M. Roland du Luart, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 107 « ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE »

- En 2011, les efforts en faveur de ce programme se poursuivront. L'administration pénitentiaire verra ainsi ses autorisations d'engagement progresser de 6,8 % et ses crédits de paiement de 4,5 % .

- Le programme « Administration pénitentiaire » enregistrera un gain net de 413 emplois supplémentaires en 2011, pour un plafond d'emplois établi à 34 857 ETPT. Cette augmentation des effectifs permettra notamment de répondre aux besoins en personnel liés à l'ouverture de nouvelles places en détention au cours de l'exercice.

- Concernant la surpopulation carcérale, la préoccupation majeure consiste dans les six établissements dont la densité reste supérieure à 200 % et qui accueillent 1 009 détenus.

- Le nombre de créations nettes de places en détention en 2011 se montera à 1 139 , les efforts d'investissement réalisés au cours des derniers exercices commençant à porter leurs fruits depuis 2008.

- Outre la construction et la rénovation d'établissements pénitentiaires, l'accent mis sur le développement des aménagements de peine et des alternatives à l'incarcération depuis plusieurs années explique également l'amélioration du taux d'occupation des établissements .

- A compter du 1 er janvier 2011, la responsabilité des transfèrements des détenus (en dehors des détenus signalés particulièrement dangereux) entre leur cellule et les palais de justice ainsi que des missions d'escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les UHSI sera transférée au ministère de la justice et des libertés . Cette nouvelle mission nécessitera une politique de formation spécifique et l'achat d'équipements spécialisés pour les personnels de l'administration pénitentiaire.

- En matière de prise en charge des cas de psychiatrie en milieu carcéral, votre rapporteur spécial insiste sur l'insuffisance globale des moyens, notamment du nombre des psychiatres intervenant en établissement pénitentiaire.

III. LE PROGRAMME 107 « ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE »

A. UN PROGRAMME AXÉ SUR L'EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE ET LA RÉINSERTION

Le programme 107 « Administration pénitentiaire » contient les moyens destinés à l'exécution des décisions de justice en matière pénale à l'égard des personnes placées sous main de justice, en milieu ouvert ou en milieu fermé. Il concerne aussi la réinsertion sociale des détenus (préparation à leur sortie, puis mesures de suivi, en collaboration avec des partenaires publics ou associatifs).

L'action 1 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » contient essentiellement des crédits de personnel et d'équipement, destinés à la garde des détenus et à la mise en oeuvre des mesures de suivi judiciaire à l'égard de personnes ayant fait l'objet de mesures alternatives à la poursuite. Les moyens figurant dans cette action concernent en particulier la construction, la rénovation et la sécurisation des établissements pénitentiaires 41 ( * ) , ainsi que le placement sous surveillance électronique (PSE) et le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM), le placement extérieur 42 ( * ) et la semi-liberté.

La population détenue en France présente un taux de 94,2 pour 100 000 habitants , soit un niveau supérieur à celui de l'Allemagne par exemple (78,4) mais très inférieur à celui du Royaume Uni (152,8) 43 ( * ) .

L'action 2 « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » concerne les prestations d'entretien au quotidien (alimentation, habillement, couchage, hygiène...), ainsi que les soins et les mesures prises pour le maintien des liens familiaux.

Les dépenses d'entretien des détenus sont engagées, soit en régie, soit en gestion mixte (notamment pour la restauration ou l'hôtellerie).

Cette action porte également sur le travail pénitentiaire ainsi que les activités d'enseignement et de formation.

Malgré un contexte économique difficile, le nombre moyen des personnes écrouées exerçant une activité rémunérée n'a que peu reculé entre 2008 (22 367) et 2009 (22 249). Alors que ces détenus représentaient 35,7 % des personnes écrouées, ils devraient constituer 36,4 % de cette population en 2010 et 37 % en prévision pour 2011. Les actifs écroués sont répartis entre la production 44 ( * ) , le service général et la formation professionnelle.

L'action 4 « Soutien et formation » regroupe les personnels et les moyens de fonctionnement de l'administration centrale, des directions régionales de l'administration pénitentiaire, des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), ainsi que de l'école nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP).

En outre, elle couvre les dépenses relatives au développement du réseau informatique de l'administration pénitentiaire ainsi qu'à la formation de ses personnels.

