M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur spécial

II. LE PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2011

A. UN BUDGET STABILISÉ DE 2011 À 2013

1. Une enveloppe de crédits stable pour l'année 2011

Les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » sont, en 2011, presque stables par rapport à ceux de l'année 2010. Ils diminuent de 0,2 % en AE et augmentent de 0,7 % en CP , comme l'indique le tableau ci-dessous.

Evolution des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration »

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Crédits ouverts en 2010

Projet de loi de finances pour 2011

Evolution

Crédits ouverts en 2010

Projet de loi de finances pour 2011

Evolution

Programme n° 303 « Immigration et asile »

485,7

490,9

+ 1,1 %

478,1

488,6

+ 2,2 %

Programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française »

79,3

72,9

- 8,1 %

79,4

72,9

- 8,2 %

Mission « Immigration, asile et intégration »

565,0

563,8

- 0,2 %

557,5

561,5

+ 0,7 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

Le périmètre global de la mission reste limité puisqu'il s'élèvera en 2011 à 563,8 millions d'euros en AE et 561,5 millions d'euros en CP, à comparer à une moyenne de crédits, pour chacune des 33 missions du budget général de l'Etat, supérieure à 8 milliards d'euros.

La stabilisation du budget de la mission en 2011 masque une évolution contrastée des deux programmes qui la composent. En effet, d'une part, le programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française » voit ses crédits diminuer fortement , de 8,1 % en AE et de 8,2 % en CP, alors que le programme n° 303 « Immigration et asile » augmente de 1,1 % en AE et de 2,2 % en CP. Ce dernier programme, rassemblant la majorité des crédits de la mission, permet de compenser la baisse des crédits du programme n° 104 et de parvenir à une stabilisation globale de la mission « Immigration, asile et intégration ».

2. Une légère contraction du budget de la mission entre 2011 et 2013

Par ailleurs, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2011 à 2014 prévoit une légère contraction des crédits de la mission entre les années 2011 et 2013 . Les AE passeraient de 0,56 milliard d'euros à 0,54 milliard d'euros, soit une baisse de 3,6 % et les CP de 0,56 milliard d'euros à 0,55 milliard d'euros, soit une diminution de 1,8 %.

Ces données sont à prendre avec précaution car les indications présentées par le Gouvernement dans le rapport annexé au projet de loi de programmation restent très succinctes et ne permettent pas de savoir avec précision quelles actions de la mission subiront la diminution de crédits envisagée. L'annexe indique ainsi que « la programmation de la mission « Immigration asile et intégration », dont les crédits sont stabilisés en 2011 et 2012 au niveau de la LFI 2010 puis diminuent en 2013, a été réalisée dans le triple contexte de la poursuite de l'augmentation du flux de la demande d'asile, du maintien d'une politique ferme d'éloignements des étrangers en situation irrégulière et de la consolidation d'une politique dynamique d'intégration. La stabilisation des crédits de la mission témoigne d'une efficacité accrue dans la poursuite des actions de la mission, rendue possible par la mise en oeuvre des réformes initiées dans le cadre de la RGPP qui visent notamment à améliorer la gestion des centres de rétention administrative (CRA) et des centres d'accueil pour demandeurs d'asile (CADA) et à réduire en lien avec le Conseil d'État les délais d'instruction des demandes d'asile ».

Votre rapporteur spécial relève qu'il est fait référence à une « stabilisation des crédits », alors que le projet de loi de programmation prévoit que ceux-ci diminuent de 3,6 % sur la période, ainsi qu'au contexte de « la poursuite de l'augmentation du flux de la demande d'asile », qui a pour effet d'accroître la charge budgétaire pesant sur la mission et va donc dans un sens opposé à celui affiché pour l'enveloppe des crédits.

D'après les informations qu'il a recueillies auprès du Gouvernement, les enveloppes dont les crédits pourraient diminuer sont celles relatives à l'investissement dans les CRA, les travaux de construction de nouveaux centres devant diminuer sur la période, ainsi que les crédits informatiques, une fois la mise en place du projet AGDREF 6 ( * ) 2 achevée.

