M. Roland du Luart, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 166 « JUSTICE JUDICIAIRE »

- Le programme « Justice judiciaire », hors fonds de concours, s'appuie sur 4,133 milliards d'euros d'autorisations d'engagement , soit une augmentation considérable de 43,6 % par rapport à 2010. Cette hausse résulte essentiellement de la nécessité de tenir compte des autorisations d'engagement destinées au financement de la construction de palais de justice dans les années à venir.

- Les crédits de paiement s'élèvent à 2,959 milliards d'euros, soit une hausse de 4,4 % .

- Les créations nettes d'emploi se montent à 127 ETPT , pour un plafond d'emploi fixé à 31 018 ETPT.

- Les efforts afin d'accroître les effectifs de magistrats n'ont cependant de sens que s'ils s'accompagnent d'un effort encore plus important en faveur des greffiers, afin de ramener le ratio entre le nombre de greffiers et celui de magistrats (actuellement égal à 0,86) à un niveau plus satisfaisant .

- Pour 2011, l'enveloppe allouée au titre des frais de justice s'élève à 459,4 millions d'euros . Les charges restant à payer devraient toutefois représenter près de 100 millions d'euros à la fin de l'exercice budgétaire 2010, ce montant correspondant à environ deux mois d'activité des juridictions. Il apparaît donc que la sous-budgétisation constatée en 2009 et 2010 se poursuit en 2011, remettant en cause le principe de sincérité budgétaire au sein de la mission « Justice ».

- Le coût de la réforme de la carte judiciaire s'élève à 427 millions d'euros sur cinq ans .

- Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 afin de financer, sur le programme « Justice judiciaire », les mesures liées à la mise en oeuvre de cette réforme se montent à 34,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (104,8 millions d'euros en 2010) et 62,7 millions d'euros en crédits de paiement (53,5 millions d'euros en 2010).

- Ce coût de la carte judiciaire n'intègre pas l'opération de réaménagement du TGI de Paris , qui s'élève à elle seule à 623,5 millions d'euros.

II. LE PROGRAMME 166 « JUSTICE JUDICIAIRE »

A. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS : MAÎTRISER LES DÉLAIS DE TRAITEMENT DES AFFAIRES ET PÉRENNISER LES BONNES HABITUDES DE GESTION

Le programme 166 « Justice judiciaire » se rapporte aux moyens des juridictions civiles et pénales, y compris ceux de la Cour de cassation 7 ( * ) . Il inclut également le casier judiciaire national, les moyens du Conseil supérieur de la magistrature (CSM), les crédits destinés à la formation des personnels et à la logistique ainsi que les moyens humains contribuant à la mise en oeuvre de la politique de l'accès au droit et à la justice.

Les dépenses de personnel (68,8 %) constituent la part prépondérante de ce programme .

L'année 2011 doit confirmer les bonnes habitudes prises par les gestionnaires , dans la continuité de la mise en oeuvre de la LOLF dans les juridictions.

La logique de performance s'accompagne, en particulier, d'un objectif de renforcement de la maîtrise des délais de traitement des affaires civiles et pénales , afin de répondre au mieux aux attentes du justiciable.

La maîtrise des frais de justice , devenus limitatifs sous l'empire de la LOLF, redevient un enjeu majeur .

Au final, la LOLF doit continuer de favoriser, au sein de l'institution judiciaire, une culture de gestion compatible avec l'indépendance de l'autorité judiciaire . Il s'agit de dégager ainsi plus de moyens en faveur d'une justice plus efficace, plus proche et plus rapide, conformément aux aspirations de nos concitoyens.

Votre rapporteur spécial est persuadé que cette diffusion d'une culture de gestion est un levier essentiel du bon fonctionnement de la justice .

B. LES ACTIONS DU PROGRAMME : LA PRÉPONDÉRANCE DU PÉNAL SUR LE CIVIL

Après ventilation des crédits des actions « Soutien », « Formation » et « Support à l'accès au droit et à la justice », il apparaît que les affaires pénales absorbent 51,8 % des crédits de paiement du présent programme, tandis que le contentieux civil en représente 45,4 %.

Crédits de paiement par action

(en millions d'euros)

Source : d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

Il convient de rappeler que, depuis 2007 et afin de faciliter la gestion des personnels dans les différents ressorts des cours d'appel, l'action 8 « Support à l'accès au droit et à la justice » regroupe les moyens humains 8 ( * ) des juridictions (bureau d'aide juridictionnelle), les personnels des maisons de la justice et du droit (MJD), les personnels des conseils départementaux d'accès au droit (CDAD) chargés de leur gestion, ainsi que les personnels du service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes (SADJAV) 9 ( * ) . Ces personnels étaient auparavant affectés au programme « Accès au droit et à la justice ».

C. LA PROGRESSION DES CRÉDITS DE PAIEMENT : + 4,4 %

Le présent programme compte, hors fonds de concours 10 ( * ) 4,133 milliards d'euros d'autorisations d'engagement , soit une augmentation considérable de 43,6 % par rapport à 2010.

Toutefois, cette hausse résulte essentiellement de la nécessité de tenir compte des autorisations d'engagement destinées au financement de la construction de palais de justice , notamment celui de Paris, réalisée dans le cadre d'un partenariat public-privé (PPP). Ces opérations d'investissement sont programmées à hauteur de 1,203 milliard d'euros.

Une fois neutralisé l'« effet palais de justice », la hausse des autorisations d'engagement n'est plus que de 1,8 % .

Les crédits de paiement s'élèvent à 2,959 milliards d'euros, soit une hausse de 4,4 % .

Les dépenses de personnel (titre 2) connaissent une augmentation de 2,2 % et s'élèvent, au total, à 2,035 milliards d'euros . Ce montant correspond à un plafond d'emploi fixé à 31 018 emplois équivalent temps plein travaillé (ETPT) , soit 1 365 ETPT en plus par rapport à 2010.