B. LE POIDS DE L'ACTION « GARDE ET CONTRÔLE DES PERSONNES PLACÉES SOUS MAIN DE JUSTICE » : 58,3 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT

Plus de la moitié (58,3 %) des moyens du présent programme est concentré sur l'action 1 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice ».

L'action 4 « Soutien et formation » est ventilée entre les deux premières actions du programme « Administration pénitentiaire ».

Crédits de paiement par action

(en millions d'euros)

Source : d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

L'ENAP , opérateur du programme, est financée par une subvention pour charges de service public s'imputant sur l'action 4 « Soutien et formation ». Le montant de cette subvention s'élève à 28,2 millions d'euros. En 2010, l'école aura formé 6 569 agents, tant en formation initiale (3 785) qu'en formation continue (2 784). Elle devrait en former 7 150 en 2011, continuant d'assumer la montée en charge des effectifs du programme.

C. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT : 4,5 %

En 2011, les efforts en faveur de ce programme se poursuivront. L'administration pénitentiaire verra ainsi ses autorisations d'engagement progresser de 6,8 % et ses crédits de paiement de 4,5 % .

Les crédits en personnel (titre 2) augmentent de 101,7 millions d'euros, soit + 6 % 45 ( * ) .

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) croissent, pour leur part, de 44 millions d'euros en crédits de paiement, soit + 7,2 % .

L'augmentation de ces dépenses est notamment liée à l'ouverture de nouveaux établissements construits en autorisation d'occupation temporaire - location avec option d'achat (AOT-LOA), dont le fonctionnement (c'est-à-dire l'entretien des détenus) est confié à des prestataires privés dans le cadre de contrats multi-services. Sept établissements ont été livrés en 2009 (Roanne, Lyon Corbas, Nancy, Béziers, Poitiers, Le Havre et Le Mans) et quatre autres en 2010 (Mont de Marsan, Saint Denis de la Réunion, Bourg en Bresse et Rennes).

En 2011, les loyers des établissements construits en partenariats public-privé (PPP) s'élèveront à 56,6 millions d'euros (dépenses relatives à l'entretien, la maintenance, la fiscalité locale, les frais financiers et les fluides), soit une augmentation de 21 millions d'euros par rapport à 2010. Ces crédits supplémentaires permettront de couvrir la mise en service de deux nouveaux établissements pénitentiaires (à Réau 46 ( * ) et Lille-Annoeullin).

Par ailleurs, le montant des crédits affectés à l'entretien des détenus passe de 38,6 millions d'euros à 42,8 millions, ce qui permet l'externalisation de la cuisine-relais de Fresnes.

Après une forte augmentation en 2010 (+ 31,2 %), les crédits d'investissements (titre 5) reculent, pour leur part, de 28 millions d'euros, soit - 9,4 % .

Cette diminution concerne essentiellement les dépenses immobilières du programme et la partie des loyers des opérations montées en PPP inscrite sur le titre 5 (coût d'investissement, part consacrée au gros entretien et au renouvellement de la maintenance).

Les crédits d'intervention (titre 6) , enregistrent, pour leur part, une augmentation de 3,4 %, en passant de 84,5 millions d'euros en 2010 à 87,4 millions d'euros en 2011. Ils bénéficient majoritairement (71,2 millions d'euros) à l'action 2 « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » et sont consacrés à des transferts à la sécurité sociale à hauteur de 69,2 millions d'euros 47 ( * ) .

D. LES EFFECTIFS : 34 857 ETPT DONT 25 325 ETPT CONSACRÉS AU PERSONNEL DE SURVEILLANCE

Après une hausse de 772 ETPT en 2008, de 894 ETPT en 2009 et de 840 ETPT en 2010, le programme « Administration pénitentiaire » connaît un nouvel accroissement de son plafond d'emploi de 997 ETPT. Ce plafond s'établit à 34 857 ETPT .

Cette évolution résulte de l'extension en année pleine des nouveaux emplois pourvus en 2010 (418 ETPT) , de la création de 207 ETPT au titre des créations d'emploi en 2011, de 3 ETPT transférés vers d'autres programmes et d'une correction technique dans le mode de décompte des agents non titulaires non indicés dans Chorus (375 ETPT).

Au total, il faut souligner que le programme « Administration pénitentiaire » enregistrera un gain net de 413 emplois supplémentaires au terme de l'exercice 2011 .

Cette augmentation des effectifs permet notamment de répondre aux besoins en personnel liés à l'ouverture de nouvelles places en détention au cours de l'exercice .

