M. Roland du Luart, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 182 « PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE »

- Depuis 2009, le programme « Protection judiciaire de la jeunesse » (PJJ) privilégie la prise en charge des mineurs délinquants .

- L'année 2011 représente une année charnière pour la PJJ. En effet, conçu sur quatre ans (2008-2011), son projet stratégique national (PSN) va toucher à son terme.

- Le programme comporte 757,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 757,9 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse respectivement de 1,6 % et de 2,1 % .

- Il enregistrera la perte de 140 ETPT , son plafond d'emploi baissant à 8 501 ETPT.

- La performance du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est difficile à appréhender , dans la mesure où elle dépend aussi de plusieurs variables qui lui sont, au moins en partie, extérieures.

- Le coût d'une journée en centre éducatif fermé (CEF) est de 625 euros en prévision actualisée pour 2010. Ce coût relativement élevé doit, toutefois, être remis en perspective au regard de la montée en charge progressive de ce dispositif et des charges fixes relativement importantes engendrées initialement par ces structures d'accueil. Ces charges ont vocation à être étalées à mesure de l'approche du régime de croisière de ce programme de création de CEF.

- Les taux d'occupation des établissements sont en progrès. Ainsi, ce taux est-il passé de 86 % pour les centres éducatifs renforcés (CER) en 2009, à 88 % en prévision actualisée pour 2010, avec une cible de 90 % en 2011.

- 70 % des jeunes pris en charge au pénal n'ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année qui a suivi la clôture de la mesure .

IV. LE PROGRAMME 182  « PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE »

A. L'INTERACTION AVEC D'AUTRES ACTEURS

La direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) est chargée de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs et de la concertation entre les institutions intervenant à ce titre, notamment les conseils généraux. Elle conçoit les normes et les cadres d'organisation de la justice des mineurs. Elle garantit, directement ou par les associations qu'elle habilite et finance, une aide aux décisions de l'autorité judiciaire. Enfin, elle assure, directement dans les services et établissements de l'Etat ou dans les établissements associatifs qu'elle habilite et finance, la prise en charge de mineurs délinquants sous main de justice.

L'action 1 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs délinquants » concerne la mise en oeuvre des mesures éducatives intervenues dans le cadre d'une décision pénale se rapportant à des mineurs. Ces mesures sont financées par l'Etat à 100 %, dans les secteurs public et associatif. Cette action inclut également les interventions auprès des mineurs incarcérés.

L'action 3 « Soutien » concerne la fonction support du présent programme.

L'action 4 « Formation (Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse) » se rapporte à la formation assurée par l'Ecole nationale de protection judiciaire de la jeunesse (ENPJJ) ainsi qu'à celle dispensée par les neufs pôles territoriaux de formation à vocation interrégionale. Délocalisée à Roubaix, l'ENPJJ remplace, depuis le 1 er septembre 2008, le Centre national de formation et d'études (CNFE).

L'action 5 « Aide à la décision des magistrats : mineurs délinquants et mineurs en danger » représente, en 2011, une nouveauté . Elle renvoie aux mesures d'investigation conduites sur ordonnance des magistrats par la DPJJ. Ces mesures visent à fournir des éléments d'information et d'analyse afin d'adapter les mesures d'action d'éducation ou d'assistance éducative à la situation des mineurs 54 ( * ) .

B. LE RECENTRAGE SUR LES MINEURS DÉLINQUANTS

Depuis 2009, le programme 182 « Protection judiciaire de la jeunesse » (PJJ) privilégie la prise en charge des mineurs délinquants . Cette orientation correspond à la décision du comité de modernisation des politiques publiques (CMPP) du 11 juin 2008, consistant à recentrer la direction de la protection judiciaire de la jeunesse (DPJJ) sur l'intervention au pénal.

Avant ventilation, l'action 1 relative aux mesures à l'égard des mineurs délinquants absorbe près des trois quarts (74,1 %, contre 62,3 % en 2009) des moyens du programme . Cette prééminence traduit l'accent mis sur le recentrage stratégique du programme sur la prise en charge des mineurs délinquants. L'ancienne action 2 « Mise en oeuvre des mesures judiciaires : mineurs en danger et jeunes majeurs » est désormais supprimée (elle ne « pesait » déjà plus que 9,5 % des moyens du programme en 2010).

Source : d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

C. LA RÉFORME DE LA PJJ

L'année 2011 représente une année charnière pour la PJJ. En effet, conçu sur quatre ans (2008-2011), son projet stratégique national (PSN) va toucher à son terme. Ce projet a permis de mener à bien le recentrage de l'action de la PJJ sur la prise en charge des mineurs ayant commis des actes de délinquance.

Les prises en charge au civil étant d'ores et déjà marginales en 2010 (en dehors des investigations qui restent de la compétence de l'Etat), ce recentrage se traduira essentiellement en 2011 par une évolution qualitative des méthodes de prise en charge des mineurs délinquants .

