M. Claude BELOT, rapporteur spécial

CHAPITRE II

LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES »

I. LE PROGRAMME 180 « PRESSE » : LE SOUTIEN CONTINU EN FAVEUR DES AIDES À LA PRESSE S'ACCOMPAGNE D'UNE RÉFORME DESTINÉE À RENFORCER LEUR EFFICACITÉ

A. UNE BAISSE DE 7 % DES CRÉDITS, QUI S'EXPLIQUE EN PARTIE PAR LA FIN DU SOUTIEN TRIENNAL PRÉVU PAR LES ÉTATS GÉNÉRAUX DE LA PRESSE ÉCRITE

Les crédits du programme 180 (aides directes à la presse et abonnements à l'Agence France Presse - AFP) s'élèvent en 2012 à 358,8 millions d'euros en AE et 390,3 millions d'euros en CP, soit une diminution de 8,5 % en AE et 7 % en CP . Les dotations du programme 180 représentent 30,3 % de l'ensemble des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Les abonnements de l'Etat à l'AFP représentent 30,46  % des crédits du programme, contre 69,54 % pour les aides à la presse.

Dans le détail, les crédits dévolus aux abonnements de l'Etat à l'AFP (action 1) progressent de 1,8 % en CP, tandis que les ressources octroyées en faveur des aides à la presse (action 2) diminuent de 10,4 % en CP. L'action 2 est elle-même composé de plusieurs sous-actions détaillant l'ensemble des dispositifs d'aide (voir infra ).

La baisse des crédits de la mission traduit la fin de l'effort exceptionnel de l'Etat initié pour trois ans dans le cadre des Etats généraux de la presse écrite (EGPE). Néanmoins, les crédits inscrits sur la seule mission « Médias » restent supérieurs de 40 % au niveau atteint en 2008.

Au surplus, les crédits des aides à la presse sont complétés à hauteur de 152,4 millions d'euros par les crédits inscrits sur le budget chargé du ministère de l'économie 2 ( * ) , portant le total des aides à la presse à 542,7 millions d'euros .

Enfin, votre rapporteur spécial relève la stabilité des dépenses fiscales de la mission , dont le montant prévisionnel est de 195 millions pour l'année 2012, tout comme en 2010 et en 2011. Pour mémoire, la dépense fiscale principale du programme 180 est le taux réduit de TVA, à hauteur de 2,10%, applicable aux publications de presse. Le nombre de bénéficiaires de ce dispositif est estimé à 2 000 entreprises en 2010, pour un coût de 195 millions d'euros.

B. LA POURSUITE D'UN EFFORT FINANCIER CONSÉQUENT EN FAVEUR DES AIDES À LA PRESSE DOIT AVOIR POUR CONTREPARTIE UNE AMÉLIORATION DE LEUR EFFICACITÉ

Dans le contexte actuel marqué par la persistance de la crise publicitaire, la réduction des ventes et l'essor des publications via internet, dont la rentabilité économique reste incertaine, l'Etat a manifesté son souhait de poursuivre un soutien appuyé au secteur de la presse. Cependant, afin de renforcer sa pertinence, l'aide octroyée doit s'accompagner d'une réforme de l'efficacité des aides. Cette contrepartie s'avère d'autant plus nécessaire que la situation dégradée des finances publiques rend particulièrement illégitime le soutien à des dispositifs inefficaces.

1. Un soutien réaffirmé en faveur de la diffusion, de la modernisation et du pluralisme

Le plan d'aide au développement du portage , mis en place à partir de 2009 pour une durée de trois ans, a obtenu de bons résultats. C'est pourquoi, le projet de loi de finances pour 2012 le proroge l'année prochaine, avec une dotation de 45 millions d'euros. Toutefois, ce montant est inférieur de 33 % par rapport à la dotation accordée en 2011 . Cette évolution s'explique en partie par une diminution du montant de la valeur unitaire de l'aide au stock.

En outre, une enveloppe de 15,5 millions d'euros sera consacrée au dispositif d'exonération des charges patronales pour les vendeurs colporteurs et porteurs de presse, légèrement supérieure à celle de 2011.

De surcroît, les autres aides en faveur de la diffusion sont maintenues . L'enveloppe dédiée à la SNCF pour le transport des quotidiens s'élève à 5,5 millions d'euros, montant stable par rapport à 2011.

L'effort financier en faveur de la modernisation du réseau des diffuseurs s'élèvera en 2012 à 6 millions d'euros , avec un accent particulier au profit des exploitants de kiosques à journaux, tandis que 24,5 millions d'euros serviront à accompagner la modernisation sociale de la fabrication de la presse quotidienne.

De plus, 18,9 millions d'euros seront consacrés à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne , afin d'accompagner l'effort de restructuration engagé par les messageries de presse, notamment Presstalis 3 ( * ) .

Les aides en faveur du pluralisme de la presse , centrées notamment sur les quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires, s'élèveront quant à elles à 12 millions d'euros, soit une stabilité par rapport à l'an dernier.

Enfin, l'aide au transport postal de la presse , conformément aux engagements pris dans le cadre de l'accord du 23 juillet 2008 entre l'Etat, la presse et La Poste, sera dotée de 232 millions d'euros en 2012 . Toutefois, cette contribution est répartie entre les crédits du programme 180 « Presse », à hauteur de 79,6 millions d'euros, et ceux du programme « Développement des entreprises et de l'emploi » de la mission « Economie », à hauteur de 152,4 millions d'euros. Votre rapporteur spécial relève à cet égard que la compensation du manque à gagner pour La Poste du report d'un an de la mise en oeuvre des accords entre les trois partenaires précités se traduit par l'inscription de 27,6 millions d'euros en 2012 sur le programme 180 4 ( * ) .

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution de la répartition et du montant des crédits consacrés aux différentes aides directes à la presse depuis 2007.

Evolution de la répartition et du montant
des aides directes à la presse depuis 2007

(en millions d'euros)

Dispositifs

LFI 2007

LFI 2008

LFI 2009

LFR 2009

LFI 2010

LFI 2011

PLF 2012

Sous-action 1 : aides à la diffusion

Aide au transport postal de la presse d'information politique et générale

76,00

83,00

83,00

25,40

111,00

109,49

107,21

Réduction du tarif SNCF pour le transport de presse

7,30

5,80

5,50

5,80

5,50

5,50

Aide à l'impression décentralisée des quotidiens

0,20

0,00

Aide à la distribution et à la promotion de la presse française à l'étranger

2,80

1,95

1,95

1,95

1,95

-

Aide à la presse hebdomadaire régionale

1,42

1,42

1,40

Aide au portage de la presse

8,25

8,25

8,25

61,75

70,00

67,90

45,00

Exonération des charges patronales pour les porteurs

12,00

14,00

15,50

Sous-Total

95,97

100,42

100,10

200,75

198,84

173,21

Augmentation des crédits en 2011 par rapport à LFI de 2007

+ 80,5%

Sous-action 2 : aides au pluralisme

Aide aux quotidiens nationaux d'information politique et générale à faibles ressources publicitaires

7,16

7,16

7,06

9,16

9,16

9,16

Aides aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d'information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1,40

1,40

1,30

1,40

1,40

1,40

Aide à la presse hebdomadaire régionale

1,32

1,42

1,42

1,42

Sous-Total

8,56

8,56

9,68

11,98

11,98

11,98

Augmentation des crédits en 2011 par rapport à la LFI de 2007

+40%

Sous-action 3 : aides à la modernisation

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d'information politique et générale

20,77

26,67

24,70

22,70

27,61

24,49

Aide à la modernisation et à la distribution de la presse quotidienne nationale

8,000

12,00

11,00

12,00

18,00

18,85

Aide à la modernisation de la diffusion

2,00

2,00

1,73

11,30

11,80

10,11

6,00

Aide au développement des services en ligne des entreprises de presse

0,50

0,50

0,50

19,70

20,20

18,00

Aide à la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale

27,00

20,00

20,00

5,00

25,00

20,00

Aide exceptionnelle aux diffuseurs

27,60

Fond stratégique pour le développement de la presse

38,28

Sous-total

58,27

61,17

57,93

63,60

91,70

94,30

87,62

Augmentation des crédits en 2011 par rapport à la LFI de 2007

+50,4%

Réserve parlementaire

0,01

Total action

162,80

170,15

166,31

150,75

304,42

304,48

272,81

Augmentation des crédits en 2011 par rapport à la LFI de 2007

+67,6%

Source : Ministère de la culture et de la communication

2. Des évolutions préoccupantes qui doivent être suivies attentivement

Une série de constats relatifs aux bénéficiaires des aides, à la composition du lectorat et aux ressources publicitaires du secteur de la presse tend à démontrer que les aides directes à la presse n'ont qu'un impact limité sur les performances des différents acteurs, dont les évolutions dépendent également fortement de la conjoncture économique.

a) La concentration des aides directes au profit d'un nombre réduit de bénéficiaires

D'après les informations transmises à votre rapporteur spécial, le bilan des aides directes pour l'année 2010 met en évidence leur concentration au profit d'un faible nombre de bénéficiaires :

- Le journal Le Monde est le titre est le plus aidé tous dispositifs confondus, avec un total de 17 millions d'euros d'aides directes en sa faveur ;

- 50 % du montant total des aides directes bénéficient à 2 % des titres aidés (neuf titres).

Le tableau ci-après résume ces constatations :

Bilan des aides directes en 2010

Source : réponse au questionnaire budgétaire

b) Le vieillissement du lectorat

D'après les comparaisons internationales transmises à votre rapporteur spécial dans les réponses au questionnaire budgétaire, en termes de lectorat de la presse par tranche d'âge en Europe, la France se situe en haut du classement, avec une forte proportion du lectorat dans la tranche la plus élevée (65 ans et plus).

En outre, il apparaît que l'audience de la presse progresse avec la tranche d'âge. Le lectorat français de presse quotidienne se distingue ainsi comme étant l'un des moins jeunes des pays européens .

Afin d'enrayer une telle évolution et d'encourager les jeunes à la lecture de la presse, le ministère a lancé des actions du type « Mon journal offert », consistant à proposer à tout jeune de 18 à 24 ans un abonnement hebdomadaire gratuit d'un an à un journal quotidien de son choix. A cet égard, il pourrait être pertinent de créer un indicateur relatif à l'évolution de l'âge du lectorat.

c) Une diffusion en réduction constante

Les effets de la crise sont visibles depuis 2008 sur la diffusion. D'après les données transmises à votre rapporteur spécial pour l'année 2009, la diffusion diminue davantage que le tirage par rapport au début de la décennie. Aucun secteur de la presse payante n'est épargné par cette lente érosion.

Cependant, l'évolution de la diffusion diffère selon les segments de la presse . Alors que la presse nationale d'information politique et générale, qui s'était stabilisée en 2008, connaît un fort recul de sa diffusion en 2009, la presse locale poursuit son déclin relativement régulier sur une faible pente.

Ces évolutions sont préoccupantes mais elles concernent l'année 2009, en l'absence de données plus récentes. Il sera intéressant d'analyser les données relatives à 2010 et à 2011 pour voir si les mesures lancées depuis les états généraux de la presse écrite ont permis de ralentir, voire d'arrêter cette tendance.

d) La relative stagnation des ressources publicitaires

Si l'année 2010 s'est caractérisée par une reprise du marché, avec une hausse de 3,9 % des recettes nettes du marché publicitaire par rapport à 2009, en ce qui concerne la télévision et le cinéma, qui ont retrouvé leur niveau d'avant la crise, la presse magazine, la presse quotidienne nationale et la presse hebdomadaire régionale n'ont pu que stabiliser leurs recettes sur cette période, sans revenir à leur niveau antérieur d'avant la crise. En revanche, et de façon plus préoccupante, les recettes publicitaires de la presse quotidienne régionale, de la presse spécialisée, et de la presse gratuite ont poursuivi leur baisse en 2010 .

Quelques comparaisons internationales sur le soutien à l'audiovisuel et à la presse

Une étude du Reuters Institute for the Study of Journalism montre que les médias allemands et britanniques reçoivent davantage de subventions que leurs homologues français.

Les médias français, largement subventionnés par l'Etat ? Ce n'est pas tout à fait faux, mais une étude que vient de publier le Reuters Institute for the Study of Journalism remet les choses en perspective : contrairement aux idées reçues, la France n'est pas championne du monde en la matière. Elle vient même en troisième position derrière l'Allemagne et le Royaume-Uni. Selon l'étude, qui porte sur six pays (Allemagne, Etats-Unis, Finlande, France, Italie et Royaume-Uni), les médias allemands ont bénéficié de 7,79 milliards d'euros d'aides publiques en 2008, leurs homologues britanniques de 4,933 milliards, tandis que les français  n'absorbaient « que » 4,267 milliards d'euros de subsides étatiques. Et le classement est à peine bouleversé si l'on rapporte les montants à la population : la Finlande arrive en tête avec 130,60 euros par tête et par an devant l'Allemagne (94,90 euros), le Royaume-Uni (80,40 euros), la France (68,50 euros) et l'Italie (43,20 euros). Les Etats-Unis arrivent bons derniers, avec un niveau ridiculement faible d'un montant de 5,20 euros.

Favoriser le pluralisme

Les auteurs de l'étude révèlent que toutes les démocraties développées ont mis en place des systèmes d'aides à leurs média. Généralement instaurées il y a plusieurs décennies, notamment pour favoriser le pluralisme et la démocratie, ces aides publiques comportent plusieurs volets.

D'abord, le financement du service public audiovisuel, par le biais d'une redevance imposée aux ménages : c'est ce qui explique le niveau élevé des aides allemandes et britanniques, où la redevance atteignait en 2008 respectivement 204 et 190 euros par foyer, contre 116 euros en France. Pour les chaînes publiques allemandes, le financement public représente ainsi 46 % du total. Pas de redevance en revanche aux Etats-Unis, où les chaînes de service public sont financées par des dotations fédérales ou des Etats, des dons, ou du sponsoring d'entreprise.

La seconde catégorie d'aide est constituée de toutes les aides à la presse. Les pays étudiés offrent à leurs journaux des aides indirectes, sous la forme d'avantages fiscaux (TVA réduite) ou de tarifs postaux avantageux. Y compris les très libéraux Etats-Unis, où les exemptions fiscales bénéficiant aux journaux et aux magazines sont estimées à 1,2 milliard de dollars par an. En revanche, seuls trois pays, la Finlande, la France et l'Italie, leur accordent aussi des subventions directes. Selon les auteurs, dans ces deux derniers pays, le total des aides directes représente plus de 10 % des recettes de la presse. Et encore, l'étude porte sur l'année 2008, avant donc les états généraux de la presse en France, qui ont augmenté les aides à la presse de 200 millions d'euros par an, pendant trois ans.

Les auteurs de l'étude, notant que les subventions sont souvent accordées aux mêmes bénéficiaires depuis plusieurs décennies, posent également la question de leur avenir, alors que les revenus de la presse s'effritent et que l'audience des chaînes se fragmente. La France, qui s'apprête à conditionner les aides à la presse aux efforts d'investissement, tente d'y apporter un début de réponse.

Source : Les Echos du 29 août 2011.

3. Une réforme destinée à renforcer l'efficacité des aides à la presse, à la suite des recommandations du rapport Cardoso

2011 a été une année dynamique, qui s'est traduite par des initiatives importantes, dont on peut espérer qu'elles permettront de renforcer l'efficacité et le ciblage des aides à la presse, selon les recommandations du rapport d'Aldo Cardoso 5 ( * ) .

En effet, le ministre de la culture et de la communication a installé, en janvier 2011, une instance de concertation réunissant l'ensemble des représentants de l'Etat, des éditeurs de presse et un certain nombre de personnalités qualifiées, dont le but était de définir les modalités d'application de la réforme des aides publiques à la presse. Celle-ci a rendu ses conclusions début juillet, qui s'articulent autour de trois axes principaux :

- une gouvernance rénovée des aides à la presse , à travers, notamment, la création d'une conférence annuelle des éditeurs de presse composée de représentants de la presse, de l'Etat et de personnalités qualifiées, chargée de définir les orientations stratégiques guidant l'évolution et l'adaptation du dispositif d'aide la presse ;

- une transparence accrue , à travers la publication annuelle des montants attribués ;

- l'adaptation de certaines aides en vue de renforcer leur efficacité , à travers la création du fonds stratégique pour le développement de la presse (voir infra ).

4. La création d'un fonds stratégique pour le développement de la presse

Le fonds stratégique pour le développement de la presse fusionne les deux principaux fonds actuels d'aide aux projets industriels (fonds de modernisation de la presse) et numériques (fonds d'aide au développement des services de presse en ligne). Son but est de conforter les dispositifs de soutien à la modernisation du secteur de la presse. Il sera consacré aux seules dépenses d'investissement . Doté de 33,8 millions d'euros en AE et de 38,3 millions d'euros en CP, ce fonds sera constitué de trois sections :

- une section consacrée aux opérations de mutation et de modernisation industrielle de la presse imprimée quotidienne et assimilée d'information politique et générale (IPG) ;

- une section dédiée aux innovations technologiques de la presse d'IPG ainsi qu'aux investissements d'une partie de la presse spécialisée, dans la limite de 20 % des dotations allouées à cette section ;

- une section dévolue à la conquête de nouveaux lectorats .

De surcroît, seront instaurés des systèmes de bonification des aides , pour inciter à la mutualisation des moyens de portage et des projets, au développement de l'impression numérique, et pour favoriser les comportements respectueux du développement durable.

Une répartition indicative des crédits annuels entre les trois sections du fonds a été établie, à hauteur de 40 % de l'enveloppe globale pour la première section, 45 % pour la seconde, et 15 % pour la troisième. Néanmoins, cette répartition sera susceptible d'évoluer en cours d'année en fonction des besoins respectifs.

Il conviendra d'évaluer l'efficacité de ce nouveau fonds stratégique, notamment par rapport aux fonds auxquels il se substitue.

C. AGENCE FRANCE PRESSE : UNE RÉFORME DIFFICILE MAIS NÉCESSAIRE

La dotation prévue pour les abonnements de l'Etat à l'Agence France Presse s'élève à 117,5 millions d'euros en AE=CP, soit une hausse de 1,8 % par rapport à 2011 (+ 2 millions d'euros).

Au cours des dernières années, l'AFP a effectué de gros efforts de rationalisation et de développement commercial , notamment à travers le multimédia et le succès de la vidéo. L'AFP a par exemple lancé une nouvelle stratégie commerciale pour la période 2010-2015 , qui doit lui permettre de s'adapter à l'évolution de son environnement économique, bouleversé par la révolution numérique.

Toutefois, les mutations profondes de son secteur d'activité, qui se traduisent notamment par l'entrée de nouveaux acteurs sur le marché de l'information et par le développement d'internet comme média de masse, obligent l'entreprise à opérer une réorganisation d'ampleur . C'est l'objet du contrat d'objectifs et de moyens conclu le 18 décembre 2008 entre l'État et l'AFP pour la période 2009-2013. Ce document stratégique a pour principal objectif d'aider l'entreprise à opérer un tournant stratégique et technologique important, pour lui permettre de conforter son statut d'agence d'information à vocation mondiale. Le soutien apporté par l'État à l'AFP vise à accompagner son redressement. A ce titre, l'AFP doit améliorer sa rentabilité en accroissant en particulier ses recettes commerciales .

C'est dans ce contexte de difficultés financières structurelles que les pouvoirs publics envisagent une modification des dispositions de la loi n° 57-32 du 10 janvier 1957 qui a créé le statut actuel de l'agence, en tant « qu'organisme autonome doté de la personnalité civile et dont le fonctionnement est assuré selon les règles commerciales ». La réforme aurait notamment vocation à clarifier les relations financières de l'AFP avec l'Etat, tout en rénovant ses principes de gouvernance .

Une réflexion a donc été menée, et une proposition de loi a été déposée en mai dernier par notre collègue Jacques Legendre 6 ( * ) . Celle-ci évoque précisément ces deux points :

- d'une part, elle procède à une modification importante de la composition du conseil d'administration , traduisant une forte diminution de la représentation des médias d'information, qui occupent aujourd'hui plus de 50 % des sièges ;

- d'autre part, elle prévoit une mise en conformité des missions d'intérêt général de l'AFP avec les règles européennes en vigueur sur les aides d'Etat .

Or, la proposition de loi a suscité de nombreuses réactions de défiance au sein des salariés de l'agence. Son examen a donc été reporté. L'ensemble des syndicats avait regretté que ce texte n'ait fait l'objet d'aucun débat interne à l'AFP, et estimé que son contenu menaçait gravement l'indépendance de l'agence.

En conséquence, la réflexion se poursuit, cette fois-ci en concertation plus étroite avec les personnels.

Votre rapporteur spécial estime que la réforme doit avoir lieu, mais qu'elle ne doit pas déstabiliser la dynamique de redressement de l'agence. En outre, toute réforme du statut de l'AFP devra préserver son indépendance.

D. UN DISPOSITF DE PERFORMANCE QUI N'ÉVOLUE PAS

Votre rapporteur spécial déplore la pérennisation du dispositif de performance relatif aux aides à la presse, sans prise en compte des remarques qu'il avait formulées dans le cadre de son rapport budgétaire pour 2011.

S'il est complexe de déterminer avec précision une cible chiffrée pour les indicateurs de l'action « aides à la presse », dans la mesure où l'État ne dispose pas de tous les leviers d'action sur le secteur, le dispositif actuel de la performance ne permet pas de disposer d'une vision d'ensemble de la totalité des dispositifs en vigueur, afin de pouvoir en évaluer l'impact.

Les efforts de restructuration et de modernisation ne sont évalués qu'à l'aune de trois indicateurs mesurant le rapport entre le montant total des projets soutenus et le montant des aides attribuées pour soutenir ces projets. Ceux-ci mesurent l'effet de levier de l'aide à la modernisation de la presse quotidienne d'information politique et générale, de celle au développement de la presse en ligne et de l'aide à la modernisation des diffuseurs de presse, sans permettre de dresser un bilan qualitatif des aides , ce qui est regrettable, étant donné les montants financiers dévolus aux aides à la presse.

Les principales observations de votre rapporteur spécial sur le programme 180
« Presse »

Après avoir bénéficié d'un soutien exceptionnel pendant trois ans , dans la foulée des états généraux de la presse écrite, les crédits dédiés aux aides directes à la presse connaîtront une forte baisse de 10 % en 2012 , tout en demeurant à un niveau supérieur, de 40 %, aux crédits dédiés à cette politique en 2008. En revanche, la dotation consacrée aux abonnements de l'Etat à l'AFP augmentera de 1,8 % .

L'année 2012 sera marquée par la mise en oeuvre de la réforme des aides à la presse écrite, dans le prolongement du rapport Cardoso, à travers la création d'un fonds stratégique pour le développement de la presse , qui vise à unifier la politique de soutien public aux investissements industriels et numériques. La réforme a pour ambition d'améliorer la gouvernance des aides et leur ciblage, tout en renforçant leur efficacité.

Plusieurs évolutions amorcées depuis 2008 appellent une grande vigilance : le vieillissement du lectorat, la stagnation des ressources publicitaires , et la réduction de la diffusion des journaux, partiellement enrayée cependant grâce au plan d'aide au développement du portage.

L'AFP poursuit ses efforts de rationalisation et de développement commercial, mais la nécessaire réforme de son statut achoppe pour le moment sur l'opposition de ses salariés .

Enfin, votre rapporteur spécial souhaite que le dispositif de performance soit complété afin de rendre possible une évaluation qualitative des aides directes.


* 2 Sur le programme « Développement des entreprises et de l'emploi » de la mission « Economie ».

* 3 Cette aide inclut à partir de 2012 une deuxième section destinée à soutenir les actions de distribution de la presse française à l'étranger menées par Presstalis.

* 4 Ce dispositif est déployé dans le cadre d'une compensation intégrale par l'Etat du manque à gagner pour La Poste.

* 5 La gouvernance publique des aides publiques à la presse, septembre 2010.

* 6 Proposition de loi relative à la gouvernance de l'Agence France Presse, n°522 (2010-2011), déposée le 17 mai 2011.