MM. François Trucy, Jean-Pierre Masseret, Charles Guené, rapporteurs spéciaux

II. LES GRANDS ÉQUILIBRES DU PRÉSENT PROJET DE LOI DE FINANCES

En incluant les pensions - contrairement à ce que fait la LPM -, les crédits de paiement de la mission « Défense » sont de plus de 37 milliards d'euros, dont environ 33 milliards d'euros proviennent de seulement deux programmes :

- le programme 178 « Préparation et emploi des forces », correspondant à la quasi-totalité des dépenses de personnel et au maintien en condition opérationnelle des matériels (près de 22 milliards d'euros, dont 15,5 milliards d'euros de dépenses de personnel) ;

- le programme 146 « Equipement des forces », correspondant à la quasi-totalité des dépenses d'équipement (plus de 10 milliards d'euros).

Le responsable des programmes 178 et 146 est le chef d'état-major des armées, ainsi que, dans le cas du programme 146, le délégué général pour l'armement. Cette « co-direction » du programme 146 est parfois critiquée, en raison de la dilution de responsabilités qu'elle peut susciter.

La mission « Défense » (crédits de paiement uniquement*), pensions comprises

(en millions d'euros)

LFI 2008

LFI 2009

LFI 2010

PLF 2011

Programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense »

1 654

1 735

1 780

1 793

Programme 178 « Préparation et emploi des forces »

21 350

21 822

21 541

21 921

Programme 212 « Soutien de la politique de la défense »

2 617

1 573

2 480

3 022

Programme 146 « Equipement des forces »

11 337

12 208

11 344

10 685

Total mission « Défense »

36 958

37 339

37 145

37 421

* Donc à l'exclusion des recettes exceptionnelles (de même que des crédits de paiement de la mission « Plan de relance de l'économie »).

Source : projet de loi de finances pour 2010

La mission « Défense » comprend deux autres programmes, plus modestes en termes de crédits de paiement :

- le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » (près de 2 milliards d'euros), dont le responsable est le directeur des affaires stratégiques, et correspondant essentiellement aux services de renseignement (environ 0,5 milliard d'euros) et aux « études amont » (environ 1 milliard d'euros) ;

- le programme 212 « Soutien de la politique de la défense », dont le responsable est le secrétaire général pour l'administration, et dont les crédits correspondent essentiellement à la politique immobilière et à la politique sociale.

A. UNE ANNUITÉ 2011 INFÉRIEURE À LA PROGRAMMATION POUR ENVIRON 0,5 MILLIARD D'EUROS

Comme les années précédentes, le Gouvernement a choisi de ne pas appliquer strictement les méthodes de calcul de l'« annuité LPM », pourtant précisément définies par la LPM 2009-2014.

L'« annuité LPM » : crédits de paiement de la mission « Défense » uniquement

(en milliards d'euros courants et à périmètre courant, hors pensions)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Annuité LPM (Mds € 2008, périmètre 2008)

29,65

29,65

29,55

30,19

30,56

30,9

Application stricte de la LPM, selon la commission des finances :

Hypothèse d'inflation hors tabac associée :

à la LFI 2009 (en %)

1,5

à la LFI 2010 (en %)

0,4

1,2

au PLF 2011 (en %)

0,1

1,5

1,5

1,75

1,75

1,75

Hypothèse d'indice des prix à la consommation hors tabac associée à la LFI en résultant (2008=100)

101,50

101,60

103,13

104,93

106,77

108,63

Annuité LPM (Mds € courants, périmètre 2008)

30,09

30,13

30,47

31,68

32,63

33,57

Mesures de périmètre

PLF 2009 :

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

PLF 2010 :

0,14

0,17

0,17

0,17

0,17

0,17

2009

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

2010

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

PLF 2011 :

0,15

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

2009

0,15

0,15

0,15

0,15

0,15

0,15

2010

0,05

0,05

0,05

0,05

0,05

2011

0,01

0,01

0,01

0,01

Amend ts (2009), remb. avances forfaitaires (2010)

-0,02

-0,27

Annuité LPM

30,21

30,03

30,69

31,89

32,84

33,78

Application de la LPM telle qu'interprétée par le Gouvernement :

Hypothèse d'inflation hors tabac utilisée pour le calcul des crédits de la mission « Défense » associée :

à la LFI 2009 (en %)

2

à la LFI 2010 (en %)

