M. Maurice Vincent, rapporteur spécial

II. UN BUDGET POUR 2015 MARQUÉ PAR DE PROBABLES CESSIONS D'ENVERGURE

A. L'ANNONCE DE CESSIONS COMPRISES ENTRE 5 ET 10 MILLIARDS D'EUROS

Comme à chaque exercice, le Gouvernement a inscrit, de manière conventionnelle, une recette de 5 milliards d'euros grâce à des cessions de participations. Toutefois, l'exercice 2015 semble un peu différent puisque le ministre des finances et des comptes publics, Michel Sapin, et le ministre de l'économie, Emmanuel Macron, ont annoncé que l'État procéderait, au cours des dix-huit prochains mois, à des cessions de participations pour un montant compris entre 5 et 10 milliards d'euros .

Le tableau de financement de l'État, retracé à l'article d'équilibre du projet de loi de finances (article 31), prévoit que 4 milliards d'euros seront affectées à la Caisse de la dette publique et consacrées au désendettement . Cette somme devrait lui être versée à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », ce qui engage l'État à réaliser, en 2015, pour au moins 4 milliards d'euros de cessions.

Votre rapporteur spécial n'a pas obtenu de confirmation de ces éléments .

Plusieurs médias ont évoqué diverses hypothèses sur les cessions que l'État pourrait réaliser. Le Gouvernement, par la voix de son ministre de l'économie, a d'ores et déjà annoncé que « notre volonté n'est pas de réduire à ce stade les participations » dans Orange ou Renault 15 ( * ) .

Pour le reste, le Gouvernement doit réaliser un arbitrage pour chaque cession potentielle entre le gain immédiat, d'une part, et la perte d'influence et la perte financière actualisée dans le futur, d'autre part .

Ainsi, comme le rappelait David Azéma, lors de son audition du 26 février 2014, « ? l'usine APE? produit 4 milliards d'euros de dividendes par an, ce n'est pas rien. Est-il toujours urgent d'opérer des cessions sur des produits qui rapportent 4 % par an pour éviter de la dette qui coûte nettement moins ? S'il peut être utile de céder de beaux actifs pour faire face aux exigences du moment, il serait dommage de vendre l'intégralité des ?bijoux de famille?, alors que le vrai sujet, pour parler en entrepreneur, ce sont les dépenses d'exploitation et le solde d'exploitation ».

À titre d'illustration, la société GDF-Suez distribue traditionnellement un dividende élevé, qui se situe à environ 1,5 euro par action depuis 2009. Par ailleurs, lors de l'assemblée générale du 28 avril 2014, les actionnaires ont mis en place une nouvelle politique de distribution « basée sur un taux de distribution de 65 %-75 % sur la base du résultat net récurrent part du Groupe avec un minimum de 1 euro par action, payable en numéraire et avec paiement d'un acompte.

En outre, « les actionnaires ont approuvé l'instauration d'un dividende majoré de 10 % pour tout actionnaire justifiant d'une inscription nominative (pure ou administrée), depuis au moins deux exercices 16 ( * ) , en continu et jusqu'à la date de mise en paiement du dividende.

« Cette politique vise à récompenser la fidélité des actionnaires qui partagent l'ambition du Groupe à long terme.

« La majoration du dividende s'appliquera pour la première fois en 2017 pour le paiement du dividende dû au titre de l'exercice 2016 et sera plafonnée pour un même actionnaire à 0,5 % du capital social » 17 ( * ) .

Au regard de ces conditions, la cession de 75 millions de titres en 2014 représente, sur la période 2014-2016, une moindre recette pour le budget général de l'État d'environ 340 millions d'euros. Ainsi, la cession d'une participation, même si elle ne s'accompagne pas d'une perte d'influence, doit être mise en balance avec le rendement espéré des titres possédés par l'État .

Pour l'année 2015, les dividendes versés sur le budget général de l'État sont estimés à environ 3,5 milliards d'euros .

B. DES DÉPENSES CERTAINES POUR ENVIRON 730 MILLIONS D'EUROS

D'après le projet annuel de performances, environ 730 millions d'euros seront dépensés à partir du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » en 2015 ( cf. tableau ci-dessous).

