M. Edmond HERVE, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL
SUR LE PROGRAMME 107 « ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE »

- En 2012, l'administration pénitentiaire verra ses autorisations d'engagement progresser de 44,1 % et ses crédits de paiement de 7,4 % .

- Les crédits d'investissements (titre 5) enregistrent une hausse exceptionnelle de 155,6 % en autorisations d'engagement et de 31,1 % en crédits de paiement.

- Cette augmentation s'explique par la mise en oeuvre du nouveau programme immobilier (NPI) qui doit se traduire par la construction de vingt cinq établissements, associée à la fermeture de trente six établissements. Au terme du NPI, l'administration pénitentiaire pourrait ainsi disposer de 70 000 places de détention. Cette priorité de la politique pénitentiaire actuelle mobilise, à elle seule, 1,852 milliard d'euros en autorisations d'engagement sur 2012.

- Le plafond d'emploi du présent programme s'établit à 35 511 ETPT , en hausse de 4 564 ETPT.

- Toutefois, concernant les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP) , votre rapporteur spécial tient à souligner les conditions de travail de plus en plus tendues auxquelles les personnels sont confrontés, en particulier, dans le contexte de la montée en charge du placement sous surveillance électronique . Face à l'accroissement de leur charge de travail, il est nécessaire de porter les effectifs de ces services à un niveau permettant le maintien de la qualité des missions accomplies.

- Concernant la surpopulation carcérale, la préoccupation majeure consiste dans les quatre établissements dont la densité reste supérieure à 200 % et qui accueillent 1 101 détenus (Faa'a Nuutania, Orléans, Béthune et La Roche-sur-Yon).

- Depuis le 1 er janvier 2011, la responsabilité des transfèrements des détenus (en dehors des détenus signalés particulièrement dangereux) entre leur cellule et les palais de justice ainsi que des missions d'escorte et de garde des détenus hospitalisés dans les UHSI a été transférée au ministère de la justice et des libertés. Les conséquences de ce transfert de mission devront être évaluées en 2012 .

III. LE PROGRAMME 107 « ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE »

A. UN PROGRAMME RENDANT COMPTE DE L'EXÉCUTION DES DÉCISIONS DE JUSTICE ET DE LA RÉINSERTION SOCIALE DES DÉTENUS

Le programme 107 « Administration pénitentiaire » contient les moyens destinés à l'exécution des décisions de justice en matière pénale à l'égard des personnes placées sous main de justice, en milieu ouvert ou en milieu fermé. Il concerne aussi la réinsertion sociale des détenus (préparation à leur sortie, puis mesures de suivi, en collaboration avec des partenaires publics ou associatifs).

L'action 1 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice » contient essentiellement des crédits de personnel et d'équipement, destinés à la garde des détenus et à la mise en oeuvre des mesures de suivi judiciaire à l'égard de personnes ayant fait l'objet de mesures alternatives à la poursuite. Les moyens figurant dans cette action concernent en particulier la construction, la rénovation et la sécurisation des établissements pénitentiaires 31 ( * ) , ainsi que le placement sous surveillance électronique (PSE) et le placement sous surveillance électronique mobile (PSEM), le placement extérieur 32 ( * ) et la semi-liberté.

L'action 2 « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » concerne les prestations d'entretien au quotidien (alimentation, habillement, couchage, hygiène...), ainsi que les soins et les mesures prises pour le maintien des liens familiaux.

Les dépenses d'entretien des détenus sont engagées, soit en régie, soit en gestion mixte (notamment pour la restauration ou l'hôtellerie).

Cette action porte également sur le travail pénitentiaire 33 ( * ) ainsi que les activités d'enseignement et de formation.

L'action 4 « Soutien et formation » regroupe les personnels et les moyens de fonctionnement de l'administration centrale, des directions régionales de l'administration pénitentiaire, des services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), ainsi que de l'école nationale de l'administration pénitentiaire (ENAP).

En outre, elle couvre les dépenses relatives au développement du réseau informatique de l'administration pénitentiaire ainsi qu'à la formation de ses personnels.

B. LE POIDS DE L'ACTION « GARDE ET CONTRÔLE DES PERSONNES PLACÉES SOUS MAIN DE JUSTICE » : 60,8 % DES CRÉDITS DE PAIEMENT

Plus de la moitié (60,8 %) des moyens du présent programme est concentré sur l'action 1 « Garde et contrôle des personnes placées sous main de justice ».