Le personnel de surveillance (catégorie C) constitue l'essentiel des effectifs avec 25 325 ETPT, en hausse de 729 ETPT.

Les métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif sont dotés, pour leur part, de 4 090 ETPT (+ 114 ETPT).

E. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI PÉNITENTIAIRE

La loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 dite « loi pénitentiaire » emporte des conséquences importantes sur les services pénitentiaires, leurs missions et leur organisation , tant en milieu fermé qu'en milieu ouvert. Avec elle, l'amélioration de la condition des personnes détenues devient un objectif encore plus prioritaire.

Trois mesures liées à la mise en oeuvre de cette loi auront des répercussions directes sur les crédits de fonctionnement du programme en 2011.

Tout d'abord, la montée en charge prévue du PSE et l'assouplissement de ses conditions d'octroi (en particulier avec la mise en place du PSE en fin de peine) s'appuie sur un budget de 19 millions d'euros . Ces crédits doivent permettre le financement de plus de 9 900 bracelets électroniques en moyenne sur l'année.

En outre, la montée en charge des placements extérieurs dans le cadre du développement des aménagements de peine nécessite l'ouverture de crédits à hauteur de 5 millions d'euros .

Enfin, 4,8 millions d'euros sont destinés au financement de la lutte contre l'indigence . Ils correspondent au versement d'une aide en numéraire aux détenus déclarés comme indigents.

La loi pénitentiaire pose le principe de l'encellulement individuel en son article 87 48 ( * ) . L'application de ce principe ne manquera pas d'avoir une incidence, dans les années à venir, sur les programmes de construction et de rénovation d'établissements pénitentiaires. Votre rapporteur spécial considère néanmoins que ce principe doit pouvoir comporter des aménagements : l'encellulement individuel présente en effet également un risque d'isolement des détenus psychologiquement préjudiciable .

Aussi, votre rapporteur spécial estime-t-il important, pour l'avenir, de préserver un certain pourcentage de « cellules doubles » afin de pouvoir répondre aux demandes de détenus ne souhaitant pas se retrouver seul en cellule. Actuellement, les nouveaux programmes immobiliers pénitentiaires prévoient d'ailleurs une proportion de 20 % de « cellules doubles », ce qui paraît un équilibre souhaitable .

F. UNE PRESSION MOINS FORTE SUR LES CAPACITÉS D'ACCUEIL DES ÉTABLISSEMENTS PÉNITENTIAIRES

1. Un taux de surpopulation carcérale à la baisse mais encore de 110,1 %

Depuis plusieurs années, votre rapporteur spécial dénonce sans discontinuer les conditions de détention parfois inhumaines dans les prisons françaises, du fait de leur vétusté et d'un taux de surpopulation carcérale élevé. Or, les conditions mêmes de détention, notamment la promiscuité, peuvent être un facteur de « contagion » de la délinquance, contraire à l'objectif premier de la peine, à savoir l'amendement du condamné 49 ( * ) .

Au regard de cette situation, l'année 2010 confirme l'amorce d'amélioration constatée en 2009 . Ainsi, alors que l'exercice 2008 s'était caractérisé par un niveau de surpopulation historique (126,5 % au 1 er juillet 2008), le taux d'occupation a été ramené à 110,1 % au 1 er juillet 2010 . Au total, à cette date, 62 113 personnes étaient écrouées et détenues pour 56 419 places opérationnelles.

La préoccupation majeure demeure, dans cette perspective, les six établissements (Gagny, Majicavo, Tours, Orléans, La Roche-sur-Yon et Fontenay le Comte) dont la densité reste supérieure à 200 % et qui concernent encore 1 009 détenus.

2. Le programme de rénovation et de construction d'établissements commence à porter ses fruits

Parmi les éléments d'explication de la baisse du taux d'occupation moyen des établissements, le programme ambitieux visant à la modernisation du parc immobilier de l'administration pénitentiaire au travers de la création de 13 200 places supplémentaires de détention joue un rôle déterminant .

Initié par la LOPJ, ce programme comporte 10 800 places réservées à la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires et 2 400 places dédiées à l'application de nouveaux concepts pénitentiaires adaptés à la diversité de la population pénale, en particulier pour éviter le risque de « contamination par la promiscuité » (2 000 pour les détenus majeurs et 400 dans les structures exclusivement réservées aux mineurs).

