M. Adrien Gouteyron, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL

- Votre rapporteur spécial , constatant les efforts accomplis depuis six ans par le ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE) en termes de réduction de ses effectifs, souhaite que les diminutions à venir, notamment dans le cadre de la « deuxième vague » de la révision générale des politiques publiques (RGPP), ne remette pas en cause l'universalité de notre réseau diplomatique .

- Les crédits demandés pour le programme 105 apparaissent en assez nette augmentation, de 3,2 % en AE et de 5,8 % en CP à périmètre constant . Cependant, cette hausse vise à financer des contraintes dont le MAEE ne saurait s'exonérer , en particulier les participations de la France au budget des organisations internationales et des opérations de maintien de la paix (+ 105 millions d'euros en 2011).

- L'évolution des crédits demandés au titre de ces organisations et opérations participe d' une démarche saine de « vérité budgétaire » . Initié depuis deux ans, l'effort est sérieusement amplifié dans le présent projet de budget, avec un taux de change euro-dollar réaliste. Sur cette base, le montant des crédits devrait permettre à la France, sauf aléas, de faire face aux appels de fonds correspondants.

- La diminution des effectifs de la trentaine de postes de présence diplomatique n'étant pas une fin en soi, les missions de ces postes gagneraient à être redéfinies , conformément aux décisions du conseil de modernisation des politiques publiques (CMPP)

- Le projet de création d'une agence de gestion des immeubles de l'Etat à l'étranger doit aboutir rapidement de sorte qu'une expérimentation dans un nombre limité de pays puisse être conduite dans les meilleurs délais.

- La nouvelle architecture du programme 185 est plus claire et plus cohérente que la précédente , fondée sur un strict critère géographique.

- La mise en place de l'Institut français doit donner un nouvel élan à notre politique culturelle extérieure . A cette fin, il est essentiel que le ministère de la culture soit associé aux actions de la nouvelle agence et que l'expérimentation du rattachement du réseau culturel de la France à l'étranger au nouvel EPIC permette d'avancer.

- Pour assurer le succès de l'EPIC Campus France, qui doit résulter de la fusion de l'actuel GIP CampusFrance et de l'association Egide, les préconisations de l'enquête que la Cour des comptes a remise à votre commission des finances, conformément aux dispositions de l'article 58-2° de la LOLF doivent être mises en oeuvre (meilleure collaboration entre les tutelles de la future agence, redéfinition des conditions financières dans lesquelles elle exercera ses missions et accélération de la préparation matérielle de la fusion).

- Les marges de manoeuvre que l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) aurait pu tirer de l'augmentation de ses ressources propres devant être absorbées par l'augmentation de ses charges de pensions civiles, il importe que l'Etat définisse un plan de rénovation des locaux des établissements du réseau.

- La dotation du programme 151 apparaît en augmentation significative , de + 5,5 % en AE et + 5,4 % en CP à périmètre constant par rapport à 2010 .

- Cette évolution est principalement due à la progression du coût de la prise en charge (PEC) des frais de scolarité des lycéens français scolarisés au sein du réseau et des bourses de scolarité. Cette tendance souligne la nécessité de prendre des mesures structurelles de maîtrise des coûts afin d'assurer la pérennité de la PEC , comme son plafonnement. Votre rapporteur proposera un amendement en ce sens (article additionnel après l'article 67).

- D'éventuelles économies de personnel du programme 151 dans le cadre de la « RGPP 2 » sont envisageables, mais elles devraient résulter de choix assumés par l'Etat, concernant la localisation des postes . En d'autres termes, des fermetures de consulats comptant peu de ressortissants paraissent nettement préférables au maintien de structures souffrant d'un manque de personnel et rendant un service de moindre qualité aux usagers.

En application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, la date limite était fixée au 10 octobre 2010.

A cette date, votre rapporteur spécial avait reçu 83 % des réponses attendues concernant la mission « Action extérieure de l'Etat ».

I. PRÉSENTATION D'ENSEMBLE DE LA MISSION

A. UNE ARCHITECTURE MODIFIÉE SUR PLUSIEURS POINTS DANS LE CADRE DU PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES

1. La création d'un programme spécifique « Présidence française du G8 et du G20 » (programme 332)

La mission « Action extérieure de l'Etat » conserve, dans la maquette du présent projet de loi de finances, ses trois programmes traditionnels :

- le programme 105 , dénommé « Action de la France en Europe et dans le monde » . Placé sous la responsabilité du directeur général des affaires politiques et de sécurité du ministère des affaires étrangères et européennes (MAEE), il inclut une grande partie de l'action diplomatique de l'Etat au sens strict. En conséquence, il rassemble l'ensemble des moyens dévolus au ministère, hormis ceux destinés spécifiquement aux affaires consulaires, à la coopération technique, scientifique et culturelle ainsi qu'à l'aide publique au développement ;