L'action 4 « Soutien et formation » est ventilée entre les deux premières actions du programme « Administration pénitentiaire ».

Crédits de paiement du programme 107 par action

(en millions d'euros)

Source : d'après le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2012

L'ENAP , opérateur du programme, est financée par une subvention pour charges de service public s'imputant sur l'action 4 « Soutien et formation ». Le montant de cette subvention s'élève à 27,9 millions d'euros. En 2010, l'école a formé 4 934 agents, tant en formation initiale (2 011) qu'en formation continue (2 923). Elle devrait en former un peu plus de 6 500 en 2012.

C. L'AUGMENTATION DES CRÉDITS DE PAIEMENT : 7,4 %

En 2012, l'administration pénitentiaire verra ses autorisations d'engagement progresser de 44,1 % et ses crédits de paiement de 7,4 % .

Les crédits en personnel (titre 2) augmentent de 70 millions d'euros, soit + 3,9 % 34 ( * ) .

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) croissent, pour leur part, de 56,5 millions d'euros en crédits de paiement, soit + 8,6 % .

L'augmentation de ces dépenses est notamment liée à l'ouverture de nouveaux établissements construits en autorisation d'occupation temporaire - location avec option d'achat (AOT-LOA), dont le fonctionnement (c'est-à-dire l'entretien des détenus) est confié à des prestataires privés dans le cadre de contrats multi-services. Dix établissements, livrés en 2009 et 2010 (Roanne, Lyon Corbas, Nancy, Béziers, Poitiers, Le Havre, Le Mans, Lille Annoeulin, « Sud francilien » à Réau et Nantes) sont concernés.

En 2012, les loyers de ces établissements construits en partenariats public-privé (PPP) s'élèveront à 114 millions d'euros.

S'agissant de ce mode de gestion en PPP, votre rapporteur spécial souligne l'importance de préserver une maîtrise d'ouvrage en capacité d'assurer le suivi et le contrôle de ce type de marché, afin d'éviter un dérapage des coûts dans le temps .

Par ailleurs, le montant des crédits affectés à l'entretien des détenus et au fonctionnement des établissements en gestion publique s'élèvera à 127,5 millions d'euros.

Les crédits d'investissements (titre 5) enregistrent une hausse exceptionnelle de 155,6 % en autorisations d'engagement et de 31,1 % en crédits de paiement.

Cette augmentation s'explique par la mise en oeuvre du nouveau programme immobilier (NPI) qui doit se traduire par la construction de vingt cinq établissements, associée à la fermeture de trente six établissements. Au terme du NPI, l'administration pénitentiaire pourrait ainsi disposer de 70 000 places de détention ( cf. infra ). Cette priorité de la politique pénitentiaire actuelle mobilise, à elle seule, 1,852 milliard d'euros en autorisations d'engagement sur 2012.

Les crédits d'intervention (titre 6) , enregistrent, pour leur part, une légère baisse de 0,9 %, en passant de 87,3 millions d'euros en 2011 à 86,5 millions d'euros en 2012. Ils bénéficient majoritairement (72 millions d'euros) à l'action 2 « Accueil et accompagnement des personnes placées sous main de justice » et sont consacrés à des transferts à la sécurité sociale à hauteur de 60,6 millions d'euros 35 ( * ) .

D. LES EFFECTIFS : 35 511 ETPT DONT 26 033 ETPT CONSACRÉS AU PERSONNEL DE SURVEILLANCE

Après une hausse de 772 ETPT en 2008, de 894 ETPT en 2009, de 840 ETPT en 2010 et de 997 ETPT en 2011, le programme « Administration pénitentiaire » connaît un nouvel accroissement de son plafond d'emploi de 454 ETPT. Ce plafond s'établit à 35 511 ETPT .

Cette évolution résulte de l'extension en année pleine des nouveaux emplois pourvus en 2011 et de la création de 145 ETPT au titre des créations d'emploi en 2012.

Au total, il faut souligner que le programme « Administration pénitentiaire » enregistrera un gain net de 290 emplois supplémentaires au terme de l'exercice 2012 .