Comme l'indique le tableau ci-dessous, les efforts consentis au titre de l'investissement pénitentiaire ont essentiellement commencé à produire leurs effets à partir de 2008 . Au cours de cette année, en effet, ont commencé à être ouvertes les premières grandes tranches du programme immobilier de l'administration pénitentiaire (établissements pénitentiaires pour mineurs, centre pénitentiaire de Mont de Marsan et centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion, notamment). Dans la continuité, l'année 2009 a connu de nouvelles livraisons (Roanne, Lyon Corbas, Nancy, Béziers, Poitiers, Le Havre et Le Mans) et a perçu les dividendes de ce programme en termes de baisse du taux d'occupation et d'amélioration des conditions de détention.

Les créations de places en établissements pénitentiaires sur la période 2004 - 2013

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Programme 13 200

0

0

0

210

1 437

3 562

2 471

1 776

1 157

450

Autres opérations

584

531

427

87

402

405

448

219

497

50

Orléans Saran

752

Création brute de places

584

531

427

297

1 839

3 967

2 919

1 995

1 654

1 252

Fermetures de places

0

0

0

0

207

795

687

856

433

217

Création nette de places

584

531

427

297

1 632

3 172

2 232

1 139

1 221

1 035

Source : Chancellerie

Parmi les principales opérations , la mise en service des nouveaux établissements de Poitiers (centre pénitentiaire de 562 places) est intervenue en octobre 2009, celle de la maison d'arrêt du Mans (401 places) en janvier 2010 et celle du Havre (centre pénitentiaire de 690 places) en avril 2010.

Un nouveau lot, en PPP, comprend la construction des centres pénitentiaires de Lille-Annoeullin (688 places) et de Réau (798 places) ainsi que les maisons d'arrêt de Nantes (570 places) et Rodez (100 places). Les ouvertures sont respectivement prévues en juin 2011, mai 2012, octobre 2011 et courant 2012.

Par ailleurs, le programme dit « 13 200 » prévoit la réalisation de deux maisons centrales . La première, d'une capacité de 238 places, sera réalisée à Vendin-le-Vieil 50 ( * ) . La deuxième, d'une capacité de 249 places, sera située à Condé-sur-Sarthe 51 ( * ) . Les travaux ont débuté au troisième trimestre de l'année 2010 et la livraison des deux sites est prévue en 2012. Concernant le futur centre pénitentiaire d'Orléans Saran (752 places), la mise en service est prévue à la fin de l'année 2013.

Alors que le programme dit « 13 200 » s'est déroulé sans retards majeurs, un nouveau plan de création de 11 000 places est d'ores et déjà projeté. Ce plan s'inscrit dans le prolongement de la réflexion conduite dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP) et consiste à se fixer pour objectif la fermeture des établissements les plus anciens, dont la date de construction est antérieure à 1900.

Enfin, le Président de la République a annoncé, devant le Congrès réuni à Versailles le 22 juin 2009, la création de 5 000 places nouvelles , venant s'ajouter aux 11 000 déjà prévues. Parmi ces créations, environ 1 000 à 1 200 places résulteront de la rénovation de la prison de la Santé sur son site actuel, cette livraison étant prévue pour 2015.

Même si les résultats en termes de condition de détention restent à affermir, votre rapporteur spécial tient à souligner l'effort prospectif et d'anticipation mené dans le domaine de la création de places au sein des établissements pénitentiaires .

3. Les autres facteurs explicatifs de l'amélioration de la situation

Si l'ambitieux programme pénitentiaire explique une bonne part de la pression à la baisse sur les capacités d'accueil des établissements, d'autres facteurs jouent également un rôle important dans ce début de renversement de tendance .

Parmi ces facteurs explicatifs, la politique pénale occupe une place essentielle. Une analyse détaillée de la catégorie pénale est à cet égard instructive. La population des détenus condamnés a ainsi connu une hausse de 16 % entre janvier 2007 et janvier 2009, mais a reculé de 1,6 % entre janvier 2009 et janvier 2010. Dans le même temps, les effectifs de prévenus ont régulièrement baissé au cours des dernières années : - 22 % entre janvier 2006 et janvier 2010. La part des prévenus dans la population carcérale est ainsi passée de 35 % à 25 % entre le 1 er janvier 2006 et 2010.

