M. François Baroin, rapporteur spécial

PREMIÈRE PARTIE - ANALYSE GÉNÉRALE DES CRÉDITS DÉDIÉS À LA COMMUNICATION ET À L'AUDIOVISUEL EN 2015

I. UNE ÉVOLUTION STRUCTURANTE : LA SUPPRESSION DE TOUTE DOTATION BUDGÉTAIRE AUX SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC D'ICI 2017

A. UNE ANNONCE DU GOUVERNEMENT EFFECTUÉE AU MOMENT DU DÉBAT D'ORIENTATION DES FINANCES PUBLIQUES

Le Gouvernement a annoncé en juillet 2014, au moment du débat d'orientation sur les finances publiques, son intention de supprimer à l'horizon 2017 l'ensemble des dotations budgétaires aux organismes de l'audiovisuel public , qui seront à cette date intégralement financés par la seule contribution à l'audiovisuel public (CAP), ex-redevance audiovisuelle.

Cette décision concerne essentiellement France Télévisions et France Médias Monde 1 ( * ) , et se traduit dès le projet de loi de finances pour 2015 par une évolution des maquettes respectives de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public ».

B. LES CONSEQUENCES CONCRÈTES DE CETTE DÉCISION SUR L'ARCHITECTURE DE LA MISSION « MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES » ET DU COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « AVANCES À L `AUDIOVISUEL PUBLIC »

1. La suppression du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » et la création du programme 847 « TV5 Monde »

Dans le sillage des annonces du Gouvernement, le projet de loi de finances prévoit la suppression du programme 115 « Action audiovisuelle extérieure » de la mission « Médias, livre et industries culturelles ».

Ce programme portait les dotations budgétaires attribuées à France Médias Monde et à TV5 Monde, pour un montant global de 150,6 millions d'euros en 2014, dont 74,4 millions d'euros pour France Médias Monde et 76,2 millions d'euros pour TV5 Monde.

La mission « Médias » ne comporte donc désormais plus que trois programmes :

- le programme 180 « Presse » ;

- le programme 334 « Livre et industries culturelles » ;

- le programme 313 « Contribution à l'audiovisuel et à la diversité radiophonique ».

A l'inverse, le compte de concours financiers s'enrichit d'un nouveau programme 847 « TV5 Monde » , doté de 77,8 millions d'euros 2 ( * ) , montant stable par rapport à 2014. Le maintien de la dotation à son niveau de 2014 doit permettre à TV5 Monde de mettre en oeuvre les grands projets définis dans son plan stratégique 2014-2016, en particulier l'adaptation du réseau de distribution aux attentes des publics avec l'extension de la diffusion en haute définition en Asie, au Moyen-Orient et en Afrique francophone.

Par ailleurs, la dotation attribuée au programme 844 « France Médias Monde » est quasiment doublée, passant de 169,9 millions d'euros en 2014 à 247 millions d'euros en 2015. Cette évolution s'explique par le transfert des crédits du programme 115 dédiés à France Médias Monde vers le programme 844. À périmètre constant, la dotation augmente de 0,9 %.

2. Une baisse importante des crédits de la mission « Médias » sur le triennal 2015-2017

La deuxième conséquence remarquable qui découle de la décision du Gouvernement est la forte réduction des crédits de la mission « Médias, livre et industries culturelles » au cours du nouveau triennal 2015-2017 .

Le tableau suivant présente l'évolution attendue des crédits de paiement sur cette période.

Evolution des crédits de paiement de la mission « Médias, livre et industries culturelles » sur la période 2015-2017

(en millions d'euros)

LFI 2014 au format 2015*

PLF 2015

2016

2017

Plafond de la mission**

812

714

631

551

Evolution entre n-1 et n (en %)

/

- 12,07 %

- 11,62 %

- 12,68 %

* La LFI 2014 est présentée au format de la maquette budgétaire retenue pour la programmation 2015-2017 ; elle est également retraitée des modifications de périmètre et de transferts impactant la mission en PLF 2015

** Hors contribution directe de l'Etat au CAS Pensions, conformément au projet de loi de programmation des finances publiques

Source : commission des finances du Sénat, d'après le projet annuel de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » annexé au projet de loi de finances pour 2015

Au total, les crédits de la mission doivent diminuer de 32,14 % entre 2014 et 2017, et de 22,83 % entre 2015 et 2017 .