L'évolution à la hausse du plafond d'emploi s'explique essentiellement par un nouveau mode de décompte au sein de l'application Chorus pour les non titulaires (juges de proximité, assistants de justice, contractuels saisonnier...). Les créations nettes d'emploi ne se montent ainsi qu'à 127 ETPT .

Ces créations nettes correspondent à la disparition de 76 ETPT de magistrats et de 196 ETPT de personnels de catégorie C administratifs et techniques, en contrepartie de la création de 399 ETPT dans les métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif .

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) augmentent de 8,7 % entre 2010 et 2011 et se montent à 752,2 millions d'euros. Les frais de justice 11 ( * ) représentent le premier poste de dépense des services judiciaires en matière de fonctionnement, avec une enveloppe pour 2011 de 460 millions d'euros en crédits de paiement (395 millions d'euros en loi de finances pour 2010).

Les dépenses d'investissement (titre 5) enregistrent, pour leur part, une augmentation de 17,9 millions d'euros, soit + 12,7 % . Ils se répartissent en 118,5 millions d'euros au titre de l'investissement hors réforme de la carte judiciaire et 40,5 millions d'euros au titre des dépenses d'investissement liées à la carte judiciaire.

Concentrés sur l'action 6 « Soutien », les crédits d'investissement hors carte judiciaire (poursuite d'opérations de constructions neuves, d'extension et de restructuration, accessibilité des locaux aux handicapés, travaux de désamiantage...) sont ventilés de la manière suivante :

- 24,5 millions d'euros pour les opérations conduites par l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ) ;

- 94 millions d'euros pour des opérations suivies au niveau déconcentré.

Par ailleurs, l'action 6 « Soutien » porte l'ensemble des dépenses d'intervention (titre 6) du programme « Justice judiciaire ». D'un montant de 13,1 millions d'euros, ces dépenses se ventilent entre une enveloppe de 8 millions d'euros au titre de l'aide apportée aux avocats dont le barreau est supprimé dans le cadre de la réforme judiciaire , une subvention de 1,9 million d'euros au Conseil national des barreaux (CNB) pour la formation des élèves avocats et une participation de 3,2 millions d'euros au fonctionnement de l'établissement public d'exploitation du livre foncier informatisé 12 ( * ) .

D. LA PERSISTANCE DE L'INSUFFISANCE DE GREFFIERS EN JURIDICTION

1. Un ratio greffiers / magistrats encore en deçà du niveau souhaitable

Alors que des efforts conséquents ont été réalisés au cours des dernières années, notamment dans le cadre de la LOPJ, pour palier le manque de magistrats, le niveau des effectifs de greffiers en juridiction demeure un sujet de préoccupation .

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2008, votre rapporteur spécial avait souligné un déficit de créations d'emplois par rapport aux objectifs initialement fixés par la loi de programmation 13 ( * ) . En particulier, il avait déploré un décalage dans ces créations, avec un taux de réalisation de 76 % pour les magistrats et de seulement 32,6 % pour les fonctionnaires.

Au total, le ratio entre le nombre de greffiers et celui de magistrats n'a pas pu atteindre le niveau souhaitable de un pour un . Ce ratio reste durablement « défavorable » aux greffiers, comme en atteste le tableau suivant.

Evolution des effectifs de greffiers affectés auprès de magistrats et de magistrats depuis 2006

2006

2007

2008

2009

2010

Greffiers (a)

6 915

6 942

7012

7059

7079

Magistrats (b)

7 891

7950

8113

8195

8185

Ratio (a/b)

0,88

0,87

0,86

0,86

0,86

Source : Chancellerie

Le ratio actuel de 0,86 greffier par magistrat traduit une réelle faiblesse du soutien logistique susceptible d'être apporté aux magistrats , tant pour le rendu des décisions de justice que pour la gestion des juridictions.

Les efforts afin d'accroître les effectifs de magistrats méritent d'être salués, mais ils n'ont de sens que s'ils s'accompagnent d'un effort encore plus important en faveur des greffiers , afin de ramener le ratio entre le nombre de fonctionnaires et celui de magistrats à un niveau plus satisfaisant.

2. Un frein au bon fonctionnement des juridictions

Votre rapporteur spécial insiste sur cette difficulté qui peut mettre en péril l'ensemble de l'équilibre de l'institution judiciaire .

Le rythme des départs à la retraite , qui s'accélère depuis 2008, ne peut en effet que contribuer à aggraver la situation, la pyramide des âges des personnels des juridictions judiciaires étant particulièrement défavorable.

Par ailleurs, alors que de nouvelles promotions sortent de l'école nationale de la magistrature (ENM), la réforme de l'ENG, menée en 2003, entraîne un décalage dans le temps des flux d'entrée , la durée de la scolarité de l'ENG étant passée de 12 à 18 mois.

La résorption du goulet d'étranglement est d'autant plus difficile qu'il faut 6 à 9 mois pour ouvrir un concours de magistrat ou de greffier. Le délai entre l'autorisation d'un concours de recrutement et ses premiers effets sur le terrain s'élève donc à au moins deux ans .

Votre rapporteur spécial souhaite une nouvelle fois souligner l'insuffisance des effectifs des greffiers et le handicap qu'elle fait peser sur le bon fonctionnement de l'ensemble du système judiciaire .

3. Le nécessaire recentrage des greffiers sur leur « coeur de métier »

Cette évolution défavorable du ratio fonctionnaires de greffe / magistrat appelle une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences d'autant plus optimale.

