II. TEXTE ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN PREMIÈRE LECTURE

Article 45 bis (nouveau)

I. - Au premier alinéa de l'article 200-0 A du code général des impôts, le taux : « 6 % » est remplacé par le taux : « 4 % ».

II. - Le I est applicable à compter de l'imposition des revenus de 2012, sous réserve des dispositions spécifiques mentionnées au III.

III. - Pour l'application du I, il est tenu compte des avantages fiscaux accordés au titre des dépenses payées, des investissements réalisés ou des aides accordées à compter du 1er janvier 2012.

Toutefois, il n'est pas tenu compte des avantages procurés :

1° Par les réductions d'impôt sur le revenu mentionnées aux articles 199 undecies A, 199 undecies B et 199 undecies C du code général des impôts, qui résultent :

a) Des investissements pour l'agrément ou l'autorisation préalable desquels une demande est parvenue à l'administration avant le 1er janvier 2012 ;

b) Des acquisitions d'immeuble ayant fait l'objet d'une déclaration d'ouverture de chantier avant le 1er janvier 2012 ;

c) Des acquisitions de biens meubles corporels commandés avant le 1er janvier 2012 et pour lesquels des acomptes au moins égaux à 50 % de leur prix ont été versés ;

d) Des travaux de réhabilitation d'immeuble pour lesquels des acomptes au moins égaux à 50 % de leur prix ont été versés avant le 1er janvier 2012 ;

2° Par la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 sexvicies du même code accordée au titre de l'acquisition de logements pour lesquels une promesse d'achat ou une promesse synallagmatique a été souscrite par l'acquéreur avant le 1er janvier 2012 ;

3° Par la réduction d'impôt sur le revenu prévue à l'article 199 septvicies du même code au titre de l'acquisition de logements ou de locaux pour lesquels une promesse d'achat ou une promesse synallagmatique a été souscrite par l'acquéreur avant le 1er janvier 2012.

III. RAPPORT SÉNAT N° 107 (2011-2012) TOME III

Commentaire : le présent article, inséré à l'initiative de l'Assemblée nationale, tend à fixer à 4 % du revenu imposable, au lieu de 6 %, la part variable du plafonnement global de l'effet de certains avantages fiscaux en matière d'impôt sur le revenu, sans modifier la part fixe du plafond de 18 000 euros.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LE DISPOSITIF INITIAL APPLICABLE AUX REVENUS DE 2009

L'article 91 de la loi de finances pour 2009 a institué, à compter de l'imposition des revenus de 2009, un plafonnement global de l'avantage en impôt procuré par certaines réductions et crédits d'impôt sur le revenu. Ainsi, l' article 200-0 A du code général des impôts prévoyait initialement que la somme des avantages fiscaux accordés à un même foyer fiscal (personne seule, couple marié ou pacsé, avec ou sans enfants) ne pouvait pas procurer une diminution de l'impôt supérieure à un plafond global égal à la somme d'un montant fixe de 25 000 euros et d'un montant variable correspondant à 10 % du revenu imposable .

Ce dispositif, applicable sur les revenus de l'année 2009, ne devait procurer, selon le fascicule « Evaluation des voies et moyens » annexé au projet de loi de finances pour 2010, qu'une recette supplémentaire d'impôt sur le revenu de 22 millions d'euros .

B. LES ABAISSEMENTS SUCCESSIFS DU PLAFOND

Par la suite, ce plafond a été successivement abaissé en loi de finances pour 2010, puis pour 2011 :

- à l'initiative du Sénat, l'article 81 de la loi de finances pour 2010 a renforcé le dispositif de plafonnement global pour l'imposition des revenus de 2010 , en ramenant la part fixe du plafond de 25 000 à 20 000 euros et le taux de la part variable de 10 % à 8 % ;

- enfin, l'article 106 de la loi de finances pour 2011 a procédé à une nouvelle réduction du plafond global. Celui-ci s'établit pour les revenus de 2011 à 18 000 euros auquel s'ajoute 6 % du revenu imposable , soit une réduction de 10 % par rapport à l'année précédente, justifiée par la mise en oeuvre du « rabot » de 10 % de certains avantages fiscaux.

Exemple

Exemple : un contribuable disposant d'un revenu imposable de 50 000 euros se voit fixer un plafond global de 21 000 euros (18 000 euros + 6 % de 50 000 euros) quelle que soit sa situation familiale. Sous les régimes antérieurs, ce contribuable aurait été soumis à un plafond de 24 000 euros (revenus de 2010) et 30 000 euros (revenus de 2009).