0,4

1,4

au PLF 2011 (en %)

0,1

1,2

1,5

1,75

1,75

1,75

Hypothèse d'indice des prix à la consommation hors tabac associée à la LFI en résultant (2008=100)

102,00

101,81

102,82

104,62

106,45

108,31

Annuité LPM (Mds € courants, périmètre 2008)

30,24

30,19

30,38

31,58

32,53

33,47

Mesures de périmètre

PLF 2009 :

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

PLF 2010 :

0,14

0,17

0,17

0,17

0,17

0,17

2009

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

2010

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

PLF 2011 :

0,15

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

2009

0,15

0,15

0,15

0,15

0,15

0,15

2010

0,05

0,05

0,05

0,05

0,05

2011

0,01

0,01

0,01

0,01

Amendements, remb. avances forfaitaires

-0,02

-0,27

Majoration OPEX

0,03

0,06

0,06

0,06

0,06

Annuité LPM avant économies

30,36

30,11

30,66

31,86

32,81

33,74

Ecart/interprétation stricte de la LPM

0,15

0,09

-0,03

-0,03

-0,04

-0,04

Mesures d'économies

-0,50

-1,34

-1,79

Annuité LPM après économies

30,16

30,52

31,02

Ecart après économies/interprétation stricte de la LPM

0,15

0,09

-0,53

-1,37

-1,82

Sources : ministère de la défense, commission des finances

1. Le non respect de certaines dispositions de la LPM minore les crédits de 30 millions d'euros

Le non respect, habituel, de certaines dispositions de la LPM, a pour effet en 2011 de minorer les crédits de la mission « Défense » de 30 millions d'euros par rapport à ce qui résulterait de l'application stricte de la LPM.

Les écarts méthodologiques sont bien connus et sont les mêmes chaque année.

Tout d'abord, le ministère de la défense n'applique pas la disposition de la LPM selon laquelle les crédits qu'elle prévoit, exprimés en euros de 2008 et à périmètre de 2008, sont « actualisé(s) chaque année par application de l'indice des prix à la consommation hors tabac retenu par la loi de finances de l'année pour chacune des années considérées ». En 2009, l'hypothèse d'inflation retenue a été celle associée au projet de loi de finances (2 %), et non à la loi de finances (1,5 %), qui était différente à cause d'une modification survenue en cours de discussion. En 2010, l'hypothèse d'inflation retenue pour 2010 a été de 1,4 %, alors que la prévision associée à la loi de finances pour 2010 était de 1,2 %. Enfin, cette année, si l'hypothèse d'inflation retenue pour 2011 correspond à celle du projet de loi de finances (soit 1,5 %), l'indice des prix pour 2011 retenu ne correspond toujours pas à celui associé au projet de loi de finances, l'hypothèse d'inflation pour 2010 étant toujours de 1,2 % (contre 1,5 % selon la prévision associée au présent projet de loi de finances).

En sens inverse, le ministère de la défense considère que la LPM implique de majorer en loi de finances les crédits de paiement de 30 millions d'euros en 2010 et 60 millions d'euros à partir de 2011, prélevés sur la réserve de budgétisation prévue par la loi de programmation des finances publiques, afin de contribuer au financement des opérations extérieures (OPEX). Or, la LPM ne comprend aucune disposition de ce type 22 ( * ) .

Au total, en 2011, l'hypothèse d'indice des prix retenue minore les crédits de la mission « Défense » de 90 millions d'euros, par ailleurs majorés de 60 millions d'euros pour le financement des OPEX, d'où des crédits globalement inférieurs de 30 millions d'euros à ce qui résulterait d'une application stricte de la programmation.

On observe en outre que l'évaluation des mesures de périmètre a connu un certain flottement, il est vrai peu significatif.

2. Des mesures d'économies de 500 millions d'euros, compensées par une augmentation analogue des prévisions de ressources exceptionnelles

Le fait majeur en 2011 est la décision délibérée de réduire les crédits de paiement de 500 millions d'euros par rapport à la LPM.

Ces crédits de paiement sont donc fixés non à 30,66 milliards d'euros (30,69 milliards d'euros selon une lecture stricte de la LPM), mais à 30,16 milliards d'euros.

Cette révision à la baisse est cependant largement optique, le ministère de la défense inscrivant parallèlement des ressources exceptionnelles réévaluées pour un montant de 0,45 milliard d'euros, d'où une réduction nette de ressources de seulement 0,05 milliard d'euros.