A ainsi été créé, en application du décret n° 2007-1106 du 16 juillet 2007, un corps de secrétaires administratifs des services judiciaires . Dans ce cadre, 175 emplois ont été affectés (par transformation d'emplois de catégorie C), en 2008 puis à nouveau en 2009, dans les secrétariats et les régies des juridictions les plus importantes ainsi que dans les services administratifs régionaux (SAR). En 2010, 79 emplois ont encore été consacrés à de tels postes. La prise de fonctions de ces agents permet de recentrer progressivement l'activité des greffiers sur leurs activités juridictionnelles et l'assistance du magistrat, ainsi que de les dégager de certaines fonctions administratives auxquelles ils participaient.

En outre, certaines réformes structurelles en cours ou à venir, telles que la réforme de la carte judiciaire ou la mise en oeuvre des propositions des rapports des commissions Magendie 14 ( * ) et Guinchard 15 ( * ) , pourraient avoir un impact positif sur la nature des missions dévolues aux greffiers en juridiction.

Par ailleurs, on peut souhaiter que le recours accru aux nouvelles technologies de l'information et de la communication puisse contribuer à améliorer sensiblement les conditions de travail des greffiers ainsi que leur productivité.

En conclusion sur ce sujet, votre rapporteur spécial souligne que l'enquête que souhaite demander, pour 2011, votre commission à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, sur « l'impact de la réforme des tutelles des majeurs » devrait pouvoir apporter un certains nombres d'enseignements au regard de la charge de travail pesant sur les magistrats et les greffiers en juridiction.

E. LES FRAIS DE JUSTICE RENOUENT AVEC UNE DYNAMIQUE À LA HAUSSE

1. La dérive des frais de justice au début des années 2000

En 2005, dans son rapport d'information « La LOLF dans la justice : indépendance de l'autorité judiciaire et culture de gestion » 16 ( * ) , votre rapporteur spécial décrivait la dérive inquiétante des frais de justice et identifiait des marges de manoeuvre en la matière. Votre commission avait, à la suite de ce rapport, demandé à la Cour des comptes, en application de l'article 58-2° de la LOLF, une enquête sur les frais de justice, dont votre rapporteur spécial avait analysé les conclusions dans son rapport « Frais de justice : l'impératif d'une meilleure maîtrise » 17 ( * ) .

Depuis le début des années 2000, ce poste de dépense connaissait en effet une très forte hausse, notamment en matière pénale : + 13,3 % en 2002, + 2,1 % en 2003, + 27,3 % en 2004, + 17,2 % en 2005.

Plusieurs facteurs institutionnels et technologiques expliquaient cette inquiétante évolution : le développement des alternatives aux poursuites, la généralisation de la téléphonie mobile, le développement du fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

2. Une évolution ensuite maîtrisée, sans remise en cause de la « liberté de prescription » du magistrat

En 2006, la maîtrise des frais de justice constituait d'autant plus l' un des enjeux budgétaires majeurs du ministère de la justice qu'avec l'entrée en vigueur de la LOLF, le régime des crédits limitatifs, désormais applicable aux frais de justice, et la réforme de l'ordonnancement secondaire imposaient la mise en oeuvre d'un nouveau circuit de la dépense.

Sous le double effet bénéfique de l'application des principes de la LOLF au sein de l'institution judiciaire ainsi que des efforts conjugués de l'administration centrale et des juridictions 18 ( * ) , une certaine modération des dépenses afférentes aux frais de justice a pu être obtenue, comme en atteste le tableau suivant.

L'évolution des frais de justice entre 2000 et 2008

(en millions d'euros)

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

2007

2008

Dotation initiale

283,3

277,17

293

310

338,15

358,1

370,1

390,11

405

Crédits consommés

258,35

262,01

290,09

341,43

419,06

487,37

379,42

388,62

401,7

Solde

6,34

9,06

- 2,09

- 3,43

- 61,31

- 113,81

- 9,32

1,49

3,3

Source : Chancellerie

Cette maîtrise des frais de justice au cours de la période récente (2006-2008) n'a, qui plus est, pas entravé la « liberté de prescription des magistrats », principe essentiel au bon fonctionnement de notre justice .

3. Un inquiétant redémarrage de la dépense depuis 2009

A l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2009, votre rapporteur spécial avait toutefois souligné, tout en saluant les efforts produits par les magistrats et la Chancellerie, « qu'il serait naturellement illusoire de croire que la maîtrise des frais de justice est définitivement acquise » . Il avait au contraire estimé qu' « une vigilance continue (devait) être exercée » 19 ( * ) .

L'année 2009 a malheureusement démontré toute la pertinence de cette mise en garde. Alors que la dotation initiale consacrée aux frais de justice se montait à 409 millions d'euros, la consommation finale s'est élevée à 432,5 millions d'euros, soit un dépassement de 23,5 millions d'euros par rapport à l'autorisation initialement accordée. Tout aussi préoccupant est le redémarrage du rythme de la dépense, celle-ci progressant de 7,7 % entre 2008 et 2009.

L'exercice 2010 ne présente pas un tableau plus encourageant. L'enveloppe allouée par la loi de finances initiale pour 2010 au titre des frais de justice comportait 393,3 millions d'euros.

Cependant, ont été nécessaires depuis le début de l'année pour abonder le poste des frais de justice :

- des mesures de dégel des crédits (18,6 millions d'euros) ;

- le recours à la fongibilité depuis le titre 5 « dépenses d'investissement » (9,1 millions d'euros) ;

- l'affectation de crédits issus des reports de la gestion 2009 (16,6 millions d'euros) ;

- un décret d'avance de 30 millions d'euros 20 ( * ) .

La conjugaison de cet arsenal de mesures devrait, au total, porter le montant du budget des frais de justice pour 2010 à près de 440 millions d'euros, soit un dépassement de 10,6 % par rapport à l'autorisation initialement accordée 21 ( * ) .

