MM. Thierry FOUCAUD et Claude HAUT, rapporteurs spéciaux

IV. LE PROGRAMME 230 « VIE DE L'ÉLÈVE »

A. LES CRÉDITS PROPOSÉS PAR LE PLF POUR 2013

Le programme 230 « Vie de l'élève » est doté de 4,17 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 4,19 milliards d'euros en crédits de paiement au sein du projet de loi de finances pour 2013, contre respectivement 3,9 milliards et 3,95 milliards en 2012. L'augmentation des crédits atteint près de 7% en AE et 6% en CP.

Il représente une part prépondérante des dépenses d'intervention de la mission : en 2013, la part des crédits du titre 6 inscrits sur ce programme dépassera 62%, en augmentation par rapport à 2012 (62,3% contre 60,6%).

La hausse la plus importante concerne l'action 03 « Inclusion scolaire des élèves handicapés », dont le libellé est modifié (+20,95%). Les crédits du titre 6 de l'action 01 « Vie scolaire et éducation à la responsabilité », qui représentent plus de la moitié de l'ensemble des crédits d'intervention du programme, progressent nettement moins (+6,14%) ainsi que ceux consacrés à l'action sociale (action 04 ; +2,70%).

Présentation par action des crédits demandés en 2013 pour le programme 230

(Crédits de paiement ; en euros)

Numéro et intitulé de l'action

Titre 2
Dépenses de personnel

Titre 3
Dépenses de fonctionnement

Titre 6
Dépenses
d'intervention

Total
pour 2013

01

Vie scolaire et éducation à la
responsabilité

972 209 189

25 430 000

1 298 222 955

2 295 862 144

02

Santé scolaire

449 282 717

2 500 000

2 790 296

454 573 013

03

Inclusion scolaire des élèves handicapés (libellé modifié) 23 ( * )

256 366 045

17 405 500

305 119 243

578 890 788

04

Action sociale

158 203 545

1 550 000

568 062 103

727 815 648

05

Internats d'excellence et établissements à la charge de l'Etat

40 818 601

11 968 499

52 787 100

06

Actions éducatives complémentaires aux enseignements

78 045 728

78 045 728

Total

1 876 880 097

46 885 500

2 264 208 824

4 187 974 421

Source : Projet annuel de performances 2013

B. L'AIDE SOCIALE

Le Gouvernement a pris l'initiative de renforcer l'attractivité des métiers d'enseignants , en « facilitant l'insertion professionnelle et la promotion sociale des jeunes dans les métiers du professorat ». A cette fin, la loi n° 2012-1189 du 26 octobre 2012 portant création des emplois d'avenir comporte un volet consacré à la création d'emplois d'avenir professeur (Art. L. 5134-120 du code du travail). Ils consistent en une sorte de « pré recrutement » au métier d'enseignant. Dès le 1 er janvier 2013, 6 000 étudiants boursiers, inscrits en deuxième année de licence et âgés de vingt-cinq ans au plus, s'ils s'engagent à présenter les concours de l'enseignement, pourront bénéficier d'une rémunération de 900 euros par mois pendant trois ans et d'une immersion progressive sur le terrain. Au cours des trois ans qui viennent, ce dispositif devrait concerner 18 000 étudiants

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent de cette initiative, qui devrait être de nature à couper court à certaines critiques faciles sur la crise des vocations pour l'enseignement, voire l'impossibilité pratique de recruter dans de bonnes conditions les effectifs de nouveaux enseignants nécessaires pour remplacer ceux qui partent à la retraite ou faire face aux créations de postes. D'ailleurs si l'on en croit certains chiffres rapportés dans la presse, la volonté clairement affichée par le Gouvernement semble avoir déjà commencé à produire ses effets en termes d'attractivité pour le métier d'enseignant : le nombre d'inscrits par poste au concours de professeur des écoles serait passé de 7,5 à 10 entre les sessions de 2012 et 2013 dans l'enseignement du premier degré. Dans le secondaire, il aurait augmenté de 17,1% en anglais, de 16,1% en mathématiques et de 12% en lettres 24 ( * ) .

Le coût du dispositif s'élève à 13,8 millions d'euros

Globalement, en loi de finances pour 2012, 619,5 millions d'euros étaient prévus pour financer l'action sociale en faveur des élèves, à raison de 552,9 millions d'euros au titre des bourses et des fonds sociaux de l'enseignement public (action 04 du programme 230) et 66,6 millions d'euros au titre des bourses et des fonds sociaux de l'enseignement privé (action 08 du programme 139).