Les ressources et les dépenses de la mission « Défense » en 2011

(à périmètre 2008 hors pensions et en milliards d'euros de 2008)

LPM 2009-2014

Programmation révisée

Ecart

Ressources

30,1

30

-0,05

Crédits de paiement de la mission « Défense »

29,6

29,1

-0,5

Ressources exceptionnelles

0,5

1

0,45

Crédits de paiement de la mission « Plan de relance de l'économie »

0

0

0

Dépenses

30,1

30

-0,05

Equipements

16

15,5

-0,5

dont :

dissuasion

3,3

3,3

0

entretien programmé des équipements et du personnel

2,8

2,6

-0,2

infrastructure

1,5

1,4

-0,1

études de défense hors dissuasion

0,9

0,8

-0,1

grands programmes hors dissuasion

7,6

7,3

-0,3

Fonctionnement et activité

14,1

14,6

0,5

Sources : ministère de la défense, calculs de la commission des finances

3. Une révision à la baisse des moyens totaux de la mission « Défense » de seulement 80 millions d'euros (50 millions d'euros selon le Gouvernement)

Les rapporteurs spéciaux se sont également efforcés de déterminer dans quelle mesure les ressources totales anticipées sont conformes aux montants prévus par la LPM.

Les différences entre la méthodologie du Gouvernement et celle prévue par la LPM sont les mêmes que pour les crédits de paiement de la mission « Défense ». Comme cela a été indiqué ci-avant, le fait de retenir une hypothèse d'inflation de 1,2 % en 2010 (contre 1,5 % selon la prévision associée au présent projet de loi de finances) a pour effet de minorer la prévision d'indice des prix à la consommation pour 2011, et de réduire l'annuité 2011 d'environ 90 millions d'euros, ce phénomène étant partiellement compensé par une majoration des crédits de paiement de 60 millions d'euros, destinée à contribuer au financement des OPEX.

Au total, les 31,16 milliards d'euros de ressources prévus pour 2011 par le présent projet de loi de finances sont donc en retrait de seulement 80 millions d'euros par rapport à ce que prévoit une lecture stricte de la LPM (et de 50 millions d'euros par rapport à la LPM telle qu'interprétée par le Gouvernement).

L'« annuité LPM » : ressources totales (y. c. ressources exceptionnelles et plan de relance)

(en milliards d'euros courants et à périmètre courant, hors pensions)

2009

2010

2011

2012

2013

2014

Ressources LPM (Mds € 2008, pér. 2008)

32,23

31,61

30,09

30,39

30,66

30,9

Application stricte de la LPM, selon la commission des finances :

Hypothèse d'inflation hors tabac associée :

à la LFI 2009 (en %)

1,5

à la LFI 2010 (en %)

0,4

1,2

au PLF 2011 (en %)

0,1

1,5

1,5

1,75

1,75

1,75

Hypothèse d'indice des prix à la consommation hors tabac associée à la LFI en résultant (2008=100)

101,50

101,60

103,13

104,93

106,77

108,63

Annuité LPM (Mds € courants, périmètre 2008)

32,71

32,12

31,03

31,89

32,73

33,57

Mesures de périmètre

PLF 2009 :

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

PLF 2010 :

0,14

0,17

0,17

0,17

0,17

0,17

2009

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

2010

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

PLF 2011 :

0,15

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

2009

0,15

0,15

0,15

0,15

0,15

0,15

2010

0,05

0,05

0,05

0,05

0,05

2011

0,01

0,01

0,01

0,01

Amend ts (2009), remb. avances forfaitaires (2010)

-0,02

-0,27

Annuité LPM

32,83

32,02

31,24

32,10

32,95

33,78

Application de la LPM telle qu'interprétée par le Gouvernement :

Hypothèse d'inflation hors tabac utilisée pour le calcul des crédits de la mission « Défense » associée :

à la LFI 2009

2

à la LFI 2010

0,4

1,4

au PLF 2011

0,1

1,2

1,5

1,75

1,75

1,75

Hypothèse d'IPC hors tabac associée à la LFI en résultant (2008=100)

102,00

101,81

102,82

104,62

106,45

108,31

Annuité LPM en € courants à périmètre 2008

32,87

32,18

30,94

31,79

32,64

33,47

Mesures de périmètre

PLF 2009 :