Cette augmentation des effectifs vise notamment à répondre aux besoins en personnel liés à l'ouverture de nouvelles places en détention au cours de l'exercice (notamment la nouvelle maison centrale de Condé sur Sarthe).

Le personnel de surveillance (catégorie C) constitue l'essentiel des effectifs avec 26 033 ETPT, en hausse de 508 ETPT.

Les métiers du greffe, de l'insertion et de l'éducatif sont dotés, pour leur part, de 4 131 ETPT (+ 41 ETPT).

Concernant les services pénitentiaires d'insertion et de probation (SPIP), votre rapporteur spécial tient à souligner les conditions de travail de plus en plus tendues auxquelles les personnels sont confrontés . En particulier, dans le contexte de la montée en charge du placement sous surveillance électronique ( cf. infra ), il rappelle que le SPIP est chargé par le juge de l'application des peines (JAP) de l'enquête de faisabilité de la mesure, puis du contrôle du respect des obligations imposées au condamné (vérifications téléphoniques, visites au lieu d'assignation, convocations à l'établissement d'écrou ou au SPIP). En outre, après une expérimentation engagée en avril 2010 dans dix SPIP, la généralisation du transfert de la prise en charge de la surveillance électronique (gestion logistique des dispositifs, opération de pose et de dépose des bracelets, interventions techniques en cours de mesure) des établissements pénitentiaires vers les SPIP a été actée.

Actuellement selon la Chancellerie, cette mission mobilise 685 agents , dont 270 surveillants, 315 conseillers pénitentiaires d'insertion et de probation , ainsi que 100 agents administratifs.

Face à l'accroissement de la charge de travail pesant sur les SPIP, votre rapporteur spécial estime nécessaire de porter les effectifs de ces services à un niveau permettant le maintien de la qualité des missions accomplies .

E. LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI PÉNITENTIAIRE

La loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 dite « loi pénitentiaire » emporte des conséquences importantes sur les services pénitentiaires, leurs missions et leur organisation , tant en milieu fermé qu'en milieu ouvert. Avec elle, l'amélioration de la condition des personnes détenues devient un objectif encore plus prioritaire.

Trois mesures liées à la mise en oeuvre de cette loi auront des répercussions directes sur les crédits de fonctionnement du programme en 2011.

Tout d'abord, la montée en charge prévue du placement sous surveillance électronique (PSE) et l'assouplissement de ses conditions d'octroi (en particulier avec la mise en place du PSE en fin de peine) 36 ( * ) s'appuie sur un budget de 30 millions d'euros . Ces crédits doivent permettre le financement de 11 850 PSE , 150 placements sous surveillance électronique mobile (PSEM) 37 ( * ) et 799 placements à l'extérieur non hébergés (PE).

En outre, les opérations de construction d'unités de vie familiale (UVF) et de parloirs familiaux (en application des dispositions de l'article 36 de la loi pénitentiaire, qui ouvre l'accès à ces unités et à ces parloirs à toutes les catégories de personnes détenues) nécessitent l'ouverture de crédits à hauteur de 1,5 million d'euros .

Enfin, 4,8 millions d'euros sont destinés au financement de la lutte contre l'indigence . Ils correspondent au versement d'une aide en numéraire aux détenus déclarés comme indigents 38 ( * ) .

La loi pénitentiaire pose le principe de l'encellulement individuel en son article 87 39 ( * ) . L'application de ce principe ne manquera pas d'avoir une incidence, dans les années à venir, sur les programmes de construction et de rénovation d'établissements pénitentiaires. Votre rapporteur spécial considère néanmoins que ce principe doit pouvoir comporter des aménagements : l'encellulement individuel présente en effet également un risque d'isolement des détenus psychologiquement préjudiciable .

Aussi, votre rapporteur spécial estime-t-il important, pour l'avenir, de préserver un certain pourcentage de « cellules doubles » afin de pouvoir répondre aux demandes de détenus ne souhaitant pas se retrouver seuls. Actuellement, les nouveaux programmes immobiliers pénitentiaires prévoient d'ailleurs une proportion de 20 % de « cellules doubles », ce qui paraît un équilibre souhaitable .

F. LA PRESSION DU TAUX DE POPULATION CARCÉRALE

1. Un taux d'occupation reparti à la hausse en 2011 : 115,4 %

Depuis plusieurs années, votre commission dénonce sans discontinuer les conditions de détention parfois inhumaines dans les prisons françaises, du fait de leur vétusté et d'un taux de surpopulation carcérale élevé 40 ( * ) .

