiales et accidents du travail).

? Le régime « au réel » est plus avantageux pour le salarié (couverture plus large incluant retraite complémentaire, prévoyance, assurance chômage, Fonds national d'aide au logement, Contribution solidarité autonomie et Association pour la gestion du fonds de financement) mais plus coûteux pour l'employeur (niveau de charges patronales plus important).

Afin de réduire ce désavantage, il ouvrait droit, jusqu'à présent, à un abattement de quinze points du taux de charge appliqué. Celui-ci aboutissait à une réduction comprise entre 40 % et 50 % des charges patronales de cotisations sociales pour l'employeur direct.

Cette exonération particulière, instituée par la loi n° 2005-841 du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne, donnait lieu à compensation budgétaire versée par l'État aux organismes de sécurité sociale concernés, grâce à des crédits inscrits sur le programme 103 de la mission Travail et emploi .

Depuis le 1 er janvier 2006, en l'absence de choix clairement exprimé sur la déclaration nominative simplifiée ou le volet social du chèque emploi service universel, le calcul s'effectue sur le salaire réel compte tenu de l'abattement.

Les alinéas 1 et 2 du présent article (1° du I) suppriment cet abattement, qui avait été inscrit à l'article L. 133-7 du code de la sécurité sociale. En revanche, le droit d'option entre les deux régimes de déclaration, au forfait ou au réel , codifié au même article, n'est pas remis en cause .

Ces alinéas procèdent ainsi à une suppression sèche, d'effet immédiat et sans modulation ; c'est là une différence notable avec le dispositif qui avait été proposé par l'article 81 du projet de loi de finances pour 2009. Il était alors envisagé de réduire de quinze à dix points cet abattement, le Gouvernement se proposant de « ne pas supprimer cet avantage mais seulement [d']en réduire le montant [afin] de continuer à accompagner le développement du secteur des services à la personne tout en contribuant à l'indispensable maîtrise de nos dépenses publiques » avant que l'adoption d'un amendement parlementaire de suppression ne prolonge provisoirement le statu quo.

Deux ans plus tard, l'étude d'impact du projet de loi de finances est beaucoup plus sévère puisqu'elle estime que « l'exonération de quinze points (...) n'exerce pas directement d'effet incitatif sur l'emploi » .

Le Rapporteur spécial s'est donc interrogé non seulement sur les effets de cet abattement sur l'emploi mais aussi sur les modalités de couverture sociale des salariés, afin de juger du bien-fondé de cette exonération.

IMPACT DE LA SUPPRESSION DE L'ABATTEMENT DE 15 POINTS

(couple de retraités, habitant en Lorraine, employant une femme de ménage
deux après-midi par semaine)

Déclaration « au réel »
(avec abattement)

Déclaration « au réel »

(sans abattement)

Déclaration au forfait

Salaire horaire net

7,65 € (soit SMIC + 10% au titre des congés payés)

Cot. salariales

2,26 €

2,26 €

2,26 €

Cot. patronales

4,02 €

4,02 €

3,97 €

Abattement 15 pts

- 1,49 €

0

0

Total cotisations

4,79 €

6,30 €

6,23 €

Régime de déclaration retenu

AVANT LA REFORME

RÉEL

Régime de déclaration retenu

APRÈS LA REFORME

FORFAIT

Surcoût résultant de la réforme

+ 1,44 € / heure

Volume horaire hebdomadaire (équivalent annuel)

10 heures

(520 heures)

Surcoût total par an, avant impôt

748,80 €

Réduction d'IR maximale correspondante

(rappel du montant avant réforme)

3 608 €

(3 234 €)

IR théorique avant imputation de la réduction

3 500 €

Surcoût total, après impôt

482 €

Sur la base des données collectées par l'ACOSS, le renchérissement du coût salarial pour les particuliers employeurs de 0,70 euro par heure, après impôt, pour un salarié rémunéré au SMIC.

IMPACT DE LA SUPPRESSION DE L'ABATTEMENT DE 15 POINTS (COUPLE AVEC DEUX ENFANTS, HABITANT EN ÎLE-DE-FRANCE, ET RECOURANT À UNE GARDE PARTAGÉE)

Déclaration « au réel »

(avec abattement)

Déclaration « au réel »

(sans abattement)

Déclaration au forfait

Salaire horaire net

9,00 € à diviser entre les deux familles, soit 4,50 €

(1,2 SMIC+10% au titre des congés payés)

Total cotisations

2,69 €

3,67 €

3,11 €

- Cot. salariales

1,32 €

1,44 €

1,13 €

- Cot. patronales

2,35 €

2,55 €

1,98 €

- Abattement 15 pts

-0,98 €

0

0

Régime de déclaration retenu

AVANT LA RÉFORME

RÉEL

Régime de déclaration retenu

ÂPRÈS LA RÉFORME

FORFAIT

Surcoût résultant de la réforme

+ 0,42 € / heure

Volume horaire hebdomadaire (équivalent annuel)

40 heures

(1 760 heures)

PAJE (à déduire)