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

PLF 2010 :

0,14

0,17

0,17

0,17

0,17

0,17

2009

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

0,14

2010

0,03

0,03

0,03

0,03

0,03

PLF 2011 :

0,15

0,2

0,2

0,2

0,2

0,2

2009

0,15

0,15

0,15

0,15

0,15

0,15

2010

0,05

0,05

0,05

0,05

0,05

2011

0,01

0,01

0,01

0,01

Amendements, remb. avances forfaitaires

-0,02

-0,27

Majoration pour financement des OPEX

0,03

0,06

0,06

0,06

0,06

Annuité LPM avant économies

32,99

32,11

31,23

32,07

32,92

33,74

Ecart/interprétation stricte de la LPM

0,16

0,09

-0,03

-0,03

-0,04

-0,04

Mesures d'économies

-0,05

-0,38

-0,83

Annuité LPM après économies

32,99

32,11

31,16

31,69

32,08

Ecart après économies/interprétation stricte LPM

0,16

0,09

-0,08

-0,41

-0,87

Sources : ministère de la défense, commission des finances

4. Une part significative de l'effort de réduction des dépenses de fonctionnement de l'Etat

Le relevé de conclusions de la 2 ème conférence sur les déficits définit un objectif de « réduction des dépenses de fonctionnement courant de l'Etat de 10 % en trois ans, avec une baisse de 5 % dès 2011 ».

Comme le rapporteur général, notre collègue Philippe Marini, le souligne dans le tome I du rapport général sur le présent projet de loi de finances, cet objectif doit s'interpréter d'une manière essentiellement symbolique. En effet, selon le Gouvernement, les dépenses de fonctionnement concernées sont non la totalité des crédits de titre 3 (43,9 milliards d'euros de CP en 2011, contre 42,6 milliards d'euros en 2010 hors relance, soit une augmentation de +1,6 % en euros constants), mais les seuls crédits de la catégorie 31 de la nomenclature budgétaire, hors mission « Défense ». Ainsi, selon le rapporteur général, le gisement d'économies avoisine les 10 milliards d'euros, et les économies de fonctionnement effectives sont de seulement 0,2 milliard d'euros, soit 2 %.

A ce montant s'ajoutent les réductions de dépenses de fonctionnement réalisées par la mission « Défense », de l'ordre de 0,07 milliard d'euros en 2011 et 0,13 milliard d'euros en 2013, comme le montre le tableau ci-après.

La réduction des dépenses de fonctionnement de la mission « Défense »

(en millions d'euros)

2011

2012

2013

Hors opérateurs

61,2

91,8

122,4

Opérateurs

4,9

7,6

10,5

Total

66,1

99,4

132,9

Source : d'après le ministère de la défense

Selon les indications fournies par le ministère de la défense, ces montants ont été calculés en appliquant un taux d'effort de 5 % en 2011, 7,5 % en 2012 et 10 % en 2013 non à la totalité des dépenses de fonctionnement (de l'ordre de 3,4 milliards d'euros), ce qui aurait correspondu à des économies de 340 millions d'euros en 2013, mais seulement à la fonction « support », dont les crédits de fonctionnement sont de 1,4 milliard d'euros (hors opérateurs). Le fait que l'économie prévue pour 2013 soit de seulement 0,12 milliard d'euros (hors opérateurs) vient de ce que les dépenses concernées ont été déflatées du montant des loyers budgétaires (0,2 milliard d'euros).

5. Des économies concernant essentiellement l'équipement

Les économies porteraient essentiellement sur le programme 146 « Equipement des forces », et donc sur les dépenses d'équipement, comme le montre le tableau ci-après.

La décomposition des mesures d'économie par programme (ressources totales)

(en milliards d'euros)

2011

2012

2013

Total 2011-2013

Programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense »

0,06

0,02

0,07

0,15

Programme 146 « Equipement des forces »

-0,27

-0,54

-0,93

-1,74

Programme 178 « « Préparation et emploi des forces »

0,18

0,11

-0,03

0,26

Programme 212 « Soutien de la politique de défense »

-0,01

0,02

0,06

0,07

Total

-0,05

-0,38

-0,83

-1,26

Source : ministère de la défense

B. LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE PARVIENDRA-T-IL À MAINTENIR SES EFFECTIFS AU NIVEAU PRÉVU PAR LA LPM ?