B. LES CRÉDITS DU PROGRAMME N°303 « IMMIGRATION ET ASILE » SONT SOUS-ÉVALUÉS

Le programme n° 303 « Immigration et asile » rassemble quatre actions qui retracent respectivement les crédits destinés :

- au fonctionnement de l'administration des visas ;

- au soutien apporté aux demandeurs d'asile et à l'organisation de la demande d'asile ;

- à la lutte contre l'immigration irrégulière ;

- aux fonctions « soutien » des services du ministère en charge de l'immigration.

Evolution des crédits du programme n° 303

(en millions d'euros)

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Votées en 2010

Prévues en 2011

Evolution

Votés en 2010

Prévus en 2011

Evolution

Action n° 1 « Circulation des étrangers et politique des visas »

2,6

2,6

0,0 %

2,6

2,6

0,0 %

Action n° 2
« Garantie de l'exercice du droit d'asile »

315,8

327,8

+ 3,8 %

316,3

327,8

+ 3,6 %

Action n° 3
« Lutte contre l'immigration irrégulière »

103,7

92,7

- 10,6 %

93,7

90,5

- 3,4 %

Action n° 4
« Soutien »

63,6

67,9

+ 6,8 %

65,4

67,9

+ 3,8 %

Total

485,7

490,9

+ 1,1 %

478,1

488,6

+ 2,2 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

Le montant total des fonds de concours attendus pour 2011 est, en outre, de 12,3 millions d'euros . Ils correspondent essentiellement aux fonds européens « retour » et « frontières extérieures ».

La légère augmentation des crédits du programme s'explique principalement par la hausse de l'enveloppe budgétaire destinée à l'action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile », alors que les crédits destinés à l'action n° 3 « Lutte contre l'immigration irrégulière » diminuent de manière significative.

1. Le financement de la politique des visas

Les crédits de l'action n° 1 n'appellent pas de remarque particulière . Stables à 2,6 millions d'euros (AE = CP) par rapport à l'année 2010, ils correspondent au coût de fonctionnement de l'administration des visas :

- d'une part, 1,6 million d'euros consacrés au fonctionnement de la sous-direction des visas et à la mise en oeuvre de la politique des visas dans les postes diplomatiques et consulaires ;

- d'autre part, 1 million d'euros de crédits d'investissement destinés à financer les évolutions du système d'information Réseau Mondial Visa (RMV), en particulier son adaptation au Visa Information System (VIS) européen, et le renouvellement du parc informatique des postes diplomatiques et consulaires.

2. La sous-budgétisation persistante des actions de soutien aux demandeurs d'asile
a) Les crédits d'hébergement des demandeurs d'asile et d'ATA augmentent...

Les crédits de l'action n° 2 « Garantie de l'exercice du droit d'asile » augmentent de 12 millions d'euros en AE et de 11,5 millions d'euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2010.

Cette hausse résulte presque exclusivement de la majoration des crédits destinés au dispositif déconcentré d'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile , qui passent de 21 millions d'euros en 2010 à 31 millions d'euros en 2011. D'après les informations fournies par le Gouvernement, cette hausse doit permettre de financer 5 865 places en hébergement d'urgence en 2011, au lieu de 3 978 en 2010, pour un coût moyen journalier stable estimé à 14,52 euros.

Ce dispositif déconcentré, géré par les préfets, permet le financement des dépenses d'hébergement d'urgence en hôtel ou en structures collectives lorsqu'il n'y a pas de places en centre d'accueil des demandeurs d'asile (CADA), qui sont les structures pérennes d'accueil, ou lorsque les demandeurs d'asile ne remplissent pas les conditions requises pour bénéficier de l'accès à un CADA.

Au sein de la même action, le dispositif des CADA voit néanmoins, pour sa part, les crédits qui lui sont consacrés diminuer. Ils passent en effet de 202,6 millions d'euros en 2010 à 199 millions d'euros en 2011 (AE = CP) , alors même que le nombre de places disponibles en CADA a augmenté, passant de 21 189 à 21 689 en 2010. D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, pour faire face à cette diminution, le ministère chargé de l'immigration a programmé un audit des CADA, qui devrait notamment permettre de rationaliser leur organisation et de dégager des marges de manoeuvre budgétaires supplémentaires .

