M. Maurice Vincent, rapporteur spécial

L'ÉQUILIBRE DU COMPTE D'AFFECTATION SPÉCIALE « PARTICIPATIONS FINANCIÈRES DE L'ÉTAT »

I. L'EXERCICE 2014, L'ILLUSTRATION DE LA NOUVELLE DOCTRINE DE L'ÉTAT ACTIONNAIRE

A. DES CESSIONS OPPORTUNES

En 2014, à la date de publication du présent rapport, l'État a accumulé, au titre de ses participations financières, des recettes pour un montant d'un peu moins de 2,2 milliards d'euros ( cf. tableau ci-dessous).

Recettes de l'État au titre de ses participations financières en 2014
(hors dividendes)

(en millions d'euros)

SG

Cession de 75 millions de titres GDF Suez

1 513 500 000

GIAT

Réduction de capital

200 000 010

Caisse des dépôts

Fonds de capitaux risques

6 914 093

AFD-SIGUY

Remboursement d'avance d'actionnaire

2 000 000

TNAB

Remboursement d'avance d'actionnaire

1 000 000

AFD-COFEPP

Complément de prix suite cession titres Gardel

587 451

GIP CAPE

Solde de liquidation

82 907

Kepler

Cession des 10 titres Technicolor

59

TOTAL Compte spécial

1 724 084 520

Cession hors compte

Cession de 1 % d'Airbus Group (SOGEPA)

451 000 000

TOTAL Recettes

2 175 084 520

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire et le rapport sur l'État actionnaire (juillet 2014)

Les deux principales opérations concernent la cession de 3,11 % du capital de GDF-Suez pour 1,5 milliard d'euros et la cession de 1 % du capital d'Airbus Group pour 450 millions d'euros.

1. GDF-Suez : des ressources pour le désendettement de l'État

Interrogé par votre rapporteur spécial, l'Agence des participations de l'État estime que, s'agissant de GDF Suez, « cette cession s'inscrit dans le cadre d'une politique de gestion active des participations de l'État, qui doit permettre de dégager des ressources pour des secteurs porteurs de développement économique et pour le désendettement de l'État, dans le respect des intérêts patrimoniaux et stratégiques de l'État. L'État reste au terme de cette opération le premier actionnaire de GDF Suez avec 33,6 % du capital, disposant d'une influence identique au sein des organes de gouvernance de la société . Comme prévu par l'arrêté du 25 juin 2014 modifié par l'arrêté du 25 juillet 2014, et afin d'associer davantage les salariés et anciens salariés de l'entreprise à son développement, une offre spécifique leur sera ultérieurement proposée par l'État (15 % du montant total de la cession, soit 13,2 millions de titres, conformément à l'article 26 de la loi n°2004-803 du 9 août 2004) .

« Compte tenu de la mise en oeuvre par GDF Suez des dispositions de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 11 ( * ) sur les droits de vote double (aucune clause contraire des statuts n'a été adoptée postérieurement à la promulgation), l'État pourra bénéficier au 2 avril 2016 de droits de vote double sur l'ensemble de ses actions au nominatif ».

Après l'offre aux salariés, si elle est entièrement souscrite, la part de l'État devrait être inférieure au tiers du capital, en contradiction avec la lettre de l'article L. 111-68 du code de l'énergie qui prévoit que « l'entreprise dénommée "GDF-Suez" est une société anonyme, dont le capital est détenu à plus du tiers par l'État ».

Le VI de l'article 7 de la loi du 29 mars 2014 précitée dispose néanmoins que « dans les sociétés anonymes dans lesquelles la loi prévoit que l'État doit atteindre un seuil minimal de participation en capital, inférieur à 50 %, cette obligation est remplie si ce seuil de participation est atteint en capital ou en droits de vote . La participation de l'État peut être temporairement inférieure à ce seuil à condition qu'elle atteigne le seuil de détention du capital ou des droits de vote requis dans un délai de deux ans ». En pratique, cette disposition ne s'applique qu'à GDF-Suez. L'obtention, par l'État, de droits de vote double dans le courant de l'année 2016 lui permettra de respecter la condition minimale de détention fixée par le législateur en 2006 lors de la fusion de GDF et de Suez.

Au total, cette cession a permis de dégager 1,5 milliard d'euros, soit le montant identique du versement effectué à partir du compte spécial vers la Caisse de la dette publique, afin de contribuer au désendettement de l'État.