1. Des plafonds d'emplois fixés par la LPM

L'exécution de la loi de programmation militaire 2003-2008 a été défavorable aux effectifs puisqu'en fin de programmation ceux-ci, qui auraient normalement dû être, au niveau de l'ensemble du ministère de la défense 23 ( * ) , de 446.653 emplois, n'ont été que de 416.708 emplois, soit un écart de l'ordre de 30.000 emplois 24 ( * ) .

Alors qu'une déflation déjà très importante des effectifs est prévue par la présente loi de programmation, la question des effectifs est donc cruciale.

L'article 6 de la LPM 2009-2014 définit la politique d'effectifs par deux dispositions dont la compatibilité ne va pas nécessairement de soi en pratique :

- des réductions d'effectifs, définies par rapport à l'année précédente en équivalents temps plein (ETP), notion dont on rappelle qu'elle correspond aux effectifs « physiques » à la mi-année ;

- des plafonds d'emplois, notion budgétaire définie en équivalents temps plein travaillé (EPTP), c'est-à-dire en ETP corrigés en fonction de leur présence effective sur l'année, définis en niveau.

Le tableau ci-après indique les hypothèses retenues pour mettre ces deux notions en cohérence.

Les suppressions d'effectifs prévues par la loi de programmation militaire : mises en cohérence des chiffres en ETP et en ETPT figurant à l'article 4 de la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014

(mission « Défense », à périmètre 2008)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

Total

2009-2014

4 852

7 999

7 926

7 577

7 462

7 462

7 462

2 570

53 310

45 888

+ Effet report n-1

2 426

4 000

3 963

3 789

3 731

3 731

3 731

1 285

- Effet report n+1

-2 426

-4 000

-3 963

-3 789

-3 731

-3 731

-3 731

-1 285

Suppressions d'ETPT en résultant

2 426

6 426

7 963

7 752

7 520

7 462

7462

5 016

1 285

53 310

30 697

Plafonds d'emplois en ETPT (chiffres figurant dans la LPM)

314 200

306 200

298 500

291 000

283 500

276 000

ETP : équivalent temps plein (emploi corrigé pour prendre en compte sa durée hebdomadaire). Défini à un moment précis. ETPT : équivalent temps plein travaillé (ETP corrigé pour prendre en compte la durée de présence de la personne sur l'année). Défini en moyenne annuelle.

Explication : les suppressions d'emplois en ETP sont définies à mi-année. Une suppression de N ETP une année n signifie donc que les ETP diminuent de N entre le 1er juillet de l'année n-1 et le 1 er juillet de l'année n. Si on suppose que la diminution est linéaire, cela signifie que l'emploi (défini en ETPT) diminue de N/2 l'année n-1 puis N/2 l'année n.

Source : d'après le ministère de la défense, cité dans le rapport de nos collègues députés Patrick Beaudouin et Yves Fromion sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 (commission de la défense de l'Assemblée nationale, n° 1615, XIIIe législature, 8 avril 2009)

La notion la plus significative est celle des plafonds d'emplois. En effet, les réductions nettes d'effectifs définies par rapport à l'année précédente présentent l'inconvénient de correspondre à des niveaux d'effectifs différents de ceux initialement prévus, dès lors que les effectifs de l'année prise pour référence en début de programmation ne sont pas ceux attendus.

2. En exécution, des effectifs inférieurs d'environ 4 000 ETPT à la programmation de 2008 à 2010

Dans le cas des plafonds d'emplois, si les lois de finances pour 2009 et 2010 et le présent projet de loi de finances se conforment strictement à la programmation, l'exécution de l'année 2009 et l'exécution prévisionnelle de l'année 2010 correspondent à une sous-exécution de respectivement 4 822 et 3 858 ETPT. Cette sous-exécution vient du fait que la déflation a été plus rapide que prévu en 2008 (4 231 ETPT de moins qu'anticipé), cet écart s'étant ensuite à peu près maintenu.

Les effectifs de la mission « Défense » : prévision et exécution

(en ETPT)

Source : d'après le ministère de la défense

Ces effectifs inférieurs aux prévisions s'accompagnent, paradoxalement, d'une masse salariale supérieure aux prévisions, comme on l'a vu ci-avant.

