M. Jean-Vincent PLACÉ, rapporteur spécial

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DE VOTRE RAPPORTEUR SPÉCIAL SUR LES ENJEUX BUDGÉTAIRES DES DEUX PROGRAMMES

- L'exercice 2014 s'inscrit dans la logique initiée en 2013 avec un accroissement des effectifs de la police et de la gendarmerie à hauteur, respectivement, de 243 ETP et de 162 ETP. Au final, les deux programmes enregistrent ainsi une hausse globale de 405 ETP .

- Au regard de cet effort conséquent, votre rapporteur spécial souligne toutefois que, si ces créations d'emplois constituent un signal positif, leurs affectations doit répondre aux besoins et aux priorités .

- Un audit des polices d'agglomération apparaît nécessaire, dès lors qu'elles tendent à se développer sur un nombre croissant de bassins de délinquance.

- Il existe désormais 64 « zones de sécurité prioritaires » (ZSP) . Leur premier bilan fait ressortir des résultats positifs.

- Parmi les missions essentielles dévolues à la police de proximité figurent l'accueil et la prise en charge des victimes . Le déploiement de psychologues et de travailleurs sociaux dans les commissariats et les gendarmeries doit se poursuivre afin d'améliorer encore la qualité de l'accueil dans ces lieux.

- Le transfert des transfèrements de détenus à l'administration pénitentiaire s'est révélé plus difficile que prévu. Selon les informations recueillies par votre rapporteur spécial, le calendrier de cette opération pourrait être étalé dans le temps.

- Votre rapporteur spécial déplore les investissements coûteux (251,9 millions d'euros sur quinze ans à Paris, par exemple) réalisés dans les systèmes de vidéosurveillance potentiellement attentatoires aux libertés publiques et dont aucune étude sérieuse n'a prouvé l'efficacité en termes de sécurité publique.

- Pour votre rapporteur spécial, la défense et la protection de l'environnement passent par un double objectif. D'une part, une politique d'achats toujours plus éco-responsables doit être impulsée au sein de la police et de la gendarmerie. D'autre part, la lutte contre la délinquance environnementale doit être valorisée et pouvoir s'appuyer sur des moyens et des compétences à la hauteur des enjeux de ce type d'affaire.

LES PRINCIPAUX ENJEUX BUDGÉTAIRES DES FORCES DE POLICE ET DE GENDARMERIE EN 2014

II. LES PRINCIPAUX ENJEUX BUDGÉTAIRES DES FORCES DE POLICE ET DE GENDARMERIE EN 2014

A. LA POURSUITE DE LA HAUSSE DES EFFECTIFS ET L'OPTIMISATION DE L'EMPLOI DES FORCES

1. La création de 405 emplois supplémentaires

L'année 2013 a rompu avec la réduction des effectifs (-  9 269 emplois temps plein entre 2009 et 2012) au sein de la police et de la gendarmerie dans le cadre de la révision générale des politiques publiques (RGPP). Au total, les deux forces ont bénéficié de la création nette de 480 emplois temps plein (ETP) : 288 ETP supplémentaires pour la police et 192 ETP pour la gendarmerie.

L'année dernière, votre rapporteur spécial s'était d'ailleurs félicité de ces créations , la RGPP ayant entrainé une « dégradation qualitative » des emplois, une précarisation accrue et un recul de l'Etat sur l'une de ses fonctions régaliennes par excellence 11 ( * ) .

L'exercice 2014 s'inscrit dans la logique initiée en 2013 avec un accroissement des effectifs de la police et de la gendarmerie à hauteur, respectivement, de 243 ETP et de 162 ETP. Au final, les deux programmes enregistrent ainsi une hausse globale de 405 ETP .

Votre rapporteur spécial reviendra sur ces créations dans les parties plus particulièrement consacrées à la police (Partie III) et à la gendarmerie (Partie IV). Il veut toutefois à ce stade, et d'ores et déjà, insister sur la poursuite de cet effort conséquent .

Au regard de cet effort, votre rapporteur spécial souligne toutefois à nouveau que, si ces créations d'emplois constituent un signal positif, une attention particulière doit être portée sur leurs affectations . L'arrivée d'effectifs supplémentaires doit correspondre à une présence accrue des forces de l'ordre sur le terrain, de façon à s'ancrer durablement dans le territoire et avoir une connaissance plus fine des problématiques, dans le cadre d'une relation de confiance avec les habitants. Elle doit aussi s'inscrire dans une politique qui accorde une importance renouvelée à la prévention. Votre rapporteur se félicite, à cet égard, du déploiement des « zones de sécurité prioritaires » (ZSP) qui semble aller dans ce sens.

2. La répartition des effectifs sur le territoire

Au cours des dernières années et dans le cadre de la RGPP, un processus de redéploiement police-gendarmerie a progressivement été mis en oeuvre. Cette évolution territoriale prévoyait un transfert de 17 circonscriptions de sécurité publique vers la gendarmerie et un transfert de 29 communes situées en zone gendarmerie vers la police.

Toutefois, dans son rapport sur « L'organisation et la gestion des forces de sécurité publique » 12 ( * ) , la Cour des comptes a souligné qu'« en ce qui concerne la police nationale, en dépit d'un mouvement correctif introduit à compter de 2007, la répartition territoriale des effectifs de sécurité publique laisse subsister des inégalités importantes entre les circonscriptions, révélatrices de situations de sur-dotation ou sous-dotation au regard des niveaux de délinquance . En particulier, la présence des services de la DCSP [direction centrale de la sécurité publique], plutôt que des unités de la gendarmerie départementale, dans des circonscriptions de moins de vingt mille habitants où la loi ne l'impose pas, est un facteur de déséquilibre au détriment des villes les plus exposées à la délinquance ».

Dans le prolongement des observations de la Cour des comptes, votre rapporteur spécial attire l'attention sur les critères de répartition des effectifs sur le territoire , non seulement entre les policiers et les gendarmes mais aussi concernant la concentration de ces deux forces dans leurs zones de compétence respectives. Il estime que ces critères doivent plus clairement apparaître que ce n'est le cas actuellement. Les clefs de répartition doivent évidemment se fonder sur la prise en compte des taux de délinquance sur les différents territoires, mais aussi faire l'objet d'une prise de décision concertée au niveau le plus adapté, c'est-à-dire le niveau déconcentré .

Les redéploiements « police / gendarmerie » en 2013

En 2013, vingt-trois communes font l'objet de « redéploiements » entre la police et la gendarmerie afin d'adapter leur organisation territoriale aux bassins de vie et de délinquance, ainsi que de permettre aux forces de l'ordre de renforcer leur complémentarité.