L'année 2008 s'était caractérisée par un pic historique avec un taux de surpopulation de 126,5 % 41 ( * ) . Depuis 2009, une décrue était toutefois observée avec un taux de 110,1 % au 1 er juillet 2010. L'exercice 2011 enregistre un redémarrage à la hausse de ce ratio, qui atteignait 115,4 % au 1 er juillet dernier. Au total, à cette date, 64 726 personnes étaient écrouées et détenues pour 56 081 places opérationnelles.

La préoccupation majeure demeure, dans cette perspective, les quatre établissements (Faa'a Nuutania, Orléans, Béthune et La Roche-sur-Yon) dont la densité reste supérieure à 200 % et qui concernent encore 1 101 détenus.

2. Le programme « 13 200 » de rénovation et de construction d'établissements

Initié par la LOPJ, le programme dit « 13 200 » comporte 10 800 places réservées à la réalisation de nouveaux établissements pénitentiaires et 2 400 places dédiées à l'application de nouveaux concepts pénitentiaires adaptés à la diversité de la population pénale, en particulier pour éviter le risque de « contamination par la promiscuité » (2 000 pour les détenus majeurs et 400 dans les structures exclusivement réservées aux mineurs).

Comme l'indique le tableau ci-dessous, l'investissement dans l'immobilier pénitentiaire a essentiellement commencé à produire ses effets à partir de 2008 . Au cours de cette année là, en effet, ont commencé à être ouvertes les premières grandes tranches du programme immobilier de l'administration pénitentiaire (établissements pénitentiaires pour mineurs, centre pénitentiaire de Mont de Marsan et centre pénitentiaire de Saint-Denis de la Réunion, notamment). Dans la continuité, l'année 2009 a connu de nouvelles livraisons (Roanne, Lyon Corbas, Nancy, Béziers, Poitiers, Le Havre et Le Mans) et a perçu les dividendes de ce programme en termes de baisse du taux d'occupation et d'amélioration des conditions de détention.

Les créations de places en établissements pénitentiaires sur la période 2004 - 2013

(hors nouveau programme immobilier)

2004

2005

2006

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

Programme 13 200

0

0

0

210

1 437

3 562

2 471

1 699

897

338

Autres opérations

584

531

427

87

377

386

183

89

257

260

Création brute de places

584

531

427

297

1 814

3 948

2 654

1 788

1 154

598

Fermetures de places

0

0

0

0

207

795

687

0

378

55

Création nette de places

584

531

427

297

1 607

3 153

1 967

1 788

776

543

Source : Chancellerie

A l'issue du programme « 13 200 » et du programme de réhabilitation des plus importantes structures pénitentiaires, la capacité théorique globale de l'administration pénitentiaire doit être portée à environ 63 500 places 42 ( * ) .

3. Le nouveau programme immobilier (NPI)

Le nouveau programme immobilier (NPI), annoncé par le Garde des sceaux le 5 mai 2011, correspond à un plan de restructuration du parc immobilier pénitentiaire . Il vise, d'une part, à assurer des conditions dignes de détention (en conformité avec les règles pénitentiaires européennes et les prescriptions de la loi pénitentiaire précitée du 24 novembre 2009) et, d'autre part, à augmenter les capacités d'hébergement de l'administration pénitentiaire. Ce programme cherche ainsi à améliorer le taux de mise à exécution des peines d'emprisonnement prononcées par les juridictions pénales et à assurer l'encellulement individuel des personnes détenues.

Il prévoit la construction de vingt cinq nouveaux établissements (dont deux en outre-mer), la réhabilitation de la maison d'arrêt de Paris-La Santé 43 ( * ) , la reconstruction du centre pénitentiaire de Nouméa ainsi que l'extension du centre pénitentiaire de Ducos. Concomitamment à la livraison de ces structures, la fermeture de trente six sites est programmée.

