II. RAPPORT ASSEMBLÉE NATIONALE N° 2857 TOME III (2010-2011) ANNEXE 47

Observations et décision de la Commission :

Le présent article a pour objet de supprimer l'exonération de la contribution sur les revenus locatifs dont les organismes d'habitation à loyers modérés (HLM et SEM de construction) bénéficiaient jusqu'alors, afin d'alimenter un fonds de ressources mobilisables en faveur du logement social et de la rénovation urbaine.

L'article 99 complète ce dispositif par un plafonnement, pendant trois ans, des variations des loyers pratiqués par les organismes d'habitation à loyers modérés.

I.- LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A.- UN NOUVEAU PRÉLÈVEMENT VISANT À REDISTRIBUER LES RESSOURCES DES ORGANISMES À LOYER MODÉRÉ EN FAVEUR DU DÉVELOPPEMENT DU PARC LOCATIF SOCIAL ET DE LA RÉNOVATION URBAINE

Le présent article vise à supprimer, à compter du 1 er janvier 2011, l'exonération de contribution sur les revenus locatifs dont les organismes d'habitation à loyer modéré, HLM et SEM de construction, bénéficient en vertu de l'article 234 nonies du code général des impôts.

Il s'agit d'une contribution annuelle assise sur les revenus tirés de la location de locaux situés dans des immeubles achevés depuis 15 ans au moins.

Les constructions récentes sont en conséquence hors assiette.

L'article prévoit également que les loyers tirés des logements attribués à des personnes reconnues comme prioritaires par les commissions pour le droit au logement opposable DALO soient également exonérés de cette CRL pendant les cinq premières années de location. En outre, les loyers perçus auprès des bénéficiaires des allocations et aides personnalisées au logement ne seraient retenus que pour 90 % de leur montant.

À raison d'une contribution de 2,5 % sur les recettes nettes non exonérées, le Gouvernement en espère néanmoins un produit d'au moins 340 millions d'euros.

Les recettes seraient directement affectées à la Caisse de garantie du logement locatif (CGLLS) via un fonds ad ho c ; et les ressources réunies seraient utilisées selon les orientations définies par une commission majoritairement composée de représentants de l'État - pour en conserver le pilotage - en faveur du développement de logements locatifs sociaux neufs et du programme de rénovation urbaine.

Le dispositif proposé vise à renforcer les moyens mobilisés en faveur des aides à la pierre, au-delà des subventions pouvant être inscrites au budget de l'État pour 2011, et à consolider les financements des engagements déjà programmés de l'ANRU, dans un contexte de rigueur budgétaire et de réduction prévisible des ressources d'Action logement (1% logement).

260 millions d'euros viendraient donc compléter le plan de financement du programme national de rénovation urbaine en 2011 et 80 millions les crédits de paiement alloués à la construction de 120 000 nouveaux logements sociaux.

Il escompte plus largement opérer une forme de redistribution des ressources du secteur vers les organismes qui développent leur parc, notamment dans les zones tendues et les zones de rénovation urbaine, constatant notamment que le secteur HLM présenterait une situation financière globalement saine, avec une capacité d'autofinancement qui représenterait plus de 2 milliards d'euros, soit l'équivalent de 12,5 % des loyers perçus, et que certains organismes se contenteraient de bénéficier des loyers d'un patrimoine déjà amorti sans les réinvestir dans de nouvelles opérations.

B.- L'EXPÉRIMENTATION D'UN PLAFONNEMENT DES VARIATIONS DE LOYERS

Le présent article cherche par ailleurs à éviter que les organismes soumis à la CRL ne compensent cette nouvelle contribution par une augmentation des loyers. En effet, en l'état actuel du droit, les organismes d'habitation à loyer modéré peuvent augmenter ces loyers de 10 % par semestre dans la limite des plafonds fixés par conventions.

Il propose donc de limiter l'évolution des loyers des logements du parc social ainsi que des redevances pratiquées par les logements-foyers en plafonnant leur variation à celle de l'indice de référence des loyers (IRL).