Le reste des crédits de l'action n° 2 est principalement consacré au financement de l'allocation temporaire d'attente (ATA), dont bénéficient 7 ( * ) les demandeurs d'asile pendant toute la durée de la procédure d'instruction de leur demande, y compris en cas de recours devant la CNDA. Cette prestation est servie aux demandeurs d'asile ne pouvant être hébergés en CADA alors qu'ils ont accepté l'offre de prise en charge qui leur a été présentée lors de leur admission au séjour. L'enveloppe prévue pour 2011 est de 54 millions d'euros (AE = CP), en hausse de 1 million d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2010 . Elle correspond au versement d'une allocation, non revalorisée en 2011, de 10,67 euros par jour, à un nombre annuel moyen de bénéficiaires de 13 405, en hausse de 1,9 % par rapport à l'année 2010, soit 300 bénéficiaires de plus.

b) ...mais ne suffiront pas à financer les dépenses

Votre rapporteur spécial souhaite pointer plusieurs incohérences dans le projet de budget présenté par le Gouvernement.

Ainsi, d'une part, les crédits consacrés à l'hébergement d'urgence augmentent de manière significative, alors que ceux consacrés à l'ATA augmentent faiblement . Certes, ce ne sont pas exactement les mêmes publics qui bénéficient des deux dispositifs en raison de conditions d'octroi de ces prestations qui diffèrent l'un de l'autre. Toutefois, ils sont influencés par les mêmes phénomènes : la hausse du nombre de demandeurs d'asile et l'allongement des délais de traitement des dossiers, notamment par la CNDA. Il est donc paradoxal qu'une enveloppe augmente de 48 % alors que l'autre ne progresse que de 1,9 %.

Cette différence est d'autant plus étonnante que les crédits prévus dans le présent projet de loi de finances restent, pour ces deux dispositifs, inférieurs à ceux ajoutés en gestion en 2010 . En effet, par décret d'avance 8 ( * ) , ont été ouverts, en 2010, 60 millions d'euros (AE = CP) pour financer, d'une part, l'ATA , à hauteur de 10 millions d'euros et, d'autre part, l'hébergement d'urgence des demandeurs d'asile , à hauteur de 50 millions d'euros . Il en résulte qu'au total, les crédits disponibles pour 2010 s'élevaient respectivement à 63 millions d'euros pour l'ATA et à 71 millions d'euros pour l'hébergement d'urgence.

Par rapport aux crédits ouverts en 2010, le présent projet de loi de finances propose donc des diminutions de 14,3 % pour l'ATA et de 56,2 % pour le dispositif d'hébergement d'urgence .

Or, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le rythme de la demande d'asile est en hausse durant les neuf premiers mois de l'année 2010 : + 8,5 % par rapport à la même période en 2009 . Aucune raison n'indique qu'il doive diminuer en 2011. Seule une légère décélération est, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, perceptible à la fin de l'année 2010.

Evolution des demandes d'asile formulées en France

Année

Premières

demandes

Réexamens

Total demandes hors mineurs accompagnants

Demandes mineurs accompagnants

Total général

2005

42 578

9 488

52 066

7 155

59 221

2006

26 269

8 584

34 853

4 479

39 332

2007

23 804

6 133

29 937

5 583

35 520

2008

27 063

7 195

34 258

8 341

42 599

2009

33 235

5 568

38 803

8 883

47 686

2010

(estimation)

50 000

Source : ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Même si les délais de traitement des dossiers par la CNDA peuvent diminuer, il est peu probable que cette diminution ait lieu à court terme et suffise à compenser budgétairement l'augmentation du flux des demandes d'asile. Il apparaît donc que dans le présent projet de loi de finances, comme chaque année, les flux de demandeurs d'asile sont excessivement sous-évalués pour l'élaboration de l'enveloppe de la mission « Immigration, asile et intégration » .

Un nouveau décret d'avance sera donc nécessaire, en 2011, pour abonder à nouveau les crédits du programme n° 303, faisant suite à ceux :

- du 24 octobre 2008 9 ( * ) , pour un montant de 36 millions d'euros (AE = CP) ;

- du 9 novembre 2009 10 ( * ) , de 70,1 millions d'euros en AE et de 60,4 millions d'euros en CP ;

- et du 29 septembre 2010, pour un montant de 60 millions d'euros (AE = CP).