La sous-budgétisation de ce poste de dépenses apparaît ainsi manifeste. Le montant des charges restant à payer en fin d'année corrobore d'ailleurs cette analyse : 92 millions d'euros à la fin de l'exercice 2008 et 118 millions d'euros à la fin de l'exercice 2009.

L'assombrissement récent de la situation générale des frais de justice ne doit cependant pas occulter un certains nombre de résultats encourageants , au premier rang desquels la baisse très substantielle des frais d'analyses génétiques . Ainsi, quatre marchés publics d'analyses génétiques sur individus ont été passés entre 2005 et 2009. Par ailleurs, en 2009, un premier marché d'analyses génétiques à partir de traces biologiques, concernant essentiellement la délinquance de masse, a également été conclu.

Ces mises en concurrence ont permis d'obtenir une réduction très significative du coût unitaire des analyses. Pour les analyses « individus », ce coût est ainsi passé de 67 euros à 17 euros , et, pour les analyses « traces », il est passé de 265 euros hors marché à 92 euros dans le cadre du marché 22 ( * ) .

4. Un problème de sincérité budgétaire pour 2011

Pour 2011, l'enveloppe allouée au titre des frais de justice s'élève à 459,4 millions d'euros .

Cette dotation tient compte notamment :

- du financement de la part employeur des cotisations sociales des collaborateurs occasionnels du service public de la justice (30 millions d'euros) ;

- du coût (54,2 millions d'euros) de la réforme de la médecine légale 23 ( * ) (cette réforme s'accompagne toutefois parallèlement d'une économie de 30 millions d'euros sur les honoraires médicaux 24 ( * ) ) ;

- de l'impact du projet de loi d'orientation et de programmation sur la sécurité intérieure (LOPPSI 2) actuellement en cours d'examen par le Parlement 25 ( * ) (15,2 millions d'euros 26 ( * ) ).

Au regard du montant de cette enveloppe, il faut toutefois souligner que les charges restant à payer au titre des frais de justice représenteront près de 100 millions d'euros 27 ( * ) à la fin de l'exercice budgétaire 2010, ce montant correspondant à environ deux mois d'activité des juridictions.

Il apparaît donc que la sous-budgétisation constatée en 2009 et 2010 se poursuit en 2011. Remettant en cause le principe de sincérité budgétaire au sein de la mission « Justice » , cette « habitude » est d'autant plus inquiétante que l'institution judiciaire est confrontée à des tendances structurelles ayant un impact fort sur la dépense en matière de frais de justice : l'augmentation du nombre de procédures pénales et la diversification des possibilités offertes par les nouvelles technologies au service de la recherche de la preuve.

Face à cette situation, le risque couru par l'institution judiciaire est de voir son activité perturbée par le non paiement en temps et en heure des experts concourant à la manifestation de la vérité.

C'est la raison pour laquelle votre rapporteur spécial propose à votre commission d'adopter un amendement visant à abonder les crédits du programme « Justice judiciaire » de 30 millions d'euros , afin de rétablir l'enveloppe dédiée aux frais de justice à un niveau plus conforme à la réalité des besoins pour 2011.

Dans le projet de loi de finances pour 2011, les frais de justice figurent, au sein du programme « Justice judiciaire », parmi les crédits de fonctionnement des actions ci-après (en crédits de paiement) :

- Action 1 « Traitement et jugement des contentieux civils » : 60 millions d'euros ;

- Action 2 « Conduite de la politique pénale et jugement des affaires pénales » : 318 millions d'euros ;

- Action 3 « Cassation » : 0,3 million d'euros ;

- Action 5 « Enregistrement des décisions judiciaires » : 1,9 million d'euros ;

- Action 6 « Soutien » : 79,2 millions d'euros 28 ( * ) .

F. LE COÛT DE LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE : 62,7 MILLIONS D'EUROS EN 2011 ET 427 MILLIONS D'EUROS AU TOTAL SUR CINQ ANS

1. Les objectifs de la réforme

Engagée en juin 2007, la réforme conduit à regrouper les juridictions dont le niveau d'activité est inférieur au seuil en deçà duquel la bonne marche du service public de la justice n'apparaît plus comme optimale . Ce critère portant sur l'activité a en outre été combiné à une approche qualitative de l'environnement judiciaire et à une prise en compte de l'aménagement du territoire, notamment sous les angles suivants : le développement démographique et économique, la situation géographique et les conditions d'accès, les spécificités de certaines régions, les équilibres entre territoires et l'organisation administrative.

Ainsi, la réforme de la carte judiciaire vise, d'abord, à renforcer la qualité et l'efficacité de la justice en ayant des juridictions disposant d'une activité et d'une taille suffisantes.

Elle doit, également, permettre de créer les conditions d' une justice à un coût optimisé pour le contribuable , en s'appuyant sur la mutualisation des moyens et l'optimisation des ressources humaines.

Au total, elle se traduit par :

- la suppression de 22 tribunaux de grande instance (TGI) 29 ( * ) ;

- la suppression de 178 tribunaux d'instance (TI) et d'autant de juridictions de proximité ;

- la création de 7 TI et d'autant de juridictions de proximité ;

- la suppression de 85 greffes détachés de TI ;

- la suppression de 62 conseils de prud'hommes et la création d'un conseil de prud'hommes (à Avesnes-sur-Helpe) ;

- la suppression de 55 tribunaux de commerce (TC) et la création de 5 TC ainsi que d'un tribunal mixte de commerce ;

- le transfert de la compétence de 23 TGI vers des TC et un tribunal mixte de commerce ;

- la suppression de 35 bureaux fonciers dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

Au total, la réforme de la carte judiciaire permettra d' atteindre , au 1 er janvier 2011, le nombre de 867 juridictions judiciaires contre 1 193 auparavant .

2. Une entrée en application progressive sur trois ans

La mise en oeuvre de la réforme s'étale sur trois ans, entre 2008 et le 1 er janvier 2011.