8754,30 €

- Allocation de base

177,95 € (allocation fixe) x 10 mois

- Complément de libre choix du mode de garde

# prise en charge partielle de la rémunération

278,48 € (forfaitaire) x 10 mois

# prise en charge des cotisations sociales

419 € x 10 mois

(50% des cotisations dans la limite de 419 € par mois)

Surcoût total par an, avant impôt

739,20 €

Crédit d'IR maximal correspondant

(rappel du montant avant réforme)

2 319,65 €

(1950,05 €)

IR théorique avant imputation de la réduction

5 500 €

Surcoût total, après impôt

369,60 €

Par ailleurs, cette exonération et ses conditions d'application ont également entraîné un essor important de la déclaration au réel. Il est assez surprenant que l'étude d'impact élude cet aspect alors que le plan I des services à la personne de 2005 visait expressément cet objectif.

En l'état actuel du droit, la déclaration au réel est plus favorable pour l'employeur que le régime au forfait jusqu'à un salaire équivalent à environ 1,4 du SMIC, qui concerne une grande partie des salaires versés dans le secteur (hors Paris et quelques tâches plus spécifiques, comme le bricolage)

IMPACT DE LA SUPPRESSION DE L'ABATTEMENT DE 15 POINTS (CÉLIBATAIRE, HABITANT PARIS, ET RECOURANT À UNE AIDE MÉNAGÈRE POUR LES TRAVAUX D'ENTRETIEN ET LES COURSES)

Déclaration
« au réel »

(avec abattement)

Déclaration
« au réel »

(sans abattement)

Déclaration
au forfait

Salaire horaire net

12,00 € (1,5 SMIC+10% au titre des congés payés)

Cot. salariales

3,57 €

3,57 €

2,26 €

Cot. patronales

6,31 €

6,31 €

3,97 €

Abattement 15 pts

-2,33 €

0

Total cotisations

7,55 €

9,88 €

6,23 €

Régime de déclaration retenu

AVANT LA RÉFORME

FORFAIT

Régime de déclaration retenu

APRÈS LA RÉFORME

FORFAIT

Surcoût résultant de la réforme

0 € / heure

Volume horaire hebdomadaire (équivalent annuel)

5 heures

(260 heures)

Surcoût total par an, avant impôt

0 €

Crédit d'IR maximal correspondant

(rappel du montant avant réforme)

2 076 €

(2 076 €)

IR théorique avant imputation de la réduction

8 000 €

Surcoût total, après impôt

0 €

Dans sa dernière étude 1 ( * ) , la DARES analyse le développement de l'exonération de quinze points : ainsi, à la mi-2008, les employeurs de personnels de maison (hors garde d'enfants) avaient majoritairement opté pour ce mode de déclaration, qu'ils soient utilisateurs de la déclaration nominative simplifiée (64 %) ou du chèque emploi service universel (67 %).

Ce sont surtout ces derniers qui ont modifié leur comportement : mi-2005, ils n'étaient que 32 % à privilégier la déclaration « au réel ». Inversement, la part des employeurs de personnels de maison (hors garde d'enfants) utilisant la DNS et ayant choisi la déclaration « au réel » poursuit lentement son recul : elle passe de 70 % mi-2005 à 66 % mi-2007 et 64 % mi-2008.

S'il faut se féliciter du développement de la déclaration au réel, qui contribue à améliorer la couverture sociale des salariés du secteur, ces données démontrent néanmoins la tendance naturelle des employeurs à arbitrer entre les deux régimes. En supprimant l'incitation forte que constitue cette exonération, le Gouvernement court le risque de voir les particuliers employeurs privilégier le forfait, au détriment des salariés : faute d'abattement, le point de partage entre régime réel et régime au forfait sera ramené à environ 1,08 SMIC (soit un salaire horaire net inférieur à 7,55 euros).

Peu nombreux seront les particuliers-employeurs qui auront encore intérêt, après la réforme, à choisir la déclaration au réel. S'ils choisissent de régler par CESU, ce qui implique d'ajouter 10 % au salaire horaire au titre des congés payés, le forfait sera, dans tous les cas, le régime le plus avantageux. Sauf à parier sur l'abstention ou la méconnaissance des particuliers-employeurs, il faut redouter un report massif sur le régime au forfait, dont pâtiront directement les salariés moins bien protégés. Rien, en particulier, n'empêchera les employeurs de modifier leur régime de déclaration pour les salariés déjà en poste, dès le mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi de finances.

Enfin, l' alinéa 3 (2° du I) procède, par coordination, à la suppression de l'interdiction de cumul de l'abattement avec d'autres exonérations totales ou partielles de cotisations sociales, qui était également prévue à l'article L. 133-7.

B.- PAR COMPARAISON, L'EFFORT CONSENTI PAR LES ORGANISMES AGRÉÉS SERA PRESQUE INDOLORE

Outre les particuliers-employeurs, le secteur des services à la personne regroupe également plus de 22 000 organismes agréés.