3. La forte diminution des crédits consacrés à la lutte contre l'immigration irrégulière

Les crédits de l'action n° 3 « Lutte contre l'immigration irrégulière » connaissent une forte diminution dans le projet de budget pour 2011 . Ils s'élèveraient, l'année prochaine, à 92,7 millions d'euros en AE et 90,5 millions d'euros en CP, soit des baisses respectives de 10,6 % et 3,4 % par rapport à 2010.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, cette contraction résulterait de la baisse du coût de la billetterie et par conséquent des frais d'éloignement des migrants en situation irrégulière .

La diminution des crédits de l'action s'explique également par la chute des crédits d'investissement consacrés aux centres de rétention administrative (CRA) . La gestion de ces crédits a été transférée au ministère chargé de l'immigration au 1 er janvier 2010. Pour l'année en cours, ils s'élevaient à 24 millions d'euros en AE et seront de 15,9 millions d'euros en 2011. Cette diminution correspond à une réduction du programme de construction par rapport à 2010.

D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, sur les 15,9 millions d'euros d'AE pour 2011, plus de 9 millions d'euros devraient être consacrés au financement du nouveau CRA de Mayotte , pour lequel un appel d'offre doit être lancé en 2011. Le ministère chargé de l'Intérieur prendra à sa charge le reste du coût du CRA, qui s'élève au total à 18 millions d'euros.

4. L'Ofpra : un opérateur financièrement sain, à l'efficacité satisfaisante

L'office français de protection des réfugiés et des apatrides

Créé en 1952, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) est un établissement public administratif placé, depuis sa création, sous la tutelle de l'État et plus précisément, depuis le 1 er janvier 2008, du ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire. Le financement est assuré presque intégralement par une subvention pour charges de service public versée par le ministère.

Depuis l'entrée en vigueur de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, l'OFPRA traite toutes les demandes d'asile (conventionnel, constitutionnel, protection subsidiaire, anciennement asile territorial), au cours d'une instruction unique et assure la protection des réfugiés. L'action de l'Office contribue à l'atteinte de l'objectif 3 du programme n° 303 visant à l'amélioration de la fluidité du traitement de la demande d'asile en réduisant le délai moyen d'instruction de cette dernière.

Par ailleurs, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, un contrat d'objectifs et de moyens pour la période 2009-2011 a été signé le 9 décembre 2009 entre les ministères en charge de l'immigration et du budget et l'Office. Le contrat détermine six objectifs fixés à l'Office, dont l'un concerne la mise en place d'un contrôle interne comptable. Il prévoit également un processus de gouvernance, fondé d'une part sur le renseignement trimestriel d'un certain nombre d'indicateurs de suivi, d'autre part sur la création d'un comité de suivi du contrat qui s'est réuni notamment à mi-parcours de son exécution. Il fixe enfin les moyens affectés à l'Office sur la période, en termes d'effectifs et de crédits alloués par l'État dans le cadre de sa subvention annuelle pour charges de service public.

Source : ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

a) Un fonds de roulement satisfaisant

La situation financière de l'Ofpra paraît saine . En effet, son fonds de roulement, comme l'indique le tableau ci-dessous, est relativement faible, et correspond à 34 jours de charges de fonctionnement pour l'office.

Evolution du fonds de roulement de l'Ofpra

(en millions d'euros)

2005

2006

2007

2008

2009

2010 (estimation)

Fonds de roulement

3,95

7,74

7,27

3,81

2,88

3,33

Source : réponses aux questionnaires transmis par votre rapporteur spécial

Cette situation est satisfaisante au regard des normes prudentielles applicables aux établissements publics, qui préconisent un fonds de roulement égal à environ 30 jours de fonctionnement de l'établissement.

b) Un renforcement de moyens humains pour juguler la hausse des délais de traitement des dossiers

La subvention pour charges de service public versée à l'Ofpra augmente entre 2010 et 2011, passant de 32 millions à 34,5 millions d'euros . La convention d'objectifs et de moyens signée avec l'Etat prévoyait, pour 2011, une enveloppe de 33,6 millions d'euros. La dotation prévue dans le présent projet de loi de finances est donc en hausse de 0,9 million d'euros par rapport à cette prévision. Cette augmentation correspond au solde de deux mouvements : d'une part, une réduction de 0,6 million d'euros résultant d'un effort de gestion budgétaire et, d'autre part, une dotation supplémentaire de 1,5 million d'euros.

