M. Yvon COLLIN et Mme Fabienne KELLER

II. LES CRÉDITS PRÉVUS POUR 2012 (1,799 MILLIARDS D'EUROS EN AE, 5,588 MILLIARDS D'EUROS EN CP)

La mission « Prêts à des Etats étrangers » est dotée par le présent PLF de 1,799 milliard d'euros en AE et de 5,588 milliards d'euros en CP , dont 3,894 milliards d'euros, en CP, au titre du prêt à la Grèce . Par rapport aux prévisions inscrites dans la LFI pour 2011, la dotation correspond à une hausse de 92 % des AE et à une baisse de 18,8 % des CP .

Crédits de la mission « Prêts à des Etats étrangers »

(en millions d'euros)

Programmes

AE

CP

LFI 2011

PLF 2012

Evolution 2011/2012

LFI 2011

PLF 2012

Evolution 2011/2012

851 « Prêts à des Etats étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure »

400

400

0 %

350

390

+ 11 %

852 « Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France »

156

987

+ 533 %

156

987

+ 533 %

853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers »

380

412

+ 8 %

232

318

+ 37 %

854 « Prêts aux Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro »

0

0

0 %

6 143

3 894

- 37 %

Total

936

1 799

+ 92 %

6 881

5 588

- 19 %

Source : PAP de la mission «Prêts à des Etats étrangers » annexé au PLF pour 2012

A. LES PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS DE LA RPE (400 MILLIONS D'EUROS EN AE, 350 MILLIONS EN CP)

1. La nature des projets financés

Le programme 851 « Prêts à des Etats étrangers, de la Réserve pays émergents, en vue de faciliter la réalisation de projets d'infrastructure » a pour finalité la mise en oeuvre d'une aide économique et financière dans les pays émergents, réalisée par l'intermédiaire de prêts concessionnels destinés à financer des projets participant au développement économique des pays emprunteurs et dont la réalisation fait appel à des biens et services français . Ces financements contribuent ainsi à soutenir l'expansion internationale des entreprises françaises 57 ( * ) .

La mise en place d'une aide au titre de la RPE se traduit par la signature d'un protocole intergouvernemental avec les autorités du pays bénéficiaire, pour un projet précis. Les accords sont mis en oeuvre, dans le cadre d'une convention avec l'emprunteur, par la société Natixis , agissant pour le compte de l'Etat français. Les pays éligibles sont choisis par le ministre chargé de l'économie, sur la base des règles définies par l'OCDE.

Les accords de financement conclus en 2010 et 2011 sont retracés dans le tableau ci-après. De 1999 à fin 2010, le volume de prêts consentis au titre de la RPE s'est élevé à 1,4 milliard d'euros au total. Au plan sectoriel, la prédominance des transports s'explique par le montant unitaire très élevé des investissements pour ce type d'infrastructures.

Accords de financement au titre de la Réserve pays émergents

(en millions d'euros)

Pays

Projet financé

Montant

Année 2010

245,2

Pakistan

Usine sud-ouest pour le traitement des eaux usées de Lahore

70,2

Tunisie

Fourniture de 16 voitures pour le réseau de métro léger de la ville de Tunis et maintenance de 55 voitures

31,3

Vietnam

Avenant au protocole de traitement des eaux usées de Hoi An

1,5

Pakistan

Projet d'extension des ressources en eaux de Faisalabad

33,4

République dominicaine

Projet d'assainissement de 5 villes

78,5

Indonésie

Projet de renforcement des capacités de l'Institut Météorologique national (BMKG)

30,3

Pays

Décisions de financements
(susceptibles de donner lieu à des engagements en 2011)

Montant

Année 2011

Tunisie

Projet de réseau ferroviaire rapide (RFR) - lot Equipements

123

Tunisie

Projet de réseau ferroviaire rapide (RFR) - lot Matériel Roulant

181

Indonésie

Projet de désenclavement de l'est indonésien par la sécurisation des liaisons aériennes

27

Indonésie

Modernisation du corridor ferroviaire de Bandung

80

Mongolie

Projet d'amélioration des structures de soins du Centre National de Traumatologie et d'Orthopédie d'Oulan Bator

5

Sri Lanka

Projet de fourniture de 46 ponts métalliques

22

Géorgie

Projet de fournitures de remontées mécaniques pour la station de Mestia

18

Serbie

Métro de Belgrade

160

Kazakhstan

Tramway d'Astana

100

Colombie

Assainissement de la rivière Ubate

10

Source : ministère de l'économie, des finances et de l'industrie

2. La justification des crédits demandés

Les dotations de 400 millions d'euros en AE et de 390 millions d'euros en CP , dans le présent PLF, reposent sur des estimations de tirage au titre des protocoles déjà signés, dont les projets sont en cours de réalisation ou vont entrer en vigueur en 2011, et de ceux dont la signature est envisagée avant la fin de l'année et qui sont susceptibles de donner lieu à exécution dès 2011.

