Mme Michèle André, rapporteure spéciale

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEURE SPÉCIALE SUR LE PROGRAMME 307
« ADMINISTRATION TERRITORIALE »

- Le budget du programme « Administration territoriale » comprend 1,68 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1,65 milliard d'euros en crédits de paiement (CP), en baisse respectivement de 3 % pour les AE et de 4,6 % pour les CP par rapport à 2010.

- Son plafond d'emploi est fixé à 28 265 ETPT , soit une diminution de 764 ETPT par rapport à 2010.

- En 2011, l'Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) continuera de développer de nouveaux projets parmi lesquels l'application FAETON , destinée à remplacer le fichier national du permis de conduire. L'agence devrait également expérimenter une procédure de dématérialisation des actes d'état civil , cette innovation pouvant être porteuse de gains de productivité potentiellement très importants pour les communes.

- Après une vaste refonte en 2010, le volet « performance » du programme « Administration territoriale » tend à se stabiliser avec dix indicateurs de performance et cinq objectifs.

- Le délai de délivrance du passeport biométrique est passé de 12,5 jours en 2009, à 10 jours en prévision actualisée pour 2010. La cible pour ce délai en 2011 s'établit à 7 jours.

II. LE PROGRAMME 307 « ADMINISTRATION TERRITORIALE »

A. UN PROGRAMME CENTRÉ SUR LES MISSIONS DES PRÉFECTURES ET DES SOUS-PRÉFECTURES

Le programme 307 « Administration territoriale » recouvre l'ensemble des missions des préfectures, des sous-préfectures ainsi que des Hauts-commissariats et des représentations de l'Etat à l'outre-mer , y compris le rôle d'animation et de coordination interministérielle rempli par les préfets en s'appuyant notamment sur les projets d'action stratégique de l'Etat (PASE).

- L'action n° 1 « Coordination de la sécurité des personnes et des biens » correspond aux activités de sécurité publique et civile exercées par les préfectures et les sous-préfectures. Elle se situe donc, par certains aspects, à la limite  d'autres missions (« Sécurité » et  « Sécurité civile », notamment).

- L'action n° 2 « Garantie de l'identité et de la nationalité, délivrance de titres » s'applique aux activités de délivrance des cartes d'identité, des passeports, des cartes grises, ainsi que de police des étrangers. Concernant la délivrance de titres fiables, le rôle des préfectures est désormais combiné avec celui de l'ANTS, opérateur du présent programme.

- L'action n° 3 correspond au « Contrôle de légalité et au conseil aux collectivités territoriales ».

- L'action n° 4 « Pilotage territorial des politiques gouvernementales » recouvre les moyens de la coordination des services de l'Etat et de la conduite de politiques spécifiques (ville, cohésion sociale, logement, développement durable, aide au développement économique...). Le décret n° 2010-146 du 16 février 2010 a désormais confié au préfet de région la responsabilité de l'exécution des politiques nationales et communautaires, sauf exception.

- L'action n° 5 « Animation du réseau, soutien au service des préfectures et gestion des Hauts-commissariats et représentations de l'Etat à l'Outre-mer » concerne les activités de soutien logistique des préfectures et les activités de soutien de la sous-direction de l'administration territoriale (SDAT). Par ailleurs, les dépenses liées à la représentation de l'Etat outre-mer sont également imputées sur cette action.

Les crédits du programme « Administration territoriale » par action

+ 68,6 millions d'euros
Moyens mutualisés des administrations déconcentrées (mission « Direction de l'action du Gouvernement »)

+ 207,9 millions d'euros
Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur (mission « Administration générale et territoriale de l'Etat »)

+ 5,3 millions d'euros
Police nationale (mission « Sécurité »)

+ 4,9 millions d'euros Entretien des bâtiments de l'Etat (mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »)

Source : projet annuel de performance annexé au projet de loi de finances pour 2011

L'action n° 2 « Garantie de l'identité et de la nationalité, délivrance de titres » représente 40,4 % des moyens du programme.

B. DES CRÉDITS DE PAIEMENT (CP) EN BAISSE DE 4,6 %

Hors fonds de concours, le présent programme comprend 1,68 milliard d'euros en AE et 1,65 milliard d'euros en CP, en baisse respectivement de 3 % pour les AE et de 4,6 % pour les CP par rapport à 2010 .