Ces évolutions contrastées ne sont pas sans conséquence sur le taux de population des différentes catégories d'établissements pénitentiaires (maison d'arrêt, centre pénitentiaire...).

Par ailleurs, la relative stabilisation du nombre de personnes détenues est également liée à l'évolution des aménagements de peines au cours des dernières années. Le nombre moyen annuel de condamnés bénéficiaires d'une mesure d'aménagement de peine a doublé entre 2006 et 2009. Cette évolution est majoritairement due aux personnes placées sous surveillance électronique, qui ont plus que triplé sur la période. Au 1 er août 2010, on comptait ainsi 5 718 placements en cours. Les personnes placées à l'extérieur et en régime de semi-liberté connaissent, en revanche, une augmentation plus modérée.

La loi pénitentiaire précitée prévoit d'ailleurs le placement sous surveillance électronique (PSE), de manière systématique, pour toute personne incarcérée initialement condamnée à une peine inférieure ou égale à cinq ans et dont le reliquat de peine est inférieur à quatre mois (sauf impossibilité matérielle, refus du condamné, incompatibilité entre la personnalité du condamné et la nature de la mesure ou risque de récidive). L'objectif de cette disposition est de permettre le PSE de personnes détenues et n'ayant pas construit en détention de projet préalable d'insertion. Elle vise à faire bénéficier d'un aménagement en fin de peine un nouveau type de public qui aurait été définitivement libéré sans accompagnement.

Votre rapporteur spécial souligne en outre que le coût journalier du PSE est de 11,89 euros (hors dépenses de personnel), contre 87 euros pour une journée de détention .

G. UNE AVANCÉE MAJEURE EN MATIÈRE DE TRANSFÈREMENTS : LE TRANSFERT DE CETTE MISSION À L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

La question du transfèrement des détenus figure parmi les sujets récurrents de la mission « Justice » depuis plusieurs années. Compliquée dans son appréhension et délicate dans les réponses pouvant y être apportées, elle fait cependant l'objet d'une avancée décisive en vue du prochain exercice budgétaire.

1. Jusqu'en 2010, une répartition complexe des tâches

Jusqu'en 2010, les principales règles de répartition des compétences en matière d'escortes et de gardes des détenus étaient complexes et, au final, elles faisaient peser une charge importante sur la police et la gendarmerie .

Les transfèrements administratifs , qui consistent en la conduite d'un détenu d'un établissement pénitentiaire à un autre, étaient réalisés par l'administration pénitentiaire . Dans des cas exceptionnels, lorsqu'un détenu était réputé dangereux, le concours des forces de l'ordre (police ou gendarmerie) pouvait être sollicité.

Les extractions consistent à conduire les détenus de l'établissement dans lequel ils sont incarcérés jusqu'au palais de justice où ils doivent être présentés ou comparaître, et à en assurer la garde.

Les translations judiciaires sont effectuées à la demande de l'autorité judiciaire. Elles résident dans le transfert des détenus d'un établissement pénitentiaire vers un autre.

Les extractions et les translations judiciaires étaient intégralement assurées par la police et la gendarmerie .

Le conseil de sécurité intérieur du 6 décembre 1999 avait, par ailleurs, décidé la prise en charge à 100 % par l'administration pénitentiaire des escortes médicales pour consultations . A l'instar des transfèrements administratifs, le concours des forces de l'ordre pouvait être sollicité lorsque le détenu extrait était réputé dangereux.

Enfin, le transport des détenus pour une hospitalisation devait être assuré par les forces de l'ordre (circulaire interministérielle du 8 avril 1963). La garde des détenus hospitalisés incombait, elle aussi, aux forces de l'ordre. Il convient, à cet égard, de noter que la création des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) avait entraîné, depuis 2000, une augmentation significative des transfèrements et des extractions.

2. Les premières avancées dans le cadre de la RGPP

Dans le cadre de la RGPP, une première avancée notable a eu lieu avec un objectif incombant à la Chancellerie de réduction du nombre de transfèrements de détenus .

Il a ainsi été décidé de mettre en place un mécanisme incitatif, basé sur une cible de réduction de 5 % du volume des transfèrements en 2009 et 2010. En cas de dépassement, des transferts budgétaires se font de la mission « Sécurité » vers la mission « Justice », et inversement en cas de sous-réalisation.

Pour 2009 et en application de cette convention, la mission « Sécurité » a versé 427 476 euros au programme 166 « Justice judiciaire » de la mission « Justice » , le ministère de la justice et des libertés ayant obtenu une baisse de 6,4 % du volume des transfèrements.