Si les informations figurant dans le PAP sont lacunaires, une liste de ces projets, présentée dans le tableau ci-dessus, a été fournie dans les réponses au questionnaire budgétaire.

L'opération la plus importante en 2010, par son montant (78,5 millions d'euros d'engagements), concerne un projet d'assainissement de cinq villes en République dominicaine.

Concernant l'année en cours, les résultats de deux appels d'offres sont attendus fin 2011 pour les équipements et le matériel roulant d'un projet de réseau ferroviaire rapide en Tunisie, pour un montant total de 304 millions d'euros. Pour le métro de Belgrade et le tramway d'Astana, dont les besoins de financement s'élèvent respectivement à 160 et 100 millions d'euros, des déclarations d'intention pourraient être signées en 2011.

Vos rapporteurs spéciaux estiment que la relative modestie de ces crédits est révélatrice de l' insuffisance de la présence industrielle française dans les pays émergents .

B. LES PRÊTS À DES ÉTATS ÉTRANGERS POUR CONSOLIDATION DE DETTES (156 MILLIONS D'EUROS EN AE ET CP)

1. La nature des prêts financés

Le programme 852 « Prêts à des Etats étrangers pour consolidation de dettes envers la France » participe à la politique française de traitement de la dette des pays les moins avancés et des pays à revenu intermédiaire , qui s'exerce tant dans le cadre multilatéral du Club de Paris que, sur un fondement bilatéral, à titre additionnel 58 ( * ) . Il retrace les crédits requis pour le refinancement de dettes .

L'opération consiste à rembourser des prêts anciens au moyen de prêts nouveaux, accordés aux conditions négociées dans le cadre du Club de Paris : ces nouveaux prêts constituent les dépenses du programme. Il convient de préciser que leur remboursement, en principal ou en intérêts, vient abonder le budget de l'Etat (imputé en recettes sur le compte « Prêts à des Etats étrangers ») sauf annulation de la créance consolidée par un accord ultérieur.

Les traitements de dettes accordés par la France aux pays en développement

Des allègements consentis dans un cadre multilatéral et sur une base bilatérale

La France est membre du Club de Paris , groupe informel de créanciers publics créé en 1956, dont 19 pays développés sont membres permanents ; elle en assure traditionnellement la présidence (actuellement confiée au directeur général du Trésor). Elle représente également l'un des principaux créanciers des Etats d'Afrique . A ce double titre, notre pays consent des traitements de dettes (annulations et rééchelonnements) en faveur des pays les moins avancés et des pays à revenu intermédiaire. Ces allègements sont susceptibles de concerner les créances de l'Etat gérées par la Banque de France comme celles de l'Agence française de développement (AFD), de la Coface ou de Natixis. Ils sont d'abord consentis dans un cadre multilatéral , mais également, à titre additionnel, sur une base bilatérale .

Les traitements multilatéraux

Les traitements de dettes français s'inscrivent, dans le cadre multilatéral du Club de Paris , sur le fondement d'accords dont les modalités se sont révélées de plus en plus favorables aux pays débiteurs, au fil des années, du fait du relèvement progressif du taux de réduction. Les remises de dettes ainsi accordées par notre pays avaient atteint, à la fin de l'année 2009 , près de 14,4 milliards d'euros au total.

Le principal des dispositifs en cause, aujourd'hui, tient à l'Initiative en faveur des pays pauvres très endettés, dite « Initiative PPTE », approuvée lors du sommet du G7 de juin 1996, à Lyon, puis renforcée lors du sommet de septembre 1999, à Cologne. Elle tend à restaurer durablement la solvabilité de certains Etats par l'annulation de la part de leur dette extérieure qui dépasse un niveau considéré, au vu des perspectives de croissance économique, comme « soutenable ».