C. LES EFFETS DU PLAFONNEMENT GLOBAL

Malgré ces réductions successives, le plafond global, dans sa configuration actuelle (18 000 euros + 6 % du revenu imposable), ne produit son effet d'écrêtement du cumul d'avantages fiscaux qu'à partir d'un niveau de revenus imposables élevé . En effet, c'est seulement lorsque l'impôt dû devient supérieur au montant du plafond que celui-ci produit son effet, en supprimant la possibilité d'annuler l'impôt.

Aussi, lorsqu'une personne seule (une part) déclare un revenu de 60 000 euros (environ 5 fois le Smic), le montant du plafond global qui s'établit à 21 600 euros (18 000 euros + 6% de 60 000 euros) est largement supérieur au montant de l'impôt dû (12 434 euros). Dans ce cas, l'impôt peut être annulé par une ou plusieurs niches fiscales sans que le mécanisme de plafonnement n'entre en jeu.

Pour un même foyer fiscal (une part), ce n'est que lorsque le revenu imposable dépasse 90 000 euros que le plafond commence à jouer, car l'impôt dû (23 542 euros) devient supérieur au montant du plafond global (23 400 euros) : selon cet exemple calculé sur les revenus de 2011, la différence de 142 euros qui se situe au-dessus du plafond ne peut faire l'objet d'aucune réduction d'impôt.

A mesure que le revenu augmente, l'efficacité du plafond s'accroit car sa progression est proportionnelle alors que celle du barème est progressive. Toutefois, l'existence d'une part variable de 6 % du revenu imposable est plus favorable aux hauts revenus . Ainsi que l'illustre le tableau ci-dessous, une personne seule peut continuer à soustraire à l'impôt des sommes conséquentes : de 24 000 euros pour un revenu imposable de 100 000 euros à 78 000 euros pour un revenu de un million d'euros.

Seuil d'effet du plafond global (18 000 euros + 6 %)

(en euros)

Revenu imposable
(personne seule, soit une part de quotient)

Montant de l'impôt dû

Montant
du plafond global

Mise en oeuvre du plafond global
(montant de l'impôt dû non déductible)

60 000

12 434

21 600

Non

90 000

23 542

23 400

Oui (142 euros)

100 000

27 642

24 000

Oui (3 642 euros)

120 000

35 842

25 200

Oui (10 642 euros)

1 000 000

396 642

78 000

Oui (318 642 euros)

2 000 000

806 642

138 000

Oui (668 642 euros)

Source : commission des finances, d'après le barème de l'impôt sur les revenus de 2011

Selon le même principe, pour un couple marié avec un enfant (2,5 parts), le seuil de déclenchement du plafond global n'interviendrait qu'à partir d'un revenu imposable de 132 000 euros , montant à partir duquel le montant de l'impôt dû (26 131 euros) devient supérieur à celui du plafond global (25 920 euros).

Ces seuils élevés de mise en jeu du plafonnement expliquent que le gain supplémentaire du dernier abaissement du plafond soit limité à 4 millions d'euros de recettes d'impôts sur le revenu (fascicule « voies et moyens » annexé au PLF 2012). Ce montant demeure très faible comparé au rendement du « rabot » de 10 % (400 millions d'euros) qui porte sur chaque avantage fiscal pris isolément. Cela s'explique par le fait que le plafonnement global n'intervient que comme une mesure d'écrêtement du cumul des niches fiscales et demeure tributaire des comportements d'optimisation fiscale des contribuables . Lorsque ce cumul n'atteint pas le plafond, le dispositif de plafonnement reste inactif.

Cela expliquait la faible portée initiale du plafonnement global lors de son instauration, son rendement n'étant que de 22 millions d'euros en 2010.

II. LE DISPOSITIF INTRODUIT PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

L'Assemblée nationale, à l'initiative de notre collègue député Charles de Courson et avec l'avis favorable du Gouvernement, a adopté le présent article qui tend à renforcer le plafonnement global de certains avantages fiscaux à l'impôt sur le revenu en fixant à 4 % du revenu imposable, au lieu de 6 %, la part variable du plafonnement global de l'effet de certains avantages fiscaux en matière d'impôt sur le revenu, sans modifier la part fixe du plafond (18 000 euros).

Les II et III du présent article ont pour objet de préciser le calendrier d'application de cette nouvelle réduction du plafond global . Ainsi, ne seraient concernés que les avantages fiscaux accordés au titre des dépenses payées, des investissements réalisés ou des aides accordées à compter du 1 er janvier 2012.

