M. Roland du Luart, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LE PROGRAMME 310 « CONDUITE ET PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE »

- Le présent programme comporte (hors fonds de concours) 248 millions d'euros d'autorisations d'engagement (en baisse de 20,3 %) et 267,1 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 7,3 % par rapport à 2010.

- L'importante diminution des autorisations d'engagement s'explique essentiellement par le fait que l'intégralité des autorisations d'engagement nécessaires aux baux à caractère ferme pour les années à venir a été budgétée sur l'exercice 2010 .

- La hausse significative des crédits de paiement (consacrés à l'administration centrale et aux projets informatiques) pourrait surprendre. Elle doit cependant être relativisée dans la mesure où elle résulte pour une grande part de changements de périmètres .

- Opérateur rattaché au programme 166 « Justice judiciaire », l'Etablissement public du palais de justice de Paris (EPPJP) relèvera en 2011 du présent programme , au même titre que l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ).

- Dans le domaine de la politique immobilière et logistique, le budget du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » sera impacté par l'objectif de regrouper sur un site unique l'ensemble des directions et services des sites parisiens de l'administration centrale, hors le « 13, Place Vendôme » . Votre rapporteur spécial sera attentif à cette évolution, qui doit être l'occasion d'une rationalisation des moyens de l'administration centrale en permettant notamment de dégager des économies de loyers .

- L'action 9 « Action informatique ministérielle » est dotée de 101,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une forte progression de 18,3 % .

- La performance dans la conduite des grands projets informatiques est mesurée par le taux de déploiement de Cassiopée dans les juridictions. Or, alors que l'objectif affiché pour 2010 était de 96, %, la prévision actualisée fait état d'un taux moins élevé : 84,6 %. L'objectif de 100 % en 2011 paraît, par ailleurs, difficile à atteindre .

VI. LE PROGRAMME 310 « CONDUITE ET PILOTAGE DE LA POLITIQUE DE LA JUSTICE »

A. LA GESTION DE L'ADMINISTRATION CENTRALE ET DES PROJETS INFORMATIQUES DU MINISTÈRE

Le programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » s'articule autour de six actions.

Action 1 « Etat major »

Cette action regroupe les fonctions d'état-major du ministère exercées par le garde des Sceaux, ministre de la justice et des libertés, et de son cabinet . Les moyens consacrés à la communication, inscrits auparavant dans cette action, sont, du fait de la réorganisation des services du secrétariat général du ministère intervenue en 2008 67 ( * ) , désormais retracés dans l'action 4 « Gestion de l'administration centrale ».

Les moyens de cette action sont constitués pour l'essentiel de crédits de personnel et de fonctionnement.

Action 2 « Activité normative »

L'action « Activité normative » a pour finalité de regrouper les fonctions législatives et normatives en matière civile, pénale et de droit public, qu'elles soient exercées au plan national ou au plan international.

Trois services concourent à la mise en oeuvre de cette action : la direction des affaires civiles et du sceau ( DACS ), la direction des affaires criminelles et des grâces ( DACG ) et le service des affaires européennes et internationales ( SAEI ).

Ses moyens sont uniquement constitués de crédits de personnel.

Action 3 « Evaluation, contrôle, études et recherche »

Cette action regroupe les fonctions d' inspection générale des services judiciaires (IGSJ) et d'évaluation, la mission de contrôle dans le domaine de la prévention de la corruption ( via le service central de la prévention de la corruption), les missions transversales d'études et de tenue des statistiques générales, ainsi que les actions menées sous l'égide du
ministère dans le domaine de la recherche 68 ( * ) .

Les moyens de l'action sont constitués de crédits de personnel (notamment de l'INSEE) et de crédits de fonctionnement dont une partie permet la dotation des structures de recherche.

Action 4 « Gestion de l'administration centrale »

Cette action comprend les moyens nécessaires à l'activité du service de l'administration centrale placé sous l'autorité du secrétaire général.

Ses moyens sont constitués des crédits de personnel du secrétariat général ainsi que des crédits d'investissement et de fonctionnement nécessaires à l'activité de tous les sites d'administration centrale du ministère de la justice.

• Action 9 « Action informatique ministérielle »

Cette action constitue le support budgétaire des crédits de la sous-direction de l'informatique et des télécommunications (SDIT) qui relève du secrétariat général.

Les crédits en faveur des grands projets informatiques du ministère sont notamment inscrits sur cette action.

• Action 10 « Action sociale ministérielle »

Cette action regroupe, notamment, les crédits en faveur de l'action sociale ministérielle ainsi que les rémunérations des agents qui concourent à la mise en oeuvre des politiques d'action sociale.

B. UN BUDGET EN HAUSSE DE 7,3 % POUR TENIR COMPTE DE CHANGEMENTS DE PÉRIMÈTRES

Le présent programme comporte (hors fonds de concours) 248 millions d'euros d'autorisations d'engagement (en baisse de 20,3 %) et 267,1 millions d'euros de crédits de paiement, en progression de 7,3 % par rapport à 2010.