Dix communes sont ainsi passées en zone de compétence « police nationale » le 2 septembre 2013. Plérin relève désormais de la circonscription de sécurité publique (CSP) de Saint-Brieuc, Cesson-Sévigné de celle de Rennes, Vineuil de celle de Blois, Rosny-sur-Seine de celle de Mantes-la-Jolie et Maillot de celle de Sens. Dans le Val-d'Oise, Boisemont, Courdimanche, Jouy-le-Moutier, Neuville-sur-Oise et Vauréal sont rattachées à la CSP de Cergy. Y seront prochainement intégrées également les communes de Menucourt et Puiseux-Pontoise. Leurs conseils municipaux ayant toutefois rendu un avis défavorable à l'instauration du régime de la police d'Etat, la procédure requiert un décret en Conseil d'Etat. Enfin, dans le département de l'Aude, la commune de Berriac sera rattachée à la CSP de Carcassonne d'ici à la fin de l'année.

Parallèlement, le transfert de trois CSP, regroupant huit communes, en zone de compétence « gendarmerie nationale » a été entériné. Il est effectif depuis le 2 septembre 2013. Il s'agit des CSP de Romorantin-Lanthenay et de Guebwiller, ainsi que de la CSP de Persan regroupant les communes de Beaumont-sur-Oise, L'Isle-Adam, Mours, Noitel, Persan et Presles. La suppression du régime de la police d'Etat dans les communes de Castelnaudary et de Dinan doit également être prononcée par décret en Conseil d'Etat, les communes concernées étant défavorables au transfert de compétence.

Source : DGGN

Votre rapporteur spécial estime nécessaire de recentrer l'activité des policiers et des gendarmes sur leur coeur de métier et en faveur d'une présence accrue sur le terrain . Des marges de progression existent encore. Ainsi, par exemple, les gardes statiques mobilisent 361 agents par jour du côté de la direction centrale des CRS 13 ( * ) , 925 emplois pour la direction de l'ordre public et de la circulation (DOPC) de la préfecture de police de Paris 14 ( * ) et 1 828 emplois équivalents temps plein travaillé (ETPT) au sein de la gendarmerie 15 ( * ) .

3. Le bilan des « polices d'agglomération »

Le redéploiement police-gendarmerie s'accompagne en outre d'une nouvelle organisation territoriale autour de « polices d'agglomération » , centrées sur des bassins de criminalité.

Par son intervention à un niveau pertinent (l'agglomération), la police d'agglomération est censée être en mesure de permettre une meilleure adaptation du dispositif de sécurité (sécurisation, ordre public et collecte du renseignement) aux réalités du terrain, tout en dégageant des économies d'échelle sur les moyens mis en oeuvre. Les frontières administratives, qui faisaient jusqu'alors barrière aux objectifs opérationnels de la police, sont supprimées.

Entrée en application le 14 septembre 2009 à Paris et dans les trois départements limitrophes de la petite couronne (Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne) 16 ( * ) , la police d'agglomération a été étendue en 2011 sur les plaques urbaines de Lyon , Lille , Marseille et Bordeaux 17 ( * ) . Depuis lors, plusieurs redéploiements (que ce soit par réorganisation de districts, fusion de circonscription ou agrégation de communes) se sont inscrits dans cette logique.

Afin de répondre à une demande d' audit formulée par Manuel Valls, ministre de l'intérieur, en 2012 concernant la police d'agglomération, six groupes de travail sur la police d'agglomération parisienne ont été créés 18 ( * ) .

Les conclusions des groupes de travail sur la police d'agglomération de Paris

D'une manière générale, les contributions remises par les six groupes de travail établissent le même diagnostic : « le bilan de la police d'agglomération est globalement positif, mais la réforme doit être poursuivie » .

Au rang des satisfactions, ressortent notamment :

- le reformatage de certaines structures ayant permis de réaffecter des effectifs de voie publique à la lutte contre la délinquance ;

- la création de nouvelles structures, tels que les groupes « cités » de la direction régionale de la police judiciaire (DRPJ) ou une unité de coordination et de lutte contre l'immigration clandestine ;

- l'émergence d'une nouvelle méthodologie de lutte contre les cambriolages. Sur ce terrain, un effort particulier a été mené en matière de professionnalisation des personnels chargés du relevé des traces et des indices sur les scènes de cambriolages.

En ce qui concerne la poursuite de la réforme, diverses pistes de réflexion ont été esquissées. On peut en particulier relever :

- la perspective d'une réorganisation des services de l'accueil et de l'investigation de proximité (SAIP) en vue de renforcer l'investigation judiciaire de nuit dans la petite couronne ;

- la création d'un comité de pilotage de la police technique et scientifique (PTS) ;

- la clarification de la délégation de compétence du préfet de police aux préfets de départements concernant les missions de la DOPC.

Source : DGPN

Au-delà des conclusions de ces groupes de travail portant sur la seule agglomération parisienne, votre rapporteur spécial estime souhaitable le lancement d'un audit plus large en vue d'évaluer précisément l'efficacité de ces nouveaux dispositifs, leurs retombées en termes d'économies et leur retour en sécurité intérieure .

4. Les « zones de sécurité prioritaires » (ZSP)

Les premières « zones de sécurité prioritaires » (ZSP) ont été créées en septembre 2012 à l'initiative alors du nouveau Gouvernement. Depuis cette date, plusieurs vagues de création sont intervenues et il existe désormais 64 ZSP réparties de la manière suivante :

- 42 ZSP relèvent de la compétence de la DGPN ;

- 8 ZSP relèvent de la compétence de la préfecture de police de Paris ;

- 9 ZSP relèvent de la compétence de la DGGN ;

- 5 ZSP sont mixtes et relèvent d'une compétence partagée entre la DGPN et la DGGN.

Selon la circulaire NOR INTK 1229197 J du 30 juillet 2012 du ministre de l'intérieur, les ZSP ont vocation à « répondre, au plus près, aux préoccupations de nos concitoyens, souvent parmi les plus démunis, confrontés dans des quartiers urbains ou des territoires ruraux à la délinquance, à la violence et aux trafics de toutes sortes qui sapent les fondements même de notre société et mettent en péril le lien social ». L'ambition est de notamment de juguler « l'économie souterraine, les trafics de stupéfiants et d'armes, les violences, les cambriolages, les regroupements dans les parties communes d'immeubles d'habitation, les nuisances de voie publique et autres incivilités ».