Cette dotation de 1,5 million d'euros doit permettre de financer l'augmentation du plafond d'emplois de l'opérateur, qui sera porté à 442 emplois en équivalent temps plein travaillé (ETP) contre 412 ETP en 2010 , du fait du recrutement de trente contractuels, pour une période de dix-huit mois, afin de résorber le stock de dossiers existant au 31 décembre 2010 et de limiter autant que possible l'allongement des délais d'instruction, malgré les variations de la demande d'asile.

Evolution des délais moyen et médian de traitement des dossiers par l'Ofpra

(en jours)

Année

Délai moyen sur 1 ères demandes

Délai médian sur 1 ères demandes

Délai moyen toutes décisions

2006

140,8

106

110

2007

130,2

97

105

2008

127,1

108

100

2009

143,5

132

118

2010 (données provisoires sur 6 mois)

152,7

118

135

Source : réponses aux questionnaires transmis par votre rapporteur spécial

En effet, comme l'indique le tableau ci-dessus, l'accroissement de la demande d'asile a mécaniquement conduit à un allongement des délais de traitement des dossiers devant l'Ofpra.

Le délai moyen pour les premières demandes est ainsi passé de 127 jours en 2008 à plus de 152 sur les six premiers mois de l'année 2010. Sur un plan budgétaire, comme l'a montré le rapport précité de votre rapporteur spécial et de votre collègue Jean-Claude Frécon sur la CNDA, le coût de l'allongement des délais de traitement des demandes d'asile par l'Ofpra et par la CNDA est élevé.

Par conséquent, on ne peut que saluer le renforcement des moyens humains de l'Ofpra, qui devrait permettre d'éviter une nouvelle dérive de ces délais de traitement, qui s'avèrerait encore plus coûteuse pour les finances publiques . Ce renforcement fait d'ailleurs partie des orientations dégagées pour le ministère par la révision générale des politiques publiques (RGPP).

C. UN PROGRAMME N° 104 « INTÉGRATION ET ACCÈS À LA NATIONALITÉ FRANÇAISE » RÉAMÉNAGÉ

Le second programme de la mission, n° 104, « Intégration et accès à la nationalité française », regroupe les crédits d'intervention consacrés aux quatre actions suivantes :

- l'insertion des migrants ;

- la subvention pour charge de service public à l'Ofii ;

- les crédits en faveur des aides au retour ou à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine ;

- les dépenses de fonctionnement de la sous-direction des naturalisations , délocalisée à Rezé depuis 1987.

Ce programme est d'un montant budgétaire plus faible que le premier puisqu'il regroupera, en 2011, 72,9 millions d'euros de crédits (AE = CP).

1. Plusieurs modifications affectent l'architecture du programme en 2011

Il convient de relever, par rapport au projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2010, plusieurs modifications de périmètre.

a) La disparition de l'action relative à l'aide au retour et à la réinsertion

L'ancienne action n° 13 « Aide au retour et à la réinsertion » a été supprimée . Dotée de 1,5 million d'euros de crédits (AE = CP) en 2010, elle correspondait théoriquement à l'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine, créée par l'article 58 de la loi relative au droit au logement opposable, dite « loi Dalo » 11 ( * ) . Cette aide était destinée aux étrangers non ressortissants d'un État membre de l'Union européenne, vivant seuls, âgés d'au moins 65 ans, qui justifient d'une résidence régulière et ininterrompue en France pendant les quinze ans précédant la demande d'aide et qui effectuent des séjours de longue durée dans leur pays d'origine.