LES ORGANISMES AGRÉÉS DE SERVICES À LA PERSONNE

Il existe trois modalités d'intervention des organismes agréés de services à la personne (OASP) :


• le mode « mandataire » : l'organisme place des travailleurs auprès d'un particulier employeur en assurant les formalités administratives d'emploi. Dans ce cas, le particulier reste l'employeur ;


• le mode « prestataire » : il concerne les organismes (y compris les entreprises d'insertion assurant ce type de service) qui fournissent des prestations de services aux personnes à leur domicile, les centres communaux d'action sociale (CCAS) et les centres intercommunaux d'action sociale (CIAS), ainsi que les établissements publics d'hébergement lorsqu'ils assurent l'assistance au domicile des personnes âgées ou handicapées ;


• le « prêt de mains-d'oeuvre autorisé » : il est mis en oeuvre par les associations intermédiaires et les filiales des entreprises de travail temporaire exclusivement dédiées aux services à la personne. Il peut être assimilé à une intervention prestataire.

En 2008, comme en 2007, l'activité des organismes agréés représente 39 % des heures effectuées à domicile chez des particuliers. Au total, cela représente 314 millions d'heures rémunérées en 2008 en France entière (296 millions en 2007). Cette activité est surtout le fait des organismes prestataires : 74 % de ces heures ont été réalisées sous un mode prestataire, contre 26 % dans le cadre d'un mandat.

Source : DARES, avril 2010

L'exonération dont bénéficient les prestataires de services à la personne, auprès des publics « non fragiles » est prévue, dans son principe, par l'article L. 7233-3 du code du travail mais ses modalités sont réglées par un paragraphe de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale.

Elle est, par définition, limitée aux seules activités de services à la personne mentionnées à l'article D. 7 231-1 du code du travail.

Elle consiste en une franchise de cotisations patronales de sécurité sociale, à l'exclusion des cotisations liées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, dans la limite du salaire minimum de croissance (SMIC), sans plafond de rémunération 2 ( * ) . L'employeur d'un salarié rémunéré au SMIC est ainsi totalement exonéré, l'employeur d'un salarié payé 1,3 SMIC paie des cotisations sur une assiette de 0,3 SMIC. Selon les données publiées par l'ACOSS, cette mesure concerne 140 000 salariés dans 8 000 structures agréées, pour une exonération moyenne de 1 500 euros.

Afin de mettre fin à l'exonération dont bénéficiaient les prestataires, l' alinéa 3 du présent article supprime l'accroche inscrite dans le code du travail tandis que l' alinéa 4 abroge le III bis de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale.

La compensation versée par l'État aux régimes sociaux au titre de cette exonération est inscrite sur le budget de l'emploi, programme 103 : elle représentait 226 millions d'euros de crédits de paiements en 2009 (exécution) et 223 millions étaient inscrits en LFI pour 2010. La suppression de l'exonération se traduira par une économie pour le budget de l'État.

Le Rapporteur spécial rappelle que cette exonération de cotisations sociales déroge au droit commun des allègements de charges sur les bas salaires (allègements dits « Fillon »), dégressifs de 1 à 1,6 SMIC dans lesquels l'employeur bénéficie d'un allègement des cotisations patronales égal, au maximum, à 26 % (ou 28,1 %, si l'effectif est inférieur à 19 salariés) du salaire brut.

IMPACT DE LA SUPPRESSION DE L'EXONÉRATION DE CHARGES SOCIALES
POUR LES PRESTATAIRES AGRÉÉES
(COUPLE AVEC DEUX ENFANTS, HABITANT EN ILE-DE-FRANCE, ET RECOURANT À UNE GARDE PARTAGÉE VIA UN PRESTATAIRE)

Régime d'exonération au titre des services à la personne

Régime des allègements généraux dits « Fillon »

Tarif horaire

16 € à diviser entre les deux familles, soit 8 €

(Tarif proportionnel au nombre d'heures)

17,5 € à diviser entre les deux familles, soit 8,75 €

(Tarif proportionnel au nombre d'heures)

- Coûts de structure

2,71 €

2,68 €

- Salaire net

9,00 € (1,2 SMIC+10%
au titre des congés payés)

9,00 € (1,2 SMIC+10%
au titre des congés payés)

- Cot. salariales

2,46 €

2,46 €

- Cot. patronales (effectif < 19 sal.)

1,83 €

3,36 €

Surcoût résultant de la réforme

+ 0,75 € / heure

Volume horaire hebdomadaire (équivalent annuel)

40 heures

(1 760 heures)

PAJE (à déduire)

8740,90 €

- Allocation de base

177,95 € (allocation fixe) x 10 mois

- Complément de libre choix du mode de garde

696,14 € (forfaitaire) x 10 mois

Surcoût total par an, avant impôt

1 320 €

Crédit d'IR maximal correspondant

(rappel du montant avant réforme)

3 329,55 €

(2 669,55 €)

IR théorique avant imputation de la réduction

5 500 €

Surcoût total, après impôt

660 €

La suppression de cette exonération spécifique entraînerait le basculement des prestataires agréés sur le dispositif des allègements « Fillon ». L'augmentation du coût salarial pour ces structures serait donc atténuée. Le Rapporteur spécial observe également que les modalités de compensation aux organismes de sécurité sociale du manque à gagner ne reposeront plus sur l'inscription de crédits budgétaires en PLF, mais sur un transfert de recettes fiscales.