Les ZSP correspondent donc à des territoires ciblés sur lesquels sont déployés des dispositifs souples et adaptables , destinés à mieux lutter contre des phénomènes de délinquance ou d'incivilités structurellement enracinés et identifiés par l'échelon local.

L'action menée dans ces zones fait l'objet d'une coordination opérationnelle renforcée non seulement de l'ensemble des forces de sécurité intérieure ( via une cellule de coordination opérationnelle des forces de sécurité intérieure), mais aussi d'un partenariat associatif et institutionnel (grâce à une cellule de coordination opérationnelle du partenariat).

Votre rapporteur spécial se félicite de l'approche retenue pour la création des ZSP. Il est en effet favorable à une meilleure gouvernance de la sécurité, territorialisée et plurielle (c'est-à-dire associant les élus, les citoyens, la police, la gendarmerie, les partenaires institutionnels...) .

Les effectifs intervenant sur le ressort d'une ZSP sont divers. Il peut s'agir des policiers de la circonscription de police concernée, mais aussi de renforts d'unités de sécurisation (des unités départementales, des CRS, des groupes d'enquêtes spécialisés de la police judiciaire, des groupes chargés du renseignement territorial...). L'effort porté sur la lutte contre la délinquance dans une ZSP ne peut donc pas s'évaluer avec un chiffre précis d'effectifs : tous les services compétents apportent leur contribution, au gré des besoins. Pour autant, la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) a mis en place une politique de renforcement prioritaire des circonscriptions de sécurité publique concernées par une ZSP. Ainsi, au moment de la création du dispositif, 200 policiers y ont été mutés. De même, l'effectif de fonctionnement des circonscriptions concernées par une ZSP a été revu à la hausse.

Un premier bilan des ZSP

Dans les 59 ZSP concernées par la lutte contre les trafics de stupéfiants, le nombre de mis en cause pour trafic a augmenté de 37,8 % (1,17 tonne de cannabis, 33,9 kilos de cocaïne et 4,75 millions d'euros ont été saisis).

Dans les 41 ZSP concernées par la lutte contre les nuisances, les infractions correspondantes ont baissé de - 10,7 % .

Dans les 21 ZSP concernées par la lutte contre les vols avec violences, ces vols restent en augmentation de 1,9 % mais les vols à main armée baissent de - 9,5 %.

Dans les 17 ZSP concernées par la lutte contre les cambriolages , ces infractions reculent de - 7,9 %.

Dans les 14 ZSP concernées par la lutte contre les violences urbaines, ces infractions reculent de - 27,5 % (dont - 19,9 % de feux de poubelles, - 7,4 % d'incendies de véhicules et - 35,3 % de jets de projectiles).

Source : DGPN

Votre rapporteur spécial se félicite de la mise en place de ce dispositif constituant un progrès notable et attendu. Il considère en effet qu'il est désormais temps de réinventer une police de proximité axée sur le lien de confiance à nouer réellement avec la population, l'action de prévention (qui doit nécessairement précéder la répression) et l'ancrage dans le temps (seul garant du succès de cette politique) .

Dans cette perspective, les ZSP sont un des outils pour répondre au défi d'une police de proximité revisitée. Leur succès sur le long terme dépendra, pour une part, du bon dimensionnement des effectifs affectés sur ces missions.

5. La priorité de l'accueil et de la prise en charge des victimes

Parmi les missions essentielles dévolues à la police de proximité figurent l'accueil et la prise en charge des victimes.

A cet égard, votre rapporteur spécial souligne l'intérêt de la généralisation, depuis mars 2013, de la pré-plainte en ligne . Ce dispositif constitue une avancée pour faciliter les démarches des victimes et leur accueil.

Dans son rapport d'information précité « Police, gendarmerie : quelle stratégie d'investissement ? », votre rapporteur spécial relevait également le recrutement de psychologues par la sécurité publique intervenant tant à l'égard des victimes en matière de soutien, que des auteurs de violences dans le cadre de la prévention de la réitération. Il rappelait que « ce dispositif représentait, au 2 mai 2013, quarante-deux psychologues en fonction dans vingt-huit directions départementales de sécurité publique répartis sur trente-sept circonscriptions ».

Votre rapporteur spécial souhaite que le déploiement de psychologues et de travailleurs sociaux dans les commissariats et les gendarmeries puisse se poursuivre afin d'améliorer encore la qualité de l'accueil dans ces lieux . Les investissements dans l'immobilier de la police et de la gendarmerie doivent répondre à une capacité d'accueil des psychologiques et travailleurs sociaux afin d'assurer leur présence de façon pérenne.

B. LES TRANSFÈREMENTS DES DÉTENUS : UN TRANSFERT DE COMPÉTENCE PLUS DIFFICILE QUE PRÉVU

Depuis plusieurs années, la question du transfèrement des détenus et du transfert de cette mission à l'administration pénitentiaire constitue un « serpent de mer » de la mission « Sécurités ». Votre commission des finances a eu l'occasion à de nombreuses reprises d'évoquer ce sujet 19 ( * ) . L'examen du présent projet de loi de finances permet de faire un point utile sur ce thème.

1. Les termes de l'arbitrage interministériel initial

La réunion interministérielle du 30 septembre 2010 a acté le principe du transfert de la mission d'extraction des détenus du ministère de l'intérieur (police et gendarmerie) vers le ministère de la justice (administration pénitentiaire) 20 ( * ) . Ce transfert devait se réaliser progressivement sur trois ans, par zone géographique.

Au titre de ce transfert de charge, il a été décidé que 800 ETPT seraient transférés du ministère de l'intérieur au ministère de la justice. Dans ce mouvement, 281 ETPT étaient issus du programme « Police nationale », le solde provenant du programme « Gendarmerie nationale ».

Cette décision s'inscrit dans le cadre plus large des efforts entrepris pour désengager les forces de l'ordre des charges parajudiciaires qui obèrent leurs capacités opérationnelles . L'objectif consiste à recentrer ces forces sur leur coeur de métier (par le désengagement des services des unités hospitalières sécurisées interrégionales, de la police des audiences non sensibles, de la sécurisation des sites judiciaires...).

2. Le bilan des transferts de charge

Les extractions ont été reprises par la direction de l'administration pénitentiaire du ministère de la justice dans trois premières régions en 2011 (Lorraine, Auvergne, Basse-Normandie), puis dans quatre régions supplémentaires (Picardie, Franche-Comté, Champagne-Ardenne et Midi-Pyrénées) ainsi que deux départements franciliens (Yvelines et Val-d'Oise) en 2012.