La PJJ n'a certes plus pour vocation de prendre en charge la protection des jeunes majeurs et des mineurs en danger, mais elle reste garante de la concertation entre les nombreuses institutions et les acteurs intervenant à ces titres. Ainsi, en 2011, elle poursuivra la mise en oeuvre des quatre axes de son PSN en vue de garantir cette coordination et la qualité du parcours de tous les mineurs sous main de justice :

1. Garantir à l'autorité judiciaire, directement ou par le secteur associatif qu'elle habilite, une aide à la décision tant en matière civile que pénale . En 2011, une profonde réforme de l'investigation sera ainsi conduite. La mesure judiciaire d'investigation éducative remplacera l'enquête sociale et l'investigation d'orientation éducative, afin d'offrir aux magistrats une réponse plus rapide et mieux adaptée à la situation du mineur. La PJJ contribuera par ailleurs à l'amélioration des procédures de signalement en participant, aux côtés des parquets, aux instances créées par la loi relative à la protection de l'enfance.

2. Renforcer l'intervention en direction des jeunes confiés au pénal en leur assurant une prise en charge de qualité sans délai. A cet effet, la PJJ finalisera en 2011 la réorganisation de son administration centrale et de ses directions territoriales, afin d'améliorer leur taux d'encadrement et d'optimiser leur management au service de l'insertion des mineurs pris en charge.

3. Garantir à l'autorité judiciaire, aux usagers et aux citoyens, par le contrôle, l'audit et l'évaluation, la qualité de l'aide aux décisions et celle de la prise en charge dans les services publics ou associatifs habilités par la PJJ . En 2011, les équipes d'audit nouvellement constituées seront pleinement opérationnelles afin de garantir au moins un audit tous les cinq ans pour chaque structure.

4. Concevoir des normes et des cadres d'organisation de la justice des mineurs qui conjuguent la contrainte judiciaire et l'objectif d'insertion sociale. Ainsi, en 2011, le projet de code de justice pénale des mineurs pourrait être finalisé.

En 2011, après évaluation de son projet stratégique actuel, la PJJ finalisera son prochain projet, qui s'inscrira dans la continuité du précédent afin de garantir la pérennisation de la démarche « qualité » engagée depuis 2008.

D. LA BAISSE DES CRÉDITS DE PAIEMENT : - 2,1 %

Le présent programme comporte 757,9 millions d'euros en autorisations d'engagement et 757,9 millions d'euros en crédits de paiement, en baisse respectivement de 1,6 % et de 2,1 % .

Les dépenses de personnel (titre 2) augmentent légèrement de 3,3 millions d'euros, soit + 0,8 % .

Cette quasi-stabilité de la dépense s'explique par la perte de 140 ETPT , le plafond d'emploi du programme baissant à 8 501 ETPT. Alors que 60 ETPT sont créés au titre des personnels d'encadrement, les suppressions portent sur :

- 147 ETPT de catégorie C ;

- 41 ETPT de catégorie B (métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif) ;

- 12 ETPT de catégorie B (administratifs et techniques).

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) reculent de 15,5 millions d'euros (soit - 4,7 %, contre déjà une baisse de - 3,3 % en 2010), tandis que l es crédits d'investissement (titre 5) s'élèvent à 13,6 millions d'euros (- 20,9 %, contre déjà une baisse de - 14 % en 2010).

Ces diminutions de crédits s'expliquent par le recentrage de l'activité de la PJJ sur les mineurs délinquants ainsi que par la rationalisation de son organisation territoriale .

Il convient, dans ce cadre, de relever la poursuite de l'évolution à la baisse (- 7 %) de la dotation allouée au secteur associatif habilité (SAH) . La réduction des prises en charge des jeunes majeurs compense, ainsi, le surcoût lié à l'extension en année pleine de trois centres éducatifs fermés (CEF) en 2010.

Après une baisse de 25 % en 2010, les dépenses d'intervention (titre 6) demeurent quasi stables en passant de 3,4 millions d'euros en 2010 à 3,2 millions d'euros en 2011 (- 5,9 %). Ces dépenses correspondent aux subventions aux associations qui accompagnent l'action de la PJJ, particulièrement en matière d'insertion.

E. UNE PERFORMANCE DIFFICILE À APPRÉHENDER

La performance du programme « Protection judiciaire de la jeunesse » est difficile à appréhender , dans la mesure où elle dépend aussi de plusieurs variables qui lui sont, au moins en partie, extérieures.

Ainsi, l'une des caractéristiques principales de la PJJ est de travailler en partenariat , avec les départements et le secteur associatif. De ce fait, l'atteinte de ses objectifs ne dépend pas exclusivement de son action (par exemple, le taux de départements ayant mis en place un dispositif d'accueil d'urgence).

En outre, des éléments de contexte relatifs au comportement des jeunes concernés peuvent également interférer sur la réalisation des objectifs, sans que la PJJ puisse avoir une « prise » suffisante .

Enfin, le principe d'indépendance de l'autorité judiciaire doit être pris en compte, notamment concernant le pouvoir de prescription des mesures éducatives. Le juge décide seul, dans le respect des textes en vigueur, de la nature et de la durée des mesures éducatives qu'il prononce . Il peut également choisir le service chargé de les mettre en oeuvre.