Compte tenu des effectifs d'élèves boursiers attendus à la rentrée 2013, 634,5 millions d'euros sont inscrits au sein du projet de loi de finances pour 2013, répartis entre 568 millions d'euros sur le programme 230 et 66,53 millions d'euros sur le programme 139 25 ( * ) . Pour le Gouvernement, « ces crédits permettront de couvrir les revalorisations de taux intervenues à la rentrée 2012 (+1,75% pour les bourses de lycées) et de prévoir, à la rentrée 2013, une revalorisation de 1,75% des taux de bourses de collège, de la part de bourse de lycée, de la prime à l'internat, de la part de bourse d'enseignement d'adaptation et du montant des exonérations des frais de pension accordées aux élèves des ERPD... et des EREA » . En revanche, la baisse des fonds sociaux (de 34,4 millions d'euros à 32,1 millions d'euros) témoigne de la nécessité, pour le Gouvernement, de faire preuve d'une grande sélectivité dans le contexte de redressement des comptes publics.

C. LA SCOLARISATION DES ENFANTS HANDICAPÉS : PASSER DU RESPECT FORMEL DU DROIT À SON EXERCICE RÉEL

En juillet dernier, la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées dans l'éducation nationale a fait l'objet d'une étude d'ensemble 26 ( * ) , d'où il ressort que l'accessibilité de l'école est globalement assurée, au moins l'accessibilité « première », l'accessibilité de droit.

Selon les auteurs de l'étude, les difficultés constatées sont davantage la conséquence d'un manque de places disponibles (en établissements médico-sociaux et, parfois, au sein des ULIS) ou du retard dans l'affectation d'un AVS que de l'absence de prise en compte de la prescription. Sans méconnaître les efforts menés par ailleurs par le Gouvernement dès cette rentrée, vos rapporteurs spéciaux ne peuvent néanmoins que se faire l'écho des dysfonctionnements encore trop souvent constatés. Alors que l'on sait que la stabilité de l'environnement éducatif est tout particulièrement nécessaire pour les enfants et les jeunes qui doivent en outre surmonter un handicap, il n'est plus acceptable de se satisfaire de l'exercice formel du droit à l'accompagnement. Comment concevoir, par exemple, que la prise en charge d'un jeune 12 heures par semaine nécessite l'intervention de deux AVS différents ? Comment un jeune qui entame une nouvelle formation peut-il prendre un bon départ en l'absence d'AVS-i au cours des quinze jours suivant la rentrée malgré une décision de la MDPH prise au début du printemps, puis en changeant d'assistant trois semaines après son affectation ?

Ces situations vécues témoignent de la nécessité de passer du respect du droit à son exercice effectif. Car, comme l'a souligné la note, « on perçoit bien la « cassure » des 15-16 ans ... et la sortie massive du système éducatif ordinaire à cette étape ». Au total, pour 100 élèves souffrant de handicap âgés de 11 ans, seuls 38 demeurent scolarisés à 17 ans.

Ses auteurs soulignent combien, à cet âge, le rôle « physique » et matériel de l'AVS n'est plus l'essentiel (malgré quelques handicaps impliquant encore une forte dépendance), mais il devient davantage un assistant pédagogique... Toutes ces tâches dépassent très largement « l'aide à la vie scolaire » et exigent une solide formation. Vos rapporteurs spéciaux appellent donc le Gouvernement à se saisir d'urgence de cette question car il n'est pas acceptable que « le lycée professionnel reste encore un lieu d'accueil des élèves handicapés plus qu'un lieu d'inclusion où la question de l'insertion professionnelle serait pensée dès l'entrée, anticipant un parcours cohérent et suivi ».

Il est tout aussi navrant de lire que « les services de l'orientation semblent peu impliqués dans l'orientation des élèves handicapés, quel que soit le niveau d'enseignement ». L'élève de CLIS ou d'ULIS est encore trop souvent perçu comme différent avec des besoins en décalage par rapport aux attendus institutionnels des programmes et des horaires officiels.

Quel que soit le type de contrat, la première urgence est d'apporter aux uns et aux autres une solide formation « d'adaptation à l'emploi » au fil des recrutements. Le « Grenelle de la formation et de l'accès à la vie sociale des jeunes handicapés », tenu le 25 janvier 2012, avait conclu que « l'éducation nationale doit préparer sa rentrée et ne pas recruter à la hâte des AVS non formés et les mettre tout de suite au contact avec les enfants ». Il est navrant de constater qu'une fois de plus, c'est exactement l'inverse qui s'est produit. Si des dispositifs de formation existent déjà, comme le module de 60 heures destiné aux nouveaux recrutés, par définition il ne peut être réalisé lorsque le recrutement intervient en urgence, quelques jours avant ou même après la rentrée.