Elle visait en réalité certains travailleurs immigrés retraités, parfois hébergés dans les foyers de l'Adoma (ex-Sonacotra), qui ne peuvent retourner dans leur pays d'origine en raison de la condition de séjour en France nécessaire pour bénéficier du minimum vieillesse et des autres minima sociaux. Le dispositif d'aide prévu par la loi Dalo était censé faciliter leur retour dans leur pays d'origine en compensant la perte des minima sociaux du fait de leur séjour à l'étranger.

Toutefois, plusieurs problèmes ont rendu l'aide impossible à mettre en place en pratique .

D'une part, le Conseil d'Etat a estimé que le texte n'était pas conforme au droit européen en exigeant quinze ans de résidence en France pour bénéficier de l'aide. La condition de résidence devrait être étendue à tous les pays de l'Union européenne, ce qui pose à la fois des problèmes de contrôle de l'effectivité de cette condition de résidence dans un des Etats membres (en pratique impossible) et de coût du dispositif , qui risquerait d'être considérablement plus élevé que prévu s'il était mis en place, du fait de son extension à ces nouveaux bénéficiaires.

D'autre part, le ministère chargé de l'immigration a tenté, depuis maintenant trois ans de mettre en place ce dispositif via des conventions bilatérales. En pratique, les négociations bilatérales n'ont pu aboutir et le dispositif n'a jamais été créé.

Ces difficultés juridiques et pratiques avaient d'ailleurs déjà été pointées par la commission des affaires sociales du Sénat lors de l'examen du projet de loi Dalo. Celle-ci avait formulé « un jugement d'ensemble très nuancé sur les modalités de cette mesure, qui soulèvent d'importantes difficultés sur le plan juridique et financier » 12 ( * ) , en particulier son coût potentiel pour les finances publiques et les difficultés de lutte contre la fraude.

Il résulte de la modification de l'architecture du programme en 2011 que les crédits de l'ancienne action n° 13 sont englobés dans ceux de l'action n° 12 « Actions d'intégration des étrangers en situation régulière » mais ne sont plus identifiables en tant que tels au sein de l'enveloppe budgétaire de cette action. Votre rapporteur spécial jugerait plus sincère budgétairement de supprimer ce dispositif plutôt que de le voir subrepticement disparaître au sein d'un autre .

b) La scission de l'action relative aux aides à l'intégration

Par ailleurs, l'ancienne action n° 12 « Actions d'intégration des étrangers en situation régulière et des réfugiés » est, dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011, scindée en deux :

- l'action n° 12 est consacrée aux seules « Actions d'intégration des étrangers en situation régulière » ;

- une action n° 15 est créée pour rassembler spécifiquement les « Actions d'intégration des réfugiés ».

Cette scission correspond au souhait, pour le ministère, de donner une lisibilité plus importante aux interventions menées dans le cadre de la politique d'intégration en faveur des réfugiés alors qu'actuellement les dispositifs à destination de cette catégorie ne peuvent être distingués de ceux dont bénéficient les étrangers en situation régulière.

Le tableau ci-dessous présente donc l'évolution des crédits du programme en retraitant les crédits alloués en 2010 en fonction de la nouvelle maquette budgétaire du projet de loi de finances pour 2011.

Evolution des autorisations d'engagement du programme n° 104

(en millions d'euros)

Votées en 2010

Prévues en 2011

Evolution

Action n° 11
« Actions nationales d'accueil des étrangers primo-arrivants et de formation linguistique »

15,0

14,4

- 4,0 %

Action n° 12
« Actions d'intégration des étrangers en situation régulière »

48,2

41,9

- 13,1 %

Action n° 14
« Naturalisation et accès à la nationalité »

2,0

1,9

- 5,0 %

Action n° 15
« Actions d'intégration des réfugiés »

14,1

14,7

+ 4,3 %

Total

79,3

72,9

- 8,1 %

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

Les crédits demandés au Parlement pour le programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française » sont donc en forte diminution : - 8,1 %, soit une enveloppe inférieure de 6,4 millions d'euros à son montant en 2010. Cette contraction résulte essentiellement de la baisse de 6,3 millions d'euros des crédits de l'action n° 12 « Actions d'intégration des étrangers en situation régulière », qui sera détaillée ci-après.

Par ailleurs, 9,7 millions d'euros de fonds de concours sont attendus pour l'année 2011, au titre du fonds européen d'intégration et du fonds européen pour les réfugiés.