Au sein de ce programme, les dépenses de personnel (titre 2) occupent une place prépondérante avec une enveloppe de 1,43 milliard d'euros de CP , soit un montant identique à celui de 2010.

Cette stabilisation de la masse salariale s'explique essentiellement par la réduction des effectifs prescrite par la RGPP : le plafond d'emploi est fixé à 28 265 ETPT , contre 29 029 ETPT en 2010, soit une diminution de 764 ETPT.

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) enregistrent une baisse de 34,8 % et s'appuient désormais sur une enveloppe de 163,3 millions d'euros. Cette forte diminution (87,2 millions d'euros) trouve notamment son origine dans le transfert de 68,6 millions d'euros vers le programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées » (nouvellement créé) de la mission « Direction de l'action du Gouvernement ». Toutefois, la répartition des crédits après ventilation permet de rétablir ces moyens au sein du programme ( Cf. tableau supra ).

Le transfert de moyens vers le programme 333 correspond, d'une part, aux dotations de fonctionnement associées aux effectifs transférés dans les directions départementales interministérielles (DDI) 5 ( * ) et, d'autre part, aux crédits immobiliers dits « charges de l'occupant » (loyers, travaux d'aménagement et d'entretien immobilier, loyers budgétaires et fluides).

La contraction des crédits de fonctionnement du programme « Administration territoriale » traduit également la contribution de celui-ci à l'objectif de réduction des dépenses de fonctionnement fixé par le Gouvernement. A périmètre constant, c'est-à-dire après « neutralisation » de l'effet du transfert de crédits vers le programme 333, la baisse des dépenses de fonctionnement du présent programme s'élève encore à 18,6 millions d'euros, soit 10,2 % . Les économies réalisées sur le fonctionnement courant des préfectures et des sous-préfectures porteront sur des postes tels que la téléphonie ou l'entretien par exemple.

Parallèlement, les dépenses d'investissement progressent de 19,5 % pour atteindre 54,6 millions d'euros. Celles-ci relèvent à 78,6 % de l'action n° 5 « Animation du réseau, soutien au service des préfectures et gestion des Hauts-commissariats et représentations de l'Etat à l'Outre-mer ».

Cette action comprend l'intégralité des crédits affectés au programme national d'équipement (PNE) finançant les opérations immobilières de l'« Etat propriétaire ». A lui seul, le PNE représentera 42,5 millions d'euros d'AE et de CP en 2011. Il doit permettre la restructuration, la construction et la mise aux normes du parc immobilier préfectoral.

Suite à la consultation référendaire de la population le 29 mars 2009 , Mayotte deviendra en 2011 un département d'outre-mer de la République française régi par l' article 73 de la Constitution . Votre rapporteure spéciale souligne qu'une telle départementalisation, synonyme d'un rapprochement avec le droit commun de la République, pourrait comporter à terme des incidences financières concernant, notamment, la mise à niveau du cadastre et de l'état civil à Mayotte .

C. L'AFFIRMATION DU RÔLE MOTEUR DE L'AGENCE NATIONALE DES TITRES SÉCURISÉS (ANTS)

En 2007, le programme « Administration territoriale » a connu une modification substantielle de son périmètre avec la création de l'ANTS 6 ( * ) .

Etablissement public à caractère administratif, l'ANTS a la qualité d' opérateur du programme . Sa mission vise à répondre aux besoins des administrations de l'Etat en matière de titres sécurisés. Elle recouvre le passeport électronique (depuis le 1 er mars 2007), le passeport biométrique (depuis le 1 er juin 2007), la carte nationale d'identité (depuis le 1 er juin 2007) 7 ( * ) , le SIV (depuis le 1 er septembre 2008) et les vignettes visa (depuis le 1 er janvier 2009).

L'objectif poursuivi est de donner à la France les moyens d'être au meilleur niveau mondial dans l'emploi des nouvelles technologies pour la production de titres sécurisés, de développer les synergies entre les administrations pour une meilleure maîtrise des coûts et de mutualiser les achats d'équipements nécessaires à l'exploitation des titres.

Jusqu'en 2009, le financement de l'ANTS s'opérait via deux sources : une subvention pour charges de service public (52,2 millions d'euros en 2009) et une affectation de recettes fiscales 8 ( * ) (212,5 millions d'euros en 2009). Ce mode de financement a permis d'accompagner la montée en charge de l'agence et, depuis 2010, celle-ci ne bénéficie plus d'aucune subvention. Son budget est désormais uniquement abondé par des ressources propres, liées aux taxes et aux redevances sur les titres d'identité ainsi qu'au SIV.