Les créations de places en établissements pénitentiaires sur la période 2011 - 2014

(y compris le nouveau programme immobilier)

2011

2012

2013

2014

Programme 13 200

1 699

897

338

210

Autres opérations

89

257

260

87

Création brute de places

1 788

1 154

598

297

Fermetures de places

0

378

55

0

Création nette de places (Programme 13 200 et autres opérations)

1 788

776

543

297

Nouveau programme immobilier (NPI)

0

0

0

930

Fermetures de places (NPI)

807

59

0

217

Création nette de places (NPI)

- 807

- 59

0

713

Création nette de places (Tous programmes confondus)

981

717

543

1 227

Source : Chancellerie

Avec l'effet attendu du NPI sur les créations de places, il est ainsi prévu que, d'ici à la fin de l'année 2017, 7 570 places vétustes soient remplacées par 14 280 nouvelles places. Au total, le solde de création nette de places s'élèverait à 6 710 places .

Enfin, le 13 septembre 2011, le Président de la République a annoncé une future loi d'orientation et de programmation venant consacrer l'objectif de disposer de 80 000 places de prison à l'horizon 2017, afin d'améliorer l'exécution des peines.

G. LA NÉCESSITÉ DE L'ÉVALUATION EN 2012 DU TRANSFERT DE LA MISSION DE TRANSFÈREMENTS DES DÉTENUS À L'ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE

La question du transfèrement des détenus figure parmi les sujets récurrents de la mission « Justice » depuis plusieurs années. Elle a fait l'objet d'une avancée décisive en 2011.

1. Jusqu'en 2010, une répartition complexe des tâches

Jusqu'en 2010, les principales règles de répartition des compétences en matière d'escortes et de gardes des détenus étaient complexes et, au final, elles faisaient peser une charge importante sur la police et la gendarmerie .

Les transfèrements administratifs , qui consistent en la conduite d'un détenu d'un établissement pénitentiaire à un autre, étaient réalisés par l'administration pénitentiaire . Dans des cas exceptionnels, lorsqu'un détenu était réputé dangereux, le concours des forces de l'ordre (police ou gendarmerie) pouvait être sollicité.

Les extractions consistent à conduire les détenus de l'établissement dans lequel ils sont incarcérés jusqu'au palais de justice où ils doivent être présentés ou comparaître, et à en assurer la garde.

Les translations judiciaires sont effectuées à la demande de l'autorité judiciaire. Elles résident dans le transfert des détenus d'un établissement pénitentiaire vers un autre.

Les extractions et les translations judiciaires étaient intégralement assurées par la police et la gendarmerie .

Le conseil de sécurité intérieur du 6 décembre 1999 avait, par ailleurs, décidé la prise en charge à 100 % par l'administration pénitentiaire des escortes médicales pour consultations . A l'instar des transfèrements administratifs, le concours des forces de l'ordre pouvait être sollicité lorsque le détenu extrait était réputé dangereux.

Enfin, le transport des détenus pour une hospitalisation devait être assuré par les forces de l'ordre (circulaire interministérielle du 8 avril 1963). La garde des détenus hospitalisés incombait, elle aussi, aux forces de l'ordre. Il convient, à cet égard, de noter que la création des unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) avait entraîné, depuis 2000, une augmentation significative des transfèrements et des extractions.

2. Les orientations de la RGPP

La RGPP a fixé à la Chancellerie un objectif de réduction du nombre de transfèrements de détenus .

Il a ainsi été décidé de mettre en place un mécanisme incitatif, basé sur une cible de réduction de 5 % du volume des transfèrements en 2009 et 2010. En cas de dépassement, des transferts budgétaires se feraient de la mission « Sécurité » vers la mission « Justice », et inversement en cas de sous-réalisation.

Pour 2009 et en application de cette convention, la mission « Sécurité » a ainsi versé 427 476 euros au programme 166 « Justice judiciaire » de la mission « Justice » , le ministère de la justice et des libertés ayant obtenu une baisse de 6,4 % du volume des transfèrements.

Le dispositif instauré visait à susciter une prise de conscience quant à la nécessité de réduire le nombre de transfèrements.

3. Le transfert au ministère de la justice de la responsabilité de certains transfèrements en 2011

Le 30 septembre 2010, le Premier ministre a décidé du transfert de la responsabilité des transfèrements judiciaires ainsi que de l'escorte et de la garde des détenus hospitalisés dans les unités hospitalières sécurisées interrégionales (UHSI) du ministère de l'intérieur vers le ministère de la justice 44 ( * ) .