Le Gouvernement entend faire de la formation des enseignants une de ses priorités. Comme l'indique le projet annuel de performances 2013 « un module de formation destiné aux enseignants qui accueillent des élèves handicapés est mis en place à la rentrée 2012, la formation initiale actuelle ne leur permettant pas toujours de faire face aux difficultés liées au handicap » 27 ( * ) . Les enjeux sont clairement énoncés : la qualité de la scolarisation, la personnalisation des réponses pédagogiques et la validation des compétences.

Vos rapporteurs spéciaux se félicitent de l'effort très significatif fait en faveur de l'inclusion scolaire des élèves handicaps. Mais, comme lors de leur précédent rapport, ils soulignent que la formation des personnels chargés de l'accompagnement individuel, collectif ou mutualisé des élèves handicapés revêt également une importance cruciale : la formation des AVS, quel que soit leur statut, doit également constituer une priorité. D'autant que la démographie imposera d'intensifier les efforts. En réponse à vos rapporteurs spéciaux, le ministère a estimé que « si la poursuite de l'effort de scolarisation des enfants en situation de handicap est maintenue alors les effectifs de CLIS augmenteraient de +1,6 à 1,7% pour les trois prochaines rentrées » 28 ( * ) .

Vos rapporteurs spéciaux ne peuvent, enfin, que rappeler la recommandation qu'ils avaient formulée l'année passée dans leur rapport sur le projet de loi de finances pour 2012 : la justification des crédits au premier euro n'exclut pas de faire également figurer au projet annuel de performances des indicateurs de contexte ou d'activité des services de l'Etat. Si beaucoup reste à faire en ce domaine, l'un de ces indicateurs ne laisse pas d'inquiéter s'agissant de la scolarisation des enfants et jeunes handicapés : comment accepter que le suivi de la qualité de vie perçue des élèves de troisième (indicateur 3.1) fasse apparaître que la proportion d'élèves déclarant avoir été brimés au collège au cours des deux derniers mois s'établit à 30,9% (en 2010 comme en 2011) pour les élèves ne se déclarant pas porteurs de handicap mais monte à 52,2% pour les élèves se déclarant handicapés ? L'inclusion scolaire des élèves handicapés, intitulé de l'action 03 du programme ne sera véritablement réalisée que lorsque cet indicateur ne montrera plus un tel décalage. La cible déterminée pour 2015, soit respectivement 25% et 40% montre malheureusement l'ampleur du chemin qui reste à parcourir.

L'action 06 « Actions éducatives complémentaires aux enseignements » ne représente qu'une part marginale des crédits du programme 230, soit 60,7 millions d'euros de dépenses d'intervention en AE et 78 millions d'euros en CP. La seule « principales mesures de l'année » concerne le transfert des crédits de rémunération des professeurs d'EPS détachés auprès de l'Union nationale du sport scolaire (UNSS) du titre 2 du programme 141 vers le hors titre 2 du programme 230. Ce transfert représente 3,2 millions d'euros et s'ajoute à la subvention versée à l'UNSS, qui s'élève à 16,6 millions d'euros.

Ce mouvement fournit l'occasion d'évoquer un référé adressé par la Cour des comptes à votre commission des finances sur la situation de cette association.

Conclusions du référé de la Cour des comptes relatif à l'Unss

UNE ORGANISATION COÛTEUSE AU RÔLE MAL DÉFINI

Plus d'un million d'élèves de l'enseignement secondaire pratiquent une activité sportive volontaire au sein de leur établissement. Les enseignants d'éducation physique et sportive (EPS) des collèges et des lycées sont autorisés à y consacrer trois heures par semaine, venant en déduction de leurs obligations de service hebdomadaire. La Cour constate que le volume total des heures d'enseignement affectées à cette activité représente environ 4 800 postes en équivalent temps plein (ETP), ce qui, sur la base d'un coût de 55 000 euros par ETP, lui permet d'estimer à 264 millions d'euros le montant de cette dépense chaque année. En outre, le ministère de l'éducation nationale subventionne l'UNSS à hauteur de 17 millions d'euros par an.

Sur le plan juridique, l'organisation du sport au sein des établissements présente des particularités fortes. Si l'UNSS est une association, le ministre de l'éducation nationale en assure la présidence et l'Etat est majoritaire au sein de son conseil d'administration. Contrairement au principe de libre association, la création d'une association constitue une obligation dans chaque établissement scolaire du second degré ; cette association est présidée de droit par le chef d'établissement.