Dans les Hauts-de-Seine, l'administration pénitentiaire a repris à sa charge les extractions le 7 janvier 2013 . La préfecture de police de Paris continue cependant à assurer la présentation des détenus venant de la maison d'arrêt de Nanterre.

Au total, depuis la reprise de la mission dans ces régions, l'administration pénitentiaire prend en charge 85 % des personnes extraites , contre 11 % pour la police et 4 % pour la gendarmerie.

Sur les 281 emplois devant être transférés du programme « Police nationale » vers le ministère de la justice, 70 ETPT ont été effectivement rendus en 2011 et 88 ETPT en 2012. En 2013, 123 ETPT restaient donc à rendre. Pour ce qui est des emplois de la gendarmerie, 292 ETPT ont été transférés à l'administration pénitentiaire et 227 ETPT demeurent à la charge du programme.

3. Les perspectives : vers un étalement du calendrier ?

A ce stade, le bilan du transfert des transfèrements est donc contrasté .

La mise en oeuvre de ce transfert de mission s'est d'abord heurtée aux difficultés de montée en puissance du dispositif du côté du ministère de la justice (délais de recrutement et de formation des personnels plus longs que prévus). Il apparait en outre que le déploiement par l'administration pénitentiaire de tous les emplois transférés pour assurer l'exécution des escortes et des transfèrements judiciaires dans les ressorts des cours d'appel ne permet pas le respect de l'arbitrage interministériel initial.

Au final, le calendrier de « bascule » n'a pas pu être tenu .

Dans ces conditions, à la fin de l'année 2012, il a été décidé un moratoire pour 2013 . Les transferts d'emplois et des nouvelles régions ont été suspendus afin d'attendre le résultat de l'évaluation demandée conjointement par les ministères de la justice et de l'intérieur.

La volonté du ministère de l'intérieur est toutefois de mettre fin au moratoire afin de poursuivre et de clore le transfert de la mission à l'administration pénitentiaire. Cette action a d'ailleurs été inscrite parmi les mesures de modernisation de l'action publique (MAP) pour le ministère de l'intérieur .

A la suite de plusieurs réunions interministérielles, un projet de reprise des régions restantes a été proposé. Il prévoit un transfert progressif entre 2014 et 2018 des régions restant à reprendre, y compris les départements et les collectivités ultra-marines.

Ce plan ne fait toutefois pas encore l'objet d'un accord définitif entre les deux ministères (intérieur et justice), le nombre d'ETPT à restituer par le ministère de l'intérieur n'étant pas encore fixé .

4. La nécessaire vigilance sur les conditions de transfèrements et la visioconférence

Sans préjuger de la solution qui sera finalement arrêtée, votre rapporteur spécial souhaite toutefois rappeler un certain nombre de principes fondamentaux en matière de transfèrements. Leur respect doit aussi orienter les choix qui seront faits.

En premier lieu, la France doit avoir pour objectif premier d'assurer les transfèrements dans des conditions conformes au droit européen et aux exigences élémentaires en matière de dignité et de santé des détenus. Notre pays a été condamné, à plusieurs reprises, par la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) s'agissant des conditions dans lesquelles se déroulent les extractions médicales de détenus 21 ( * ) .

En deuxième lieu, le niveau de sécurisation des transfèrements ne doit pas pâtir d'un transfert de responsabilité de la police et la gendarmerie vers l'administration pénitentiaire.

Cette observation renvoie à une troisième condition : l'accompagnement et la formation des personnels pénitentiaires affectés à cette nouvelle mission .

Enfin, le recours accru à la visioconférence 22 ( * ) entre les magistrats et les détenus ou prévenus incarcérés est souvent présenté comme une solution permettant de réduire le nombre de transfèrements 23 ( * ) .

Toutefois, dans son avis du 14 octobre 2011 relatif à l'emploi de la visioconférence à l'égard de personnes privées de liberté 24 ( * ) , le Contrôleur général des lieux de privation de liberté , Jean-Marie Delarue, souligne que « le développement inconsidéré d'une telle technique emporte le risque de porter atteinte aux droits de la défense ». Si dans certains cas la visioconférence peut faciliter la mise en oeuvre des droits de la défense, « dans de nombreux autres cas toutefois, la visioconférence constitue un affaiblissement des droits de la défense en ce qu'elle met fin à la présence physique du comparant qui est aussi un moyen d'expression (d'autant plus que bon nombre de prévenus ont de grandes difficultés à s'exprimer oralement) ».

Aussi, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté estime-t-il nécessaire un encadrement très strict du recours à cette technique (consentement du justiciable, présence d'un conseil auprès de lui...). Il considère en outre que « les économies réalisées sur les coûts des extractions ou les difficultés de réunir les escortes nécessaires ne constituent pas, en principe, des motifs suffisants pour recourir à la visioconférence » .

C. LA VIDÉOSURVEILLANCE : UN INVESTISSEMENT À FONDS PERDUS

1. Un budget de 152,9 millions d'euros depuis 2007 (hors Paris)

Depuis quelques années, la vidéosurveillance est apparue comme un axe privilégié dans la politique de sécurité. Outre des réserves de fonds sur lesquelles reviendra infra votre rapporteur spécial, ce type de dispositif se révèle d'un coût particulièrement élevé .

Pour que les collectivités territoriales ainsi que les bailleurs sociaux ou les établissements scolaires puissent faire face à ce coût, une aide de l'Etat a été mise en oeuvre par le biais du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) 25 ( * ) . Une partie de l'enveloppe de ce fonds a été dédiée spécifiquement au développement de la vidéosurveillance 26 ( * ) . Se sont, par ailleurs, ajoutés à cette enveloppe 4 millions d'euros de crédits en provenance du « Plan de relance » en 2009 27 ( * ) .

Les données dont dispose le ministère de l'intérieur aujourd'hui sur les aides et leurs bénéficiaires depuis la mise en place du FIPD en 2007 restent incomplètes pour les trois premières années de mise en oeuvre. Elles sont en revanche plus précises pour les années suivantes.