C. LES AUTRES PRINCIPALES PARTICULARITÉS DE L'ANNÉE 2011

1. La récupération de certaines marges de manoeuvre sur l'investissement

L'année 2010 se caractérise par des dépenses d'équipement très contraintes. En effet, sur environ 12 milliards d'euros de dépenses d'équipement annuelles, ce sont près de 11 milliards d'euros qui proviennent d'engagements antérieurs à 2010.

En 2011, la situation serait différente puisque, sur les 12 milliards d'euros de dépenses d'équipement, seulement 6 milliards proviendraient d'engagements antérieurs à 2010. Les engagements pris en 2011 et correspondant à des crédits de paiement en 2011 seraient importants, de l'ordre de 3 milliards d'euros.

Globalement, on n'observe pas à ce stade de constitution de nouvelle « bosse programmatique », même s'il faut bien entendu être vigilant.

Echéancier prévisionnel des dépenses d'équipement de la mission « Défense »

(en millions d'euros)

Source : d'après le ministère de la défense

2. La commande du troisième Barracuda

En matière d'équipement, l'année 2011 devrait se caractériser par la commande du troisième sous-marin nucléaire d'attaque Barracuda et des trois premières rénovations d'avions-radar SDCA/Hawkeye.

Ces deux programmes sont présentés plus en détail dans les développements de la présente note relatifs à l'équipement.

3. Une gestion des ressources humaines complexifiée par une modification brutale du régime de retraite des non officiers

La gestion des ressources humaines sera considérablement complexifiée en 2011 par les conséquences du projet de loi relatif à la réforme des retraites, récemment adopté par le Sénat et actuellement déféré au Conseil constitutionnel.

Le problème concerne l'application de l'article 24 du projet de loi, relatif au minimum garanti des fonctionnaires, au cas particulier des militaires non officiers.

Ceux-ci sont en quasi-totalité des contractuels, qui signent des contrats successifs d'une durée moyenne de cinq ans. Presque tous quittent l'armée avant quinze ans de services. Cependant, une petite minorité quitte l'armée après quinze ans, et bénéficie donc, selon le droit actuel, d'une pension dite « à jouissance immédiate », c'est-à-dire qu'ils perçoivent environ 600 euros par mois dès le moment où ils quittent l'armée. Tous ne choisissent pas la date de leur départ, c'est l'institution qui la leur impose du fait de l'impératif de jeunesse du métier des armes. Comme cela a été souligné dans un rapport d'information 25 ( * ) de 2008 du rapporteur spécial François Trucy et de notre ancien collègue Yves Fréville fait au nom de la commission des finances, il ne s'agit pas là d'une « faveur » faite aux militaires, mais de la contrepartie du fait qu'ils sont moins bien payés que leurs homologues étrangers, en particulier britanniques.

Il résulte du projet de loi relatif à la réforme des retraites que, pour continuer à bénéficier de cette pension à jouissance immédiate à son niveau actuel, ces militaires vont devoir passer non de 15 ans de services à 17 ans de services, mais de 15 ans à 19,5 ans de services. En effet, le montant qu'ils perçoivent actuellement correspond au « minimum garanti », qui fait l'objet de l'article 24 précité. Actuellement ils peuvent bénéficier du minimum garanti dès 15 ans de services. En l'absence du minimum garanti ils subiraient une décote jusqu'à 17,5 ans de services, mais ce phénomène est neutralisé par le minimum garanti.

La réforme des retraites augmente la durée de services nécessaire pour bénéficier de la retraite à jouissance immédiate de 2 ans, ce qui la porte progressivement de 15 à 17 ans, et porte donc la décote jusqu'à 19,5 ans. Par ailleurs, l'article 24 précité fait passer dès le 1 er janvier 2011 la durée de services permettant de bénéficier du minimum garanti de 15 ans à celle d'annulation de la décote, donc à 19,5 ans à terme. La durée de services nécessaire pour percevoir le montant actuel du minimum garanti passera donc brutalement au premier janvier 2011 de 15 ans à 17,5 ans.

On peut imaginer deux militaires non officiers. L'un quitte le service le 31 décembre 2010, l'autre le 1 er janvier 2011. Le premier perçoit une pension à jouissance immédiate de, par exemple, 625 euros par mois, s'il est caporal-chef. Le second, qui quitte le service un jour plus tard, ne perçoit plus que 456 euros, soit 30 % de moins, parce qu'il ne bénéficie plus du minimum garanti. Ce militaire devrait rester dans l'armée quatre ans de plus pour percevoir la même pension que son camarade.