Ce plafonnement est déjà appliqué aux entreprises publiques locales et aux associations, y compris pour leur parc conventionné.

Ce plafonnement serait expérimenté dans le secteur HLM et SEM sur la période 2011-2013 avec des dérogations possibles dans le cas d'organismes ayant fait l'objet d'un plan de redressement approuvé par la CGLLS ou sur une partie du patrimoine ayant fait l'objet d'une réhabilitation.

III.- LES DÉFAUTS D'UN DISPOSITIF TROP GÉNÉRAL ET UNIFORME

? Le dispositif est trop éloigné de l'un des objectifs poursuivis : mobiliser les ressources disponibles « dormantes » pour l'investissement locatif afin d'en faire bénéficier les plus entreprenants en ce domaine, ou les territoires où les besoins sont les plus vifs.

En effet, assis sur les ressources à court terme des organismes, ce prélèvement ne tient pas compte des disparités de situations financières et de stratégies d'investissement entre organismes.

Certes, les dérogations du dispositif proposé sont censées alléger la charge sur les locaux les plus récents ou sur ceux qui participent à l'effort de mise en oeuvre du DALO. Mais elles n'éviteraient pas, par exemple, de peser sur un organisme qui se serait lancé dans un programme d'investissements actifs mais disposerait d'un parc de logements d'âges diversifiés plus lourdement que sur un autre qui a fourni l'essentiel de son effort il y a moins de 15 ans.

Au surplus, il ponctionne les ressources des organismes de façon trop homogènes indépendamment de leur dynamisme présent et des projets programmés.

Or, même si le secteur semble faire montre dans son ensemble d'une capacité d'autofinancement assez satisfaisante, ce prélèvement n'est pas d'un niveau négligeable et, réparti sans trop de distinction, il pourrait déséquilibrer les plans de financement de certains organismes, notamment s'ils se sont montrés ambitieux dans la programmation de leurs investissements, et réduirait a fortiori leurs futures projections - ce qui contrarierait l'objectif du développement de l'offre.

? Cet équilibre financier apparaît d'autant plus menacé qu'avec la fin du plan de relance, les subventions que l'État consacrera à la construction de logements nouveaux vont revenir à des niveaux plus habituels (soit 500 millions d'euros en autorisations d'engagement et 530 millions d'euros en crédits de paiement en 2011) et que dans un premier temps, une partie substantielle des recettes récoltées sera affectée à la rénovation urbaine - sortant de l'épure d'une « péréquation interne ».

Les organismes escomptent déjà ne plus être en capacité d'assurer les engagements pris dans le cadre des conventions d'utilité sociale en cours de négociation avec l'État, que ce soit en termes de construction d'une nouvelle offre, de rénovation, de performance énergétique, de modération des loyers ou d'amélioration des services assurés aux habitants.

Ils mettent notamment en avant le fait que 340 millions d'euros correspondraient à 20 000 nouveaux logements en moins.

? Les organismes d'habitations à loyer modéré font également remarquer :

- que, depuis l'exonération, à compter de 2006, de tous les bailleurs personnes physiques, la CRL n'est plus supportée que par quelques personnes morales ; et que, pour leur part, ils en ont toujours été exonérés ;

- qu'enfin, un prélèvement a déjà été créé par la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l'exclusion (MLLE) du 25 mars 2009 pour mobiliser les ressources des « dodus dormants » dans l'objectif similaire à la présente loi de finances de mutualiser les moyens du secteur et d'inciter, à terme, les moins actifs à se lancer de nouveaux investissements.

Assis sur les ressources financières des organismes, il est dû si, au cours des deux derniers exercices comptables, les investissements annuels moyens des organismes s'avèrent inférieurs à 50 % de leur potentiel financier annuel moyen (ce potentiel étant défini comme l'écart entre les ressources de long terme et les emplois de long terme, soit approximativement leur fonds de roulement).