Le bilan de l'aide accordée par le FIPD au développement de la vidéosurveillance

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

(31/06/2013)

Nombre de communes aidées

246

293

377

616

485

524

239

Nombre d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) aidés

16

19

40

41

36

14

Nombre de caméras installées

Non recensé

2500
(source Acsé)

4961
(source Acsé)

7837

6270

6570

2385

Crédits du FIPD consacrés aux projets de vidéosurveillance
(déduction faite des frais de gestion de l'Acsé)

(en millions d'euros)

13,4

11,7

15,4

29,7

29,7

29,7

19,3

Plan de relance (en millions d'euros)

-

-

-

2

2

-

-

Crédits FIPD consacrés aux communes et EPCI

(en millions d'euros)

13,4

11,7

15,4

25,0

28,6

22,2

12,8

Source : ministère de l'intérieur

Entre 2007 et 2013, l'ensemble des crédits du FIPD consacrés à des projets de vidéosurveillance a donc représenté 152,9 millions d'euros .

Sur ce montant, 142,2 millions d'euros ont été consacrés à :

- 2 780 projets portés par des collectivités territoriales ou les groupements de communes, concernant l'implantation de 28 314 caméras ;

- 117 centres de supervision urbain (CSU) ou extension de CSU ;

- 175 déports d'images vers les services de police ou de gendarmerie.

Par ailleurs, 272 dispositifs de vidéosurveillance ont été installés chez des bailleurs sociaux, dans des établissements scolaires et des organismes de transports (pour des projets considérés comme innovants).

En 2014 , le FIPD sera doté de 54,6 millions d'euros. Sur ce montant, 19 millions d'euros seront consacrés au financement de la vidéosurveillance (soit 34,8 % des crédits du fonds, contre 57,4 % en 2012 et 34,1 % en 2013) 28 ( * ) .

2. Le cas particulier de Paris

A ces montants déjà conséquents s'ajoute le cas particulier de Paris . Le plan de déploiement le plus massif de caméras se trouve en effet dans la capitale , avec 1 106 caméras de voie publique ainsi que plus de 10 000 caméras de réseaux partenaires dépendants de la RATP, de la SNCF, de grands magasins ou de musées.

Compte tenu de la complexité du projet, il a été décidé de le conduire sous la forme d'un partenariat public-privé (PPP). Le coût total du contrat s'élève, sur quinze ans, à 251,9 millions d'euros , sous la forme du versement d'un loyer annuel 29 ( * ) .

En 2014 , le loyer du contrat représentera 12,4 millions d'euros . Le financement de ce projet est entièrement porté par l'action n° 6 « Commandement, ressources humaines et soutien » du programme « Police nationale ».

3. La demande d'un moratoire sur ce type d'investissement

Dans son rapport précité sur « L'organisation et la gestion des forces de sécurité publique », la Cour des comptes regrette qu'« aucune étude d'impact, réalisée selon une méthode scientifiquement reconnue, [n'ait] encore été publiée. Contrairement au Royaume-Uni, la France n'a pas encore engagé un programme de recherche destiné à mesurer l'apport de la vidéosurveillance dans les politiques de sécurité publique ».

Pour votre rapporteur, la vidéosurveillance doit être rationnalisée. Dans certaines situations, dans des endroits isolés et risqués, où la présence humaine est impossible, ou dans les transports publics, notamment de nuit, l'installation massive et dogmatique de la vidéosurveillance n'est pas efficiente. Votre rapporteur spécial déplore cet investissement d'un coût élevé dans des systèmes de surveillance potentiellement attentatoires aux libertés publiques 30 ( * ) et dont aucune étude sérieuse (ni en France, ni à l'étranger) n'a prouvé l'efficacité en termes de sécurité publique . Aussi, la vidéosurveillance doit être restreinte et mise en place de façon intelligente, à titre exceptionnel.

A cet égard, il propose que les transports publics ferroviaires de voyageurs soient équipés de caméras dans le premier wagon uniquement, afin de renforcer le rassemblement des usagers et la vigilance, notamment le soir.

Dans l'attente d'une étude scientifique indépendante sur les apports véritables de la vidéosurveillance en termes de sécurité , votre rapporteur spécial réitère sa demande d'un moratoire sur ce type d'investissement

Votre rapporteur spécial rappelle également sa proposition concernant un indicateur de performance portant sur ce type de dispositif (Cf . Partie I.D.4).

En conclusion de ces développements sur la vidéosurveillance, il ajoute toutefois que les échanges sur cette question au sein de votre commission des finances font apparaître des points de vue contrastés 31 ( * ) .

D. LA LUTTE CONTRE LA CYBERCRIMINALITÉ

1. Le rôle pivot de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC)

Face aux développements d'Internet, des réseaux sociaux et des fraudes via l'usurpation d'identité , la lutte contre la cybercriminalité est progressivement devenue une priorité pour la police et la gendarmerie. Elle requière un dispositif opérationnel intégré spécifique, avec des personnels spécifiquement formés et des outils adaptés.

Cette lutte incombe à titre principal à l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC) , placé au sein de la DCPJ. Composé de cinquante-deux policiers et gendarmes, l'office anime et coordonne l'action des services centraux et territoriaux de la police judiciaire. Sur le plan opérationnel, l'OCLCTIC dispose de quatre groupes d'enquêtes dédiés à la lutte contre les escroqueries sur Internet, la fraude aux cartes de paiement, le piratage informatique et les fraudes aux opérateurs de communications électroniques.

D`autres services de police et de gendarmerie interviennent également dans la lutte contre la cybercriminalité :

- la composante centrale d'expertise judiciaire de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) ;

- le service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD) abritant le centre national d'analyse des images de pédopornographie (CNAIP) pour la gendarmerie nationale ;

- la brigade d'enquêtes sur les fraudes aux technologies de l'information compétente sur Paris et la petite couronne.

Par ailleurs, l'action de la police et de la gendarmerie s'appuie sur un réseau de plus de six cents enquêteurs formés pour effectuer des enquêtes dans ce domaine.

En complément de ces moyens humains, une plate-forme d'harmonisation, d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) a été mise en place en 2009. Elle permet aux internautes, ainsi qu'aux professionnels de l'Internet, de signaler un contenu illicite. Elle diffuse également des conseils de prévention. Au cours du premier semestre de l'année 2013, la plate-forme a reçu 80 132 signalements, dont la moitié concerne des escroqueries et des extorsions de fonds commises sur Internet.

Enfin, une plate-forme téléphonique « Info-escroqueries » d'information et de prévention sur les escroqueries est opérationnelle depuis 2009 également. Elle répond aux interrogations des victimes et elle les guide dans leurs démarches. Au cours des six premiers mois de l'année 2013, elle a reçu 18 313 appels (dont 8 583 ont donné lieu à une suite).