Pour être éligible, un pays endetté doit remplir quatre conditions cumulatives :

- être admissible à emprunter auprès de l'Association internationale de développement (AID) de la Banque mondiale, qui octroie des prêts sans intérêts et des dons aux pays les plus pauvres, et auprès du Fond monétaire international (FMI) par le biais de sa « Facilité élargie de crédit », qui offre des prêts à des taux bonifiés aux pays à faible revenu ;

- faire face à une charge d'endettement insoutenable, pour laquelle les mécanismes traditionnels d'allègement de dettes sont insuffisants ;

- avoir procédé à des réformes et mené une politique économique dans le cadre de programmes appuyés par la Banque mondiale et le FMI ;

- avoir élaboré un « document de stratégie pour la réduction de la pauvreté » (DSRP) suivant un processus participatif au niveau national.

Le processus comporte quatre étapes : une période préliminaire ; l'atteinte du « point de décision », qui conditionne l'éligibilité proprement dite à l'Initiative PPTE ; une phase intérimaire ; enfin, l'atteinte du « point d'achèvement », qui constitue la sortie du processus et permet le traitement complet du stock de dettes. Pour obtenir la réduction intégrale et irrévocable de sa dette, un pays doit établir ses bonnes performances dans les programmes soutenus par la Banque mondiale et le FMI, exécuter de manière satisfaisante les réformes convenues au stade du « point de décision », et mettre en oeuvre son DSRP pendant un an au moins.

Ce dispositif concerne aujourd'hui, en pratique , trente-six Etats , sur les quarante qui s'avèrent éligibles :

- trente-deux pays ont franchi le « point d'achèvement » autorisant le traitement des dettes (Afghanistan, Bénin, Bolivie, Burkina-Faso, Burundi, Cameroun, République centrafricaine, Congo, République démocratique du Congo, Ethiopie, Gambie, Guinée-Bissau, Guyana, Ghana, Haïti, Honduras, Libéria, Madagascar, Malawi, Mali, Mauritanie, Mozambique, Nicaragua, Niger, Rwanda, Sao Tome et Principe, Sierra Leone, Sénégal, Tanzanie, Togo, Ouganda et Zambie) ;

- quatre pays se trouvent encore entre le « point de décision », qui marque l'entrée dans le processus et permet un allègement de dettes intérimaire, et ce « point d'achèvement » (Côte d'Ivoire, Comores, Guinée et Tchad).

Les quatre pays situés avant le « point de décision » ne semblent pas devoir progresser au sein de l'Initiative, du moins à court terme : l'Erythrée n'entretient de relations que très limitées avec les institutions financières internationales, la République kirghize ne souhaite pas bénéficier des allègements de dettes en faveur des PPTE, tandis que la Somalie et le Soudan connaissent tous deux une situation d'arriérés prolongés vis-à-vis des créanciers multilatéraux qui empêche, à ce stade, toute avancée.

Le coût global des traitements de dettes pratiqués au titre de l'Initiative PPTE s'élevait, fin 2010, à 59,7 milliards de dollars (en valeur actuelle nette) pour les trente-six pays précités : 55,3 milliards de dollars pour les trente-deux pays qui ont franchi le point d'achèvement et 4,3 milliards de dollars pour les quatre pays situés entre le point de décision et le point d'achèvement.

Les créanciers multilatéraux représentent 45 % de ce total (34,3 milliards de dollars), les Etats membres du Club de Paris 36 % (27,7 milliards), les Etats non-membres du Club de Paris 13 % (10 milliards) et les créanciers privés 6 % (4,5 milliards).

Notre pays constitue le premier de ces contributeurs .

L'activité du Club de Paris pourrait encore conduire à traiter, dans la période 2011-2012 , des encours très importants de créances françaises , en particulier pour la Côte d'Ivoire (500 millions d'euros), la République démocratique du Congo (550 millions) et le Soudan (1,8 milliard).

Les pays qui atteignent le « point d'achèvement » de l'Initiative PPTE deviennent éligibles à l' Initiative d'annulation de la dette multilatérale (IADM), que le G8 a retenue en juillet 2005, lors du sommet de Gleaneagles, en vue d'accélérer les progrès vers la réalisation des « Objectifs du Millénaire pour le développement ». Ce dispositif additionnel permet l' annulation de la totalité des créances admissibles détenues par quatre grandes institutions financières internationales : la Banque mondiale, le FMI, la Banque interaméricaine de développement et le Fonds africain de développement. La décision d'octroi d'une remise de dettes dans ce cadre relève de la responsabilité distincte de chaque institution, et ses modalités d'application peuvent donc varier de l'une à l'autre. En ce qui concerne le FMI, en février 2010, le coût total de la participation s'élevait à 3,36 milliards de dollars (en valeur nominale).