Le dispositif instauré paraissait ainsi suffisamment incitatif pour susciter une prise de conscience quant à la nécessité de réduire le nombre de transfèrements.

3. Le transfert au ministère de la justice de la responsabilité de certains transfèrements à partir de 2011

A compter du 1 er janvier 2011, la responsabilité des transfèrements des détenus entre leur cellule et les palais de justice ainsi que des missions d'escorte 52 ( * ) et de garde des détenus hospitalisés dans les UHSI sera transférée au ministère de la justice et des libertés .

Les transfèrements représentent un volume annuel de 1 200 gendarmes et policiers. Aussi, 800 emplois supplémentaires seront accordés à la Chancellerie entre 2011 et 2013 . L'escorte et la garde des détenus en UHSI représentent un volume annuel de 86 gendarmes et policiers.

Votre rapporteur spécial sera particulièrement attentif à la mise en oeuvre de cette décision majeure, et notamment aux conditions de transfert des emplois entre les missions « Justice » et « Sécurité » .

Il rappelle, en outre, que cette nouvelle mission nécessitera une politique de formation spécifique et l'achat d'équipements spécialisés pour les personnels de l'administration pénitentiaire .

Une expérimentation est prévue sur deux régions administratives au cours du premier semestre 2011.

4. Les marges de progrès encore envisageables

En dehors des transfèrements et des gardes de détenus hospitalisés, les forces de sécurité réalisent également des présentations aux fins de prolongation et les déferrements de personnes gardées à vue .

Cette mission, prolongement naturel de l'enquête judiciaire, peut encore être rationalisée :

- en limitant le nombre de déferrements grâce à la dématérialisation des procédures (une expérimentation menée avec la gendarmerie est d'ailleurs en cours) ;

- en recourant à la visioconférence pour la présentation du gardé à vue en cas de prolongement 53 ( * ) . L'expérimentation, mise en place depuis le 1 er octobre 2007 en concertation avec la Chancellerie, est toujours en cours sur huit sites. Entre le 1 er octobre 2008 et le 31 juillet 2009, le gain est évalué à 1 657 heures fonctionnaires pour 522 prolongations de garde à vue.

H. LA PRISE EN CHARGE DÉFAILLANTE DES CAS DE PSYCHIATRIE EN MILIEU CARCÉRAL

La prise en compte de la santé mentale des détenus représente une préoccupation constante de votre rapporteur spécial depuis plusieurs années, dès lors que la proportion de personnes présentant des troubles mentaux est très importante en milieu carcéral et qu'elle a un impact considérable en termes de gestion des établissements pénitentiaires.

1. L'organisation des soins psychiatriques aux détenus

Les soins psychiatriques aux personnes détenues relèvent du ministère chargé de la santé , selon les modalités suivantes :

- depuis la parution du décret n° 86-602 du 14 mars 1986 relatif à la lutte contre les maladies mentales et à l'organisation de la sectorisation psychiatrique, le dispositif de soins psychiatriques en milieu pénitentiaire est confié au service public hospitalier ;

- depuis la promulgation de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, l'organisation et la mise en oeuvre de la prise en charge sanitaire des personnes détenues sont transférées au service public hospitalier .

Les personnes détenues souffrant de troubles mentaux sont ainsi prises en charge médicalement tant pour les soins ambulatoires que dans les cas d'hospitalisation complète.

Pour les soins ambulatoires , la responsabilité en revient au secteur psychiatrique hospitalier dont dépend l'unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) implantée dans chaque établissement pénitentiaire. Elle peut aussi incomber au service médico-psychologique régional (SMPR) spécialisé dans la psychiatrie et ayant une vocation de coordonnateur au sein de la région pénitentiaire. Ainsi, 26 SMPR sont situés dans l'enceinte d'un établissement pénitentiaire.

S'agissant des soins en hospitalisation complète , la charge pèse sur le SMPR, si les soins sont apportés avec le consentement du malade. En l'absence de son consentement, il est procédé à une hospitalisation d'office, toujours en milieu hospitalier, soit par le secteur psychiatrique habilité de l'hôpital de rattachement, soit en unité pour malades difficiles (UMD).