70 millions d'euros en étaient attendus ; mais le produit final s'est révélé très sensiblement inférieur aux prévisions, voire inexistant grâce à d'efficaces stratégies de contournement.

En raison des différents défauts du dispositif de « péréquation » proposé, en particulier parce qu'il répartirait uniformément la charge de la contribution sur l'ensemble des organismes sans distinguer les plus entreprenants des organismes plus passifs, le Rapporteur spécial émet un avis défavorable sur cette partie de la proposition.

Cependant, conscient de la nécessité de trouver de nouvelles recettes pour soutenir l'effort national de construction et de rénovation urbaine, et sensible à l'intérêt d'une mutualisation des ressources disponibles, qui offrirait notamment la possibilité de mieux les orienter vers les territoires les plus tendus, le Rapporteur spécial propose, par amendement, une formule alternative .

Elle tendrait à renforcer le prélèvement sur le potentiel financier des organismes dit « taxe sur les dodus dormants », mais aussi à introduire une progressivité de l'effort contributif (en rapportant le potentiel financier au nombre de logements gérés et en appliquant un barème progressif) afin qu'il pèse davantage sur les organismes les moins actifs à développer le parc social.

S'agissant de l'expérimentation d'un plafonnement des variations des loyers, le Rapporteur spécial donne un avis favorable.

Avis défavorable du Rapporteur spécial sur une partie du dispositif, dont il propose le remaniement par l'amendement CF 91 rectifié.

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La Commission est saisie de l'amendement II-CF-91 rectifié du Rapporteur spécial ainsi rédigé.

« I.- Le I est remplacé par les dispositions suivantes :

I.- L'article L. 423-14 du code de la construction et de l'habitation est modifié comme suit :

1° Au premier alinéa, les mots : « à compter du 1 er janvier 2010 » sont remplacés par les mots : « à compter du 1 er janvier 2011 » et les mots après : « prélèvement sur » sont remplacés par les mots : « leur potentiel financier ».

2° Le deuxième alinéa est supprimé.

3° Au troisième alinéa, les mots : « à l'exception du capital souscrit appelé non versé », « à l'exclusion des subventions à recevoir », « et pour risques et charges » sont supprimés, et les mots : « compensateurs sont remplacés par les mots : « courus, à l'exception des intérêts compensateurs ».

4° Le quatrième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :

« Le prélèvement sur le potentiel financier dû pour une année est égal au produit du nombre de logements et d'équivalents logements sur lesquels l'organisme détient un droit réel au 31 décembre de l'année précédente par une contribution moyenne par logement.

« La contribution moyenne par logement résulte de l'application à la moyenne des potentiels financiers par logement des cinq exercices précédents du barème progressif par tranche suivant :

« Tranches du potentiel financier par logement

Taux de contribution

< 1 000 euros

0 %

De 1 000 à 1 500 euros

4 %

De 1 500 à 2 000 euros

8 %

De 2 000 à 3 000 euros

12 %

> 3 000 euros

16 %

« Le potentiel financier par logement de chacun des cinq exercices précédents est obtenu en divisant le potentiel financier au 31 décembre de l'exercice par le nombre de logements et d'équivalents logements sur lesquels l'organisme détient un droit réel à la même date. »

5° Au cinquième alinéa, les mots : « 30 novembre » sont remplacés par les mots : « 31 août ».

6° Au sixième alinéa, les mots « de prévention ou » sont supprimés

7° Au septième alinéa, les mots : « dont ils sont propriétaires » sont remplacés par les mots : « sur lesquels ils détiennent un droit réel ».

II. - Le II et le III sont supprimés.

III. - Le 2° du IV est remplacé par les dispositions suivantes :

« L'article L. 452-1-1 du même code est remplacé par les dispositions suivantes :

« La Caisse de garantie du logement locatif social gère un fonds dont les ressources proviennent des prélèvements effectués en application de l'article L. 423-14. Ce fonds contribue au développement et à l'amélioration du parc de logements locatifs sociaux appartenant aux organismes d'habitation à loyer modéré et aux sociétés d'économie mixte, ainsi qu'à la rénovation urbaine.