2. Une subvention stable en faveur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii)

L'action n° 11 « Actions nationales d'accueil des étrangers primo arrivants et de formation linguistique » du programme n° 104 est intégralement composée de la subvention pour charge de service public versée à l'Ofii, second opérateur de la mission avec l'Ofpra, rattaché au programme n° 104.

L'Office national de l'immigration et de l'intégration (Ofii)

L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé, sur l'ensemble du territoire, de l'accueil des étrangers titulaires, pour la première fois, d'un titre les autorisant à séjourner en France et, lorsqu'ils se destinent à y séjourner durablement, de les engager dans un parcours d'intégration dans la société française pendant les cinq premières années de leur résidence en France.

L'opérateur a également pour mission de participer à toutes actions administratives, sanitaires et sociales relatives :

1) à l'entrée et au séjour d'une durée inférieure ou égale à trois mois des étrangers ;

2) à l'introduction en France, au titre du regroupement familial ou du mariage avec un Français, d'étrangers ressortissants de pays tiers à l'Union européenne ; pour préparer leur intégration, l'Office est responsable de l'organisation de tests et, le cas échéant, de formations dès le pays d'origine ;

3) à l'introduction en France, au titre du travail, d'étrangers ressortissants de pays tiers à l'Union européenne et des ressortissants mentionnés au troisième alinéa de l'article L. 21-2 du code civil ; à ce titre, l'Office facilite l'action des entreprises à l'étranger ;

4) à l'organisation du contrôle médical des étrangers admis à séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois ;

5) à l'accueil et au suivi des demandeurs d'asile, notamment dans les conditions prévues par le II de l'article L. 348-3 du code de l'action sociale et des familles ;

6) au retour et à la réinsertion des étrangers dans leur pays d'origine ainsi qu'à des actions de développement solidaire.

Dans le cadre du parcours d'intégration, l'Office est chargé de la mise en oeuvre des dispositifs d'apprentissage de la langue française adaptés aux besoins d'intégration des personnes de nationalité étrangère.

Source : ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

En 2010, la subvention pour charges de service public prévue pour l'Ofii était de 15 millions d'euros. En 2011 interviendra le transfert vers le ministère de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales de quinze agents de l'Ofii chargés de fonctions liées à l'accueil des étrangers en préfecture dans le cadre de procédures d'admission au séjour des étrangers ou de naturalisations. Il en résulte une diminution mécanique de la subvention pour charges de service public versée à l'Ofii, qui s'élèvera à 14,4 millions d'euros pour l'année 2011 .

La situation financière de l'Ofii a longtemps été marquée par un fonds de roulement excessivement élevé au regard du budget total de l'opérateur et votre rapporteur spécial s'était inquiété, dans son rapport précité sur le projet de loi de finances pour 2010, que « malgré l'absence de versement des dotations de l'Etat durant trois années consécutives, le fonds de roulement [n'ait] pas été significativement réduit et reste bien au-delà des normes prudentielles applicables aux établissements publics ». Or, comme l'indique le graphique ci-dessous, cette situation s'est assainie au regard des derniers chiffres disponibles, relatifs à l'année 2009.

Evolution du fonds de roulement de l'OFII depuis 2005

(en millions d'euros)

Source : ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire

Par ailleurs, d'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, un versement de la subvention pour charges de service public à hauteur de 4,7 millions d'euros a été opéré en 2009 et, sur l'enveloppe de 15 millions d'euros ouverte pour l'année 2010, une somme de 14,45 millions d'euros a déjà été consommée. Cela traduit l'assainissement de la situation budgétaire de l'opérateur.

Dans ce contexte, le maintien, à périmètre équivalent, du montant de la subvention pour charges de service public versée par l'Etat à l'Ofii paraît justifié pour l'année 2011 .

Le présent projet de loi de finances propose par ailleurs, dans son article 74, rattaché à la mission « Immigration, asile et intégration », de modifier le régime des taxes bénéficiant à l'Ofii afin « d'adapter durablement ses ressources propres aux besoins de financement liés à l'évolution de ses missions depuis deux ans » 13 ( * ) . Il est renvoyé, sur ce point, au commentaire de cet article, à la suite du présent rapport.