Les dépenses certaines du compte d'affectation spéciale
« Participations financières de l'État » en 2015

(en millions d'euros)

Agence française de développement

280,0

Banques multilatérales de développement

56,0

Rachat de titres Areva au CEA

387,2

Investissements Fonds

10,0

TOTAL

733,2

Source : projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2015

Il s'agit en réalité de dépenses contraintes pour l'État. Par exemple, la recapitalisation de différentes banques multilatérales de développement résultent des engagements pris par la France devant le G 20.

L'apport de 280 millions d'euros de fonds propres à l'Agence française de développement est nécessaire du fait de l'entrée en vigueur des règles européennes dites « CRD 4/CRR » sur la capitalisation des établissements bancaires. Le projet annuel de performances indique que « l'État souscrira à 840 millions d'euros de titres de fonds propres additionnels [...] à émettre en trois tranches annuelles en 2015, 2016 et 2017 ».

Le rachat de titres Areva au Commissariat de l'énergie atomique (CEA) est la traduction d'un accord conclu entre l'État et le CEA, afin que ce dernier puisse financer une partie du démantèlement de ses installations nucléaires. En 2014, l'État a déjà réalisé une opération similaire, dite de « reclassement de titres », qui permet à la sphère publique de conserver le même taux de participation au sein d'Areva.

Enfin, la dépense programmée à hauteur de 10 millions d'euros, elle aussi renouvelée chaque année, résulte de versements à des fonds de capital-risque auxquels l'État a souscrits, notamment le Fonds de co-investissement pour les jeunes entreprises (FCJE) et le Fonds de promotion pour le capital-risque 2000 (FCPR 2000).

Le Gouvernement a également inscrit 100 millions d'euros de dépenses au titre de la rémunération des services associés à la gestion des participations (banques d'affaires, avocats, etc.). Ce montant correspond, forfaitairement, à 2 % de 5 milliards d'euros, soit le montant total des cessions envisagées.

Faute de connaître à ce jour le montant réel des cessions, la somme de 100 millions d'euros est bien évidemment inscrite de manière conventionnelle. À titre de comparaison, en 2014, seulement 1,2 million d'euros ont été dépensés sur cette ligne.

C. UNE INCONNUE : L'INVESTISSEMENT DANS ALSTOM

En réponse au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, l'Agence des participations lui a indiqué que « l'accord conclu entre l'État et le groupe Bouygues comporte plusieurs dispositifs, en particulier un prêt de titres et une série de promesses de vente de Bouygues au bénéfice de l'État, portant sur un volume de titres pouvant représenter jusqu'à 20 % du capital d'Alstom. Ces dispositifs seront activés à compter de la réalisation complète des opérations entre Alstom et GE, qui ne devrait pas intervenir avant la fin du premier trimestre 2015.

« Cet accord permettra d'une part à l'État de détenir rapidement 20 % des droits de vote d'Alstom ainsi que deux sièges au conseil d'administration de l'entreprise, afin de peser sur sa gouvernance et sa stratégie . Il permettra d'autre part à l'État d'acquérir directement auprès de Bouygues 20 % du capital de l'entreprise, si l'État le souhaite puisqu'il s'agit d'une option d'achat, et sur une période de près de 20 mois . La formule de prix définie par les parties varie au cours de la période mais assure à l'État la possibilité d'exercer cette option avec une légère décote sur le prix de marché.

« Le montant de cet investissement dépendra principalement des conditions de marché, à un horizon pouvant aller jusqu'à début 2017, et il ne peut donc être anticipé à ce stade. Il peut être rappelé que la capitalisation actuelle du groupe est de 8,3 milliards d'euros ». Autrement dit, si l'État venait à acquérir 20 % d'Alstom, il devrait débourser, au regard de la capitalisation actuelle, au minimum 1,62 milliard d'euros.

Le Gouvernement n'a pas confirmé à votre rapporteur spécial s'il comptait effectivement faire jouer la clause de l'accord lui permettant d'acquérir une partie du capital d'Alstom. En tout état de cause, les conditions de marché seront un facteur déterminant dans la décision de l'État .


* 15 France Inter, 16 octobre 2014.

* 16 Ce qui est le cas de l'État.

* 17 http://www.gdfsuez.com/actionnaires/dividende