IV. DÉBATS SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE (SÉANCE DU LUNDI 5 DÉCEMBRE 2011)

Article 47 sexies

M. le président. « Art. 47 sexies. - Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Au début du deuxième alinéa du 1° du II de l'article 1519, le nombre : « 41,9 » est remplacé par le nombre : « 125,7 » ;

2° Au deuxième alinéa du 1° du II de l'article 1587, le nombre : « 8,34 » est remplacé par le nombre : « 25,02 ».

M. le président. L'amendement n° II-421, présenté par MM. Antoinette, Patient et Antiste, Mme Claireaux, MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava, Vergoz et les membres du groupe socialiste, apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer le nombre :

125,7

par le nombre :

165,7

II. - Après l'alinéa 2

Insérer quatre alinéas ainsi rédigés :

... ° Le IV du même article est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après les mots : « au 1° », sont insérés les mots : « , à l'exception du deuxième alinéa, » ;

b) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le tarif prévu au deuxième alinéa du 1° du II évolue chaque année comme le cours moyen annuel de l'or constaté sur le marché de l'or de Londres ( London Bullion Market ) l'année précédant celle au titre de laquelle la taxe est due sans toutefois être inférieur au tarif prévu pour l'année 2012. » ;

III. - Alinéa 3

Remplacer le nombre :

25,02

par le nombre :

35,02

IV. - Compléter cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

...° Au premier alinéa du III du même article, les mots : « au premier alinéa », sont remplacés par les mots : « aux premier et deuxième alinéas ».

... - Les conséquences financières pour les collectivités locales résultant du III et IV sont compensées à due concurrence par une majoration de la dotation globale de fonctionnement.

... - Les conséquences financières pour l'État résultant de la majoration de la dotation globale de fonctionnement sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Jean-Étienne Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. Monsieur le président, si vous me le permettez, je présenterai en même temps l'amendement n° II-422.

M. le président. J'appelle donc en discussion l'amendement n° II-422, présenté par MM. Antoinette, Patient et Antiste, Mme Claireaux, MM. Cornano, Desplan, J. Gillot, S. Larcher, Mohamed Soilihi, Tuheiava, Vergoz et les membres du groupe Socialiste, Apparentés et groupe Europe Écologie Les Verts rattaché, et ainsi libellé :

Après l'article 47 sexies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au 2° du II de l'article 1599 quinquies B du code général des impôts, les mots : « ne peut être supérieur à 2 % » sont remplacés par les mots : « est compris entre 4 % et 5 % ».

Veuillez poursuivre, monsieur Antoinette.

M. Jean-Étienne Antoinette. Je prends acte de l'article 47 sexies voté par l'Assemblée nationale. En effet, je proposais, depuis quelque temps déjà, une revalorisation des redevances communale, départementale et régionale sur les mines aurifères qui étaient déconnectées des cours de l'or, alors que la pression aurifère sur la Guyane augmentait sans cesse.

Lorsque le taux de l'or atteint 42 000 euros par kilo, une redevance de 66 euros pour l'ensemble département et communes est scandaleusement basse au regard des charges qui pèsent sur ces collectivités en raison de cette activité minière.

Cependant, ne nous trompons pas ; l'amendement de nos collègues députés ne triple pas le taux de la redevance : celui qui est indiqué aux articles 1519 et 1587 du code général des impôts date du 1 er janvier 2002, lorsqu'il a fallu convertir le taux des francs en euros. Les taux applicables pour 2011 sont, selon l'arrêté du 9 août 2011, de 57,40 euros pour les communes et de 11,40 euros pour les départements. En fixant les taux à 125,7 euros et 25,02 euros, il y a non pas triplement, mais doublement de la redevance actuelle.

Certes, le gain n'est pas nul, et le principe excellent ; mais la méthode utilisée par l'Assemblée nationale pose un problème, le manque de portée de la mesure ainsi rédigée.

Le cours de l'or a quadruplé en huit ans, passant de 10 000 euros par kilo à plus de 40 000 euros aujourd'hui. Dans le même temps, la redevance minière a augmenté de 14 euros, passant, pour les communes, de 43,5 euros à 57,40 euros en 2011.

Le décalage de progression des prix provient de la structure de l'article 1519 du code général des impôts : la variation des taux des redevances minières communale et départementale est indexée sur l'indice de valeur du produit intérieur brut total. Or, ce qui est parfaitement valable pour de nombreux minerais visés à l'article 1519 du code général des impôts ne l'est pas pour l'or, dont la valeur marchande est déconnectée des besoins de l'industrie.

Ce décalage entre les cours mondiaux et le tarif de la redevance est inacceptable. Il faut ajuster le montant de la redevance au cours mondial de l'or. Les artisans et les exploitants industriels des mines d'or en Guyane ne seront donc pas pénalisés en cas de variation à la baisse et les collectivités bénéficieront d'une redevance à la hauteur des cours.