En outre, l'« Approche d'Evian », décidée par le G7 en juin 2003, vise les Etats confrontés à une dette extérieure insoutenable mais qui ne répondent pas aux critères d'éligibilité à l'Initiative PPTE. Il s'agit ici d'élaborer des solutions « sur mesure » , adaptées à la situation de chaque pays, par opposition aux termes standard du Club de Paris. La mise en oeuvre du dispositif n'est accordée que dans le cas d'un défaut imminent du bénéficiaire.

Les traitements bilatéraux

Au niveau bilatéral , la France consent des traitements de dettes additionnels en faveur des Etats éligibles à l'Initiative PPTE . Les remises accordées à ce titre s'élevaient, fin 2010 , à plus de 1,4 milliard d'euros au total. Ces allègements se traduisent de deux manières :

- d'une part, l' annulation intégrale des dettes commerciales (et non seulement à hauteur de 90 % de l'encours, comme le permet l'Initiative PPTE dans son schéma de principe) est mise en oeuvre depuis le sommet franco-africain qui s'est tenu à Yaoundé en janvier 2001 ;

- d'autre part, dès lors que le « point d'achèvement » de l'Initiative PPTE est franchi par un pays, l' annulation de la totalité des créances d'aide publique au développement peut lui être accordée, par l'intermédiaire de refinancement par dons des échéances d'emprunt . Ce traitement est mis en oeuvre par l'AFD, au moyen de « contrats de désendettement et de développement » ( C2D , dont les crédits sont suivis dans le programme 209 « Solidarité à l'égard des pays en développement » de la mission « Aide publique au développement »).

Le premier C2D a été conclu en 2001. Le coût du dispositif pourrait atteindre 200 millions d'euros en 2012 .

Sur le fondement d'un C2D, le pays partenaire continue de rembourser, à chaque échéance, le service de sa dette aux créanciers français (AFD, Banque de France, Natixis), mais l'Etat français lui verse une subvention, à due concurrence, sur un compte spécifique tenu par sa banque centrale : ce compte sera débité au profit des points d'affectation prévus par le contrat, pour couvrir soit des appuis financiers à des programmes gouvernementaux , soit des aides budgétaires sectorielles . Les C2D ont ainsi permis d'aider les secteurs de la santé (programme de lutte contre le sida au Mozambique), de l'éducation (aide budgétaire affectée en Mauritanie et au Burundi et fonds commun multi-bailleurs en Tanzanie), de l'agriculture (appui au Programme national de développement participatif et contribution au Programme d'amélioration de la compétitivité des exploitations familiales agricoles au Cameroun), du développement local (renforcement des communes en Mauritanie), de l'environnement (financement de la Fondation pour la protection des aires protégées et la biodiversité à Madagascar), ainsi que la lutte contre la pauvreté (aide budgétaire globale non affectée en Bolivie, au Ghana, à Madagascar et au Mozambique), le micro-crédit (appui à un programme en ce domaine au Mozambique), ou encore les infrastructures (programme de développement urbain des villes de Douala et Yaoundé au Cameroun, programme d'accès à l'électricité au Rwanda).

Des traitements consentis sous les plafonds déterminés par le législateur

Le niveau des allègements de dettes que la France est susceptible d'accorder aux pays en développement (visant les créances de l'Etat, de l'AFD, de la Coface ou de Natixis) fait l'objet d'un double plafonnement , déterminé en loi de finances , dont le niveau est révisé régulièrement : un plafond est prévu pour les annulations décidées dans le cadre multilatéral du Club de Paris, un autre pour les annulations décidées par notre pays sur une base bilatérale . Ces plafonds s'entendent de façon cumulée, c'est-à-dire en tenant compte de toutes les remises déjà consenties par le passé.

Source : commission des finances

Vos rapporteurs spéciaux appellent l'attention sur les lourds enjeux économiques et humains qui s'attachent à ces opérations , dont l'aspect technique ne saurait occulter le sort souvent dramatique qu'endurent les populations de ces pays.