D'ores et déjà, la nouvelle carte judiciaire est effective depuis le :

- 17 février 2008, pour 31 greffes détachés de TI ;

- 3 décembre 2008, pour les conseils de prud'hommes ;

- 1 er janvier 2009, pour les TC ;

- 1 er janvier 2009, en ce qui concerne sept greffes détachés (Voiron, Manosque, Villefranche-sur-Mer, La Ferté Bernard, Sallanches, Sabres et Vernon) et cinq TI avec les juridictions de proximité qui leur sont rattachées (Barbezieux-Saint-Hilaire, Aubusson, Neufchâteau, Pithiviers, Moissac) ;

- 1 er février 2009, s'agissant des TI et des juridictions de proximité de Forcalquier et Saint-Sever, ainsi que de la création du TI et de la juridiction de proximité de Manosque ;

- 1 er juillet 2009, pour trois TI et les juridictions de proximité du même siège (Die, Bar sur Aube, Vouziers) et quatre greffes détachés (Crest, Argelès-sur-Mer, Pézenas, La Grande-Combe) ;

- 1 er septembre 2009, en ce qui concerne huit TI et les juridictions de proximité du même siège (Mayenne, Vierzon, Falaise, Autun, Saint-Pons-de-Thomières, Remiremont, Paimboeuf, Murat) et un greffe détaché (Albert) ;

- 1 er octobre 2009, pour deux TGI (Belley et Millau), neuf TI et les juridictions de proximité du même siège (Lesparre-Médoc, Bourganeuf, Saint-Affrique, Villefranche-de-Rouergue, Cosne-Cours-sur-Loire, Château-Chinon, Langres, Espalion, Castelnaudary) et un greffe détaché (Champagnole) ;

- 31 décembre 2009, pour les 151 autres TI (et les juridictions de proximité du même siège) et 41 greffes détachés ;

- 1 er juillet 2010 pour le TGI de Péronne ;

- 5 septembre 2010 pour le TGI de Bressuire.

Par ailleurs, elle le sera le 31 décembre 2010, pour les 21 autres TGI .

A la demande des chefs des cours d'appel (CA), la date de fermeture de plusieurs juridictions a en effet été avancée.

3. Un budget de 62,7 millions d'euros pour 2011 entièrement porté par le programme « Justice judiciaire »

Les crédits inscrits dans le projet de loi de finances pour 2011 afin de financer, sur le programme « Justice judiciaire » , les mesures liées à la mise en oeuvre de la réforme de la carte judiciaire s'élèvent à 34,4 millions d'euros en autorisations d'engagement (104,8 millions d'euros en 2010) et 62,7 millions d'euros en crédits de paiement (53,5 millions d'euros en 2010).

Sur le programme « Justice judiciaire », ces crédits se décomposent comme suit :

- 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement au titre des dépenses de personnel (titre 2) afin de couvrir l'accompagnement social apporté aux personnels des services judiciaires ;

- 3,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 4,2 millions d'euros en crédits de paiement affectés en dépenses de fonctionnement courant (loyers, nettoyage des locaux libérés, déménagement du mobilier et des archives...) ;

- 8 millions d'euros (en autorisations d'engagement et en crédits de paiement) au titre de l'aide apportée aux avocats dont le barreau est supprimé dans le cadre de la réforme (titre 6, dépenses de subvention) ;

- 12,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et 40,5 millions d'euros en crédits de paiement prévus pour les dépenses d'investissement (volet immobilier de la réforme) .

Initialement, le financement du volet immobilier de la carte judiciaire devrait également être supporté par une mobilisation des crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat » . Ce CAS retrace les produits de cessions des immeubles appartenant à l'Etat. En dépense, il permet l'octroi de droits d'utilisation d'une partie de ces produits par les ministères. Le taux de « retour sur cessions » pour le ministère de la justice et des libertés était fixé à 85 %, le reliquat (15 %) étant affecté au désendettement de l'Etat.

Toutefois, à ce jour, le volet immobilier de la réforme n'a bénéficié d' aucun apport issu de la ressource spécifique inscrite au CAS . Il est désormais acté que, au titre de 2011, le financement des opérations relatives à la carte judiciaire sera exclusivement issu des dotations budgétaires.

4. Une réforme chiffrée à 427 millions d'euros sur cinq ans

Selon les informations communiquées par la Chancellerie à votre rapporteur spécial, le coût de la réforme de la carte judiciaire demeure estimé à 427 millions d'euros sur cinq ans , soit au même niveau que l'évaluation réalisée dans le cadre de la préparation du projet de loi de finances pour 2009.

Cette évaluation se décompose de la manière suivante :

- après 10,5 millions d'euros consacrés en 2008 aux investissements immobiliers liés à la réforme de la carte judiciaire, une enveloppe de 375 millions d'euros sur cinq ans est prévue pour financer les investissements immobiliers qui devront accompagner les regroupements de tribunaux. Au total, le volet immobilier de la réforme aura ainsi induit une charge de 385,5 millions d'euros ;

- un plan d'accompagnement social des personnels concernés par la réforme de la carte judiciaire de 21,5 millions d'euros , dont 1,5 million d'euros en 2008, 2 millions d'euros en 2009, 4,5 millions d'euros en 2010 et 10 millions d'euros en 2011 ;

- une enveloppe de 20 millions d'euros , dont 5 millions d'euros en 2008, 8 millions d'euros en 2009, 7 millions d'euros en 2010 et 8 millions d'euros en 2011, pour accompagner la restructuration des cabinets d'avocats concernés par la réforme de la carte judiciaire 30 ( * ) .

Ainsi que l'avait souligné votre rapporteur spécial dès 2007 31 ( * ) , cette réforme de la carte judiciaire nécessite donc d'abord une importante « mise de fonds » initiale .