2. Airbus Group : une opération nécessaire pour financer l'investissement dans PSA

S'agissant de la cession du capital d'Airbus Group, David Azéma, alors commissaire aux participations de l'État, avait expliqué devant la commission des finances que « notre objectif stratégique chez Airbus Group est que nul ne puisse mener une opération de prise de contrôle hostile du groupe, ce qui est assuré par une clause statutaire qui interdit une participation au capital supérieure à 15 %. Or, les statuts peuvent être modifiés par une assemblée générale, ce qui nous oblige donc à veiller à ce que la majorité qualifiée permettant cette modification ne puisse pas être atteinte. Il faut pour cela constituer un bloc défensif et concertant avec les Allemands, à 11 %, et les Espagnols, à 4 %, qui, ajoutés aux 11 % détenus par la France, permettent de tenir la ligne. Dès lors, pourquoi conserver 1 % de plus du capital, qui représente pas loin de 500 millions d'euros ? L'année dernière, nous n'avions pas nécessairement identifié que nous pourrions descendre notre participation à 11 % et nous nous étions fixés une cible à 12,12 %. Il se trouve de surcroît que le fait d'avoir cédé par étapes nous a permis de bénéficier du relèvement du cours lié à la restructuration de la gouvernance et, bien sûr, les résultats industriels d'Airbus Group. Nous avons arbitré une exposition ?excessive? dans l'entreprise, pour récupérer des ressources qui pourront être réutilisées soit pour le désendettement de l'État, par exemple pour refinancer des programmes d'investissement d'avenir portés par le Commissariat général à l'investissement, soit pour réinvestir dans le capital d'autres entreprises, telle que PSA » 12 ( * ) .

Juridiquement, c'est la Société de gestion de participations aéronautiques (SOGEPA) 13 ( * ) qui a procédé à la cession de titres d'Airbus Group. Le produit dégagé par cette cession n'a pas été inscrit sur le compte spécial car il a été immédiatement réinvesti, par la SOGEPA, pour financer la prise de participation dans PSA ( cf. infra ).

B. UNE PRISE DE PARTICIPATION MAJEURE : PSA

Du point de vue des prises de participation, l'exercice 2014 est d'abord marqué par l'investissement de l'État dans le groupe automobile PSA, lui permettant d'acquérir 14,1 % du capital, à parité avec la famille Peugeot et le groupe chinois Dongfeng .

Le rapport sur l'État actionnaire de juillet 2014 précise que « cette opération donne au groupe les marges de manoeuvre financière pour réaliser la mise en oeuvre de son plan de développement. Elle illustre pleinement la stratégie de l'État actionnaire et témoigne de sa volonté d'accompagner le développement et la consolidation d'entreprises nationales, en particulier dans les secteurs et des filières déterminantes pour la croissance économique française. [...] L'État dispose de deux représentants au conseil de surveillance de l'entreprise », dont le président est Louis Gallois.

Réponse de l'APE au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial

Question : PSA. Pourquoi la SOGEPA porte-t-elle la participation pour le compte de l'État ? Est-ce conforme à l'objet social de la société, initialement créée pour détenir des participations aéronautiques ? Quel a été le montant engagé par l'État pour acquérir cette participation ? Quels sont les priorités défendues par l'État actionnaire au sein du conseil et à l'assemblée générale ?

Réponse :

« Rôle de SOGEPA

« Deux schémas ont été considérés pour la prise de participation de l'État dans le Groupe PSA Peugeot Citroën : soit en direct par l'État, soit via une société entièrement détenue par l'État.

« C'est la deuxième option qui a été retenue (via SOGEPA), principalement pour une raison de gouvernance. En effet, dans le cas d'une participation en direct de l'État, le décret-loi du 30 octobre 1935 ne permet de nommer comme représentants de l'État que des fonctionnaires en activité ou en retraite ou des dirigeants mandataires sociaux d'entreprises publiques ou établissements publics de l'État ; or, la nouvelle doctrine de l'État actionnaire privilégie une représentation mixte (avec à terme un représentant de l'État personne morale et une personnalité issue du monde de l'entreprise). Dans le cas d'une détention indirecte des titres (par exemple via SOGEPA), la représentation est fondée sur l'article 139 de la loi sur les nouvelles régulations économiques, qui permet d'instaurer dès le départ une représentation mixte de l'État.