3. La scission bienvenue de la principale action du programme

Comme indiqué ci-dessus, l'ancienne action n° 12 « Actions d'intégration des étrangers en situation régulière et des réfugiés » est, dans le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011, scindée en deux. L'objectif de cette scission est de distinguer l'aide apportée, d'une part, aux étrangers en situation régulière et, d'autre part, aux réfugiés.

Votre rapporteur se félicite de cette évolution qui traduit la nécessité, de manière générale, de distinguer l'immigration légale « classique » de la situation spécifique des étrangers qui risquent d'être persécutés dans leur pays et viennent trouver refuge en France.

a) L'action n° 12 « Actions d'intégration des étrangers en situation régulière »

D'après les chiffres transmis par le Gouvernement, les crédits de l'action n° 12 diminuent fortement en 2011 pour passer de 48,2 millions d'euros à 41,9 millions d'euros (AE = CP) , soit une baisse de 13 %. Les chiffres de l'année 2010 ont toutefois dû être reconstitués pour correspondre au périmètre de la nouvelle action n° 12. D'après les calculs de votre rapporteur spécial, la diminution est moins forte puisque les crédits figurant dans le projet annuel de performances correspondant au périmètre de l'action n° 12 s'élevaient à 46,2 millions d'euros en 2010.

La baisse porte essentiellement :

- à hauteur de 3,5 millions d'euros, sur les actions d'intégration, à la fois nationales et déconcentrées, en faveur des populations étrangères . Ces crédits, d'un montant total de 27 millions d'euros en 2011, sont destinés à subventionner des associations et à financer des dispositifs régionaux de soutien social et culturel aux migrants ;

- à hauteur de 745 000 euros, sur le financement des foyers de travailleurs migrants (FTM) , doté de 12 millions d'euros en 2011, soit une baisse de 6,2 % par rapport à 2010.

Votre rapporteur spécial est réservé sur ces diminutions, dont on ne maîtrise pas l'impact qu'elles auront sur le financement des dispositifs d'intégration des étrangers en situation régulière.

b) L'action n° 15 « Actions d'intégration des réfugiés »

Les crédits de l'action n° 15 sont stables par rapport aux dotations prévues en 2010 pour les actions correspondantes. Ils s'élèvent à 14,7 millions d'euros (AE = CP).

L'action n° 15 « Actions d'intégration des réfugiés » est une nouveauté du présent projet de loi de finances mais ne fait que regrouper des actions déjà existantes :

- des aides d'urgence ou d'actions au bénéfice des réfugiés statutaires et bénéficiaires de la protection subsidiaire ayant pour but d'assurer une prise en charge médicale, sociale et psychologique. Une partie est distribuée via des associations ;

- des activités relevant de l'intégration des réfugiés , notamment celles ayant trait à l'aide à l'accès au logement et à l'emploi de ces populations ;

- les allocations forfaitaires régulières , d'un montant de 300 000 euros, versées précédemment par le ministère des affaires étrangères et européennes à des réfugiés marocains ou tunisiens , anciens chefs ou fonctionnaires des anciens protectorats français, qui ont dû se réfugier en France au moment de l'indépendance de leur pays. Ces crédits avaient été transférés en 2008 au programme n° 104.


* 6 Application de gestion des ressortissants étrangers en France 2 est la nouvelle application de gestion informatisée par les préfectures des dossiers individuels des étrangers.

* 7 Conformément à la directive européenne 2003/9/CE du Conseil du 27 janvier 2003 relative aux normes minimales d'accueil des demandeurs d'asile.

* 8 Décret n° 2010-1147 du 29 septembre 2010 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 9 Décret n° 2008-1089 du 24 octobre 2008 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 10 Décret n° 2009-1368 du 9 novembre 2009 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 11 Loi n° 2007-290 du 5 mars 2007 instituant le droit au logement opposable et portant diverses mesures en faveur de la cohésion sociale.

* 12 Rapport n° 181 (2006-2007), M. Bernard Seillier, rapporteur, fait au nom de la commission des affaires sociales.

* 13 Réponses aux questionnaires adressés par votre rapporteur spécial.