Aussi, votre rapporteur spécial sera-t-il attentif à ce que les efforts budgétaires consentis trouvent leur traduction dans l'amélioration de la performance de la mission « Justice » au cours des prochaines années, en particulier en matière de réduction des délais de jugement et de qualité des décisions rendues .

D'ores et déjà, certaines économies ont pu être dégagées du fait de la réforme :

- 3 millions d'euros au titre des dépenses de fonctionnement courant ;

- 0,8 million d'euros au titre des dépenses de location immobilière ;

- 61 ETPT au titre des économies de postes de magistrats ;

- 427 ETPT au titre des économies de postes de fonctionnaires.

Enfin, votre rapporteur spécial insiste sur le fait que ce budget alloué à la réforme de la carte judiciaire ne tient pas compte des réaménagements nécessaires pour le TGI de Paris .

Sur ce dernier point, un établissement public du Palais de Justice de Paris (EPPJP) a été créé en 2004 32 ( * ) pour assurer, notamment, le rôle de maître d'ouvrage. Opérateur du programme « Justice judiciaire » jusqu'en 2010, cet établissement public relèvera, à compter du 1 er janvier 2011, du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice ». Il rejoint ainsi dans ce programme l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ). Il compte 15 ETPT et perçoit une subvention pour charges de service public de 2,4 millions d'euros .

A cet égard, ainsi que votre rapporteur spécial l'a souligné dans son rapport d'information « La future implantation du tribunal de grande instance (TGI) de Paris : la fin des hésitations » 33 ( * ) , il y a lieu de se féliciter du choix désormais définitif de la zone d'aménagement concertée (ZAC) des Batignolles (XVII ème arrondissement de Paris) pour l'implantation du futur TGI de Paris.

A lui seul, ce projet représente un coût estimé à 623,5 millions d'euros , soit une enveloppe supérieure à la totalité de celle consacrée au reste de la carte judiciaire. Financée grâce à un partenariat public-prive (PPP), cette opération a été poursuivie en 2010 via le lancement de la procédure de consultation des entreprises. L'attribution du contrat de partenariat devrait intervenir en 2012, pour une livraison de la nouvelle « Cité judiciaire » en 2015 .

G. LES INCERTITUDES QUANT À LA RÉFORME DE L'APPEL

Ayant été examiné en première lecture à l'Assemblée nationale 34 ( * ) et au Sénat 35 ( * ) , puis en seconde lecture à l'Assemblée nationale 36 ( * ) , le projet de loi portant fusion des professions d'avocat et d'avoué près les CA vise à simplifier l'accès à la justice en appel. Il comporte en particulier la suppression de l'obligation de recourir à un avoué pour suivre une procédure d'appel.

Ainsi, sous la réserve de l'adoption définitive de ce texte par le Parlement, les 231 offices regroupant 430 avoués seront, à cette date, supprimés et la postulation devant la CA sera ouverte à l'ensemble des avocats du ressort de la cour.

L'article 54 de la loi n° 2009-1674 du 30 décembre 2009 de finances rectificative pour 2009 37 ( * ) a institué un droit d'un montant de 150 euros dû par les parties à l'instance d'appel lorsque la constitution d'avocat est obligatoire devant la CA. Ce droit est acquitté par l'avocat postulant pour le compte de son client. Il n'est pas dû par la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle (AJ). Le produit de ce droit est affecté au fonds d'indemnisation de la profession d'avoués près les CA, qui sera créé dans le cadre de la réforme de la représentation devant les CA.

Le même article comprend également des exonérations fiscales visant à accompagner les opérations de restructuration liées à la suppression du statut d'avoué.

Outre ce volet fiscal, la Chancellerie prévoit des mesures d'accompagnement de cette réforme pour les collaborateurs des avoués, via notamment l'ouverture de postes dans les services judiciaires. Ainsi, au titre de l'année 2010, un recrutement par concours de 100  greffiers en catégorie B et un recrutement sans concours de 130 adjoints administratifs en catégorie C ont été ouverts en faveur des personnels des études d'avoués. Il est prévu que ce dispositif  d'accompagnement soit poursuivi en 2011 avec des recrutements complémentaires en catégorie A et C.

Dans l'attente de l'adoption définitive du projet de loi précité, il est toutefois particulièrement difficile d'avoir une idée précise sur les incidences budgétaires de cette réforme .

Cependant, votre rapporteur spécial attire l'attention de votre commission sur la nécessité de trouver un mode d'indemnisation juste et équitable pour les avoués, ainsi que de prévoir des mesures de reclassement adaptées pour leurs personnels 38 ( * ) .

H. UNE MEILLEURE PRISE EN COMPTE DE LA JUSTICE DES MINEURS DANS LE VOLET PERFORMANCE

Pour le programme « Justice judiciaire », les objectifs retenus par le projet annuel de performance de la présente mission se situent dans le prolongement de ceux fixés par la LOPJ avec une attention particulière attachée à l'amélioration de l'efficacité de la justice au service des citoyens, à l'adaptation du droit pénal à l'évolution de la délinquance et au développement de l'effectivité de la réponse pénale .

D'une manière générale, les indicateurs, portant, tant en matière civile que dans le domaine pénal, sur les délais des procédures, l'ancienneté du stock, le nombre d'affaires traitées par magistrats et par fonctionnaires, sont satisfaisants dans leur conception. Ils répondent aux préoccupations des justiciables qui souhaitent une « justice plus rapide » .