En revanche, comme dans le dispositif adopté les années précédentes à titre de mesure transitoire, n'entreraient pas dans le champ d'application du renforcement du plafond les avantages fiscaux résultant de décisions d'investissement prises avant le 1 er janvier 2012 afin de ne pas pénaliser les décisions d'investissement engagées avant l'adoption de cette mesure par les contribuables concernés par ce durcissement. Des dispositions d'entrée en vigueur spécifiques sont donc prévues pour :

- la réduction d'impôt au titre des investissements locatifs et de réhabilitation de logements situés dans les départements d'outre-mer, à Saint-Pierre et Miquelon, à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, dans les îles Wallis et Futuna et les terres australes et antarctiques françaises (article 199 undecies A du code précité) ;

- la réduction d'impôt sur le revenu à raison des investissements productifs réalisés dans les départements, territoires et collectivités territoriales d'outre-mer (article 199 undecies B du code précité) ;

- la réduction d'impôt au titre des investissements effectués dans le secteur du logement social dans les départements et collectivités d'outre-mer (article 199 undecies C du code précité) ;

- la réduction d'impôts sur le revenu au titre des investissements locatifs réalisés dans le secteur de la location meublée non professionnelle (article 199 sexvicies du code précité) ;

- et, enfin, le dispositif Scellier en faveur de l'investissement locatif du 1 er janvier 2009 au 31 décembre 2012 dans les zones présentant un déséquilibre entre l'offre et la demande de logements (article 199 septvicies du code précité).

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

L'auteur de l'amendement à l'origine du présent article escompte un gain fiscal de quelques dizaines de millions d'euros, ce qui serait surprenant compte tenu de l'expérience des précédents abaissements du plafond. En revanche, selon notre collègue Gilles Carrez, rapporteur général, « normalement, cela ne devrait rien rapporter : le contribuable avisé arrête de défiscaliser une fois qu'il a atteint le plafond global ».

Il est vrai que le dispositif du plafonnement global relevait à l'origine davantage d'une logique d'équité fiscale - éviter que des contribuables n'annulent leur impôt du seul fait de l'accumulation de niches fiscales - que de rendement.

Pour réduire l'incitation au recours aux différents dispositifs de défiscalisation tout en obtenant un rendement budgétaire plus important, il faut envisager un abaissement plus significatif du plafond global plutôt que de procéder par « petites touches » .

A. DIFFÉRENTES HYPOTHÈSES D'ABAISSEMENT DU PLAFOND GLOBAL

Il ressort des estimations réalisées en 2010 par la direction de la législation fiscale que, sauf à descendre très bas la part fixe ou à supprimer la part proportionnelle, les gains sur le rendement du plafonnement global sont limités au plus à quelques millions d'euros.

Ainsi, le chiffrage de l'abaissement à 15 000 euros de la part forfaitaire, en conservant la part variable du plafonnement, ne fait apparaître qu'une économie supplémentaire de l'ordre de 12 millions d'euros qui n'impacterait que 2 000 nouveaux foyers fiscaux.

Quant à l' abaissement du plafond à 10 000 euros , il devrait produire un gain plus important dans la mesure où celui-ci serait alors inférieur au montant de plusieurs avantages spécifiques :

- la souscription au capital de PME pour laquelle la réduction maximale d'impôt est de 12 500 euros pour un célibataire ou 25 000 euros pour un couple ;

- la souscription au capital de Sofipêche (réduction maximale de 15 200 euros pour un couple) ;

- ou la restauration immobilière dite « Malraux » (réduction maximale de 27 000 à 36 000 euros).

En outre, les dispositifs relatifs aux investissements outre-mer précités seraient tout particulièrement impactés par un plafonnement global fixé à 10 000 euros. En effet, l'article 87 de la loi de finances pour 2009 prévoit, en plus du plafonnement global des niches fiscales, un plafonnement spécifique aux dispositifs de défiscalisation des investissements en outre-mer 1 ( * ) , s'appliquant à la fois aux réductions d'impôts issues de la défiscalisation en matière de logement, en application de l'article 199 undecies A du code général de impôts et aux réductions tirées de la défiscalisation des investissements productifs, en application de l'article 199 undecies B précité.

Les simulations effectuées par l'administration fiscale sont effectuées à comportement constant , comme cela est habituellement le cas, dans la mesure où les changements de stratégie d'optimisation fiscale ne sont pas prévisibles. Il ressort que la suppression de la part variable et l'abaissement à 15 000 euros ou 10 000 euros du plafond global engendreraient les recettes suivantes :

- 150 millions d'euros (12 135 contribuables concernés) pour un plafond à 15 000 euros ;

- 245 millions d'euros (32 500 contribuables concernés) pour un plafond fixé à 10 000 euros .

