Mme Michèle André, rapporteure spéciale

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE

La mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » bénéficie d'une enveloppe de 2,45 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), en recul de 5,6 % par rapport à 2010 .

Elle est fortement impactée par la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui prévoit notamment : la rationalisation du processus de délivrance des titres d'identité (avec en particulier le passage au passeport biométrique), la création du nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV), le recentrage du contrôle de légalité et la mutualisation des fonctions support.

La RGPP s'accompagne de la suppression de 2 107 emplois équivalent temps plein travaillés (ETPT) , programmée sur la période 2009-2011, au sein du programme « Administration territoriale ».

Cette politique vise notamment à dégager 122 millions d'euros d'économies , dont 104 millions d'euros en dépenses de personnel sur trois ans, au sein du programme « Administration territoriale ».

Le pari de la RGPP dans les préfectures reposait sur l'obtention de gains de productivité grâce à une organisation plus performante des services et à un recours accru aux nouvelles technologies. Or, ce pari paraît en passe d'être perdu.

Votre rapporteure spéciale s'inquiète du maintien de la qualité du service public au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » dans la perspective de la troisième et dernière vague de suppression d'emplois prévue par la RGPP.

Dans le contexte de changements rapides induits par la RGPP et de mutation des métiers au sein des préfectures et des sous-préfectures, votre rapporteure spéciale insiste sur l'importance devant être attachée à la gestion des ressources humaines . Celle-ci doit permettre d'anticiper les évolutions, d'accompagner les agents confrontés à de nouvelles demandes et de leur offrir des perspectives de carrière suffisamment motivantes.

Au 10 octobre 2010, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant le présent projet de loi de finances, 100 % des réponses portant sur la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » étaient parvenues à votre rapporteure spéciale.

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DE LA MISSION

A. LES TROIS PROGRAMMES DE LA MISSION

La mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » comprend trois programmes :

- le programme 307 « Administration territoriale », qui correspond essentiellement aux moyens alloués aux préfectures, aux Hauts-commissariats et aux sous-préfectures, pour la métropole et l'outre-mer ( 67,5 % des crédits de paiement de la mission) ;

- le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative », qui comporte les crédits liés au financement de la vie politique (organisation des élections, prise en charge de dépenses de campagnes électorales, aide publique aux partis et groupements politiques), à la mise en oeuvre de la loi sur la séparation des Eglises et de l'Etat , et à l'application des textes sur la liberté d'association ( 7,5 % des crédits de paiement de la mission) ;

- le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur », qui a pour objet les moyens logistiques de plusieurs missions pilotées par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ( 25 % des crédits de paiement de la mission).

Le responsable de ces trois programmes est le secrétaire général du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, .

Présentation des crédits par programme

(en millions d'euros)

Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2011

La mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » bénéficie d'une enveloppe de 2,45 milliards d'euros de crédits de paiement (hors fonds de concours), en recul de 5,6 % par rapport aux crédits ouverts pour 2010.

Elle présente, en outre, la particularité d'être particulièrement sensible au rythme électoral via le programme « Vie politique, cultuelle et associative ».

Enfin, il convient de noter que 72,8 % des crédits de paiement (CP) de la mission sont absorbés par les dépenses de personnels (titre 2).

B. LES « MANDATS » DE LA RÉVISION GÉNÉRALE DES POLITIQUES PUBLIQUES (RGPP)

La mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » est fortement impactée par la révision générale des politiques publiques (RGPP) qui renvoie aux objectifs suivants :

- la rationalisation du processus de délivrance des titres, avec la mise en place des passeports biométriques et à terme de la carte nationale d'identité électronique (CNIe) ;

- la création d'un nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV) ;

- la mise en oeuvre de la dématérialisation de la procédure de cession de véhicules entre particuliers ( via internet) ;

- le recentrage du contrôle de légalité , par la centralisation de son traitement en préfecture et le développement de sa gestion par voie électronique ;

- la rationalisation et la mutualisation de la fonction « ressources humaines » ;

- la rationalisation et la mutualisation des autres fonctions support ;

- l'optimisation et l'intégration de la fonction immobilière ;

- la réorganisation de la gouvernance de la fonction « systèmes d'information et de communication » (SIC) ;

- la rationalisation des infrastructures, de l'exploitation et du support des SIC ;

- l'implication dans la réforme de l'administration régionale et départementale de l'Etat (REATE) .

Par ailleurs, en lien avec le programme « Vie politique, cultuelle et associative », l'envoi postal de la propagande électorale a constitué un sujet de travail dans le cadre de la RGPP. En effet, cette spécificité française peut être discutée sous l'angle de son coût et de son impact environnemental. En particulier, la réflexion porte sur la distinction à opérer éventuellement selon la nature du scrutin. Votre rapporteure spéciale tient toutefois à rappeler la nécessité de garantir une information égale et complète pour tous les électeurs .

Dans les préfectures, la RGPP concerne trois dimensions stratégiques de l'activité de ces services déconcentrés de l'Etat : la délivrance des titres d'identité, le contrôle de légalité et la gestion des fonctions support.

Cette politique s'accompagne notamment de la suppression de 2 107 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) programmée sur la période 2009-2011 au sein du programme « Administration territoriale ». Elle vise à dégager une économie de 122 millions d'euros , dont 104 millions d'euros en dépenses de personnel (titre 2) sur trois ans.