Dans le cadre de la mise en oeuvre du nouveau document de politique transversale (DPT) relatif à la justice des mineurs , créé par l'article 137 de la loi n° 2009-1673 du 30 décembre 2009 de finances pour 2010, le programme « Justice judiciaire » s'enrichit en 2011 de plusieurs sous-indicateurs propres à la justice des mineurs , définis et déclinés à partir des objectifs et indicateurs existants :

- pour l'objectif 1 « Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière civile », l'indicateur 1.1 « Délai moyen de traitement des procédures par type de juridiction » comprend un sous-indicateur pour les CA et relatif aux « Appels sur décisions du juge des enfants en assistance éducative » et un sous-indicateur pour les TGI et relatif au « Juge des enfants (assistance éducative) » ;

- pour l'indicateur 1.6 « Nombre d'affaires civiles traitées par magistrat du siège ou par conseiller rapporteur (en équivalent temps plein travaillé) » du même objectif, un nouveau sous-indicateur porte sur les TGI et s'intéresse au « Juge des enfants (mesure en matière d'assistance éducative) » ;

- pour l'objectif 2 « Rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables en matière pénale », les sous-indicateurs « Mineurs (crimes) » et « Mineurs (délits) » viennent enrichir l'indicateur 2.1 « Délai moyen de traitement des procédures pénales » ;

- pour l'objectif 3 « Amplifier et diversifier la réponse pénale et améliorer l'exécution des décisions pénales », l'indicateur 3.2 « Taux d'alternative aux poursuites (TGI) » est complété par le sous-indicateur « Justice des mineurs (y compris les mesures de rappels à la loi) ».

L'analyse des performances du programme en matière de délais pour les décisions rendues met en évidence une réduction de ces délais au civil . Ainsi, pour les CA par exemple, une affaire civile était en moyenne traitée en 11,9 mois en 2009, mais l'a été en 11,5 mois en 2010 (avec une cible de 11 mois en 2011).

De même, les efforts pour réduire les stocks au civil semblent continuer de porter leurs fruits , comme l'illustre l'évolution de l'indicateur rendant compte de l'ancienneté moyenne du stock par type de juridiction : 13 mois en 2009 et 12,9 mois pour 2010 (avec une cible de 12,8 mois en 2011) dans le cas des TGI.

Au pénal, les juridictions peinent en revanche plus à réduire les délais , ainsi que l'illustre l'accroissement du délai moyen de traitement des procédures devant la Cour de cassation : 133 jours en 2010 contre 129 jours en 2009 (avec une cible de 130 jours pour 2011 39 ( * ) ). S'agissant de cet indicateur, on doit en outre regretter l'absence de données disponibles en réalisation pour 2009 en dehors de la Cour de cassation.

Une fois la décision rendue, encore faut-il qu'elle soit exécutée. De ce point de vue, le taux de mise à exécution ne progresse guère . Par exemple, le taux de mise à exécution d'une condamnation à un travail d'intérêt général (TIG) était de 89,6 % en 2008, de 89,4 % en 2009, de 90 % en prévision actualisée pour 2010 et se situe à 91 % en prévision pour 2011.

A cet égard, il convient néanmoins de noter que la mise en place de bureaux d'exécution des peines (BEX) 40 ( * ) a constitué un facteur d'efficacité certain, en évitant toute discontinuité entre le prononcé de la décision à l'audience et la mise en oeuvre de la sanction.

L'indicateur portant sur la « Dépense moyenne de frais de justice par affaire faisant l'objet d'une réponse pénale », rattaché à l'objectif 4 « Maîtriser la croissance des frais de justice », constitue une base pertinente pour un suivi efficace et dans le temps de ce poste budgétaire. Il devient d'autant plus stratégique que la dynamique de ces frais repart à la hausse depuis 2009.

En 2008, cette dépense moyenne s'élevait à 211 euros. En 2009, elle se montait à 225 euros et une légère inflexion à la baisse est notée en 2010 avec une dépense de 220 euros en prévision actualisée. La prévision pour 2011 est, pour sa part, établie à 215 euros .

Votre rapporteur spécial estime toutefois que cet indicateur, portant sur la seule matière pénale, mériterait d'être complété pour couvrir l'ensemble du domaine des frais de justice . Un tel enrichissement, par l'intermédiaire de sous-indicateurs, permettrait en effet de disposer d'une vision plus complète de l'évolution de ce poste de dépense.

Enfin, l'objectif 5 « Développer la communication électronique » permet de rendre compte de la capacité de l'institution judiciaire à tirer le meilleur profit des nouvelles technologies.

Il est mesuré au travers de l'indicateur « Nombre d'utilisations de la visioconférence » portant sur les CA (3 220 en prévision actualisée pour 2010 et 3 300 en cible pour 2011) et les TGI (5 520 en prévision actualisée pour 2010 et 5 620 en cible pour 2011).

A cet égard, votre rapporteur spécial souligne que désormais toutes les CA et tous les TGI sont équipés d'un matériel de visioconférence. Ce dispositif, également implanté dans les établissements pénitentiaires, doit aussi permettre de réduire les charges de transfèrements judiciaires .


* 7 Depuis la création de la mission « Justice », le Gouvernement a pris l'engagement d'exonérer de gels budgétaires la Cour de cassation et de ne soumettre les autres juridictions de l'ordre judiciaire à ce type de mesures qu'après accord du garde des Sceaux, ministre de la justice.

* 8 Cette action s'appuie au total sur 15 ETPT de magistrats et 557 ETPT de fonctionnaires.

* 9 Le service de l'accès au droit et à la justice et de l'aide aux victimes (SADJAV) a remplacé, dans le cadre de la réorganisation des directions et des services conduite en 2008 par la Chancellerie au niveau de son administration centrale, le service de l'accès au droit et à la justice et de la politique de la ville (SADJPV).

* 10 1,2 million d'euros, principalement au titre de participations diverses aux dépenses de réception, de formation et de fonctionnement des tribunaux de commerce.

* 11 Dépenses de procédure laissées à la charge de l'Etat, selon les articles 800, R. 92 à R. 94 et R. 218 du code de procédure pénale.