« Une fois retenu le schéma de participation indirect, les modifications statutaires nécessaires ont été apportées à SOGEPA. Partant du constat que SOGEPA n'a plus de rôle particulier dans la gouvernance d'Airbus Group depuis les accords de décembre 2012 et qu'il est donc souhaitable d'en alléger la gouvernance, SOGEPA a été transformée en société par actions simplifiée (SAS) : la transformation en SAS a été approuvée en assemblée générale le 15 avril 2014, de nouveaux statuts ont été adoptés, et le décret du 8 août 1979 relatif au conseil d'administration de SOGEPA a été abrogé par décret le 25 avril 2014. Les nouveaux statuts prévoient en particulier, dans l'objet social de SOGEPA, ? la prise et la gestion de participations dans toute société ? ; la prise de participation dans PSA est donc conforme aux nouveaux statuts.

« Prise de participation dans PSA

« L'État a investi, via la SOGEPA, à hauteur de 800 millions d'euros dans le Groupe PSA Peugeot Citroën , en deux étapes : souscription d'une augmentation de capital de 1 milliard d'euros réservée à l'État et à Dongfeng (le partenaire industriel chinois) et souscription d'une augmentation de capital de 2 milliards d'euros sur le marché. L'opération a été calibrée de telle sorte qu'à son issue les trois principaux actionnaires (l'État, Dongfeng et la famille Peugeot) possèdent chacun 14,1% des droits de vote.

« L'entrée de l'État au capital de PSA s'est faite sur la base d'un plan de redressement dont les grandes orientations ont été développées dans le plan stratégique Back in the race , présenté par Carlos Tavares en avril 2014. Il s'appuie sur trois grands axes : (i) la différenciation des trois marques (Citroën, Peugeot, DS) et la réorganisation de la gamme ; (ii) la croissance rentable à l'international, et en particulier dans les marchés émergents ; et (iii) l'amélioration de la compétitivité. L'État est en accord avec les grandes orientations de la stratégie de la Direction générale et soutient la mise en oeuvre du plan Back in the race ».

La SOGEPA a pu financer l'investissement dans PSA grâce à la cession de titres Airbus Group pour 451 millions d'euros ( cf. supra ), grâce à une recapitalisation d'environ 300 millions d'euros opérée par l'État à partir du compte spécial, ainsi que, pour environ 50 millions d'euros, par le dividende versé par Airbus Group à la SOGEPA.

Il s'agit donc du premier exemple concret de mise en oeuvre de la nouvelle doctrine de l'État actionnaire de désinvestissement/investissement.

C. LA REPRISE DES VERSEMENTS À LA CAISSE DE LA DETTE PUBLIQUE

Le rapport sur l'État actionnaire indique qu'un « versement d'1,5 milliard d'euros a été réalisé le 10 octobre depuis le compte d'affectation spéciale ?Participations financières de l'État? au profit de la Caisse de la dette publique. Pour la première fois depuis 2006, des produits de cession de participation ont été affectés au désendettement ».

Cette opération a été permise par la vente de titres GDF-Suez évoquée plus haut.

D. UN SOLDE POSITIF DE 2,25 MILLIARDS D'EUROS À L'ISSUE DE L'ANNÉE 2014

Le tableau ci-dessous retrace, à la date de publication du présent rapport, le solde créditeur prévisible du compte spécial à l'issue de l'année 2014. Bien évidemment, si l'État reste toujours susceptible de céder ou d'acquérir une participation d'ici la fin de l'année. Par exemple, le tableau prend en compte l'achat de titres Areva auprès du CEA, pour un montant de 357 millions d'euros alors que l'opération n'a pas encore été réalisée.

Solde prévisible du compte spécial à la date de publication du présent rapport

(en millions d'euros)

Solde 2013

2 787

Recettes 2014

1 724

Dépenses 2014

- 2 257

Solde 2014

2 254

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

Le solde de l'exercice serait donc légèrement inférieur à celui de 2013. Ce montant doit notamment servir à financer la libération complète du capital de la Banque publique d'investissement pour environ 1,15 milliard d'euros 14 ( * ) . Ainsi, en l'absence de toute nouvelle cession de participation, le solde véritablement disponible s'élève à environ 1,1 milliard d'euros.


* 11 Loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l'économie réelle, dite « loi Florange ».

* 12 Audition du 26 février 2014.

* 13 La SOGEPA est détenue à 100 % par l'État et avait été initialement créée pour porter la participation de l'État dans EADS.

* 14 La libération du capital de la BPI doit intervenir dans les cinq années suivant sa création et peut intervenir par tranches. L'État n'est donc pas tenu d'effectuer cette opération en 2014 ou 2015.