2. La formation et les outils des enquêteurs

Les formations des enquêteurs sont dispensées par des acteurs aussi divers que le Centre national de formation de police judiciaire (CNFPJ), l'université de technologie de Troyes (UTT) ou le service technique de recherches judiciaires et de documentation (STRJD).

En outre, les outils doivent s'adapter aux caractéristiques de cette nouvelle forme de délinquance :

- les « cyberpatrouilles » renvoient à des enquêtes sous pseudonymes permettant de lutter contre la traite des êtres humains et le proxénétisme, les atteintes aux mineurs sur Internet, les jeux illégaux en ligne, la provocation et l'apologie des actes de terrorisme sur Internet ;

- la captation de données numériques (autorisée par l'article 36 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, dite « LOPPSI 2 ») donne la capacité, dans un cadre de criminalité organisée, d'appréhender les données telles qu'elles s'affichent à l'écran d'un utilisateur ou telles que celui-ci les saisit sur le clavier. Elle permet en outre de parer le recours à la cryptographie.

E. LA POLICE TECHNIQUE ET SCIENTIFIQUE (PTS) : UNE VIGILANCE NÉCESSAIRE

1. L'amélioration des taux d'élucidation à concilier avec la préservation des libertés

Dans son rapport d'information précité « Police, gendarmerie : quelle stratégie d'investissement ? », votre rapporteur spécial détaille la montée en puissance de la police technique et scientifique (PTS) ainsi que ses enjeux budgétaires. Il souhaite, à l'occasion de l'examen du présent projet de loi de finances, insister sur la vigilance nécessaire face à ce phénomène.

Certes, les avancées techniques et scientifiques permettent d'améliorer les taux d'élucidation des crimes et délits. Le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) sont dans ce but largement mis à contribution.

Cependant, la PTS présente aussi certaines limites. Les possibilités offertes par les nouvelles technologies doivent être conciliées avec la préservation des libertés individuelles et publiques en ne débouchant pas sur un « fichage » intrusif. Tel est notamment le sens de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité 32 ( * ) . Pour votre rapporteur spécial, une attention particulière doit être porté à l'attention des militants politiques et syndicalistes, parfois fichés de façon abusive, qui doivent avoir un « droit à l'oubli ».

2. L'exemple des fichiers

Pour mémoire, votre rapporteur spécial rappelle que, dans son rapport d'activité pour 2011, la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) indiquait avoir procédé à 3 374 vérifications en 2011, dont « plus de 60 % (...) ont porté sur les fichiers de police judiciaire » .

Les résultats de ces vérifications sont recensés dans le tableau suivant.

Les vérifications de la CNIL sur les fichiers de police judiciaire en 2011

STIC

JUDEX

Nombre de vérifications effectuées

1 112

946

Fiches exactes

28 %

38 %

Fiches rectifiées (qualification des faits entraînant ou non une réduction du délai de conservation, ajout de mentions pour tenir compte des suites judiciaires réservées aux infractions enregistrées...)

44 %

30 %

Fiches supprimées

28 %

32 %

Source : d'après le rapport d'activité pour 2011 de la CNIL

Dans son rapport d'activité pour 2012, la CNIL indique qu'« au vu des enjeux pour les droits et libertés des citoyens , la Commission a souhaité inscrire au programme annuel des contrôles de l'année 2012 une nouvelle série de vérifications » sur le STIC.

Dans l'attente des résultats de ce nouveau contrôle, votre rapporteur spécial relève dans celui réalisé en 2011 un nombre important d'« anomalies » ou d'erreurs dans les fichiers STIC et JUDEX, seulement (respectivement) 28 % et 38 % des fiches vérifiées étant exactes. En conséquence, il estime impératif que des progrès soient réalisés dans ce domaine . L'interconnexion prévue entre la chaîne d'application pénale Cassiopée du ministère de la justice, d'une part, et les fichiers STIC et JUDEX (prochainement regroupés au sein de l'application « Traitement des procédures judiciaires »), d'autre part, doit être l'occasion d'obtenir des améliorations.

Votre rapporteur spécial rappelle sa proposition d'introduire dans le PAP des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » un indicateur mesurant le « taux d'exactitude » de ces fichiers (Cf. Partie I.D.4).

F. LA DÉFENSE ET LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

1. L'achat éco-responsable comme levier de développement

A la suite de la circulaire du Premier ministre n° 5351/SG du 3 décembre 2008 relative à l'exemplarité de l'Etat au regard du développement durable dans le fonctionnement de ses services et de ses établissements publics, la police et la gendarmerie ont établi un « Plan administration exemplaire » (PAE) afin d'adopter une attitude plus éco-responsable dans le domaine de leurs achats. Ce plan couvre plusieurs actions : la politique des achats courants, la gestion énergétique, le nettoyage des locaux, les déplacements et les véhicules, les clauses sociales.

Concernant les achats courants , des actions de formation au développement durable et à la gestion éco-responsable des ressources ont ainsi été conduites au niveau des entités d'achat de la gendarmerie (les prescripteurs et les techniciens) ainsi qu'au sein des écoles de gendarmerie.

De même par exemple, le prestataire en charge de l'externalisation de l'habillement de la police nationale produit les articles contenant du coton avec des produits biologiques, tandis que les articles 100 % coton sont issus du commerce équitable. L'utilisation de produits et de traitements chimiques susceptibles d'entraîner des troubles physiologiques, tant à la manipulation qu'à l'usage, est interdite. Des procédés non polluants sont également mis en oeuvre afin de préserver l'environnement. Par ailleurs, le prestataire a obtenu en 2011 la certification ISO 26 000 relative à la responsabilité sociétale des organisations.

S'agissant du renouvellement du parc automobile , la politique d'achat intègre les nouvelles normes antipollution. Ces dispositions sont intégrées dans les appels d'offres de l'UGAP. La gendarmerie, par exemple, a pour objectif d'acquérir des véhicules se situant en-deçà du seuil de l'écotaxe (soit 140 grammes de dioxyde de carbone au kilomètre). En parallèle, elle a mené un vaste plan de formation à l'éco-conduite entre 2011 et 2012. Enfin, elle cherche à limiter le nombre de trajets en voiture en privilégiant les transports en commun, en particulier par voie ferrée.

En matière de gestion énergétique des bâtiments publics , la politique engagée par la gendarmerie a conduit à la réalisation d'audits énergétiques des bâtiments et l'application du label « Haute qualité environnementale » (HQE) et de la démarche « Haute performance énergétique » (HPE) pour toute construction ou rénovation de bâtiments. Outre la « Réglementation thermique » (RT) 2012, les constructions neuves s'orientent désormais vers la norme RT 2020 (correspondant à des bâtiments à énergie positive). Toutefois, dans un contexte budgétaire immobilier très contraint, ce type de démarche exemplaire peine à se développer.