Pour reprendre l'exemple de calcul du seuil de déclenchement du plafond global en fonction du revenu imposable pour un célibataire (une part), la fixation à 10 000 euros du plafond global entraînerait la mise en jeu du mécanisme dès le niveau de revenu imposable de 52 000 euros (au lieu de 90 000) pour lequel l'impôt dû s'établit à 10 034 euros.

La DLF précise toutefois, que pour des raisons techniques, les réductions d'impôts étant déclarées sur une même ligne dans la déclaration de revenu, il n'est pas possible de discerner lesquelles seraient concernées en priorité par la réduction du plafond global.

B. LA QUESTION DE L'ARTICULATION DU PLAFOND GLOBAL ET DES PLAFONDS SPÉCIFIQUES

Une réduction du seuil du plafonnement global à 10 000 euros ne devrait pas entraîner une « remise à plat » de l'ensemble des plafonds spécifiques.

En effet, les plafonds des principales réductions et crédits d'impôts applicables à l'impôt sur le revenu en matière de services à domicile, de travaux et d'investissement sont inférieurs ou égaux à 10 000 euros . A titre d'illustration, sont reproduits ci-dessous les montants maximum de chaque avantage fiscal :

- emploi d'un salarié à domicile (7 500 euros pour un couple avec deux enfants et plus, et jusqu'à 10 000 euros pour une personne invalide) ;

- frais de garde de jeunes enfants de moins de sept ans (1 150 euros par enfant) ;

- prestation compensatoire (7 625 euros) ;

- frais de séjour d'une personne dépendante (2 500 euros pour une personne seule et 5 000 euros pour un couple) ;

- les travaux pour la qualité environnementale de l'habitation principale (de 2 080 euros pour les chaudières, portes et fenêtres à 7 200 euros pour les appareils de production d'énergie renouvelable) ;

- l'équipement de l'habitation principale pour les personnes âgées et handicapées (2 500 euros) ;

- les travaux de conservation ou de restauration d'objets classés (5 000 euros) ;

- la souscription de part de FCPI et de FIP (de 2 640 euros pour une personne seule à 5 280 euros pour un couple).

Il en résulte que, en fonction de chaque « panier » d'avantages fiscaux, le cumul de deux ou trois réductions d'impôt (par exemple, l'emploi d'un salarié à domicile, pour un avantage fiscal de 7 500 euros, et l'installation d'une chaudière à condensation pour un avantage de 2 000 euros) demeure possible .

Toutefois, il faut souligner que, en pratique les montants moyens dont bénéficient les foyers fiscaux pour chaque avantage fiscal sont très inférieurs aux plafonds spécifiques présentés ci-dessus . Si l'emploi d'un salarié à domicile peut donner lieu à une réduction d'impôt de 7 500 euros pour un couple avec deux enfants (soit 50 % d'une dépense de 15 000 euros), l'avantage moyen retiré par les foyers bénéficiaires de ce dispositif s'établit à 859 euros (soit une dépense fiscale globale de 3,18 milliards d'euros pour 3,7 millions de foyers bénéficiaires).

Par ailleurs, le rapport du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales indique très précisément que « la quasi-totalité des dépenses fiscales est effectuée au profit des 20 % de foyers ayant le niveau de vie le plus élevé ». La dépense fiscale relative aux services à la personne est considérée comme anti-redistributive car les 80 % des foyers les moins riches ne bénéficient que de 8 % de la dépense fiscale totale.

Au total, la fixation à 10 000 euros du plafonnement global demeure compatible avec l'essentiel des plafonds spécifiques et ne remet pas en cause la liberté de chaque foyer fiscal de composer son « panier » d'avantages fiscaux correspondant à ses besoins de services, de travaux ou d'investissement. Votre commission vous propose donc un amendement tendant à fixer à 10 000 euros le plafond global des niches fiscales.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article.


* 1 Le plafonnement de ces dispositifs fait l'objet d'un article 199 undecies C du code général des impôts qui dispose que l'avantage fiscal procuré au contribuable au titre de ces deux dispositifs ne peut excéder, annuellement, 40 000 euros, après application des mécanismes de report et de rétrocession, montant ramené à 36 000 euros à compter de l'imposition des revenus de 2011. Sur option, le contribuable peut toutefois choisir de porter ce plafond à 15 % de son revenu sur l'année considérée (13 % à compter de l'imposition des revenus de 2011).