M. François Baroin, rapporteur spécial

III. UN CHIFFRAGE APPROXIMATIF DES DÉPENSES FISCALES ET UN RISQUE DE CONTENTIEUX LIÉ AU TAUX SUPER RÉDUIT DE TVA APPLICABLE À LA PRESSE EN LIGNE

A. L'ÉVALUATION DU COÛT DES DÉPENSES FISCALES EN FAVEUR DE LA PRESSE ET DE L'AUDIOVISUEL EST FLUCTUANTE

Le nombre de dépenses fiscales principales sur impôts d'Etat en faveur du secteur de la presse et de l'audiovisuel demeure stable entre 2014 et 2015, mis à part la non-reconduction de la réduction d'impôt pour souscription au capital des sociétés de presse.

En revanche, le chiffrage du coût de ces dépenses évolue sensiblement entre la prévision effectuée en projet de loi de finances pour 2014 et celle réalisée en projet de loi de finances pour 2015. Or, le Gouvernement ne fournit aucune explication sur ces évolutions, ce que l'on peut regretter.

Le tableau suivant présente les dépenses fiscales en faveur de la presse et de l'audiovisuel, leur coût estimé en projet de loi de finances pour 2014, leur coût actualisé pour 2014 dans le projet de loi de finances pour 2015, et la prévision de leur coût en 2015.

Evolution du chiffrage des dépenses fiscales en faveur de la presse et de l'audiovisuel entre 2014 et 2015

(en millions d'euros)

Dépense fiscale

Chiffrage 2014 (PLF 2014)

Chiffrage 2014 (PLF 2015)

Prévision pour 2015

Taux de TVA à 2,1 % applicable aux publications de presse

150

165

170

Déduction spéciale en faveur des entreprises de presse

Non chiffrable

2

2

Réduction d'impôt pour souscription au capital des sociétés de presse

Non chiffrable

Coût inférieur à 0,5 million d'euros

-

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste

482

499

487

Déduction intégrale de la TVA par les organismes du service public de la communication audiovisuelle consécutive à la soumission de la redevance au taux de TVA de 2,10 %

185

195

200

Dégrèvement en faveur des personnes de condition modeste au titre des « droits acquis »

46

34

30

Coût total

863

895

889

Source : projets annuels de performances de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public annexés au projet de loi de finances pour 2015 »

Votre rapporteur spécial relève par ailleurs que les projets annuels de performance de la mission « Médias, livre et industries culturelles » et du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » ne fournissent aucune indication quant aux évaluations des dépenses fiscales qui auraient pu être menées au titre de l'article 18 de la loi de programmation des finances publiques pour 2012 à 2017 10 ( * ) .

Article 18 de la loi de programmation des finances publiques 2012-2017

Les dépenses fiscales, d'une part, et les réductions, exonérations ou abattements d'assiette s'appliquant aux cotisations et contributions affectées aux régimes obligatoires de base de sécurité sociale ou aux organismes concourant à leur financement, d'autre part, font l'objet d'une évaluation annuelle de leur efficience et de leur efficacité.

Ces évaluations sont réalisées chaque année par cinquième des dépenses fiscales, réductions, exonérations ou abattements d'assiette sur l'ensemble de ceux qui, aux termes du texte qui les a institués, cesseront de s'appliquer dans les douze mois.

Ces évaluations sont transmises au Parlement.

Source : article 18 de la loi de programmation des finances publiques pour 2012 à 2017

B. LE TAUX SUPER RÉDUIT DE TVA APPLICABLE À LA PRESSE EN LIGNE, UN RISQUE DE CONTENTIEUX À SURVEILLER

La loi n° 2014-237 du 27 février 2014 harmonisant les taux de TVA applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne permet aux publications de presse en ligne de bénéficier du taux super réduit au même titre que les publications de presse écrite, en application du principe de neutralité technologique .

Cette évolution explique la hausse du coût des dépenses fiscales, d'ailleurs modérée, associée à ce taux réduit .

Si elle est pertinente du point de vue de la neutralité fiscale, il n'en reste pas moins qu'elle fait peser un risque de contentieux européen qui pourrait se traduire par des sanctions financières en cas de condamnation .

En effet, la Commission européenne a adressé à la France, le 10 juillet 2014, une lettre de mise en demeure . On rappellera également pour mémoire qu'elle a saisi en septembre 2013 la Cour de justice de l'Union européenne contre la France s'agissant de l'application du taux réduit de TVA au livre numérique.

Rappel du cadre juridique applicable aux taux réduits de TVA

En application de la directive 98 de la directive 2006/112/CE relative au système commun de TVA, l'annexe III de cette directive liste de manière limitative les biens et services éligibles à un taux réduit de TVA et permet notamment aux Etats membres de soumettre à ce taux :

- les livres (livraison et location) et produits assimilés tels que les journaux et périodiques (point 6) ;

- la réception de services de radiodiffusion et de télévision (point 8) ;

- les prestations de service fournies par les écrivains, compositeurs et interprètes et les droits d'auteur qui leur sont dus (point 9).

Le paragraphe 2 de l'article 98 de la directive dispose toutefois que « les taux réduits ne sont pas applicables aux services fournis par voie électronique visés à l'article 56, paragraphe 1, point K ».

La Commission européenne considère donc de manière constante que les services culturels en ligne (livre numérique, presse en ligne, vidéo à la demande, musique en ligne), qui entrent dans la catégorie des services fournis par voie électronique, sont exclus par la réglementation communautaire en vigueur au bénéficie d'un quelconque taux de TVA minoré et ne peuvent donc se voir appliquer que le taux normal.

Elle estime en conséquence que l'application en France du taux réduit de TVA au livre numérique et du taux super-réduit à la presse en ligne contreviennent au droit de l'Union européenne.

Source : réponses au questionnaire budgétaire de votre rapporteur spécial


* 10 Loi n° 2012-1558 du 31 décembre 2012 de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.