VI. DÉBATS SÉNAT PREMIÈRE LECTURE DU 29 NOVEMBRE 2010

Article 98

(priorité)

Mme la présidente. La parole est à Mme Odette Terrade, sur l'article.

Mme Odette Terrade. Le présent article tend à faire passer de 0,4 % à 0,5 % la contribution patronale au Fonds national d'aide au logement, le FNAL, assise sur la masse salariale.

Si cet article n'est pas contestable en soi, nous déplorons qu'il permette une nouvelle fois, comme en témoigne l'amendement du rapporteur spécial, de traduire un désengagement de l'État, même si M. le secrétaire d'État n'est pas d'accord avec cette appréciation.

Ainsi, selon le rapport de la commission des finances, le produit supplémentaire attendu de cette augmentation de taux, évalué à 86 millions d'euros, doit limiter à due concurrence la subvention d'équilibre versée par l'État au FNAL.

Cette tendance du projet de loi de finances pour 2011 se retrouve dans l'ensemble des missions. Nous assistons à une multiplication des ressources extrabudgétaires visant simplement à justifier le désengagement de l'État.

Pour notre part, nous estimons que l'État doit maintenir sa participation au Fonds national d'aide au logement qui finance l'aide personnalisée au logement et l'allocation de logement sociale, l'ALS.

En effet, alors que la crise économique et sociale a des conséquences particulièrement graves sur les ménages, nous pouvons craindre que les dispositifs des APL et des ALS ne soient très sollicités cette année encore.

À ce titre, nous vous alertons une nouvelle fois sur l'ineptie qui consiste à baisser de 1,6 % les crédits du programme Aide à l'accès au logement cette année.

Pour toutes ces raisons, nous nous abstiendrons sur cet article.

Mme la présidente. L'amendement n° II-26, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

À la première phrase du dernier alinéa du même article, les mots : « et les employeurs relevant du régime agricole au regard des lois sur la sécurité sociale » sont supprimés.

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant de défendre cet amendement, je voudrais rappeler que les trois amendements que la commission des finances a déposés font partie d'une solution globale que la commission a commencé à vous présenter en première partie du projet de loi de finances pour 2011.

En effet, la commission des finances a souhaité proposer une solution qui permette de sortir de la situation quelque peu difficile dans laquelle nous a mis le Gouvernement. À l'été, il avait été envisagé de prélever 340 millions d'euros sur les organismes d'HLM pour financer l'ANRU à hauteur de 260 millions d'euros et les aides à la pierre à hauteur de 80 millions d'euros grâce à un fonds de concours qui remonterait dans le budget de l'État.

Ces 340 millions d'euros étaient au départ assis sur une contribution sur les revenus locatifs. Bien que la mesure nous ait été présentée comme un mécanisme de péréquation, nous avons considéré que tel n'était pas le cas ; c'est pourquoi nous avons souhaité proposer au Parlement une autre solution.

Cette solution se décline en trois parties.

La première partie vous a été présentée par Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances. Elle vise à trouver la plus grande part des sommes nécessaires à l'ANRU pour passer, dans les trois années à venir, la fameuse « bosse » des paiements. Je vous rappelle que l'agence aura besoin d'environ 1,3 milliard d'euros de crédits de paiement et que les fonds provenant, au cours des trois prochaines années, d'Action Logement ne seront pas suffisants. Il convient donc de trouver un complément de financement.

Ce complément de financement, dont le Sénat a voté le principe, consiste en un prélèvement sur les nouvelles taxes qui viendront alimenter la Société du Grand Paris à hauteur de 200 millions d'euros. Il nous reste donc à trouver entre 50 millions et 60 millions d'euros pour boucler l'enveloppe de 260 millions d'euros à destination de l'ANRU.

C'est le premier étage de la fusée que le rapporteur général de la commission des finances a allumé au moment de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2011.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Attention à ce que la fusée n'explose pas ! (Sourires.)

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. La fusée comporte donc deux autres étages.

D'une part, nous vous proposons de compléter à hauteur de 50 millions d'euros environ les 200 millions d'euros provenant des taxes à destination du Grand Paris.

C'est l'objet de l'amendement n° II-26 déposé à l'article 98.

D'autre part, lors de l'examen de l'article 99, nous vous proposerons une solution pour dégager 80 millions d'euros sur les aides à la pierre au travers d'un véritable mécanisme de péréquation entre les bailleurs sociaux.

Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire en préambule. La commission des finances vous propose donc une solution globale se déclinant en trois parties. Puisque nous avons adopté la première partie, il convient donc que nous adoptions les deux suivantes.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je ne doute pas que nous poursuivrons cette discussion en commission mixte paritaire afin de trouver la meilleure solution possible.

Mme Nicole Bricq. Il y a des fusées qui ne décollent pas !

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Précisément, l'amendement n° II-26 vise à soumettre à la cotisation au FNAL les employeurs relevant du régime agricole qui, jusqu'alors, n'y étaient pas soumis. Il convient de supprimer cette niche fiscale.

En effet, dans la mesure où les salariés de ces entreprises bénéficient des aides personnelles au logement, il n'y a aucune raison particulière justifiant que ces entreprises ne soient pas soumises à la cotisation au FNAL.

Si cet amendement est adopté, la mesure qui y est visée devrait rapporter 53 millions d'euros.

Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je ne rouvrirai pas le débat d'ensemble sur la « fusée à trois étages » préconisée par la commission des finances. Le Gouvernement ayant émis un avis défavorable sur le premier étage, il ne peut que maintenir sa position sur les deuxième et troisième étages...

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Le Gouvernement avait été battu !

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je ne dis pas le contraire et le Gouvernement en accepte l'augure ! Mais, étant lui aussi cohérent, il défend bien évidemment jusqu'au bout sa position, notamment sur cet amendement.

En résumé, la mesure que vous proposez revient à faire payer l'ANRU au monde agricole - j'avoue que ce raccourci est un peu facile de ma part, monsieur le rapporteur. Même si votre amendement ne vise que les coopératives agricoles de plus de vingt salariés, il n'en demeure pas moins que le monde agricole traverse aujourd'hui une crise sans précédent et qu'augmenter les cotisations des employeurs revient à alourdir les charges qui pèsent sur le travail dans le secteur agricole. Au regard de la situation difficile que vivent aujourd'hui les agriculteurs, je ne crois pas que le message qui leur est ainsi adressé soit des plus judicieux.

Le Gouvernement est défavorable globalement au mécanisme inventé par M. le rapporteur général et, en particulier, au « deuxième étage » de la fusée. En effet, je le répète, le lien entre l'ANRU et le monde agricole n'est pas évident à établir et, compte tenu de la crise que traverse le monde agricole, je ne suis pas convaincu de la pertinence d'une mesure aboutissant à augmenter le coût du travail.

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le secrétaire d'État, le financement de l'ANRU n'est pas un exercice facile. Ce magnifique projet n'a pas vraiment trouvé son financement jusqu'à présent, et nous sommes appelés, les uns et les autres, à un effort d'imagination et d'abnégation.

D'abord, vous aurez compris que le Sénat, par souci de cohérence, est invité à aller au bout de sa démarche. Puisque nous avons déjà voté le « premier étage » de la fusée, nous ne pouvons pas nous arrêter en chemin.

Ensuite, concernant le taux de cotisation au FNAL, j'avoue qu'il est toujours très délicat d'augmenter des cotisations sociales, car c'est prendre le risque, à l'heure de la mondialisation, d'accroître le coût du travail et d'activer un peu plus le phénomène des délocalisations. Je ferme cette parenthèse, mais nous sommes prêts à consentir cet effort.

En outre, parmi les contributeurs figurent aussi les collectivités territoriales, qui seront sollicitées à hauteur de 80 millions d'euros environ.

Enfin, j'entends bien votre argument sur la crise du monde agricole, monsieur le secrétaire d'État. Mais les coopératives ne sont pas les seules entreprises au service du monde agricole : un certain nombre d'autres entreprises sont soumises aux impositions de droit commun et participent, elles, au financement du FNAL.

Il m'arrive d'ailleurs de penser que les coopératives sont des superstructures qui n'ont pas toujours démontré leur pleine efficacité. On pourrait citer de nombreux exemples. Parfois, la structure capte certains des avantages consentis aux coopératives, sans que les agriculteurs, au nom desquels ces avantages sont consentis, trouvent directement le bénéfice attendu. Dans ces conditions, je pense que ce n'est pas faire offense aux règles d'une concurrence loyale que de faire disparaître cette niche sociale.

J'ajoute que des salariés du monde agricole peuvent trouver à se loger dans des structures urbaines ou périurbaines qui font partie des opérations couvertes par l'ANRU.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° II-26.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je constate que les groupes socialiste et CRC-SPG se sont abstenus.

Je mets aux voix l'article 98, modifié.

(L'article 98 est adopté.)