Ce transfert de responsabilité s'accompagne lui-même d'un transfert de 800 ETPT du ministère de l'intérieur vers le ministère de la justice. Il doit s'étaler sur trois ans : 200 ETPT en 2011, 250 ETPT en 2012 et 350 ETPT en 2013.

Une expérimentation a été menée, du 4 avril au 30 août 2011, dans les ressorts des TGI d'Epinal (Vosges) et de Cusset (Allier).

Depuis septembre 2011, le transfert est étendu à l'ensemble des régions Lorraine et Auvergne .

Une seconde expérimentation a débuté, le 5 octobre 2011, en région Basse-Normandie . En décembre 2011, la reprise de la mission par l'administration pénitentiaire devrait être étendue à l'ensemble de cette région.

En 2012 , le transfert de la mission sera étendu, dès le mois d'avril, aux régions Picardie, Champagne-Ardenne, Bourgogne, Centre, Poitou-Charente, Limousin, Aquitaine et Languedoc-Roussillon, puis, en octobre, aux régions Rhône-Alpes , Haute-Normandie, Nord-Pas-de-Calais et Alsace.

S'agissant des UHSI , la totalité des transfèrements a été reprise en charge par l'administration pénitentiaire depuis septembre 2011. La garde statique des détenus hospitalisés hors UHSI demeure de la responsabilité des forces de l'ordre, leur escorte relevant des attributions de l'administration pénitentiaire.

4. L'évaluation des résultats en 2012 et les marges de progression encore envisageables

D'après les informations recueillies par votre rapporteur spécial, une évaluation sera conduite au premier semestre 2012 pour tirer les enseignements des premiers mois de mise en oeuvre de cette réforme.

Toutefois, votre rapporteur spécial relève que le ministère de la justice et des libertés estime « insuffisants » les 800 ETPT transférés « au regard des observations récentes opérées et des expertises internes » 45 ( * ) .

Sous cette réserve d'importance, il considère que le succès de cette réforme passera par le respect de plusieurs impératifs.

En premier lieu, le transfert d'emplois doit effectivement avoir lieu et respecter le calendrier du transfert des responsabilités.

En deuxième lieu, le niveau de sécurisation des transfèrements ne doit pas pâtir de ce transfert de responsabilité de la police et la gendarmerie vers l'administration pénitentiaire.

Cette observation renvoie à la troisième et dernière condition qui consiste en l'accompagnement et en la formation des personnels pénitentiaires affectés à cette nouvelle tache .

H. LA PERFORMANCE DU PROGRAMME

Dans le cadre de l'appréciation de la performance de la mission « Justice », le développement des aménagements de peine représente un indicateur particulièrement mis en avant, puisqu'il figure parmi les quatre « indicateurs les plus représentatifs de la mission ».

L'indicateur 3.1 mesurant le « pourcentage de personnes placées sous écrou et condamnées bénéficiant d'un aménagement de peine » rend compte de résultats en progrès . Ainsi, ce ratio était de 13,4 % en 2009, de 16 % en 2010 et devrait être de 20 % sur 2011 (prévision actualisée). L'objectif pour 2012 est arrêté à 22 %. L'aménagement de peine peut correspondre à une mesure de PSE (représentant 70 % des cas d'aménagement en 2011), de placement extérieur ou de semi-liberté.

L'indicateur 1.1 met en évidence un « nombre d'évasions pour 10 000 détenus (sous garde pénitentiaire directe/hors de l'établissement » inférieur à 3 en prévision actualisée pour 2011, soit une performance conforme à la prévision d'origine.

Au regard de l'objectif de renforcement de la sécurité dans les établissements pénitentiaires (objectif 1 du programme), il convient en outre de souligner que le « taux de formation à la prévention du suicide (formation TERRA) » (indicateur 1.3) augmente pour les surveillants : 75 % en prévision actualisée pour 2011, contre 66 % en 2010.

S'agissant de l'amélioration des conditions de détention (objectif 4), l'indicateur 4.1 portant sur le « maintien des liens familiaux » témoigne d'un meilleur taux d'occupation des unités de vie familiale en 2011 (70 % en prévision actualisée) qu'en 2010 (66 %).

L'insertion professionnelle des détenus (objectif 5) demeure toutefois encore « à la traîne ». Seulement 39 % des détenus (en prévision actualisée pour 2011) bénéficie d'une activité rémunérée , soit une proportion quasi identique à 2010 (39,1 %).