Pour une structure agréée, l'impact de cette suppression devrait être de l'ordre de 12 % des coûts salariaux. En effet, pour un niveau de salaire moyen de 1,2 SMIC tenant compte de la structure des emplois, le coût horaire augmentera à 12,3 euros par heure dans les conditions actuelles à 13,8 euros dans le droit commun des allégements de charges sur les bas salaires. S'il était intégralement répercuté sur les prix facturés aux clients, ce surcoût atteindrait 1,50 euro par heure avant impôt.

Les représentants des entreprises de services à la personne , auditionnés par le Rapporteur spécial, estiment que cet impact pourrait être partiellement absorbé dans la mesure où les mesures fiscales de soutien aux prestataires - à savoir la réduction ou le crédit d'impôt de 50 % de la dépense et, surtout, la TVA à taux réduit - sont intégralement maintenues. Ces entreprises pourraient ainsi réduire leur marge pour atténuer leur hausse de tarif : si tel n'était pas le cas, le surcoût pour les clients atteindrait 0,75 euro par heure, après impôt.

Outre les entreprises, l'exonération en faveur des prestataires agréés s'applique également aux associations et, plus généralement, aux structures sans but lucratif , en particulier :

- les services d'aide au domicile des familles en difficulté financés en particulier par la branche famille de la Sécurité sociale et les conseils généraux pour l'ensemble des personnels d'intervention, d'encadrement et administratif ;

- les services d'aide au domicile des personnes âgées dépendantes et handicapées financés en particulier par les conseils généraux (via l'APA et la PCH) et la CRAM, pour leurs personnels administratifs et d'encadrement ; les salariés intervenant chez ces « personnes fragiles » ouvrent droit à une exonération spécifique (cf. infra ).

Dans ces structures, il sera plus difficile d'absorber le surcoût occasionné par la réforme du Gouvernement ; dans ce cas, les particuliers verront leur reste à charge augmenter. Le Rapporteur spécial s'inquiète donc du risque que cette réforme fait peser sur la pérennité de ces structures sociales ou medico-sociales, notamment en milieu rural.

C.- EN RECENTRANT L'AIDE PUBLIQUE AU SECTEUR SUR SON VOLET FISCAL, LE GOUVERNEMENT PRIVILÉGIE LES CLASSES MOYENNES ET SUPÉRIEURES.

a) Les publics les plus fragiles seront heureusement épargnés par ce « coup de rabot »

Fort heureusement, la suppression des exonérations proposée par le présent article épargne les publics les plus fragiles qui bénéficient de dispositifs distincts. Créée par l'article 8 de la loi n° 48-1522 du 29 septembre 1948, cette exonération spécifique n'a pris une réelle dimension en 1987 par suite de l'extension de son champ d'application.

En effet, l'emploi de salariés à domicile par une personne de plus de 70 ans, par une personne seule de plus de 60 ans ayant une perte d'autonomie ouvrant droit à l'APA, ou encore par une personne ayant un enfant handicapé, soit directement, soit par l'intermédiaire d'une structure agréée continue à ouvrir droit à une exonération des cotisations patronales, à l'exception des cotisations liées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, sans plafond de rémunération 3 ( * ) .

Cette exonération est totale sauf pour les personnes éligibles au seul chef de l'âge (au moins 70 ans), pour lesquelles la franchise n'est applicable que dans la limite de 65 fois le SMIC horaire par mois. En ce cas, l'exonération est appliquée automatiquement sans qu'il soit nécessaire pour les intéressés d'en faire la demande.

Le Rapporteur spécial souligne qu'il s'agit d'une perte de recettes non compensée aux organismes de Sécurité sociale car la mesure est entrée en vigueur antérieurement à la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994.

Son coût (1,63 milliard d'euros) est important puisque la mesure dont bénéficient les personnes fragiles représente à elle seule plus des trois-quarts des exonérations sociales bénéficiant au secteur des services à la personne. Il paraît pleinement justifié au regard du défi que constitue pour notre pays la prise en charge de la dépendance.

Il n'est cependant pas interdit, comme l'a fait la Cour des comptes dans son dernier rapport annuel, de s'interroger sur le ciblage de cette mesure qui englobe indistinctement au titre des publics fragiles toutes les personnes âgées de plus de 70 ans, qu'elles aient besoin ou non d'une assistance particulière dans leur vie quotidienne.

b) En revanche, les couples mono-actifs, les retraités peu ou pas imposables seront désormais privés de toute aide publique pour l'emploi de salariés

Les deux mesures d'exonération que le présent article se propose de supprimer sont globalement équitables, dans la mesure où elles concernent directement ou indirectement l'ensemble des particuliers recourant à des emplois à domicile, sans distinction de revenus.