« Une commission composée majoritairement de représentants de l'État arrête les emplois du fonds.

« Un décret en Conseil d'État détermine les modalités de mise en oeuvre du fonds, notamment la composition et le fonctionnement de la commission. »

« Le 3° du IV est supprimé. »

IV.- Au VI, les mots : « deuxième trimestre » sont remplacés par les mots : « troisième trimestre ».

M. le Rapporteur spécial. Il a déjà été présenté.

M. Olivier Carré. Il s'agit, comme je l'indiquais, de renforcer le système de péréquation de la loi Boutin.

M. Charles de Courson. Quelle est la cohérence de ce dispositif ? Je suis d'accord pour mettre à contribution les « dodus-dormants » ; mais on me dit qu'avec cet amendement, 75 % des organismes HLM vont être taxés : peut-on nous le confirmer ?

Par ailleurs, en analyse financière, le potentiel financier est le fonds de roulement. Autrement dit, on va taxer le fonds de roulement. Mais la disponibilité de celui-ci doit être appréciée en fonction du besoin en fonds de roulement (BFR), très variable d'un établissement à l'autre...

Je ne vois aucun obstacle à ce qu'on opère un prélèvement sur les organismes dont le différentiel positif entre le fonds de roulement et le besoin en fonds de roulement signifie qu'ils ont de la trésorerie dormante. En revanche, il me paraît aberrant de vouloir instituer un prélèvement sur le fonds de roulement. Quant aux 7 milliards d'euros de trésorerie, il faut regarder ce qu'ils recouvrent ! Il y aurait beaucoup de choses à retirer.

Faisons un prélèvement sur les vrais « dodus-dormants » et, comme cela ne rapportera pas 340 millions d'euros, imaginons une autre recette ; on pourrait par exemple augmenter les droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Mais cet amendement ne me paraît pas acceptable.

M. Jean-Louis Dumont. Que l'État impécunieux fasse appel à la solidarité des organismes HLM, pourquoi pas. Je voudrais néanmoins rappeler qu'ils ont déjà donné, ne serait-ce qu'à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), l'État ayant repris l'ensemble de ses participations.

Il y avait d'autres manières de faire. J'ai évoqué l'idée d'une année blanche pour les aides à la pierre ; il y en a bien d'autres.

M. Marc Goua. Comme notre collègue de Courson, je pense qu'il faut éviter certaines confusions qui risquent d'avoir des conséquences graves.

M. Charles de Courson. Pourrait-on avoir des précisions sur le nombre d'organismes concernés par cet amendement ?

M. Olivier Carré. D'après les simulations, 27,5 % des 550 organismes vont être exonérés totalement ; la moitié des organismes paieront moins de 10 % du montant total ; un tiers sera payé par les organismes ayant plus de 3 000 euros de potentiel financier par logement, soit le double du potentiel financier moyen, la médiane étant à 1 620 euros par logement.

M. Charles de Courson. Je répète qu'il est aberrant de taxer le fonds de roulement. J'aimerais comprendre la logique du dispositif.

M. Olivier Carré. Le potentiel financier, un peu différent du fonds de roulement, est défini par les organismes eux-mêmes. C'est une norme dans la profession, correspondant davantage au cash-flow .

M. Charles de Courson. Le cash-flow n'a rien à voir avec le fonds de roulement !

M. Jean-Louis Dumont. Ce sont dans les zones tendues, où il faut beaucoup construire, que la contribution va être la plus importante...

M. Charles de Courson. Il serait intéressant de connaître la répartition du prélèvement entre les zones A, B et C.

M. Olivier Carré. Ce n'est pas possible, les organismes qui ont les plus grosses trésoreries étant multisectoriels.

La Commission adopte l'amendement II-CF-91 rectifié du Rapporteur spécial.

Puis elle adopte l'article 99 ainsi amendé .