- le programme 185 , rebaptisé « Diplomatie culturelle et d'influence » 1 ( * ) . Géré par le directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats du MAEE, il regroupe l'ensemble des politiques de coopération (culturelle, linguistique, universitaire, enjeux globaux) vecteurs d'influence pour notre pays. Par ailleurs, ce programme assure le service d'enseignement public à l'étranger ;

- le programme 151 , dénommé « Français à l'étranger et affaires consulaires » . Confié au directeur des Français à l'étranger et de l'administration consulaire, il vise, selon l'intitulé même de se actions, à offrir un service public de qualité aux Français de l'étranger, à assurer l'accès des élèves français au réseau de l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) et à instruire les demandes de visas.

En outre, à titre de novation pour l'exercice 2011, la mission comporte un son sein un quatrième programme, dénommé « Présidence française du G 20 et du G 8 » (programme 332), placé sous la responsabilité du directeur général de la mondialisation, du développement et des partenariats du MAEE. En effet, la France exercera, à compter du sommet de Séoul de novembre 2010, la présidence du G 20 et, à partir du 1 er janvier 2011, la présidence du G 8. Le choix a été fait de regrouper les moyens financiers destinés à assurer les responsabilités qui incombent à l'Etat au titre de cette double présidence au sein d'un programme spécifique. Un programme destiné à porter les crédits de la présidence française de l'Union européenne avait déjà été créé par la loi de finances pour 2008, au sein de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ».

2. La modification du nom et du périmètre du programme 185 « Diplomatie culturelle et d'influence »

L'architecture des programmes 185 et 209 (programme « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement) a été modifiée afin de rendre plus lisible la politique culturelle et d'influence , en cohérence avec les dispositions de la loi n° 2010-873 du 27 juillet 2010 relative à l'action extérieure de l'Etat.

Ainsi, alors que la maquette précédente définissait une frontière géographique entre les pays développés du programme 185 et les pays émergents et en développement du programme 209, la nouvelle maquette répartit les masses budgétaires entre ces deux programmes selon les lignes suivantes :

- un programme 185, désormais dénommé « Diplomatie culturelle et d'influence » , déclinant des regroupements par secteurs d'activités tels que « Coopération culturelle et promotion du français », « Attractivité et recherche », « Enjeux globaux » et « Subvention à l'AEFE » ;

- un programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » , décliné par instruments et dont l'analyse est détaillée dans le rapport spécial que notre collègue Yvon Collin consacre à la mission « Aide publique au développement ».

Quant aux emplois et à la masse salariale, ils demeurent inchangés mais sont regroupés au sein de chaque programme sur une action spécifique.

Cette nouvelle maquette, plus claire et cohérente que la précédente, offre davantage de souplesse, souligne justement le ministère, en permettant des redéploiements , notamment des pays membre de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques ( OCDE ) vers ceux du « coeur de cible » .

Le tableau suivant, fourni par le MAEE dans ses réponses au questionnaire de votre rapporteur spécial, retrace l'évolution de l'architecture des programmes 185 et 209 entre les maquettes des projets de loi de finances pour 2010 et pour 2011.

Maquettes comparées des programmes 185 et 209 en 2010 et en 2011

185

2010

2011

Commentaire

1

Animation du réseau

1

Animation du réseau

RAS

2

Langue et culture française, diversité linguistique et culturelle

2

Coopération culturelle et promotion du français

Changement de l'intitulé

3

Enjeux globaux

Création

4

Renforcement des échanges techniques, scientifiques et universitaires

4

Attractivité et recherche

Changement de l'intitulé

5

Service public d'enseignement à l'étranger (AEFE)

5

AEFE

RAS

6

Dépenses de personnel concourant au programme

Création

209

2010

2011

Commentaire

1

Animation du réseau et coordination de l'aide au développement

1

Animation du réseau et coordination de l'aide au développement

RAS

2

Politiques et stratégies sectorielles bilatérales dans les pays émergents et à revenu intermédiaire

2

Coopération bilatérale

Changement d'intitulé

3

Politiques et stratégies sectorielles bilatérales dans les pays de la ZSP et les PMA

3

Politiques et stratégies sectorielles bilatérales dans les pays "ZSP-PMA"

5

Coopération multilatérale (Fonds mondial Sida, ONU, FED et autres)

5

Coopération multilatérale

6

Aide humanitaire et alimentaire

6

Aide humanitaire et alimentaire

7

Coopération communautaire

Création

8

Dépenses de personnel concourant au programme

Création


Source : MAEE

B. LES CRÉDITS ET LES FONDS DE CONCOURS

Les crédits demandés pour la mission dans le projet de loi de finances pour 2011 s'élèvent à 2 962,2 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 2 965,2 millions d'euros en crédits de paiement (CP) .