Le régime fiscal (cf. infra ) a des effets beaucoup plus inéquitables, car il ne joue à plein que pour un public réduit :

- les contribuables imposables sur leurs revenus (moins de la moitié des foyers fiscaux) ;

- les contribuables non-imposables mais éligibles au crédit d'impôt, c'est-à-dire les couples bi-actifs ou les célibataires actifs.

Dans ces conditions, les couples mono-actifs, les retraités peu ou pas imposables ne bénéficient déjà pas de l'incitation fiscale. Avec la suppression des exonérations sociales, ils seront privés de toute aide publique.

Le Rapporteur spécial estime regrettable que le Gouvernement n'ait pas envisagé, plutôt que de supprimer le régime social, de réduire le plafond du crédit d'impôt sur le revenu qui bénéficie, au niveau actuel, aux contribuables fortement imposés. L'effet d'un tel plafonnement aurait été beaucoup plus équitable et les économies dégagées (en recettes) aussi conséquentes.

II.- UNE SOURCE D'ÉCONOMIES LARGEMENT SURESTIMÉE PAR L'ÉTUDE D'IMPACT

Le secteur des services à la personne bénéficie de nombreuses mesures incitatives fiscales et sociales, qui contribuent à son développement et à sa structuration ( 17 ) .

A.- LES SERVICES À LA PERSONNE CUMULENT DÉPENSES FISCALES ET EXONÉRATIONS SOCIALES, POUR UN COÛT TOTAL DE 6 MILLIARDS D'EUROS

Au total, les aides consenties au secteur des services à la personne sont passées de 4,6 milliards d'euros en 2007 à 6 milliards d'euros en 2010, soit une augmentation moyenne de 11 % par an 4 ( * ) .

a) le crédit d'impôt et la réduction d'impôt

? L'article 199 sexies du code général des impôts prévoit que 50 % des sommes versées pour des services à la personne peuvent être déduites de l'impôt sur le revenu dans la limite de 6 000 euros par an (ce qui équivaut à une dépense réelle de 12 000 euros) 5 ( * ) . Le plafond est majoré jusqu'à 6 750 euros pour un enfant à charge et jusqu'à 7 500 euros par an pour 2 enfants ou plus.

D'autres majorations du plafond sont prévues pour les personnes de 65 ans et plus qui peuvent bénéficier d'une réduction fiscale allant jusqu'à 7 500 euros, ou pour les personnes invalides ou les parents d'enfant handicapé. En fonction de la gravité du handicap, le plafond de la réduction est fixé à 10 000 euros.

Depuis 2008, l'avantage fiscal peut prendre la forme d'un crédit d'impôt sur le revenu de 50 % des dépenses pour les particuliers non imposables qui réunissent les conditions suivantes :

- s'ils sont célibataires, veufs/veuves ou divorcés : ils doivent exercer une activité professionnelle ou avoir été inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi durant trois mois au moins au cours de l'année ;

- s'ils sont mariés ou s'ils ont conclu un PACS : ils sont soumis à une imposition commune et doivent exercer tous les deux une activité professionnelle ou avoir été inscrits sur la liste des demandeurs d'emploi durant trois mois au moins au cours de l'année.

? Si un particulier fait garder son enfant à l'extérieur, il bénéficie par ailleurs d'un crédit d'impôt spécifique de 50 % des dépenses effectuées, dans la limite de 2 300 euros par an.

Les frais de garde correspondent :

- au salaire versé à une assistante maternelle agréée ;

- aux factures des établissements de garde d'enfants : crèche, garderie, jardin d'enfants, halte-garderie, centre de loisirs sans hébergement, garderie périscolaire.

Les aides perçues au titre de la garde des enfants doivent être déduites des frais de garde.

b) la TVA à taux réduit

Lorsqu'un particulier a recours à un organisme agréé de services à la personne, il bénéficie d'un taux de TVA réduit à 5,5 % au lieu de 19,6 % en application de l'article 279 du code général des impôts.

c) les exonérations de charges sociales faisant l'objet d'une compensation aux organismes de sécurité sociale

La compensation versée par l'État aux régimes sociaux au titre de ce dispositif en faveur des particuliers employeurs est inscrite sur le programme n° 103 de la mission Travail et emploi.

COMPENSATION VERSÉE PAR L'ÉTAT AUX RÉGIMES SOCIAUX AU TITRE DE L'ABATTEMENT DE 15 POINTS EN FAVEUR DES PARTICULIERS EMPLOYEURS DÉCLARANT AU RÉEL

(en millions d'euros - AE=CP)

Exécution

2009

LFI 2010

Tendanciel 2011

Tendanciel 2012

Tendanciel 2013

Exonération particuliers employeurs

286

303

336

362

390

d) les exonérations de charges sociales ne faisant pas l'objet d'une compensation

S'agissant des aides à domicile employées par une personne fragile - âgée de plus de 70 ans, ou plus de 60 ans et vivant seule tout en ayant une perte d'autonomie ouvrant droit à l'APA, ou les personnes ayant un enfant handicapé - ou par un prestataire agréé auprès d'une personne fragile , l'employeur bénéficie d'une exonération des cotisations patronales , à l'exception des cotisations liées aux accidents du travail et aux maladies professionnelles.