2. La justification des crédits demandés

Les crédits inscrits par le présent PLF dans le programme 852, soit 986,64 millions d'euros en AE comme en CP, sont destinés, comme on l'a indiqué, à financer les refinancements auxquels donnent lieu les accords de consolidation de dettes intervenant en Club de Paris .

Cette prévision de dépense a été établie au vu des accords susceptibles d'être conclus au cours de l'année à venir en Club de Paris ; elle peut évoluer en fonction de la situation économique des pays débiteurs concernés.

Comme les années précédentes, vos rapporteurs spéciaux regrettent le caractère particulièrement sommaire de cette « justification au premier euro » donnée par le PAP de la mission « Prêts à des Etats étrangers » annexé au présent PLF.

C. LES PRÊTS À L'AFD (380 MILLIONS D'EUROS EN AE, 232 MILLIONS EN CP)

1. La nature des prêts financés

Le programme 853 « Prêts à l'Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des Etats étrangers » constitue un « canal » budgétaire symétrique à l'action n° 2 « Aide économique et financière bilatérale » du programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide publique au développement » 59 ( * ) . Il correspond à la mise à disposition de l'AFD d'une ressource octroyée à des conditions très concessionnelles : les prêts sont étalés sur trente ans, dont dix ans de différé, et portent un taux de 0,25 %.

Ces prêts sont affectés à deux types d'opérations :

- l'adossement intégral des prêts octroyés par l'AFD à des Etats ayant atteint le « point d'achèvement » de l'Initiative PPTE 60 ( * ) , dans une logique de maintien de la « soutenabilité » de leur dette à moyen terme ;

- la constitution par l'AFD de provisions pour risque commercial au titre des prêts concessionnels non souverains, accordés au secteur privé, grâce au différentiel de taux avec les émissions obligataires de l'Agence. Cette provision requiert un tirage égal à une part du montant du capital du prêt, fonction du risque pays et du risque de contrepartie 61 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux tiennent à souligner le caractère exemplaire de l'initiative de l'AFD en ce qui concerne les prêts très concessionnels contra-cycliques , qui permettent d'adapter le profil des remboursements des pays débiteurs aux circonstances économiques. Ces procédures s'avèrent particulièrement utiles pour les pays emprunteurs qui exportent un nombre limité de produits dont les cours reposent sur ceux des matières premières, très fluctuants.

2. La justification des crédits demandés

La dotation de ce programme, prévue pour 2012 à hauteur de 412 millions d'euros en AE et de 318 millions d'euros en CP , fait l'objet dans le PAP de la mission « Prêts à des Etats étrangers » annexé au présent PLF d'une « justification au premier euro » excessivement sommaire . On sait qu'une part de ces crédits sera affectée au financement des prêts souverains très concessionnels de l'AFD à des Etats ayant atteint le « point d'achèvement » de l'Initiative PPTE et qu'une autre part servira, conjointement avec le programme 110 « Aide économique et financière au développement » de la mission « Aide publique au développement », à couvrir le risque commercial associé aux prêts non souverains concessionnels alloués par l'AFD ; mais les montants correspondants, en AE et CP, ne sont pas précisés par le document. Vos rapporteurs spéciaux le déplorent d'autant plus que la précision avait été fournie dans le PAP joint au PLF pour 2010.

On notera que la différence entre le niveau des AE et celui des CP reflète le caractère pluriannuel du coût pour l'Etat des engagements de l'AFD , les paiements à l'Agence intervenant tout au long du décaissement d'un prêt : le besoin de CP reste marginal l'année de l'octroi, puis augmente progressivement sur trois ans, avant de lentement diminuer les sept années suivantes ; les CP ouverts une année donnée correspondent donc presque exclusivement au financement de prêts ayant fait l'objet d'engagements dans les années antérieures. Ainsi, la demande de CP pour 2012 est destinée à hauteur de 318 millions d'euros à permettre la mise en oeuvre d'engagements antérieurs à 2011, et ne vise que très marginalement (à hauteur de 2 millions) celle des engagements pris en 2011.

D. LE PRÊT À LA GRÈCE (6,143 MILLIARDS D'EUROS EN CP)

1. La nature du prêt financé

Le programme 854 « Prêts aux Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro », comme on l'a signalé, a été créé par la LFR du 7 mai 2010 afin de permettre à la France de contribuer au plan de soutien décidé, pour le moment en faveur du seul Etat grec, en vue de préserver la stabilité financière au sein de la zone euro .