En application des dispositions de la loi précitée du 18 janvier 1994, la prise en charge des soins aux personnes détenues est de la compétence exclusive du ministère de la santé et les crédits dédiés à la prise en charge des soins aux personnes détenues relèvent de l'assurance maladie .

2. Les insuffisances du dispositif

Même si ce dispositif a considérablement amélioré la prise en compte des pathologies et troubles mentaux, il se révèle encore insuffisant du fait de l'ampleur des besoins en prison .

Le système aujourd'hui en place souffre de la possibilité réduite des SMPR d'accueillir les patients en hospitalisation complète , du fait du défaut de présence sanitaire, ainsi que des difficultés d'accès aux établissements pénitentiaires durant la nuit.

En outre, les établissements de santé sont souvent réticents à recevoir des personnes détenues en hospitalisation d'office en l'absence de garde statique par les forces de l'ordre.

Par ailleurs, un écueil réside dans l'absence de possibilité d'hospitalisation à la demande d'un tiers s'agissant des personnes détenues nécessitant des soins psychiatriques en hospitalisation complète mais ne remplissant pas les critères d'une hospitalisation d'office.

D'une façon plus générale, l'évolution des méthodes en psychiatrie a consacré les services ouverts au détriment des services fermés, rendant plus difficile l'accueil des personnes détenues au regard de la sécurité et des risques d'évasion notamment. Cela conduit souvent à des séjours plus courts et à un confinement de fait en chambre d'isolement, ce qui n'est pas sans affecter la qualité des soins.

Enfin, votre rapporteur spécial insiste sur l'insuffisance globale des moyens, notamment du nombre des psychiatres intervenant en établissement pénitentiaire .

3. La recherche de voies d'amélioration

La loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice a prévu la mise en place d' unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) pour l'hospitalisation complète des personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Les UHSA ont vocation à améliorer ainsi l'offre d'accès aux soins au bénéfice de ces patients détenus. Ils représentent le chaînon nécessaire dans la prise en charge entre les SMPR et les UMD .

Il est ainsi mis fin à l'hospitalisation (complète) en SMPR , et toute personne détenue atteinte de troubles mentaux nécessitant une hospitalisation complète sera hospitalisée dans les UHSA, avec ou sans son consentement.

Le programme prévu d'implantation des UHSA comporte deux tranches. La première tranche, d'une capacité de 440 places sur 9 sites , doit être réalisée d'ici à 2012. La première UHSA a été ouverte à Lyon en mai 2010 .

Votre rapporteur spécial déplore toutefois un certain retard dans la mise en oeuvre du programme de livraison des UHSA , dans la mesure où il avait été initialement prévu l'ouverture de deux unités en 2010.

Les lieux d'implantation sont indiqués dans le tableau suivant.

Sites des unités hospitalières
spécialement aménagées (UHSA)

Ville

Capacité

Villejuif

60

Marseille

60

Lille

60

Orléans

40

Lyon

60

Toulouse

40

Nancy

40

Bordeaux

40

Rennes

40

Ensemble

440

Source : Chancellerie

La seconde tranche, comportant 265 places sur 8 sites , sera réalisée à partir de 2012.

Le montant des travaux pris en charge par l'assurance maladie dans ce cadre est d'environ 130 millions d'euros (hors coûts de sécurisation).

Par ailleurs, dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi n° 2007-1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, la Chancellerie et le ministère de la santé travaille à la finalisation d'un protocole visant à renforcer les effectifs des équipes psychiatriques intervenant dans les établissements pénitentiaires et plus particulièrement les établissements pour peine accueillant un nombre important de personnes condamnées pour des faits de nature sexuelle.

Enfin, dans le programme de construction de nouveaux établissements pénitentiaires, il est prévu des locaux médicaux spécialement dédiés aux consultations psychiatriques ou psychologiques ainsi que des salles d'activités afin de permettre une prise en charge thérapeutique collective par le biais d'ateliers.

Votre rapporteur spécial insiste sur l'urgence des réponses à apporter à la prise en charge des détenus souffrant de troubles psychiatriques (troubles de la personnalité et troubles psychotiques), dès lors qu'ils représentent entre 20 % et 25 % de la population actuellement détenue .

I. UNE MESURE DE LA PERFORMANCE : DEUX NOUVEAUX INDICATEURS RELATIFS AUX CONDITIONS DE DÉTENTION

En 2011, le volet « performance » du programme « Administration pénitentiaire » poursuivra le processus d'adaptation qui le caractérise depuis l'entrée en vigueur de la LOLF.

Deux nouveaux indicateurs relatifs aux conditions de détention font ainsi leur apparition.

L'indicateur 2.3 « Nombre de détenus par cellule » renvoie au principe de l'encellulement individuel en rapportant chaque année le nombre de détenus au nombre de cellules en service. Ce taux était de 1,3 en 2009 avec une prévision actualisée pour 2010 de 1,26. Arrêtée à 1,21, la prévision pour 2011 traduit les effets positifs attendus du programme pénitentiaire immobilier.

L'indicateur 4.3 « Taux d'établissements pénitentiaires labellisés dans le cadre du processus de « prise en charge et d'accompagnement des personnes détenues » » porte sur la mise en oeuvre d'une trentaine de règles pénitentiaires européennes (régularité des formalités d'écrou accueil, installation dans des locaux dédiés à l'accueil, présence d'un personnel formé, mise en oeuvre d'une procédure d'accueil formalisée, mise en oeuvre de la téléphonie, ouverture d'un cahier électronique de liaison pour chaque personne détenue...). Il revêt un caractère qualitatif permettant de mesurer la performance des établissements pénitentiaires. Ce taux était de 14,5 % en 2009, mais la prévision actualisée pour 2010 témoigne d'un effort conséquent en matière de labellisation de la part de l'administration pénitentiaire puisque le ratio atteint 56,6 % (avec une cible de 83,7 % en 2011).

Il convient de rappeler que la loi pénitentiaire précitée garanti les règles pénitentiaires européennes comme le principe de l'encellulement individuel. La création de ces deux indicateurs s'inscrit donc dans le prolongement de la mise en oeuvre des dispositions législatives s'imposant à l'administration pénitentiaire. En ce sens, ces deux nouveaux indicateurs complètent utilement le dispositif d'évaluation de l'axe stratégique relatif à l'amélioration des conditions de vie en détention.

Par ailleurs, l'administration pénitentiaire a enrichi l'indicateur 2.1 relatif au taux d'occupation (moyen annuel) des places spécialisées d'un sous-indicateur rendant compte du taux d'occupation des places en établissements pour mineurs (EPM) . Cet ajout permet effectivement d'assurer une meilleure vision d'ensemble sur cette problématique.


* 41 La poursuite du programme de construction et de rénovation des établissements pénitentiaires fera l'objet de développements particuliers (Cf. infra, partie III-F).

* 42 La dotation consacrée aux développements des aménagements de peine et aux alternatives à l'incarcération (PSE, PSEM et placements à l'extérieur) s'élève, en 2011, à 24,5 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

* 43 Source : statistiques pénales annuelles du Conseil de l'Europe.

* 44 Au sein des ateliers de la régie industrielle des établissements pénitentiaires. A son sujet, voir le rapport d'information de notre ancien collègue Paul Loridant « Prisons : le travail à la peine » - contrôle budgétaire de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) : document Sénat n° 330 (2001-2002).

* 45 Cf. infra partie D pour plus de développements sur les effectifs du programme.

* 46 Seine-et-Marne.

* 47 L'Etat doit s'acquitter auprès de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), pour chaque détenu, d'une cotisation calculée sur la base du plafond de la sécurité sociale fixé l'année précédente par décret (en application de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale).

* 48 Cet article prévoit que : « Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants :

1° Si les intéressés en font la demande ;

2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls ;

3° S'ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent.

Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placés en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des personnes détenues qui y sont hébergées. Celles-ci doivent être aptes à cohabiter. Leur sécurité et leur dignité doivent être assurées. »

* 49 Voir le rapport de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires : « Prisons : une humiliation pour la République ». Document Sénat n° 449 (1999-2000).

* 50 Pas-de-Calais.

* 51 Orne.

* 52 Hors le cas des détenus signalés dangereux.

* 53 Dans cette perspective, votre rapporteur spécial rappelle que l'article 706-71 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 dite « loi Perben II », autorise l'usage de la visioconférence en matière pénale pour l'audition ou l'interrogatoire de personnes en cours d'enquête ou d'instruction. La visioconférence peut aussi être utilisée avant la prolongation d'une garde à vue, lorsque la présentation de la personne devant le magistrat est obligatoire. La visioconférence est enfin possible dans le cadre de l'examen d'un contentieux en matière de détention provisoire, dans certaines conditions limitativement énumérées par le texte.