En 2011, les indicateurs de la PJJ feront l'objet d'évolutions ou d'adaptations afin d' en réduire le nombre ou d'en améliorer la pertinence .

L'indicateur 1.4 est renommé « Part des jeunes âgés de moins de 17 ans à la clôture d'une mesure pénale qui n'ont ni récidivé, ni réitéré dans l'année qui a suivi » afin de préciser son périmètre exact.

Relatif au taux de récidive ou de réitération des jeunes pris en charge au pénal, cet indicateur permet de mettre en évidence, pour 2010, une performance relativement satisfaisante : 70 % des jeunes pris en charge au pénal n'ont ni récidivé, ni réitéré, ni fait l'objet de nouvelles poursuites dans l'année qui a suivi la clôture de la mesure . La prévision pour 2011 se situe à un niveau de 71 %, avec une cible de 73 % pour 2013.

Les deux sous-indicateurs relatifs aux taux d'activité des psychologues et des assistants de service sociaux de l'ancien indicateur 3.2 « Taux d'activité par catégorie de personnel pour chaque type de mesure » sont supprimés car peu représentatifs. En effet, il s'agit d'effectifs réduits et les modalités de réalisation des investigations vont évoluer avec la mise en oeuvre d'une nouvelle mesure d'investigation venant remplacer l'investigation d'orientation éducative ainsi que l'enquête sociale et rendant obsolètes les cibles actuelles. Par ailleurs, le calcul des sous-indicateurs ne prenait pas en compte la totalité des missions de ces agents qui interviennent également en soutien des équipes éducatives pour l'ensemble des mesures. En conséquence, l'indicateur 3.2 est renommé « Taux d'activité des éducateurs en milieu ouvert ».

Le sous-indicateur « Prix d'une journée de placement collectif mineurs délinquants hors CER et CEF (secteur associatif habilité) » de l'indicateur 3.3 est renommé « Prix d'une journée de placement en établissement non spécialisé (secteur associatif habilité) » afin d'en améliorer la lisibilité.

Le sous-indicateur « Prix d'une journée de placement en établissement de placement éducatif UEHC (secteur public) » de l'indicateur 3.3 est renommé « Prix d'une journée de placement en établissement de placement éducatif EPE (secteur public) ». Son périmètre est élargi à l'ensemble des placements effectués au sein des établissements de placement éducatif (EPE).

Le sous-indicateur « Prix d'une journée de placement CER (secteurs public et associatif habilité) » de l'indicateur 3.3 est renommé « Prix d'une journée de placement CER (secteur associatif habilité) ».

L'indicateur 3.3 relatif au « coût complet des mesures judiciaires par journée ou par acte » offre, pour sa part, une perspective très complète sur le niveau et l'évolution des coûts des principales mesures judiciaires prononcées. Le coût d'une mesure d'investigation et d'orientation éducative , par exemple, s'élève à 3 242 euros en prévision actualisée pour 2010 (soit un niveau identique à la réalisation en 2009).

Le coût d'une journée en centre éducatif fermé (CEF) est de 625 euros en prévision actualisée pour 2010 (contre 600 euros en réalisation en 2009), avec une cible de 616 euros en 2011. Ce coût relativement élevé doit, toutefois, être remis en perspective au regard de la montée en charge progressive de ce dispositif et des charges fixes importantes engendrées initialement par ces structures d'accueil. Ces charges ont vocation à être étalées à mesure que ce programme de création de CEF 55 ( * ) approche de son régime de croisière.

Les taux d'occupation des établissements sont en progrès. Ainsi, ce taux est-il passé de 86 % pour les centres éducatifs renforcés (CER) en 2009, à 88 % en prévision actualisée pour 2010, avec une cible de 90 % en 2011.

L'amélioration observée sur cet indicateur s'inscrit dans un processus d'optimisation des structures d'hébergement du secteur public . Ce processus a notamment conduit à la réalisation d'un bilan individualisé de la situation des établissements qui ont connu une sous-utilisation importante et durable, afin de prendre des mesures correctives. Dans le cadre de la mise en oeuvre de la LOLF, une prise en compte de la performance en fonction de la réalisation des objectifs de taux d'occupation a été introduite en 2006. En 2008, elle a pris la forme d'une bonification budgétaire au regard de l'activité des services.


* 54 Ces mesures sont actuellement au nombre de trois : le recueil de renseignements sociaux-éducatifs, l'enquête sociale et la mesure d'investigation et d'orientation éducative.

* 55 Le programme d'ouverture de CEF comprend 48 structures, dont 11 dans le secteur public et 37 dans le secteur associatif, soit à terme 532 places. A ce jour, 40 CEF sont ouverts (9 dans le secteur public et 31 dans le secteur associatif) et 2 autres ouvriront avant la fin de l'année 2010. Pour 2011 et 2012, 6 ouvertures sont encore programmées.