Le tableau ci-dessous présente la ventilation de ses crédits de paiement entre les différentes actions.

Crédits de paiement par action

* - 112 millions d'euros vers le programme « Justice judiciaire »

- 97,2 millions d'euros vers le programme « Administration pénitentiaire »

- 24,5 millions d'euros vers le programme « Protection judiciaire de la jeunesse »

- 1,4 millions d'euros vers le programme « Accès au droit et à la justice »

+ 1,5 million d'euros en provenance du programme « Entretien des bâtiments de l'Etat » de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines »

Source : d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2011

L'importante diminution des autorisations d'engagement (- 20,3 %) s'explique essentiellement par le fait que l'intégralité des autorisations d'engagement nécessaires aux baux à caractère ferme pour les années à venir a été budgétée sur l'exercice 2010 .

La hausse significative de 7,3 % des crédits de paiement consacrés à l'administration centrale et aux projets informatiques pourrait surprendre. Elle doit cependant être relativisée dans la mesure où elle résulte pour une grande part de changements de périmètres .

Ainsi, la suppression de l'ancien programme 213 « Conduite et pilotage de la politique de la justice (hors Chorus) » ( Cf. supra ) a pour conséquence la réintégration des moyens de ce programme (soit 5,3 millions d'euros en crédits de paiement en 2010) au sein du présent programme.

Par ailleurs, opérateur rattaché au programme 166 « Justice judiciaire », l'Etablissement public du palais de justice de Paris (EPPJP) relèvera en 2011 du présent programme ( Cf. supra ), au même titre que l'agence pour l'immobilier de la justice (APIJ). Ce rattachement présente une logique certaine dès lors que ces deux établissements publics partagent des moyens humains et matériels communs, ainsi que la même équipe de direction. La subvention pour charges de service public accordée à l'EPPJP (2,4 millions d'euros) sera donc dorénavant versée par le présent programme, comme celle relative à l'APIJ (8,3 millions d'euros).

Dans le domaine de la politique immobilière et logistique, le budget du programme « Conduite et pilotage de la politique de la justice » sera impacté par l'objectif de regroupement sur un site unique de l'ensemble des directions et services des sites parisiens de l'administration centrale, hors le « 13, Place Vendôme » .

Votre rapporteur spécial sera attentif à cette évolution, qui doit être l'occasion d'une rationalisation des moyens de l'administration centrale en permettant notamment de dégager des économies de loyers .

Il rappelle en particulier, à titre d'exemple, que dans le « top 10 » qu'elle établissait en juin 2009 des loyers parisiens de l'Etat les plus onéreux rapportés à la surface occupée, notre collègue Nicole Bricq classait la direction des affaires civiles et du sceaux (DACS) au deuxième rang avec un montant annuel de 3,1 millions d'euros pour une surface de 3 184 m² (soit un coût au mètre carré de 995 euros) 69 ( * ) . Cette direction est située boulevard de la Madeleine (VIII ème arrondissement de Paris).

C. LE DÉVELOPPEMENT DES SYSTÈMES D'INFORMATION

L'un des principaux enjeux du présent programme réside dans la poursuite des efforts en faveur du développement des applications informatiques et des moyens bureautiques au service des juridictions, des services pénitentiaires et de la PJJ, ainsi que de l'administration centrale du ministère de la justice et des libertés. L'action 9 « Action informatique ministérielle » est dotée de 102,7 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 101,6 millions d'euros en crédits de paiement, soit une forte progression de 18,3 % .

La priorité accordée aux chantiers informatiques se manifeste, notamment, au travers des programmes suivants :

- le déploiement et l'approfondissement de l'application Cassiopée dans les TGI (3 millions d'euros) 70 ( * ) ;

- l'amélioration des infrastructures (5 millions d'euros) ;

- la plateforme des interceptions judiciaires (14,2 millions d'euros) ;

- la refonte de l'application de gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE) 71 ( * ) pour un coût de 3,8 millions d'euros (projet GENESIS) ;

- l'évolution du casier judiciaire, en phase avec celle de la chaîne pénale (1 million d'euros).

D. UNE PERFORMANCE EN DEMI TEINTE

Le projet annuel de performance pour 2011 enregistre la suppression d'un objectif : l'ancien objectif 2 « Assurer une gestion efficiente des personnels ». Cette suppression ne prête cependant guère à conséquence dans la mesure où la justification au premier euro (JPE, indicateurs de gestion des ressources humaines) du présent programme propose un ratio pertinent en rapprochant le nombre d'effectifs « gérant » du nombre d'effectifs « gérés ».

Par ailleurs, si l'objectif 1 « Prendre rapidement les textes d'application nécessaires pour l'adaptation du droit à l'évolution de la société » et l'indicateur 1.1 « Taux de publication des décrets d'application des lois » sont conservés, seul demeure le sous-indicateur pondéré au civil et au pénal à un an (le sous-indicateur à six mois disparaît).