C. LES RÉSULTATS PRÉOCCUPANTS DE LA RGPP DANS LES PRÉFECTURES

Ainsi que votre rapporteure spéciale l'a indiqué dans son rapport d'information « La RGPP dans les préfectures : pour la délivrance des titres, la qualité du service public est-elle en péril ? » 1 ( * ) , le pari de la RGPP dans les préfectures reposait sur l'obtention de gains de productivité grâce à une organisation plus performante des services et à un recours accru aux nouvelles technologies. Or, ce pari paraît en passe d'être perdu .

Si le passage au passeport biométrique a été réalisé au 28 juin 2009 conformément aux engagements européens de la France 2 ( * ) , il a été marqué par une dégradation conjoncturelle des délais de délivrance de ce titre. Surtout, il n'a, pour l'instant, pas permis de réaliser les économies d'emplois escomptées.

Le nouveau système d'immatriculation des véhicules (SIV) vise à simplifier les démarches des usagers et des professionnels par le développement des télétransmissions. Toutefois, le flux des demandes en préfectures n'a pas été totalement supprimé, notamment dans le cas des véhicules d'occasion. Par ailleurs, la mise en place de ce nouveau dispositif s'est traduite, dans un premier temps, par une détérioration sensible des délais de traitement des dossiers d'immatriculation aux guichets des préfectures.

La nouvelle stratégie de contrôle de légalité , recentré sur les actes les plus sensibles et à fort enjeu 3 ( * ) , comporte pour sa part le risque d'un accroissement de l'insécurité juridique, avec à la clef un coût social élevé. Votre rapporteure spéciale s'interroge sur les conséquences de cette nouvelle stratégie. En effet, les maires ont vu leurs responsabilités s'accroître dans certains domaines, tels que celui de l'instruction des permis de construire par exemple, et peuvent dès lors se retrouver confrontés à de grandes difficultés si un contrôle suffisant en amont n'est pas opéré.

Enfin, le redimensionnement des fonctions support n'a eu jusqu'à présent qu'un impact limité, les mutualisations n'ayant, par exemple, permis d'économiser que 65 ETPT selon un récent rapport de l'Inspection générale de l'administration (IGA) 4 ( * ) .

Au vu de ces résultats, votre rapporteure spéciale s'inquiète donc du maintien de la qualité du service public au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » dans la perspective de la troisième et dernière vague de suppression d'emplois prévue par la RGPP. Elle rappelle que les réductions de personnel ne doivent pas s'opérer au détriment des citoyens ni des élus (notamment dans le cadre du contrôle de légalité et du conseil).

Pour une analyse plus détaillée des conséquences de la RGPP dans les préfectures, votre rapporteure spéciale renvoie à son rapport d'information précité.

D. L'INVESTISSEMENT DANS LA QUALITÉ DES RESSOURCES HUMAINES, FACTEUR CLEF DE RÉUSSITE DANS LE PROCESSUS D'ADAPTATION AUX CHANGEMENTS

Dans un contexte de changements rapides induits par la RGPP et de mutation des métiers au sein des préfectures et des sous-préfectures, votre rapporteure spéciale souhaite insister sur l'importance devant être attachée à la gestion des ressources humaines . Celle-ci doit permettre d'anticiper les évolutions, d'accompagner les agents confrontés à de nouvelles demandes et de leur offrir des perspectives de carrière suffisamment motivantes.

Le recours accru aux nouvelles technologies permet assurément de libérer les personnels des préfectures et des sous-préfectures d'un certain nombre de taches ingrates. Mais le facteur clef de réussite dans la conduite des changements en cours et à venir au sein de cette administration de mission réside néanmoins dans la qualité des hommes et des femmes au service de l'intérêt général et des usagers. De cette qualité dépend celle du service rendu.

Votre rapporteure spéciale souligne donc le caractère essentiel d'une gestion qualitative des ressources humaines, reposant sur une approche individualisée des compétences des agents et le renforcement des compétences collectives au sein des services.

En 2011, la politique mise en oeuvre au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l'Etat » visera à répondre à quatre enjeux majeurs :

- l'accompagnement individualisé et collectif du changement de l'administration centrale, avec notamment la généralisation du parcours individualisé de formation (PARIF) qui doit permettre d'accompagner l'évolution professionnelle des personnels de préfecture engagés dans une démarche de mobilité fonctionnelle ;

- l'accompagnement des chantiers de modernisation du ministère . Ainsi, par exemple, le déploiement de la nouvelle application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers (AGDREF II) nécessitera de former près de 5 000 agents. Par ailleurs, une démarche d'identification des processus métiers à fort potentiel d'amélioration est en cours dans les préfectures ;

- le renforcement de la formation des hauts fonctionnaires, dans une démarche de perfectionnement professionnel et de développement des compétences tout au long de la carrière ;

- le développement d'une culture commune à l'ensemble de la filière administrative, la constitution depuis le 1 er janvier 2010 d'un corps unique de personnels administratifs au sein du ministère représentant de ce point de vue un puissant levier de changement.

Pour conduire cette politique, l'action n° 4 « Pilotage des ressources humaines » du programme « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » pourra s'appuyer en 2011 sur une dotation de 5,6 millions d'euros .


* 1 Sénat, rapport d'information n° 35 (2010-2011).

* 2 Règlement européen CE n° 2252 / 2004 du 13 décembre 2004.

* 3 L'urbanisme, l'environnement, la commande publique, les actes budgétaires et à caractère financier, ainsi que les contrats des personnels des cabinets.

* 4 Inspection générale de l'administration, rapport d'avril 2010.