Si la suppression des dotations budgétaires attribuées à France Télévisions et à l'audiovisuel extérieur de la France se traduira par une économie sur le budget général de l'Etat , cela ne signifie pas pour autant que le niveau des ressources publiques attribuées à ces organismes diminuera d'autant. On le constate avec TV5 Monde, dont la dotation publique demeure constante entre 2014 et 2015.

C. UNE ÉVOLUTION QUI POSE DES QUESTIONS SUR L'AVENIR DU FINANCEMENT DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

Le Gouvernement comme les sociétés de l'audiovisuel public estiment que la suppression des dotations budgétaires garantira davantage d'indépendance et de visibilité financière aux organismes concernés . Ils seront notamment moins soumis à la régulation budgétaire.

Il n'en reste pas moins que cette évolution soulève un certain nombre d'interrogations sur l'avenir du financement de l'audiovisuel public. Votre rapporteur spécial estime à cet égard que le Gouvernement fait preuve d'un manque de courage . En effet, celui-ci a fait le choix « court-termiste » d'augmenter de deux euros supplémentaires , hors indexation sur l'inflation, le montant de la contribution à l'audiovisuel public en métropole, dont le montant passera de 133 euros en 2014 à 136 euros en 2015.

Or, une telle mesure ne peut être pérenne , le contribuable n'ayant pas vocation à supporter, année après année, une hausse de ladite contribution. Pour mémoire, le montant de la contribution à l'audiovisuel public a augmenté de 20 euros depuis 2008 en métropole, et de 8 euros en outre-mer.

Évolution du montant de la contribution à l'audiovisuel public
depuis 2008

(en euros)

Année

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

Métropole

116

118

121

123

125

131

133

136

Outre-mer

74

75

78

79

80

84

85

86

Source : commission des finances du Sénat, d'après différents documents budgétaires

Cette hausse ne règle en rien la question de l'avenir du financement de l'audiovisuel public . Il importe donc de réfléchir à l'évolution de l'assiette de la redevance, en accord avec l'évolution des usages. En effet, la télévision peut désormais se regarder sur un ordinateur, une tablette ou un smartphone . Or, ces appareils n'entrent pas aujourd'hui dans l'assiette de la contribution à l'audiovisuel public. Ce décalage entre les modalités de l'assiette et les usages pourrait poser un problème d'acceptabilité sociale et doit donc être rapidement traité .

Les dirigeants des sociétés de l'audiovisuel public sont d'ailleurs unanimes sur la nécessité d'étendre l'assiette de la redevance aux appareils connectés.

D'après les réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial, « des réflexions sont en cours pour adapter la contribution à l'audiovisuel public au numérique, notamment en élargissant son assiette à l'ensemble des dispositifs techniques permettant de recevoir les services audiovisuels (principe de neutralité technologique ). Des études d'impact sur différentes hypothèses sont actuellement menées, afin notamment d'exonérer les personnes les plus vulnérables de cette extension (par exemple, les jeunes à faible niveau de revenus), et afin également que cette réforme ne se traduise pas par une hausse importante de la pression fiscale sur les contribuables. Le projet de loi de finances pour 2015 ne prévoit aucune disposition en la matière, la date de mise en oeuvre de cette réforme n'étant pas envisagée avant 2016 au plus tôt » 3 ( * ) .


* 1 Anciennement société « Audiovisuel Extérieur de la France » (AEF), qui regroupe France 24, Radio France Internationale (RFI) et la radio Monte Carlo Doualiya.

* 2 Montant toutes taxes comprises (TTC), soit 76,2 millions d'euros hors taxes (HT).

* 3 Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial.