M. Jean-Pierre Caffet, rapporteur spécial

II. LE PROGRAMME 204 : « PRÉVENTION, SÉCURITÉ SANITAIRE ET OFFRE DE SOINS »

Comme on l'a vu plus haut, le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » aura pour principale finalité, en 2012, de rendre matériellement possible la réforme du système de sécurité sanitaire du médicament et des produits de santé . Ainsi, dans la perspective de la création de la nouvelle ANSM, substituée à l'AFSSAPS, les crédits du programme ont été relevés de 148,4 millions d'euros en AE et CP afin de permettre le financement exclusif de l'AFSSAPS, du CeNGEPS et des CPP par dotation de l'État . Le programme bénéficie également de transferts de crédits à hauteur de 2,1 millions d'euros dans le cadre de la recentralisation sanitaire et de 0,16 million d'euros , pour prendre en compte l'élargissement des compétences du CNG.

L'exercice 2012 devrait également être marqué par une reprise des travaux relatifs à la préparation de la seconde loi de santé publique . La loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique a posé les fondements de cette politique, en précisant que « la Nation définit sa politique de santé selon des objectifs pluriannuels » et qu'il appartient à la loi d'en définir tous les cinq ans les objectifs. La rédaction de la seconde loi de santé publique avait débuté dès 2010. Toutefois, en réponse au questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur spécial, le Gouvernement a indiqué que le calendrier parlementaire ne permettait pas « d'envisager un débat et un vote au cours de la présente législature » et que ces travaux pourraient « reprendre après les échéances électorales de 2012, en fonction des orientations gouvernementales. » La direction générale de la santé (DGS) a cependant poursuivi la réflexion en élaborant un projet de stratégie nationale de santé 2011-2015 qui constitue un instrument de mise en oeuvre de la politique nationale de santé. Cette stratégie, qui fait encore l'objet d'une large concertation, identifie cinq axes stratégiques à conduire dans le domaine de la santé :

- prévenir et réduire les inégalités de santé dès les premiers âges de la vie ;

- anticiper et accompagner le vieillissement de la population ;

- maîtriser et réduire les risques pour la santé ou l'autonomie ;

- se préparer face aux crises sanitaires ;

- adapter le système de santé aux besoins sanitaires et aux enjeux d'efficience.

* *

*

Le programme 204 comporte neuf actions dont trois, l'action 17 « Qualité, sécurité des gestion des produits de santé et du corps humain », l'action 18 « Projets régionaux de santé » et l'action 19 « Modernisation de l'offre de soins », regroupent plus de 67 % des crédits .

Récapitulation des crédits du programme par action

(en millions d'euros)

Numéro et intitulé de l'action

AE

CP

LFI

2011

PLF

2012

LFI

2011

PLF

2012

11

Pilotage de la politique de santé publique

86,08

83,89

86,10

83,89

12

Accès à la santé et éducation à la santé

31,65

31,63

31,66

31,63

13

Prévention des risques infectieux et des risques liés aux soins

9,29

9,67

9,29

9,67

14

Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades

69,52

66,84

69,56

66,84

15

Prévention des risques liés à l'environnement, au travail et à l'alimentation

19,59

21,63

19,39

21,63

16

Réponse aux alertes et gestion des urgences, des situations exceptionnelles et des crises sanitaires

21,30

27,26

21,30

27,26

17

Qualité, sécurité et gestion des produits de santé et du corps humain

13,33

161,36

13,43

161,36

18

Projets régionaux de santé

189,36

182,46

189,36

182,46

19

Modernisation de l'offre de soins

143,49

153,76

143,49

153,76

P. 204

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

583,61

738,50

583,58

738,50

Source : projet annuel de performances pour 2012 de la mission « Santé »

Comme on l'a vu plus haut, une analyse plus fine des coûts du programme 204 implique également de tenir compte des crédits inscrits au programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », qui assure le financement des fonctions support. Pour 2012, le coût complet du programme 204 s'élève en fait à 809,50 millions d'euros , soit 9,6 % de plus que les crédits prévus par le projet de loi de finances.

Votre rapporteur spécial a déjà mis en évidence l'importance des opérateurs sanitaires et des ARS dans la mise en oeuvre de ce programme. Les crédits qui leur sont accordés représentent 95 % des crédits en AE et CP rattachés à celui-ci .

L'analyse du programme 204 ne procède pas à un recensement exhaustif des crédits demandés pour 2012, dont la justification au premier euro figure dans le projet annuel de performances de la mission. En effet, votre rapporteur spécial a souhaité concentrer son analyse tout à la fois sur les évolutions les plus significatives et sur les postes de dépenses les plus importants de ce programme.

A. LES ARS : UNE INFORMATION À AMÉLIORER

L' action 18 « Projets régionaux de santé » du programme 204 regroupe la dotation globale allouée aux agences régionales de santé (ARS) au titre de leurs dépenses d'intervention relevant de la prévention et de la sécurité sanitaire, soit 182,46 millions d'euros en 2012. Cette dotation représente 24,7 % des crédits du programme 204.