A cet égard, votre rapporteure spéciale souligne que les affectations de recette ne doivent pas avoir pour objet, même si elles sont conformes à la LOLF (articles 2 et 36), de contourner l'objectif de maîtrise des dépenses mais au contraire d' optimiser l'utilisation des ressources budgétaires .

Le budget de l'ANTS pour 2010 s'appuyait sur une enveloppe de 189 millions d'euros correspondant aux recettes suivantes :

- 12,5 millions d'euros au titre du droit de timbre sur les cartes nationales d'identité (CNI) ;

- 107,5 millions d'euros au titre du droit de timbre sur le passeport biométrique ;

- 43 millions d'euros  au titre de la taxe acquittée lors de la délivrance du certificat d'immatriculation (SIV) ;

- 26 millions d'euros versés par le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales et correspondant à la prise en charge des frais d'acheminement à domicile des certificats d'immatriculation (pour laquelle le ministère encaisse une redevance).

Concernant les recettes de l'ANTS, votre rapporteure spéciale souhaite toutefois relever le décalage entre le montant du droit de timbre à la charge du demandeur d'un passeport biométrique et le coût complet de ce titre . Ce décalage a été mis en évidence par l'enquête, demandée par votre commission à la Cour des comptes, dans le cadre de l'article 58-2° de la LOLF, sur le coût du passeport biométrique 9 ( * ) . Alors que le droit de timbre s'élève à 89 euros pour un adulte , 45 euros pour un mineur de quinze ans et plus et 20 euros pour un mineur de moins de quinze ans 10 ( * ) , le coût moyen du passeport biométrique est de 55 euros et son coût moyen pondéré en fonction de l'âge du demandeur s'établit à 69 euros .

Au dispositif de financement de l'ANTS pour 2010 s'ajoutera, en 2011, un montant de 11,85 millions d'euros de droit de timbre pour la délivrance des titres de séjour biométriques aux ressortissants étrangers et de taxe pour la délivrance des titres de voyage biométriques aux réfugiés et apatrides. Ce nouveau dispositif est prévu par l'article 44 du présent projet de loi de finances, qui vise à créer et à ajuster les ressources nécessaires au financement de la fabrication des titres de séjour et de voyage biométrique délivrés aux étrangers à partir de 2011.

L'année prochaine, l'ANTS continuera de développer de nouveaux projets parmi lesquels on peut notamment citer l'application FAETON, destinée à remplacer le fichier national du permis de conduire (FNPC). Cette application devra être opérationnelle à la date du 19 janvier 2013, imposée par la directive communautaire n° 2006/126/CE du 20 décembre 2006 relative au permis de conduire. Il s'agit de simplifier les démarches pour l'usager, l'administration et les partenaires privés grâce à la dématérialisation des échanges et au développement de télé-procédures. Le ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales a désigné l'ANTS comme maître d'oeuvre de ce projet. A ce titre, un montant prévisionnel de 8 millions d'euros à été inscrit au budget 2011 pour couvrir les dépenses d'investissement relatives au marché de réalisation, aux équipements et à la chaîne de production.

Par ailleurs, placée sous l'égide du ministère de la justice et des libertés, l'expérimentation d'une nouvelle procédure de dématérialisation des actes d'état civil devrait avoir lieu en 2011 avec des communes pilotes volontaires. Cette dématérialisation des échanges d'état civil entre les communes recèle potentiellement de très importants gains de productivité pour les collectivités territoriales .

Enfin, le plafond d'emploi de l'agence passe de 116 ETPT à 118 ETPT . Cette évolution rend compte non seulement du transfert de 3 ETPT du programme « Administration territoriale » vers l'ANTS 11 ( * ) , mais aussi de la suppression d'un emploi au titre des réductions d'emplois demandées aux opérateurs de l'Etat. A cet égard, votre rapporteure spéciale s'étonne qu'une agence nouvellement créée, telle que l'ANTS, voit déjà ses effectifs frappés d'une diminution.

D. UN TABLEAU DE BORD DE LA PERFORMANCE EN VOIE DE STABILISATION

Le volet « performance » du programme « Administration territoriale » a fait l'objet d'une importante refonte en 2010 . Le nombre des indicateurs de performance était ainsi passé de 14 à 10 et celui des objectifs de 6 à 5. Le projet annuel de performance (PAP) pour 2011 présente, pour sa part, une batterie d'indicateurs de performance et d'objectifs stabilisée. Cette stabilité est souhaitable pour permettre des comparaisons dans le temps.