Je préconise donc d'indexer, comme c'est déjà le cas pour la taxe aurifère au profit de la région votée en 2008, le tarif de la redevance sur le cours mondial de l'or. Mais je suggère également que la base de la taxe sur les mines corresponde à 0,5 % du prix de l'or plutôt qu'à 0,375 %, comme le propose l'Assemblée nationale : 0,5 % du prix de l'or, c'était exactement le taux de cette taxe en 2003, si l'on conjugue la base et les cours de l'époque.

Il reste cependant que les taxes sur l'extraction minière sont loin, très loin des moyennes internationales, telles que l'indique le rapport de la Banque mondiale de 2006 sur le sujet, soit 5 % du prix de l'or. Je propose donc, au profit de la région de Guyane, une augmentation de la redevance pour les moyennes et grandes entreprises qui réalisent, sur une ressource non renouvelable, des bénéfices nets atteignant des dizaines de millions d'euros.

Enfin, il ne me paraît pas excessif que cette richesse du sol guyanais profite à tous ses habitants. Plus nous tardons à agir, plus le sentiment de spoliation des Guyanais progresse, plus le manque à gagner pour les finances des collectivités locales est aussi important qu'irréversible, et plus les besoins éducatifs et sanitaires de base restent insatisfaits pour une grande part de la population, tandis qu'une moitié d'hommes continue de s'enrichir. Est-ce vraiment ce que nous voulons ? Je suis convaincu que le Sénat ne saurait l'approuver.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Concernant l'amendement n° II-421, la commission est favorable à une partie, et une partie seulement de ses dispositions.

Monsieur Antoinette, vous proposez d'abord de substituer l'indexation des tarifs sur le cours de l'or à leur indexation actuelle sur le PIB. Cette suggestion est logique et cohérente avec le dispositif de redevance régionale, qui, lui, est indexé sur l'or. Par conséquent, cela ne soulève aucun problème.

Ensuite, vous souhaiter multiplier encore les redevances communale et départementale sur les mines, c'est-à-dire au titre de l'or extrait.

Je rappelle, pour la clarté de la discussion, que l'Assemblée nationale a adopté l'article 47 sexies tendant à augmenter le tarif de la redevance de 41,9 euros à 125,7 euros. Vous proposez, mon cher collègue, d'aller encore au-delà et de le porter à 165,7 euros, et, dans le même temps, vous demandez son indexation sur le prix de l'or.

C'est la raison pour laquelle la commission est favorable à l'amendement n° II-421 sous réserve de la suppression de ses I et III, dont le cumul lui a semblé excessif. En fonction de la réponse que nous obtiendrons, nous aviserons.

Pour ce qui concerne l'amendement n° II-422, la commission est favorable à la hausse de la redevance régionale due par les entreprises exploitant des mines d'or en Guyane. Mais, si l'on examine les voies et moyens pour y parvenir, on s'aperçoit que le produit de cette taxe est nul pour 2011.

Mon cher collègue, multiplier par zéro un produit nul, cela fera toujours zéro ! Nous ne comprenons pas pourquoi le Gouvernement tolère que cette taxe n'ait aucun rendement.

Nous souhaiterions obtenir des éclaircissements de la part de Mme la ministre. L'arrêté a-t-il été pris ? S'il ne l'a pas été, quelle en est la raison ? C'est incompréhensible, madame la ministre !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Valérie Pécresse, ministre. Concernant l'amendement n° II-421, le Gouvernement émet un avis défavorable, parce que nous avons triplé le tarif des redevances communale et départementale des mines, comme cela a été dit, et il me semble plus sécurisant, pour les collectivités locales, d'avoir une garantie sur les ressources grâce à un tarif fixe, ce qui ne serait pas le cas avec un tarif indexé sur le cours annuel de l'or.

Pour ce qui est de l'amendement n° II-422, si la ressource est nulle, madame Bricq, c'est qu'aucune entreprise minière n'atteint aujourd'hui la taille des 250 employés qui permettrait de donner un effet fiscal à la mesure proposée.

Par conséquent, il n'est pas utile d'augmenter le taux de cette taxe et le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. Monsieur Antoinette, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par Mme la rapporteure générale ?

M. Jean-Étienne Antoinette. Pas du tout ! En réalité, nous nous trompons : l'Assemblée nationale n'a pas triplé le tarif. Dans votre calcul, vous partez de 47 euros alors que l'arrêté a fixé le tarif à 57,40 euros. Le taux a donc été multiplié par 2,18 et non par 3, mais nous partons de si loin... Nous disposons d'une marge assez importante, dans la mesure où cette activité était largement sous-fiscalisée.

Par comparaison, nous ne proposons ici que 0,5 %, ce qui est très loin des 5 % pratiqués au niveau mondial. Voilà pourquoi j'insiste et je maintiens ma proposition, qui ne risque pas d'alourdir la charge des entreprises.