Enfin, le « pourcentage de personnes condamnées à un sursis avec mise à l'épreuve ayant respecté l'obligation d'indemniser les victimes » (indicateur 6.1) reste, lui aussi, insatisfaisant : 62 % en prévision actualisée pour 2011 (contre 59 % en 2010).


* 31 La poursuite du programme de construction et de rénovation des établissements pénitentiaires fera l'objet de développements particuliers (Cf. infra, partie III-F).

* 32 La dotation consacrée aux développements des aménagements de peine et aux alternatives à l'incarcération (PSE, PSEM et placements à l'extérieur) s'élève, en 2012, à 23,3 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

* 33 Les actifs écroués sont répartis entre la production, le service général et la formation professionnelle. Leur activité se déroule au sein des ateliers de la régie industrielle des établissements pénitentiaires. A son sujet, voir le rapport d'information de notre ancien collègue Paul Loridant « Prisons : le travail à la peine » - contrôle budgétaire de la Régie industrielle des établissements pénitentiaires (RIEP) : document Sénat n° 330 (2001-2002).

* 34 Cf . infra partie D pour plus de développements sur les effectifs du programme.

* 35 L'Etat doit s'acquitter auprès de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), pour chaque détenu, d'une cotisation calculée sur la base du plafond de la sécurité sociale fixé l'année précédente par décret (en application de la loi n° 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale).

* 36 La loi pénitentiaire précitée prévoit d'ailleurs le PSE, de manière systématique, pour toute personne incarcérée initialement condamnée à une peine inférieure ou égale à cinq ans et dont le reliquat de peine est inférieur à quatre mois (sauf impossibilité matérielle, refus du condamné, incompatibilité entre la personnalité du condamné et la nature de la mesure ou risque de récidive). L'objectif de cette disposition est de permettre le PSE de personnes détenues et n'ayant pas construit en détention de projet préalable d'insertion. Elle vise à faire bénéficier d'un aménagement en fin de peine un nouveau type de public qui aurait été définitivement libéré sans accompagnement.

* 37 D'un point de vue technique, la surveillance électronique fixe (PSE) consiste à contrôler que la personne condamnée respecte les modalités d'une assignation dans un lieu déterminé (en général son domicile) lui ayant été imposée par l'autorité judiciaire selon des horaires définis. Elle ne permet pas la localisation du placé en dehors de ses horaires d'assignation, contrairement à la surveillance électronique mobile (PSEM) qui permet de localiser le porteur du bracelet 24 heures/24 et 7 jours/7 grâce à un dispositif GPS.

* 38 Cette aide en numéraire se monte à 20 euros par mois.

* 39 Cet article prévoit que : « Les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire sont placés en cellule individuelle. Il ne peut être dérogé à ce principe que dans les cas suivants :

1° Si les intéressés en font la demande ;

2° Si leur personnalité justifie, dans leur intérêt, qu'ils ne soient pas laissés seuls ;

3° S'ils ont été autorisés à travailler ou à suivre une formation professionnelle ou scolaire et que les nécessités d'organisation l'imposent.

Lorsque les personnes mises en examen, prévenus et accusés sont placés en cellule collective, les cellules doivent être adaptées au nombre des personnes détenues qui y sont hébergées. Celles-ci doivent être aptes à cohabiter. Leur sécurité et leur dignité doivent être assurées. »

* 40 Voir le rapport de la commission d'enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires : « Prisons : une humiliation pour la République ». Document Sénat n° 449 (1999-2000).

* 41 Taux au 1 er juillet 2008.

* 42 Non comprise la réhabilitation de la maison d'arrêt de Paris-La Santé qui a été rattachée au NPI (cf. infra ).

* 43 Environ 900 places résulteront de la rénovation de la prison de La Santé sur son site actuel, cette livraison étant prévue pour 2018.

* 44 Le concours des forces de l'ordre peut toutefois être sollicité pour renforcer l'escorte de l'administration pénitentiaire de détenus particulièrement signalés (DPS) ou dont le transfèrement présente des risques importants pour l'ordre public.

* 45 Réponse à la question parlementaire n° 267 adressée au ministère en application de l'article 49 de la LOLF.