Les ressources perçues par les ARS au titre des actions relevant de la prévention, de la promotion de la santé et de la veille sanitaire et sécurité sanitaires se composent également d'une contribution de l'assurance maladie et, le cas échéant, d'autres recettes affectées, telles que les subventions versées par les collectivités territoriales. Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012 prévoit une contribution des régimes obligatoires d'assurance maladie de 40 millions d'euros .

1. La création récente des ARS

La loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (HPST) a prévu la création des agences régionales de santé (ARS). Celles-ci sont destinées à renforcer l'efficacité du système de santé en regroupant, au niveau de chaque région, l'ensemble des compétences nécessaires à la coordination des différentes composantes de la politique de santé.

Les compétences des ARS sont ainsi plus larges que celles des anciennes agences régionales de l'hospitalisation (ARH) puisqu'elles regroupent la gestion du système de soins, la veille et la sécurité sanitaires, la prévention, la gestion du risque et le secteur médico-social. La transversalité de leurs missions a pour but de décloisonner les secteurs ambulatoire, hospitalier et médico-social.

Les ARS ont ainsi vocation à regrouper sept entités pré-existantes : les directions départementales (DDASS) et régionales (DRASS) des affaires sanitaires et sociales, pour l'Etat ; l'union régionale des caisses d'assurance maladie (URCAM) et les caisses régionales d'assurance maladie (CRAM), pour l'assurance maladie ; enfin, au titre des organismes communs à l'Etat et à l'assurance maladie, les ARH, les missions régionales de santé (MRS) et les groupements régionaux de santé publique (GRSP).

La loi HPST avait prévu que la création effective des ARS devait intervenir au plus tard le 1 er juillet 2010 . Or, dès l'automne 2009, les 36 « préfigurateurs » des ARS ont été nommés en conseil des ministres et la mise en place des agences a été effective dès le mois d'avril 2010.

2. Les implications budgétaires pour la mission « Santé »

L'article 118 de la loi HPST prévoit que les ressources des agences sont constituées par :

« Une subvention de l'Etat ;

« Des contributions des régimes d'assurance maladie ;

« Des contributions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie pour des actions concernant les établissements et services médico-sociaux ;

« Des ressources propres, dons et legs ;

« Sur une base volontaire, des versements de collectivités territoriales ou d'autres établissements publics ».

S'agissant de la subvention versée par l'État, la mise en place des ARS s'est accompagnée, comme cela a été développé précédemment, d'évolutions dans la construction budgétaire des programmes de la mission « Santé » , en particulier le programme 204 :

- tout d'abord, l'ensemble des moyens de fonctionnement des vingt-six agences ont été regroupés dans le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Ce regroupement permet d'abonder les agences sous la forme d'une subvention globale reprenant les crédits des anciennes directions départementales et régionales des affaires sanitaires et sociales. Elle s'élève pour 2012 à 561,18 millions d'euros , contre 551,98 millions d'euros en 2011.

- cette subvention de fonctionnement ne comprend cependant pas les crédits d'intervention qui sont délégués globalement et en cours d'année aux ARS à partir du programme. Pour 2012, le montant global des crédits inscrits sur cette action s'élève à 182,46 millions d'euros , contre 189,36 millions d'euros en 2011.

3. Un suivi des crédits des ARS à améliorer

Votre rapporteur spécial insiste sur la nécessité de renforcer l'information sur les crédits destinés aux ARS . La globalisation des crédits d'intervention des agences - auparavant dispersés entre les différentes actions du programme 204 - a pour finalité d'assurer aux ARS une certaine autonomie, celles-ci étant libres de définir les dispositifs qu'elles financent. Toutefois, cela ne saurait conduire à une moindre information du Parlement sur l'utilisation des crédits qui leurs sont affectés . C'est pourquoi, il apparaît indispensable de disposer :

1) en amont, au moment de l'examen du projet de loi de finances initiale, d'une information consolidée sur les crédits destinés aux ARS (dotation de l'assurance maladie, dotation de l'État à travers la mission « Solidarité » et la mission « Santé »), ainsi que sur les éléments ayant conduit à la fixation de ces montants pour l'année N+1 ;

2) en aval, au moment de l'examen du projet de loi de règlement, d'un suivi de la consommation des crédits d'intervention des ARS par grand axe de santé publique.

Le questionnaire budgétaire adressé par votre rapporteur spécial visant à connaître les crédits globaux alloués aux ARS est resté sans réponse sur ce point.

B. UNE FORTE AUGMENTATION DES CRÉDITS DESTINÉS À LA FORMATION MÉDICALE

1. Un versement de 2 millions d'euros prévu au titre de la formation médicale continue

Une dotation de 2 millions d'euros est, tout d'abord, prévue au profit du nouveau dispositif de développement professionnel continu (DPC) introduit par la loi HPST.