A l'initiative de son rapporteur Dominique Leclerc, la commission des affaires sociales du Sénat a présenté un amendement tendant non à remettre en cause cette évolution, mais à en lisser l'effet. Il s'agissait de prévoir que pour les militaires non officiers ayant fait au moins 10 ans de service au 1 er janvier 2011, et qui par conséquent avaient conclu leur troisième et dernier contrat, le droit actuel relatif au minimum garanti continuait de s'appliquer. Un sous-amendement de notre collègue Marc Laménie a toutefois limité le champ de l'amendement aux militaires non officiers qui avaient atteint quinze ans d'ancienneté au 1 er janvier 2011, c'est-à-dire quasiment personne.

En pratique le ministère de la défense estime ne pouvoir faire face de manière satisfaisante à cette situation, qui suscite une forte émotion parmi les personnels concernés :

- les armées ont vis-à-vis de ceux qui sont dans leur dernier contrat un engagement moral, les dispositions propices à leur reconversion étant la contrepartie au départ qu'elles leur imposent ;

- alors qu'il est davantage mis à contribution que les autres ministères pour la réduction des effectifs, et est donc confronté au défi de maintenir une pyramide des âges équilibrée (ce qui est essentiel pour une armée), il ne lui est de fait pas possible de prolonger le contrat des personnes concernées, qui ont d'ailleurs souvent déjà pris les dispositions en vue de leur reconversion ;

- par ailleurs, il paraît difficile de mettre en place un dispositif de pécule dans un délai de quelques semaines.

Les rapporteurs spéciaux s'inquiètent de cette situation, et jugent important qu'une solution soit rapidement trouvée.

4. Une prévision de dégradation de l'objectif de projection de l'armée de terre, en conséquence des contraintes budgétaires

Le présent projet de loi de finances présente en outre la particularité de prévoir une dégradation de la capacité de projection de l'armée de terre.

Celle-ci est, on le rappelle, l'une des composantes de l'indicateur 178-1.3 « Capacité des armées à intervenir dans une situation mettant en jeu la sécurité de la France », qui, depuis l'année dernière, est l'un des quatre « indicateurs principaux » 26 ( * ) de la mission « Défense ».

Dans leur rapport sur la loi de règlement 2008, les rapporteurs spéciaux écrivaient : « S'il fallait retenir un seul indicateur de la mission « Défense », ce serait probablement celui relatif aux capacités de projection de l'armée de terre, dont dépend directement l'impact opérationnel global ».

Cet objectif consiste, on le rappelle, à pouvoir projeter 30 000 combattants pendant un an sans relève après un préavis de six mois.

Or, le présent projet de loi de finances prévoit que cet objectif, jusqu'alors atteint à 100 %, ne le serait plus qu'à 95 % en 2011 et 90 % en 2013. Il explique cette évolution défavorable par la précision laconique que « les prévisions tiennent compte des contraintes budgétaires de la période ».


* 22 La LPM prévoit que, dans le cas des OPEX, « en gestion, les surcoûts nets non couverts par la provision (surcoûts hors titre 5 nets des remboursements des organisations internationales) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle », prévue par l'article 51 de la LOLF. La réserve de précaution n'a rien à voir avec la réserve de budgétisation, créée par la loi de programmation des finances publiques 2009-2012, et dont la fonction est d'abonder en loi de finances les crédits de certaines missions, par rapport aux plafonds fixés par la programmation triennale.

* 23 Il s'agit donc d'un périmètre plus large que celui de la loi de programmation militaire 2009-2014.

* 24 Source : rapport d'information de nos collègues députés Patricia Adam, Patrick Beaudouin et Yves Fromion sur l'exécution de la loi de programmation militaire pour les années 2003 à 2008 (n° 1378, XIIIe législature, 14 janvier 2009).

* 25 Rapport n° 236 (2007-2008) - 25 mars 2008.

* 26 Les autres « indicateurs principaux » sont : l'indicateur 212-1.1 « Taux d'évolution des opérations d'infrastructure programmées » ; l'indicateur 146-1.1 « Taux de réalisation des équipements » ; l'indicateur 146-2.2 « Evolution annuelle moyenne des devis à terminaison des opérations d'armement principales ».