Pour mémoire, suivant le mécanisme adopté au printemps 2010 par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro :

- la procédure est mise en oeuvre, le cas échéant, à la demande d'un Etat membre qui ne peut plus faire face à ses besoins de trésorerie ;

- la Commission européenne et la Banque centrale européenne (BCE) doivent évaluer la situation financière de cet Etat, estimer le montant du prêt à lui accorder, et proposer une définition des conditionnalités de ce prêt ;

- au vu de ces éléments, les Etats membres de la zone euro doivent décider à l'unanimité de l'activation du plan de soutien ;

- tout Etat membre peut choisir de ne pas participer au versement d'une tranche du programme sans que cela empêche le soutien par les autres.

Le niveau de participation de chaque Etat membre est calculé au prorata de la souscription de sa banque centrale nationale au capital de la BCE , évalué sur le seul champ des Etats membres de la zone euro participants et hors l'Etat membre bénéficiaire. Dans le cas du soutien décidé en faveur de la Grèce, la contribution française s'établissait ainsi à hauteur de 20,97 % dans l'hypothèse où tous les Etats membres de la zone euro (hormis la Grèce elle-même) s'associaient effectivement à la mise en oeuvre.

2. La justification des crédits demandés

On rappelle que la LFR du 7 mai 2010 a ouvert sur le programme « Prêts aux Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » la totalité des AE requis par le prêt versé à la Grèce en application du plan de soutien décidé au niveau européen, soit 16,8 milliards d'euros . Ce montant correspond à l'engagement de la France sur la période 2010-2013, déterminé par l'application de la clé de répartition précitée au montant global maximal de 80 milliards d'euros prévu, en faveur de l'Etat grec, par les Etats membres de la zone euro, auxquels s'ajoutent 30 milliards d'euros de soutien de la part du FMI.

Aussi, seuls des CP se trouvent inscrits sur le programme par le présent PLF , à hauteur de 3,894 milliards d'euros . Ces crédits correspondent au montant que notre pays devrait prêter à l'Etat grec en 2012, selon la clé de répartition.

Fin septembre 2011, cinq tranches de prêts ont été effectivement déboursées , d'un montant total de 47,1 milliards d'euros pour les Etats membres de l'Union économique et monétaire, dont 10,1 milliards d'euros pour la France , complétés par 17,9 milliards d'euros du FMI.

Depuis la création du programme, deux autres Etats membres ont fait appel à la solidarité européenne : l'Irlande et le Portugal .

L'aide qui leur a été accordée a cependant mobilisé le nouveau Fonds européen de stabilité financière (FESF), instrument intergouvernemental ayant pour objet de contribuer, jusqu'à 440 milliards d'euros, au refinancement des Etats membres de la zone euro en difficulté, et qui bénéficie à ce titre de la garantie apportée par l'ensemble des Etats membres de la zone euro. La garantie de la France a été accordée au FESF dans le cadre de la loi de finances rectificative n° 2010-606 du 7 juin 2010.

La France n'a donc pas eu à consentir de prêts bilatéraux supplémentaires, et ne devrait pas avoir à le faire dans le cadre du deuxième programme d'aide à la Grèce décidé par les chefs d'Etat et de gouvernement de la zone euro lors du sommet du 21 juillet 2011, puisqu'il a également été décidé de faire appel au FESF.

Le programme « Prêts aux Etats membres de l'Union européenne dont la monnaie est l'euro » ne devrait donc pas être remobilisé à brève échéance.


* 57 Les crédits afférents sont comptabilisés dans l'APD française malgré le niveau de développement des pays récipiendaires. Toutefois, les prêts doivent respecter les règles relatives à l'aide « liée » (dites « règles d'Helsinki ») de l'Arrangement sur les crédits à l'exportation bénéficiant d'un soutien public, qui ont été révisées en 2005 sous l'égide de l'OCDE. Ces règles fixent notamment les niveaux minima de « concessionnalité » des financements.

* 58 Cf . l'encadré ci-après. L'impact sur les comptes publics des différents allègements de dettes se trouve précisé dans la première partie du présent rapport (chapitre I, section II).

* 59 Cf . supra , première partie (chapitre II, section I, II).

* 60 Cf . l'encadré ci-dessus, 2.

* 61 Jusqu'en 2008, le montant était forfaitaire, à hauteur de 25 %. La réforme permet de mesurer le risque de crédit de manière plus fine, en appréciant la situation réelle du débiteur.