* 12 Une dotation additionnelle de 2,2 millions d'euros par rapport à 2010 est nécessaire afin de mettre en cohérence les moyens alloués au niveau réel des dépenses constatées, dans le respect du dispositif de financement arrêté par convention.

* 13 Rapport spécial n° 91 (2007-2008) - tome III - annexe 16.

* 14 Ce rapport, fait à la demande du garde des Sceaux, ministre de la justice, procède à un état des lieux des lenteurs de la justice et tente d'inventorier les « verrous » qui y contribuent. Il propose des procédures et des pratiques professionnelles propres à y remédier afin de rendre la justice plus rapide et plus efficace, tout en garantissant la sécurité juridique.

* 15 Remis au garde des Sceaux, ministre de la justice, le 30 juin 2008, le rapport de la commission Guinchard fait des propositions en matière d'organisation judiciaire, d'accès à la justice, de procédure, de déjudiciarisation et d'allégement procédural.

* 16 Sénat, rapport d'information n° 478 (2004-2005).

* 17 Sénat, rapport d'information n° 216 (2005-2006).

* 18 Les principales dispositions prises dans le cadre de cette politique ont été décrite par votre rapporteur spécial dans son rapport spécial n° 78 (2006-2007) - tome III - annexe 15. Par ailleurs, un nouveau circuit de la dépense est expérimenté, depuis le 1 er janvier 2008, dans certaines cours d'appel (CA) (Nîmes, Pau, Grenoble, Versailles, Bastia, Dijon, Nancy et Aix-en-Provence). Ce circuit s'articule, notamment, autour de la mise en place de services centralisateurs dans les tribunaux de grande instance (TGI), et a pour objectif la réduction des délais de paiement, la professionnalisation des acteurs et le développement de l'assistance aux prescripteurs. Il ressort des premiers bilans de cette expérimentation une meilleure visibilité du traitement des mémoires des frais de justice et une réduction des délais de paiement. Les modalités de contrôle interne comptable doivent toutefois encore être améliorées. La réduction des délais de paiement a pour contrepartie un rythme de consommation des crédits de frais de justice plus rapide que celui des années précédentes.

* 19 Rapport spécial n° 99 (2008-2009) - tome III - annexe 16.

* 20 Décret n° 2010-1147 du 29 septembre 2010 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

* 21 Source : Chancellerie.

* 22 Coûts hors taxe.

* 23 La coexistence de deux réseaux (hospitalier et de proximité) ainsi que la prise en charge, par le ministère de la justice et des libertés, du coût de fonctionnement des structures hospitalières (qu'il ne finançait pas jusqu'alors) constituent deux facteurs d'accroissement notable du montant des frais de justice (de l'ordre de 30 millions).

* 24 Alors qu'auparavant le paiement s'effectuait à l'acte, le financement des structures dédiées à la médecine légale (dépenses de personnel et dépenses de fonctionnement) est désormais effectué sur la base de conventions passées entre le ministère de la justice et des libertés et celui de la santé. Seuls les médecins appartenant au réseau de proximité continueront d'être rémunérés à l'acte.

* 25 Cf. Sénat, rapport pour avis n° 575 (2009-2010) sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, Aymeri de Montesquiou.

* 26 A titre d'exemple, une recherche plus systématique de stupéfiants dans le cadre des contrôles routiers induit des frais de justice supplémentaires. Si l'examen salivaire est positif, il doit être confirmé par une analyse sanguine.

* 27 Audition de Véronique Malbec, responsable du programme, le 26 octobre 2010.

* 28 Il s'agit des frais postaux, de l'indemnisation des victimes, de celles ayant bénéficié d'une décision de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement, ainsi que des frais liés aux révisions et erreurs judiciaires. On peut se demander si ces dépenses sont vraiment de même nature que celles liées aux procédures civiles et pénales (enquêtes...) et si elles ne devraient pas être disjointes de ces frais de justice, qui font l'objet d'une problématique particulière.

* 29 Initialement il était prévu la suppression de 23 TGI, et non 22. Mais, par sa décision du 19 février 2010 « Ordre des avocats du barreau de Moulins - Commune de Moulins », le Conseil d'Etat a annulé le décret n° 2008-110 du 30 octobre 2008 supprimant le TGI de Moulins.

* 30 Au total, 23 barreaux sont concernés par la réforme de la carte judiciaire, regroupant 510 avocats. Compte tenu de l'absence de dépenses en 2009 et d'un faible niveau de dépenses prévu en 2010 (0,3 million d'euros), un montant de 8 millions d'euros abonde l'action 6 « Soutien » du programme « Justice judiciaire ».

* 31 Rapport spécial n° 91 (2007-2008) - tome III - annexe 16.

* 32 Décret n° 2004-161 du 18 février 2004.

* 33 Sénat, rapport d'information n° 38 (2009-2010).

* 34 Texte adopté par l'Assemblée nationale le 6 octobre 2010.

* 35 Texte adopté par le Sénat le 22 décembre 2009.

* 36 Texte adopté par l'Assemblée nationale le 13 octobre 2010.

* 37 Cf. notamment, rapport n° 158 (2009-2010) sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009, tome I, Philippe Marini.

* 38 Les offices d'avoués comptent plus de 1 800 salariés.

* 39 L'évolution de la cible pour la Cour de cassation tient compte de l'impact prévisible de la réforme sur la question préalable de constitutionnalité (QPC), qui introduit pour le justiciable la possibilité d'un recours en constitutionnalité devant la Cour de cassation puis, le cas échéant, devant le Conseil constitutionnel. Ces recours sont synonymes d'un rallongement des durées de traitement des procédures pénales.

* 40 Expérimentaux dans huit juridictions en 2004, ils ont été généralisés à compter du 1 er janvier 2007.