Le graphique suivant illustre la répartition par programme des CP demandés pour la mission dans le présent projet de loi de finances.

Source : projet de loi de finances pour 2011, annexe « Action extérieure de l'Etat »

A structure courante, ces crédits affichent une augmentation de 4,8 % en AE et de 4,7 % en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2010, ainsi répartie (pour les CP) :

+ 6,6 % pour le programme 105 ;

- 1,6 % pour le programme 185 ;

+ 5,4 % pour le programme 151.

Quant aux crédits du programme 332, ils constituent une novation qui ne peut être rapprochée de la dernière loi de finances.

Chaque programme fera l'objet ci-après d'une analyse détaillée.

A ces crédits s'ajoutent un montant très limité de fonds de concours : 8,1 millions d'euros, soit moins de 0,3 % des CP de la mission, presque exclusivement sur les programme 105 (3,2 millions d'euros) et 151 (4 millions d'euros).

Il est enfin à noter qu' aucune dépense fiscale n'est rattachée aux programmes de la mission.

C. LES EMPLOIS : LA CONTINUITÉ DE L'EFFORT DU MINISTÈRE DANS LE CADRE DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES

Le plafond des emplois rattachés aux trois programmes de la mission « Action extérieure de l'Etat » s'élève à 12 885 équivalents temps plein travaillés (ETPT), en baisse de 12 ETPT par rapport à 2010.

Cependant, les corps gérés par le MAEE se répartissent sur l'ensemble des programmes que gère le ministère et la carrière des agents les amène à changer fréquemment d'affectation (et donc de programme). Dès lors, il est pertinent d'inclure dans l'analyse des évolutions de personnel les 2 517 ETPT rattachés au programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement ».

L'évolution des emplois du MAEE découle en premier lieu des travaux menés, sur la période 2009-2011, au titre du « livre blanc » sur la politique étrangère et européenne de la France et de la révision générale des politiques publiques (RGPP).

Les emplois demandés en 2011 (y compris ceux en charge sur le programme 209) apparaissent, en données brutes, en recul de 162 ETPT par rapport à 2010. Ce total correspond :

- à 27 ETPT qui ont fait l'objet de transferts ;

- à 135 ETPT correspondant véritablement au schéma d'emplois du ministère. Ce chiffre correspond, à peu de choses près, à la moitié des départs en retraite prévus en 2011 (282 selon le projet annuel de performances), après plusieurs années où l'effort du MAEE était de l'ordre du double de celui demandé aux autres administrations.

En trois ans, ce sont ainsi 607 ETPT qui ont été supprimés. Pour mémoire, une réduction de 700 emplois étant déjà intervenue durant la période 2006-2008, c'est donc une suppression totale de quelque 1 300 emplois (environ 10% des effectifs totaux) qui est intervenue en six ans .

Pour autant, d'après les informations communiquées à votre rapporteur spécial, le MAEE sera invité, dans le cadre de la « deuxième vague » de la RGPP, à procéder à de nouvelles réductions d'emplois, concernant 450 ETPT, sur la période 2012-2013.

Comme cela a été détaillé dans le rapport spécial sur la présente mission relatif au projet de loi de finances pour 2010 2 ( * ) , la réorganisation du réseau repose :

- d'une part, sur la réorganisation de l'administration centrale , effective depuis 2009 ;

- d'autre part, sur le « reformatage » des postes à l'étranger .

Cependant, le réseau du MAEE à l'étranger représente environ les trois quarts de l'ensemble des effectifs. C'est donc là que se trouvent les principaux gisements de gains.

Avant que le MAEE s'engage encore davantage sur la voie de la réduction de ses effectifs, votre rapporteur spécial souhaite que la discussion budgétaire à venir permette de dresser le bilan de ce qui a déjà été accompli . Deux points mériteront un éclairage particulier : comment s'est traduite, concrètement, la transformation d'une trentaine d'ambassades en « postes de présence diplomatique » , à effectifs très réduits, et comment ont évolué les missions confiées à ces postes ? En outre, comment se déroule la mise en place des services communs de gestion des postes, communs à l'ensemble des ministères, et quelles économies a-t-elle engendré ?

Pour l'avenir, s'il ne mésestime nullement la nécessité de poursuivre sur la voie de la rigueur budgétaire, votre rapporteur spécial réaffirme son souhait que la « deuxième vague » de la RGPP n'aboutisse pas à la remise en cause de l'universalité de notre réseau diplomatique , qui correspond à la tradition de notre pays. En effet, la poursuite à moyen terme d'une politique de réduction des effectifs des postes finira par poser le problème en ces termes.


* 1 L'ancien nom de ce programme était « Rayonnement culturel et scientifique ». Ce changement de libellé, qui correspond à un changement partiel de périmètre, sera détaillé ci-après.

* 2 Rapport général n° 101 (2009-2010), Tome III, annexe 1.