Votre rapporteur spécial salue l'effort de la police et de la gendarmerie en faveur d'achats plus éco-responsables. Il souligne toutefois que cette démarche doit s'accentuer et qu'elle pourrait s'accompagner d'une véritable mesure de la performance en la matière (Cf. Partie I.D.4). L'Etat doit être exemplaire et soutenir des modèles économiques soutenables tels que l'économie de fonctionnalité (et l'économie circulaire), notamment pour les uniformes ou les véhicules.

Pour conclure, votre rapporteur spécial rappelle ses principales recommandations présentées dans son rapport précité « Police, gendarmerie : quelle stratégie d'investissement ? ».

Les préconisations de votre rapporteur spécial pour faire de la dépense en sécurité intérieure un levier de développement

Recommandation n° 23 : renforcer significativement la valorisation du critère environnemental et social lors de la passation des marchés, pour faire de l'investissement en sécurité intérieure un véritable levier de développement.

Recommandation n° 24 : intensifier la pratique du « sourcing » en amont de la passation des marchés.

Recommandation n° 25 : recourir autant que possible à la technique de l'allotissement lors de la conception des marchés, en la combinant éventuellement avec une règle de non cumul.

Recommandation n° 26 : laisser des marges de manoeuvre au niveau local dans la décision d'achat afin de favoriser les circuits courts .

Recommandation n° 27 : développer une plateforme d'échanges, commune à la police et à la gendarmerie, pour faciliter la diffusion des bonnes pratiques relatives à l'achat éco-responsable.

Recommandation n° 28 : privilégier autant que possible la construction et la rénovation de bâtiments à énergie positive (c'est-à-dire produisant davantage d'énergie qu'ils n'en consomment).

Recommandation n° 29 : poursuivre l'effort de formation à l'éco-conduite.

Recommandation n° 30 : engager résolument une politique du « véhicule propre » avec pour objectif le « zéro diésel » .

Recommandation n° 31 : introduire autant que possible dans les marchés publics une clause relative à une durée de conformité du produit de cinq ans, afin d'inciter les fabricants à produire des biens plus fiables.

Recommandation n° 32 : mettre en place des filières afin de prélever des pièces détachées sur les équipements et les matériels arrivés en fin de vie, en vue de constituer des stocks de pièces détachées d'occasion.

Source : rapport d'information précité « Police, gendarmerie : quelle stratégie d'investissement ? »

2. L'émergence d'une « police de l'environnement »

Compétente sur 95 % du territoire national, la gendarmerie nationale occupe une position privilégiée s'agissant de la protection des espaces naturels et de la lutte contre les pollutions et les atteintes à l'environnement.

Ainsi en 2012, en matière d'atteinte à l'environnement, les gendarmes ont relevé 43 937 infractions , ce qui représente une augmentation de 12,4 % par rapport à l'année 2011. Actuellement, la trentaine d'enquêtes en cours (préliminaires ou sur commissions rogatoires) ont majoritairement trait à l'élimination, au stockage et au transport des déchets dangereux, aux trafics de produits phytopharmaceutiques contrefaits ou non autorisés, et aux trafics d'espèces animales ou végétales protégées et/ou réglementées.

Au niveau national, la lutte contre la délinquance environnementale s'articule principalement autour de l' Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (OCLAESP) . Créé par le décret n° 2004-612 du 24 juin 2004, cet office a vocation à s'intéresser à l'ensemble du contentieux découlant des atteintes portées à l'environnement et à la santé publique.

A cette fin, il a pour missions principales :

- d'animer et de coordonner, à l'échelon national et au plan opérationnel, les investigations de police judiciaire relatives aux infractions entrant dans son domaine de compétence ;

- d'observer et d'étudier les comportements les plus caractéristiques des auteurs et des complices ;

- de centraliser les informations relatives à cette forme de délinquance en favorisant leur meilleure circulation ;

- d'assister les unités de la gendarmerie et de la police, ainsi que tous les autres ministères intéressés ;

- de participer dans son domaine de compétence à des actions de formation et d'information.

Pour mener à bien ses missions, l'OCLAESP  a vu ses effectifs renforcés en 2013 par l'arrivée de 15 gendarmes supplémentaires . Au total, il dispose ainsi de 61 gendarmes, 4 policiers et 4 conseillers techniques .

Par ailleurs, les unités territoriales de la gendarmerie constituent des capteurs essentiels des différentes atteintes à l'environnement. Chaque gendarme peut ainsi constater les infractions au code de l'environnement, qu'il s'agisse de nuisances ou d'atteintes aux milieux, comme les incendies ou les rejets de déchets et de polluants.

Sur le terrain, deux réseaux spécialisés interviennent également dans la protection de l'environnement :

- les « référents aux atteintes à l'environnement et à la santé publique » (RAESP) qui s'intéressent à la lutte contre les atteintes à l'environnement (faune, flore, espaces, pollutions eau / air / sol, déchets, risques industriels) et à la santé publique (amiante, agroalimentaire, phytosanitaires, médicaments, dopage), ainsi qu'aux risques Nucléaire, radiologique, biologique et chimique (NRBC) ;

- les « enquêteurs aux atteintes à l'environnement et à la santé publique » (EASP) qui ont vocation à intervenir dans le domaine des atteintes à l'environnement et à la santé publique, ainsi qu'en matière de risque NRBC. Ils dirigent nombre d'enquêtes et apportent leur concours lors d'investigations.

Votre rapporteur spécial considère que la lutte contre la délinquance environnementale représente un axe à valoriser de l'action de la police et de la gendarmerie. Il souhaite donc que les forces de sécurité puissent s'appuyer sur des moyens et des compétences à la hauteur des enjeux de ce type d'affaires .


* 11 Cf . Sénat, rapport spécial n° 148 (2012-2013), tome III - annexe 27a : « Sécurité (gendarmerie nationale et police nationale) ».

* 12 Rapport thématique de juillet 2011.

* 13 Source : DGPN (au 1 er juillet 2013).

* 14 Source DGPN.

* 15 Source DGGN.

* 16 Avec 46 000 hommes et femmes (dont 30 000 policiers) pour 6,4 millions d'habitants, la police d'agglomération couvre les deux tiers de la population d'Ile-de-France et de la délinquance régionale.