Et je ne mentionnerai que pour mémoire les pollutions et autres dégâts que ces activités entraînent pour l'environnement et leur impact sur les collectivités locales de Guyane, mais ce sont des raisons supplémentaires de prévoir des ressources à la hauteur des besoins.

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Après avoir entendu le Gouvernement qui, concernant l'amendement n° II-421, n'est d'accord sur aucune de ses dispositions, pas même l'indexation sur le cours de l'or, je considère que nous sommes libres de notre vote, car la commission des finances voulait au moins cette indexation. Il faut bien que les collectivités locales aient des ressources, madame la ministre !

Quant à l'amendement n° II-422, vous nous dites, madame la ministre, que le produit de la taxe est nul, en établissant une distinction entre les grandes entreprises, c'est-à-dire celles qui emploient plus de 250 personnes, et les petites. Mais si la taxation ne rapporte rien pour les grandes entreprises, pourquoi les PME ne paient-elles pas ?

Votre argument, madame la ministre, est incompréhensible au regard même de la loi, qui prévoit une distinction. Par conséquent, un produit devrait être perçu. Pourquoi est-il inexistant ? Mystère... Vous n'avez pas répondu à cette question.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Valérie Pécresse, ministre. Je crois qu'il y a un petit malentendu, madame Bricq.

Si je ne me trompe pas - sinon, il faudrait me le dire -, l'amendement n° II-422 tend à augmenter et encadrer, pour les entreprises autres que les PME, le taux du tarif par kilogramme d'or. Mais des entreprises autres que les PME, pour nous, il n'en existe pas, car aucune entreprise n'emploie plus de 250 personnes.

C'est pourquoi, même en augmentant le tarif autant que l'on veut, en réalité, les ressources ne seront pas plus importantes pour la collectivité.

Je ne vois pas pourquoi vous me réclamez un arrêté, madame la rapporteure générale ; nous le prendrons le jour où les exploitations guyanaises compteront 250 personnes. Mais tant qu'elles n'atteignent pas ce chiffre...

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Il y en a !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Non, les trois acteurs miniers majeurs de Guyane ont chacun un effectif inférieur à 60 personnes.

Monsieur Antoinette, je le répète, le tarif de la taxe par kilogramme d'or extrait pour la commune passe de 41,9 euros à 125,7 euros. C'est tout de même satisfaisant !

Quant à indexer ce taux sur le cours de l'or, je vous mets tous en garde : quand le cours de l'or monte, c'est parfait, mais nous savons bien aujourd'hui qu'il a atteint un niveau extrêmement élevé qui fait de l'or un produit particulièrement spéculatif en raison de la fragilité des cours des devises. Le cours de l'or peut baisser d'une année sur l'autre, et si la collectivité a indexé ses prévisions de dépenses budgétaires sur l'or, elle risquera de se retrouver dans une situation dramatique. C'est d'ailleurs ce que nous constatons avec les emprunts toxiques en métropole.

Excusez-moi, mais indexer les recettes des collectivités sur le cours de l'or me paraît tout aussi dangereux que de les indexer sur le franc suisse. Aujourd'hui, je peux vous dire que cela plombe les finances d'un certain nombre de collectivités !

M. le président. La parole est à Mme la rapporteure générale.

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Je ne voudrais pas que s'installe entre le Gouvernement et la commission un dialogue de sourds !

Mme Valérie Pécresse, ministre. Effectivement !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. S'agissant de l'amendement n° II-422, la loi dit bien qu'un arrêté doit être pris, tant pour les petites et les moyennes entreprises que pour les autres, c'est-à-dire les grandes.

Vous me dites, madame la ministre, que le produit de la taxation est nulle, car aucune de ces entreprises n'emploie 250 personnes. Mais comme l'arrêté doit concerner toutes les catégories d'entreprises, un produit devrait tout de même être perçu.

De deux choses l'une : soit l'arrêté n'est pas pris, et cela expliquerait l'absence de produit, soit il est pris, et un produit devrait être enregistré. L'article 1599 quinquies B du code général des impôts, que j'ai sous les yeux, est très clair à cet égard.

Par conséquent, madame la ministre, votre argumentation ne tient pas, excusez-moi de vous le dire.

Pour ce qui est de l'amendement n° II-421, je l'ai dit, à partir du moment où le Gouvernement refuse tout...

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On est dans le virtuel !

M. le président. Quel est donc, en définitive, l'avis de la commission ?

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Monsieur le président, l'avis de la commission est clair : Mme la ministre n'ayant accepté ni l'une ni l'autre des dispositions proposées, j'émets donc un avis favorable sur les deux. C'est en somme le rien et le tout !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. On taxera ces ressources quand la production sera réelle !

M. Roland du Luart. Cet avis n'a pas de sens !

Mme Nicole Bricq, rapporteure générale de la commission des finances. Si, monsieur du Luart : ces deux amendements concernent deux niveaux différents de collectivités !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-421.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix, modifié, l'article 47 sexies .

(L'article 47 sexies est adopté.)