Auparavant, le financement de la formation médicale continue (FMC) prenait la forme d'une dotation versée au Conseil national de l'ordre des médecins (CNOM) qui gérait les ressources des conseils nationaux de formation médicale continue (locaux, personnels, indemnisation des membres des conseils, le cas échéant).

La dotation consacrée à la formation médicale continue a été diminuée continument de 2009 à 2011 : elle a avait été réduite en 2011 d'un million d'euros par rapport à 2010 et de 1,6 million d'euros par rapport à 2009. Toutefois, cette dotation est aujourd'hui stabilisée à 2 millions d'euros .

2. Une subvention de 6,1 millions d'euros prévue pour « l'année recherche »

Les crédits prévus pour le financement de « l'année recherche » constituent le deuxième poste de dépenses en vue de la formation médicale. Ils s'élèvent à 6,1 millions d'euros en 2012, comme en 2011 .

Cette « année recherche » permet aux étudiants les mieux classés de l'internat d'effectuer une année de recherche médicale ou biomédicale financée par l'État dans le cadre d'un master. Le nombre d'internes pouvant en bénéficier est fixé par arrêté conjoint des ministres chargés de la santé, de l'éducation nationale et du budget. Les crédits alloués pour 2012 devraient permettre de financer 180 postes, pour un coût moyen de l'année de recherche de 33 682 euros.

3. Les crédits consacrés à la formation médicale des internes (126,16  millions d'euros) en forte hausse pour la quatrième année consécutive
a) Des sous-budgétisations qui avaient entraîné la formation de dettes

La troisième dépense - et de loin la plus importante d'un point de vue budgétaire - est celle de la formation médicale initiale des internes. Elle correspond à la rémunération des internes de spécialité durant les stages que ceux-ci peuvent effectuer dans des organismes extrahospitaliers ou dans des cabinets libéraux, ainsi qu'aux indemnités de maîtres de stages perçues par les praticiens libéraux.

Le ministère de la santé n'a guère de latitude dans la gestion de ces crédits : sa seule marge de manoeuvre éventuelle est la gestion des reports d'une année sur l'autre des remboursements, en cas d'insuffisance trop importante des moyens pour être comblée par redéploiement au sein du programme sur une seule année budgétaire.

Or, au cours des exercices passés, les crédits consommés se sont parfois révélés supérieurs aux prévisions. A cet égard, le rapport sur l'exercice 2007 du contrôleur budgétaire et comptable ministériel (CBCM) relevait que « l'exécution continue [...] d'être soumise aux aléas de l' insoutenabilité chronique de certaines dépenses , comme celles relatives à [...] la formation médicale . Cette insoutenabilité est à mettre en relation avec les difficultés que rencontre le ministère pour apporter une justification solidement argumentée sur les besoins exprimés lors des travaux de budgétisation ».

En 2008, l'insuffisance de financement cumulée, au titre de la formation médicale, s'élevait à 17,3 millions d'euros.

b) Une réévaluation des crédits annoncée devant votre commission des finances en juillet 2008 qui se concrétise pour la quatrième année consécutive

Interrogée sur ce point par le président Jean Arthuis, lors de l'audition relative à l'exécution 2007 4 ( * ) , la ministre de la santé et des sports, alors Roselyne Bachelot-Narquin, avait précisé que des efforts importants avaient été accomplis en 2007 pour pallier les insuffisances de crédits affectant, en particulier, les stages extrahospitaliers. Elle avait ajouté que de nouveaux abondements en gestion étaient envisagés afin de résorber la dette, qui devait s'établir à 7 millions d'euros à la fin de l'année 2008.

Votre rapporteur spécial constate en effet une augmentation continue des crédits affectés à la formation médicale des internes au cours des dernières années. Cette hausse se poursuit en 2012 puisque 126,16 millions d'euros sont prévus au titre de celle-ci , contre 115,3 millions d'euros en 2011.

Cette réévaluation des crédits semble avoir porté ses fruits, puisque depuis 2010, il n'y a plus de dette concernant l'ensemble du dispositif de formation médicale initiale .

L'indemnisation des stagiaires

(en euros)

Nombre stagiaires

coût moyen par stage

coût total

Externes de 4ème ou 5ème année (2ème cycle) effectuant un stage de sensibilisation à la médecine générale (2 mois)

6 660

492

3 275 000

Internes de médecine générale réalisant un stage obligatoire chez un médecin généraliste agréé (6 mois)

3 500

17 500

61 250 000

Internes de médecine générale réalisant un stage de 6ème semestre soit en médecine générale ambulatoire soit en structure médicale agréée (6 mois)

1.361

17 655

24 028 455

Internes de spécialité effectuant des stages au sein d'organismes extrahospitaliers agréés ou des laboratoires agréés de recherche (6 mois)

410

19 060

7 814 600

Total des indemnités stagiaires pour 2012

11 931

8 077 €

96 368 055

Source : ministère du travail, de l'emploi et de la santé


* 4 Audition du 2 juillet 2008, dont le compte rendu est disponible sur le site internet du Sénat.