L'objectif n° 1 « Améliorer la prévention dans le domaine de la sécurité nationale » renvoie au coeur de métier des préfectures, au travers de leur mission essentielle de protection des populations. Le « taux d'exercices de sécurité civile réalisés dans les délais réglementaires sur les sites soumis à un plan particulier d'intervention » rend compte de la réalisation plus ou moins complète de l'objectif n° 1 dans le cas des sites soumis à un risque technologique. Ce taux progresse régulièrement en passant de 72 % en 2008, à 78 % en 2009, puis 79 % en prévision actualisée pour 2010 et en ayant une cible de 80 % pour 2011.

L'objectif n° 2 « Améliorer les conditions de délivrance de titres fiables et l'efficience des services de délivrance de titres » touche à une autre mission primordiale des préfectures : la délivrance des titres d'identité, assortie d'une garantie de sécurité juridique. Dans cette perspective, il faut relever que le délai moyen de délivrance des cartes grises par l'ANTS était de 6 jours en 2009, puis de 5,5 jours en prévision actualisée pour 2010 et qu'il se voit fixer une cible de 5 jours en 2011. Le délai de délivrance du passeport biométrique passe, quant à lui, de 12,5 jours en 2009, à 10 jours en prévision actualisée pour 2010 et à 7 jours en prévision pour 2011.

L'objectif n° 3 « Moderniser et rationaliser le contrôle de légalité » permet de mesurer l'efficacité de la stratégie de contrôle de légalité, notamment dans le cadre de la RGPP. A cet égard, le « taux de contrôle des actes prioritaires reçus en préfecture » enregistre une progression limitée, et cela d'autant plus que les marges de progression restent minces. De 93 % en 2009, il atteint 95 % en prévision actualisée pour 2010, avec une cible de 96 % en 2011. En la matière, votre rapporteure spéciale estime que seul un taux de 100 % est satisfaisant pour les actes identifiés comme prioritaires.

L'objectif n° 4 « Améliorer la coordination des actions interministérielles » vise à mettre en évidence la fonction incombant au préfet de pilotage et de coordination des services déconcentrés. L'unique indicateur de performance (le « délai d'instruction des dossiers ICPE et loi sur l'eau ») illustre l'activité essentielle de mise en cohérence de l'action publique par le préfet, dans des domaines stratégiques et s'inscrivant dans la logique interministérielle de développement durable impliquant de nombreux services de l'Etat. Ce délai est de 330 jours en 2010 et devrait descendre à 325 jours en prévision pour 2011.

L'objectif n° 5 « Développer les actions de modernisation et de qualité » cherche à illustrer les initiatives des préfets dans le pilotage des actions de modernisation au sein des services déconcentrés de l'Etat et dans la qualité du service à l'usager. Le nombre de sites labellisés ou certifiés pourrait ainsi connaître une forte augmentation avec une cible de 55 en 2011, contre 37 en prévision actualisée pour 2010.


* 5 Environ un millier d'agents du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales ont été transférés dans les DDI.

* 6 L'ANTS a été instituée par le décret n° 2007-240 du 22 février 2007.

* 7 Concernant la carte nationale d'identité électronique (CNIe), les travaux menés depuis 2008 ont porté sur le support du titre, l'application de gestion de ce titre ainsi que sur les outils d'authentification et de signature électroniques. Le déploiement du programme CNIe reste toutefois conditionné par l'adoption préalable d'une mesure législative.

* 8 Les recettes fiscales concernées correspondaient au droit de timbre acquitté à l'occasion de la délivrance d'un passeport, au droit de timbre perçu en cas de renouvellement anticipé de la carte nationale d'identité (CNI) et au droit de timbre perçu lors de la délivrance du certificat d'immatriculation d'un véhicule.

* 9 Sénat, rapport d'information n° 596 (2009-2010), « Le véritable prix du passeport biométrique », Michèle André, rapporteure.

* 10 Article 953 du code général des impôts (CGI). Une décote de 3 euros est appliquée si le demandeur fournit lui-même ses deux photographies d'identité.

* 11 Ces emplois étaient jusqu'à présent mis à disposition de l'agence et rémunérés par elle.