* 17 Ainsi, les communes de Feyzin, Chassieu, Ecully et Rillieux-la-Pape ont-elles été rattachées à la circonscription de sécurité publique de Lyon. De même, dans le département du Nord (où la circonscription de Lille-agglomération existe depuis février 2009), la mise en place de la police d'agglomération s'est traduite en janvier 2011 par l'intégration de la circonscription de sécurité publique de Bailleul à celle de Lille-agglomération, par la création de quatre circonscriptions de sécurité publique d'agglomération (Dunkerque agglomération, Maubeuge agglomération, Valenciennes agglomération et Douai agglomération) et par le transfert (en avril 2011) de la circonscription de sécurité publique de Fourmies en zone de gendarmerie nationale. Parallèlement, la commune de Marck a été transférée sous le régime de la police.

* 18 Ces groupes ont concerné les quatre départements de l'agglomération, les enjeux liés aux « métiers » et la problématique spécifique des transports.

* 19 Cf . notamment Sénat, rapport spécial n° 107 (2011-2012), tome III - annexe 26 : « Sécurité », pour un exposé précis des enjeux de ce dossier.

* 20 Jusqu'en 2010, les principales règles de répartition des compétences en matière d'escortes et de gardes des détenus étaient complexes et, au final, elles faisaient peser une charge importante sur la police et la gendarmerie. Les transfèrements administratifs , qui consistent en la conduite d'un détenu d'un établissement pénitentiaire à un autre, étaient réalisés par l'administration pénitentiaire . Dans des cas exceptionnels, lorsqu'un détenu était réputé dangereux, le concours des forces de l'ordre (police ou gendarmerie) pouvait être sollicité. Les extractions consistent à conduire les détenus de l'établissement dans lequel ils sont incarcérés jusqu'au palais de justice où ils doivent être présentés ou comparaître, et à en assurer la garde. Les translations judiciaires sont effectuées à la demande de l'autorité judiciaire. Elles résident dans le transfert des détenus d'un établissement pénitentiaire vers un autre. Les extractions et les translations judiciaires étaient intégralement assurées par la police et la gendarmerie . Le conseil de sécurité intérieur du 6 décembre 1999 avait, par ailleurs, décidé la prise en charge à 100 % par l'administration pénitentiaire des escortes médicales pour consultations . A l'instar des transfèrements administratifs, le concours des forces de l'ordre pouvait être sollicité lorsque le détenu extrait était réputé dangereux.

* 21 Cf . par exemple, arrêt Duval c. France (requête n° 19868/08) , CEDH.

* 22 Il s'agissait d'ailleurs d'une mesure recommandée par la RGPP.

* 23 L'article 706-71 du code de procédure pénale, modifié par la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 dite « loi Perben II », autorise l'usage de la visioconférence en matière pénale pour l'audition ou l'interrogatoire de personnes en cours d'enquête ou d'instruction. La visioconférence peut aussi être utilisée avant la prolongation d'une garde à vue, lorsque la présentation de la personne devant le magistrat est obligatoire. La visioconférence est enfin possible dans le cadre de l'examen d'un contentieux en matière de détention provisoire, dans certaines conditions limitativement énumérées par le texte. A cet égard, il convient de relever que la mise en oeuvre de la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011 relative à la garde à vue a, par exemple, contribué à accélérer le processus d'équipement des services de la direction de la sécurité de proximité de l'agglomération parisienne.

* 24 Journal officiel du 9 novembre 2011.

* 25 Adossé à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances (Acsé), le FIPD relève, pour 2014, du programme 147 « Politique de la ville » de la mission « Egalité des territoires, logement et ville ». Il vise à financer la réalisation d'actions de prévention de la délinquance via , en particulier, le cofinancement de dispositifs de vidéosurveillance à la charge des collectivités territoriales.

* 26 Depuis sa création en 2007, et jusqu'en 2009, l'enveloppe du FIPD était attribuée aux préfectures, selon une répartition départementale proportionnée à la population et au niveau de délinquance observée. Les préfets décidaient ainsi des subventions à accorder aux dispositifs de vidéosurveillance ainsi qu'aux autres projets de prévention. En 2010, une décision visant à centraliser au niveau du ministère de l'intérieur les attributions des crédits a été prise, afin de cibler les dossiers de vidéosurveillance, de garantir leur financement dans le cadre d'une enveloppe réservée et de permettre un suivi précis du déploiement des caméras.

* 27 Ces crédits complémentaires ont été affectés à des projets en 2010 et 2011.

* 28 Source : document de politique transversale « Prévention de la délinquance » annexé au présent projet de loi de finances.

* 29 Ce loyer englobe l'amortissement de l'investissement initial, les frais financiers, la maintenance, le renouvellement des équipements et l'exploitation du dispositif.

* 30 La CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés), qui a procédé à 173 contrôles de dispositifs de vidéosurveillance en 2012, a révélé des lacunes et des manquements, notamment concernant la clarification du régime juridique et l'information des personnes ( cf . rapport d'activité 2012 de la CNIL).

* 31 Cf . Sénat, rapport spécial n° 107 (2011-2012), tome III - annexe 26 : « Sécurité », compte rendu de l'examen en commission.

* 32 La loi n° 2012-410 du 27 mars 2012 relative à la protection de l'identité est parue au Journal officiel du 28 mars 2012 après une censure partielle de ses dispositions par le Conseil constitutionnel.

Dans sa décision DC n° 2012-652 du 22 mars 2012, celui-ci a notamment censuré l'article 5 qui prévoyait la mise en place d'un fichier commun aux CNIe et aux passeports, comportant des données biométriques. Ce fichier unique, principalement conçu pour garantir la fiabilité des documents délivrés et simplifier l'instruction des demandes, pouvait être consulté, à titre subsidiaire, à des fins policières ou judiciaires.

Le Conseil constitutionnel a considéré qu'eu égard à la nature des données enregistrées (données biométriques traçantes), à l'ampleur du traitement regroupant potentiellement la quasi totalité des nationaux, à ses caractéristiques techniques (identification possible à partir des seules empreintes) et aux conditions de sa consultation, la création de la base unique envisagée portait une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée par rapport au but poursuivi.

La loi promulguée ne comprend donc désormais que :

- l'insertion d'un composant dans la carte nationale d'identité, comportant notamment l'image de deux empreintes digitales du titulaire ;

- la transmission directe des données d'état civil de la commune de naissance à la commune qui a enregistré la demande de titre d'identité.