La Cour estime qu'au demeurant, les missions de l'UNSS n'ont pas été clairement définies, ni des objectifs fixés en terme de développement de la pratique sportive, pourtant élément reconnu de la réussite scolaire.

UNE ORGANISATION PEU ÉVALUÉE ET DONT LES RÉSULTATS SONT LIMITÉS

Outre les faiblesses, voire l'inexistence, de l'évaluation des enseignants concernés, la Cour déplore le maigre succès de la pratique sportive qui ne concerne que 24% des collégiens (et une proportion encore plus faible de ceux qui relèvent du réseau « ambition réussite » : 19%), 14% des élèves des lycées généraux et technologiques et 13% des élèves des lycées professionnels.

DES ÉVOLUTIONS NÉCESSAIRES

Après avoir noté la place très limitée du sport scolaire dans les projets d'établissements et les projets académiques, la Cour appelle de ses voeux une réflexion sur une rénovation de l'organisation du « sport scolaire ».

La réponse du ministre de l'éducation nationale aux observations de la Cour est d'ordre général. Il souligne l'originalité de l'organisation du sport scolaire. Il évoque les adaptations en cours ou à venir (lettre de mission au directeur national de l'UNSS, signature d'une convention pluriannuelle d'objectifs), au service d'un objectif prioritaire, amener un pourcentage plus important d'élèves de l'éducation prioritaire à pratiquer une activité sportive d'une manière régulière. Une note du 7 mars 2012 de la direction générale de l'enseignement scolaire a décliné cet objectif au niveau de chacune des académies, appelées par ailleurs à inscrire un volet « sport scolaire » dans leur projet.

Le financement de l'UNSS par le ministère des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative est bien moindre que celui apporté par le ministère de l'éducation nationale, soit, en 2011, 3,8 millions d'euros. Mais la démarche du ministère des sports semble nettement plus avancée que celle du ministère de l'éducation nationale. Une convention pluriannuelle d'objectifs a été signée pour les années 2009 à 2012. Cette convention comporte six objectifs, que le ministère détaille dans sa réponse, de même que les indicateurs mis en place pour en évaluer la réalisation. Toutefois, le caractère récent du contrat d'objectifs ne permet pas de mesurer une tendance nette, ni - a fortiori - un accroissement sensible de la pratique sportive dans le monde scolaire.

Les relations entre l'UNSS et son partenaire principal, le ministère de l'éducation nationale sont en cours de redéfinition. Lors de sa conférence de presse de rentrée, le ministre de l'éducation nationale a consacré un long développement à la question du sport au sein du système éducatif, insistant notamment sur son rôle pour l'égalité des chances et pour la formation citoyenne des jeunes. Il a annoncé que la formation des Jeunes officiels UNSS sera encouragée et valorisée au baccalauréat dès la session 2013. Cette question pourrait donc faire l'objet d'une observation ou d'un développement particulier au sein du rapport spécial sur la mission « enseignement scolaire », sachant qu'elle ne constitue qu'un des multiples aspects de la refondation de l'école 29 ( * ) .


* 23 Interrogé par vos rapporteurs spéciaux sur les différences éventuelles entre la maquette de la loi de finances initiale pour 2012 et celle retenue pour 2013, le ministère leur a précisé que ce changement (de « accompagnement des élèves handicapés » à « inclusion scolaire des élèves handicapés ») n'impactait pas le contenu de cette action.

* 24 Source : Le nouvel observateur, 29 août 2012.

* 25 Ces crédits se répartissent eux même en 535,9 millions d'euros au titre des bourses et 32,1 millions pour les fonds sociaux au sein de l'enseignement public (programme 230), 63,56 millions pour les bourses et 2,97 millions pour les fonds sociaux au sein de l'enseignement privé.

* 26 Note n° 2012-100 La mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 dans l'éducation nationale (rapport conjoint de l'inspection générale de l'éducation nationale et de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale).

* 27 Action 03 « Besoins éducatifs particuliers » du programme 140 « Enseignement public du premier degré ».

* 28 L'accroissement de l'ensemble des effectifs des élèves scolarisés dans les écoles publiques et privées est estimé à +0,2% en 2012, +0,5% pour la rentrée 2013, puis +0,4% pour les rentrées 2014 et 2015.

* 29 Document du 10 septembre 2012 disponible sur le site de la Cour des comptes : www.ccomptes.fr/Publications/Les-activites-sportives-volontaires-dans-l-enseignement-du-second-degre .