Au regard de la performance réalisée au sein de ce programme, votre rapporteur ne peut que porter une appréciation nuancée .

En prévision actualisée pour 2010, le taux de publication des décrets d'application des lois dans les douze mois suivant la date de publication de ces lois au journal officiel s'élève à 100 % au civil, mais n'est que de 50 % au pénal . L'objectif pour 2011 est fixé à 100 % au civil comme au pénal.

De leur côté, les indicateurs de retard et de coût pour les opérations conduites par le ministère de la justice et des libertés enregistrent une amélioration . Ainsi, par exemple, dans le domaine de l'immobilier pénitentiaire le nombre de projets en retard en 2009 était de huit mais n'est plus que de six en prévision actualisée pour 2010. La prévision pour 2011 s'établit à un seul projet en retard.

La performance dans la conduite des grands projets informatiques est mesurée par le taux de déploiement de Cassiopée dans les juridictions. Or, alors que l'objectif affiché pour 2010 était de 96 %, la prévision actualisée fait état d'un taux moins élevé : 84,6 %. L'objectif de 100 % en 2011 paraît, par ailleurs, difficile à atteindre . En effet, le déploiement de cette application s'achèvera par les grandes juridictions de la région parisienne, où des difficultés pourraient survenir eu égard aux volumes d'information traitées.

En conclusion, votre rapporteur spécial souhaite relever que le récent rapport du Comité interministériel d'audit des programmes (CIAP, septembre 2010) s'interroge sur la fiabilité des indicateurs de performances du programme « Conduite et pilotage des politique de la justice ». Ce rapport souligne notamment que cette fiabilité est « actuellement insuffisante et qu'un effort substantiel de documentation des processus d'élaboration des indicateurs est nécessaire pour rétablir une situation satisfaisante ». Il appartient au responsable de programme de remédier à ces lacunes pour l'établissement du projet annuel de performances pour 2012.


* 67 Le regroupement au sein du secrétariat général du ministère de la justice de compétences auparavant réparties entre plusieurs directions et services d'administration centrale s'est opéré par le décret n° 2008-689 du 9 juillet 2008. Il s'accompagne d'une redéfinition des missions des directions du ministère. Le secrétariat général du ministère est désormais composé de cinq services :

- le service de la synthèse et de la programmation, dont la mission consiste principalement à assurer la synthèse des dossiers et des documents stratégiques transversaux visant à mettre en oeuvre les politiques publiques définies par le garde des Sceaux ;

- le service du support et des moyens du ministère, qui apporte son concours aux directions du ministère dans les domaines immobilier, informatique, statistique et contentieux ;

- le service de l'administration centrale, qui assure la gestion des personnels et des locaux d'administration centrale du ministère de la justice ;

- le service des affaires internationales et européennes (SAEI) et le SADJAV, dont les missions sont inchangées.

Cette réforme s'est accompagnée de la disparition de la direction de l'administration générale et de l'équipement (DAGE) et du service central d'information et de communication (SCICOM).

Elle est entrée en vigueur le 1 er septembre 2008.

* 68 L'activité de recherche est menée, en liaison avec le conseil national de la recherche scientifique (CNRS), par plusieurs organismes attributaires de subventions, dont le groupement d'intérêt public correspondant à la mission de recherche « Droit et justice », opérateur du présent programme à ce titre.

* 69 Sénat, rapport d'information n° 510 (2008-2009).

* 70 Le projet Cassiopée (chaîne applicative supportant le système d'information opérationnel pour le pénal et les enfants) a pour objet de fournir un système d'information complet aux TGI non équipés de la nouvelle chaîne pénale pour leurs activités pénale et mineurs. Il est en cours de déploiement dans les TGI, au sein des services du parquet, de l'instruction et des juges pour enfants et du greffe correctionnel. Il est, en outre, complété par des outils de restitution (infocentre) et d'échanges automatisés avec d'autres applications (police, gendarmerie, comptabilité publique, casier judiciaire). Les gains attendus sont de l'ordre de 50 agents, avant la mise en oeuvre des échanges automatisés, et de 162 agents après cette mise en oeuvre. Ces gains sont concentrés sur le programme 166 « Justice judiciaire ». La généralisation de Cassiopée a démarré en avril 2009 au rythme de trois à quatre juridictions par semaine. Au 30 juin 2010, 131 TGI étaient équipés de Cassiopée. L'objectif est de terminer le déploiement pour la province au premier semestre 2011 et d'engager l'implantation des grands TGI de région parisienne à la fin de l'année 2011 ou au début de l'année 2012.

* 71 Dans chaque établissement pénitentiaire, cette application permet d'assurer la gestion des services qui règlent la vie d'une personne en détention : le greffe, la détention, les comptes nominatifs, la gestion des SPIP et celle des activités, du travail et de la formation. Le système informatique gère et contrôle ces cinq domaines de l'entrée du détenu à sa sortie .