Du fait de son ancienneté, cette mesure est antérieure à l'obligation pour l'État de compenser aux organismes de Sécurité sociale les pertes de recettes résultant de mesures d'exonération.

B.- LES ÉCONOMIES ATTENDUES SERONT FORTEMENT MINORÉES DÈS L'ANNÉE 2011 ET, ENCORE PLUS, EN 2012

? Le Gouvernement justifie la remise en cause des exonérations de cotisations sociales attachées au secteur des services à la personne par le souhait de dégager des économies , dans un contexte marqué l'engagement de réduction du déficit public et le souci de rigueur budgétaire. À y regarder de plus près cependant, les projections figurant dans l'évaluation préalable de l'article 93 du projet de loi de finances paraissent exagérément optimistes .

Le choix a été fait de présenter les gains bruts attendus, afin de mettre en évidence les crédits budgétaires libérés sur le programme n° 103 par la suppression des exonérations et des compensations correspondantes. Il serait donc faux d'en déduire, par un raccourci maladroit, l'économie réelle pour les finances de l'État ou des administrations publiques car d'autres facteurs ne sont pas pris en compte, ou simplement évoqués, dans ce chiffrage.

C'est pourquoi le Rapporteur spécial a estimé utile de réaliser un chiffrage contradictoire de cette double mesure de suppression .

Il a, pour ce faire, retenu des hypothèses moins optimistes que celles du Gouvernement.

IMPACT FINANCIER DE LA MESURE DE SUPPRESSION :
Hypothèses du Rapporteur spécial

Dispositif visant à :

supprimer l'abattement de 15 pts pour les déclarations au réel

supprimer l'exonération sur les prestataires agréés

Coût de l'abattement de 15 pts sur la déclaration au réel :

300 millions d'euros en 2009, 310 millions d'euros en 2010 (données ACOSS 2010) ;

320 millions d'euros en 2011, 335 millions en 2012 et 350 millions en 2013 (hypothèses du Rapporteur spécial)

Coût de l'exonération des prestataires agréés :

225 millions d'euros en 2009 (RAP), 240 millions d'euros en 2010 ;

255 millions d'euros en 2011, 265 millions en 2012 et 275 millions en 2013 (hypothèses du Rapporteur spécial)

Report sur le forfait : masse salariale nette au réel = 1 540 millions d'euros ; volume horaire correspondant = 165 millions d'heures (données ACOSS 2010) ; cotisations au réel correspondantes = 811 millions d'euros ; cotisations au forfait correspondantes = 655 millions d'euros (calculs commission des finances) ; hypothèse d'un report de 25% des particuliers employeurs jusqu'alors en 2011, 40 % en 2013, 50 % en 2013

Report des prestataires sur les allègements généraux de charges : salaire moyen 1,2 SMIC ; effectifs supérieurs à 20 (hypothèses du Rapporteur spécial) ; taux d'exonération moyen = 14,4 %

Effet du crédit d'impôt en année n+1 et suivantes : 80 % des particuliers employeurs déduisant/réduisant à hauteur de 50 % ; 10 % au plafond ; 10 % non-imposables

Par ailleurs, ont été intégrés au calcul les effets en retour de la mesure tels que :

- l'augmentation des dépenses éligibles au crédit (ou à la réduction) d'impôt sur le revenu au titre de l'emploi d'un salarié à domicile, en année n+1, consécutive au renchérissement des cotisations sociales employeurs et donc des coûts salariaux ;

- les effets d'un report des déclarations vers le régime au forfait sur les cotisations perçues par les organismes de sécurité sociale ;

- les effets d'un basculement des prestataires agréés vers les allègements généraux de charges sur ces mêmes recettes, résultant de modalités différentes de compensation.

CHIFFRAGE DES MESURES PRÉVUES À L'ARTICLE 90 (GAIN - /COÛT +)

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

État

-422

-370

-385

Dépenses 2010 payées en 2011

+153

Suppression de l'abattement de 15 points

Compensation aux OSS

-320

-335

-350

Crédit / Réd d'IR

+128

+134

Suppression de l'exonération sur les prestataires agréés

Compensation aux OSS

-255

-265

-275

Crédit / Réd d'IR

+102

+106

Coll. locales

0

0

0

Organismes de Sécurité sociale

+87

+113

+140

Suppression de l'abattement de 15 points

Compensation reçue

+320

+335

+350

Cotisations perçues

-270

-260

-250

(dont effet du report sur le forfait)

+50

+75

+100

Suppression de l'exonération sur les prestataires agréés

Compensation reçue

+255

+265

+275

Augmentation du panier de recettes

0
(reprise de l'excédent
par l'État
en PLFSS 2011)

0 (déconnexion du panier du montant des exonérations)

0

Cotisations perçues

(compte tenu des allègements généraux)

-218

-227

-235

Total APU

-335

-257

-245

Selon ses calculs, le Rapporteur spécial évalue à seulement 422 millions d'euros en 2011 et 370 millions d'euros en 2012 le gain pour les finances de l'État, contre 460 et 661 millions d'euros attendus selon l'évaluation préalable. L'effet de la mesure sur les comptes sociaux est plus préoccupant encore car les organismes de sécurité sociale enregistreraient une perte de 87 millions d'euros en 2011 et 113 millions d'euros en 2012 (contre 20 millions d'euros en 2011).

Au total, l'effet de cette mesure sur la réduction du déficit (toutes administrations publiques confondues) serait beaucoup plus modeste, de l'ordre de 335 millions d'euros la première année et d'environ 250 millions d'euros en régime de croisière.

? Si l'on veut bien considérer les particuliers employeurs comme à même d'arbitrer, il existe un fort risque de report sur le forfait dès lors que le niveau de l'abattement est abaissé. Aussi le Rapporteur spécial propose-t-il une réforme plus équilibrée consistant à réduire à dix points l'abattement sur la déclaration au réel, comme cela était envisagé en PLF 2009, tout en supprimant la possibilité de déclarer les salariés au forfait.

Un tel dispositif permettrait d'atténuer l'augmentation des coûts salariaux pour les particuliers employant des salariés peu qualifiés (entre 1 et 1,3 SMIC). Il limiterait ainsi le risque de retour du travail non déclaré, que fait peser une suppression totale de l'abattement.

Il contribuerait à améliorer la couverture sociale des salariés du secteur des services à la personne.

Cet amendement éviterait également de creuser les pertes de recettes non compensées à la Sécurité sociale, liées à la fin de l'abattement dont bénéficie la déclaration au réel et à l'effet de report sur le forfait, que l'évaluation préalable du PLF chiffre à 20 millions d'euros au minimum.

Enfin, il réduirait l'avantage comparatif que les prestataires agréés retireront de la suppression de la mesure spécifique d'exonération dont eux-mêmes bénéficient, prévue elle aussi à l'article 90. Contrairement aux particuliers employeurs, ces professionnels sont moins pénalisés par cette suppression car ils basculeront sur le dispositif des allègements généraux de charges sur les bas salaires.

*

* *

Comme cela a été exposé, le Rapporteur spécial recommande à la commission de modifier cet article en adoptant un amendement ramenant de quinze à dix points l'abattement pour la déclaration au réel des particuliers employeurs et supprimant le régime de déclaration au forfait.

*

* *

M. le Président Jérôme Cahuzac. Je suis saisi d'un amendement n° II-CF-145 de suppression de l'article 90.

M. Henri Nayrou. Dans la droite ligne de l'article 88, cet article met fin aux exonérations applicables aux secteurs des services à la personne, qui emploie 2 millions de salariés. J'en propose la suppression.

M. Jean Launay, suppléant le Rapporteur spécial . J'entends bien les arguments mis en avant par M. Nayrou dans son exposé des motifs, néanmoins je lui proposerai de le retirer au profit de l'amendement n° II-CF-163 de Christian Eckert.

Cet amendement propose une réforme plus équilibrée que celle engagée par le Gouvernement, en prévoyant d'une part la suppression de la possibilité pour les particuliers-employeurs de déclarer leurs salariés au forfait et d'autre part le maintien d'un abattement pour la déclaration au régime réel fixé à dix points au lieu de quinze.

Ainsi, nous améliorerions la couverture sociale des salariés du secteur des services à la personne, sans augmenter exagérément les coûts salariaux pour les particuliers employant des salariés peu qualifiés.

Cet amendement éviterait également de creuser les pertes de recettes non compensées à la sécurité sociale ; en effet la fin de l'abattement proposée par le Gouvernement se traduirait par un report des particuliers-employeur sur le forfait.

Enfin, il permettrait de dégager une économie par rapport à l'existant - ce à quoi monsieur le Rapporteur général sera sensible - pour l'État de 150 millions d'euros en 2011 et 170 millions d'euros en 2012. Au niveau de l'ensemble des administrations publiques, l'économie sera de 330 millions d'euros en 2011 et 240 millions d'euros en 2012.

M. le Président Jérôme Cahuzac. Je propose aux auteurs des deux amendements identiques n° II-CF-116 et II-CF-134 de les présenter.

M. Yves Deniaud . Il s'agit par cet amendement de réduire de quinze à dix points l'abattement dont bénéficient les particuliers-employeurs déclarant leurs salariés au réel.

Je crois important que l'on essaye de recadrer les exonérations dont bénéficie le secteur des services à la personne. Cependant, il existe toujours un risque de retour du travail à la clandestinité ; c'est pourquoi, nous avons choisi de préserver le dispositif d'abattement en le limitant à dix points.

Je remarque que l'article 90, dans sa rédaction actuelle, aura un effet en deux temps : la suppression de l'abattement se traduirait, dès 2011, par une économie pour l'État du fait de la fin de la compensation versée aux organismes de sécurité sociale mais, à compter de 2012, l'augmentation des dépenses éligibles au crédit d'impôt diminuera de moitié les gains escomptés.

Il y a un également un risque de distorsion de concurrence car les prestataires agréés, avec la suppression de ces deux exonérations, basculeront sur le régime des abattements généraux de charges tandis que les particuliers-employeurs, eux, seront directement pénalisés par l'augmentation des coûts salariaux.

Enfin, les personnes fragiles risquent d'être les plus pénalisées par la réforme.

M. Laurent Hénart. Je veux tout de même souligner que le projet de loi de finances ne revient pas sur le régime fiscal, qui constitue à mon avis la plus forte incitation au développement des services à la personne : ni le crédit ou la réduction d'impôt sur le revenu pour les particuliers-employeurs, ni le taux réduit de TVA pour les prestataires agréés ne sont remis en cause. C'est cette incitation qui a permis au secteur de créer des emplois, passant de 1,3 million d'emplois en 2003 à 2 millions aujourd'hui.

Je ne reviens pas non plus sur l'effet ricochet de cet article dans les comptes publics, qui a déjà été exposé.

Je précise néanmoins, à l'attention de notre collègue Yves Deniaud, que les publics fragiles comme les personnes âgées dépendantes ou handicapées ne sont pas concernées par le dispositif du Gouvernement car elles bénéficient d'exonérations spécifiques. Ceci dit, il a mis le doigt sur ce qu'il y a de plus choquant, dans cette réforme, en matière de services de confort.

Prenons garde, en supprimant l'abattement, de ne pas créer un effet d'éviction vers le travail au noir. La suppression trop précoce du forfait ferait courir le même risque, car la proportion de particuliers-employeurs déclarant au réel, même si elle a beaucoup progressé depuis le plan Borloo, précisément grâce à l'abattement, n'atteint encore que les deux tiers. Le plus sage consiste, à mon avis, à conserver cet abattement, en le ramenant à dix points, afin de maintenir l'égalité entre l'emploi direct et le recours à un prestataire.

M. Henri Nayrou. Dans ces conditions, comme m'y invitait le Rapporteur spécial, je vais retirer l'amendement de suppression n° II-CF-145.

M. Gilles Carrez, Rapporteur général. Ces dispositifs créent certes des emplois, mais pour un coût très élevé. On crée ainsi des emplois publics, c'est-à-dire financés par l'effort public, alors que parallèlement cette majorité n'a eu de cesse d'oeuvrer pour réduire les emplois publics.

Le Gouvernement a, début juillet, fait un choix qui nous a tous étonnés. Il a annoncé son souhait de supprimer l'abattement de 15 points sur les exonérations de cotisations sociales et, en revanche, sa décision de ne pas intégrer les services à la personne dans le « coup de rabot » fiscal.

Il me semble que le problème aurait pu être posé différemment. Est-ce qu'un rabot qui exclut la première des exceptions fiscales, avec 3,9 milliards d'euros, ne devient pas une lime à ongle, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire ?

J'entends bien les arguments en faveur du maintien de l'abattement à dix points. J'en profite d'ailleurs pour saluer la qualité de l'exposé des motifs de l'amendement de M. Eckert et l'intérêt des pistes de réflexion qu'il esquisse. Il propose notamment de supprimer le régime de déclaration au forfait. Comme Laurent Hénart, je pense qu'il est encore trop tôt pour procéder à une telle suppression, mais je me pose la question de l'impact budgétaire.

Je proposerai donc la semaine prochaine d'intégrer ce dispositif fiscal dans le rabot, comme l'ont d'ailleurs fait récemment nos voisins allemands alors que la situation de leurs finances publiques est bien moins dégradée.

La Commission adopte les amendements n° II-CF-116 et II-CF-134 ( amendement n° II-203 ), puis l'article 90 ainsi modifié .


* 1 DARES Analyses, avril 2010, Les services à la personne : une croissance vive en 2007, modérée en 2008.

* 2 Sont par conséquent dues les cotisations patronales d'assurances sociales et d'allocations familiales sur la partie de la rémunération excédant le seuil de la franchise, cotisations ATMP au titre des rémunérations versées à compter du 1 er janvier 2008, cotisations salariales de sécurité sociale, CSG, CRDS, contribution solidarité autonomie (CSA), FNAL, versement transport (sauf associations), cotisations salariales et patronales de retraite complémentaire (AGIRC/ARRCO), cotisations salariales et patronales d'assurance chômage.

* 3 L'employeur reste donc redevable des cotisations ATMP, cotisations salariales de sécurité sociale, CSG, CRDS, contribution solidarité autonomie (CSA), FNAL, cotisations salariales et patronales de retraite complémentaire, cotisations salariales et patronales d'assurance chômage.

* 4 Se reporter Rapport public annuel 2010 de la Cour des Comptes (partie consacrée à la politique en faveur des services à la personne).

* 5 Se reporter Rapport public annuel 2010 de la Cour des Comptes (partie consacrée à la politique en faveur des services à la personne).