Mme Teura Iriti et M. Georges Patient, rapporteurs spéciaux

V. LA RÉFORME DE L'AIDE À LA CONTINUITÉ TERRITORIALE

Les crédits de l'action 03 « Continuité territoriale » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer » sont principalement destinés à financer le fonds de continuité territoriale (FCT).

Cette action est dotée pour 2015 de 41,2 millions d'euros en AE et CP, dont 32,3 millions d'euros destinés au financement du FCT.

Aux termes de l'article L. 1803-1 du code des transports, la politique nationale de continuité territoriale doit tendre « à rapprocher les conditions d'accès de la population aux services publics de transport, de formation, de santé et de communication de celles de la métropole, en tenant compte de la situation géographique, économique et sociale particulière de chaque collectivité territoriale d'outre-mer ».

Elle se traduit par le versement d'aides aux particuliers résidents des outre-mer pour le financement des déplacements en métropole et, pour les personnes en formation professionnelle en mobilité, de prestations de vie quotidienne et pédagogiques.

Créé par l'article 50 de la loi pour le développement économique des outre-mer, le fonds de continuité territoriale constitue le support des aides à la continuité territoriale. Le FCT est notamment chargé de financer :

- l'aide à la continuité territoriale (ACT) pour tous publics (11,3 millions d'euros en AE et CP pour 2015 contre 26,3 millions d'euros en 2014) ;

- le passeport-mobilité études (PME) pour les étudiants et les lycéens (14 millions d'euros en AE et CP pour 2015 contre 12 millions d'euros en 2014) ;

- le passeport-mobilité formation professionnelle (PMFP) pour les personnes ayant un projet d'insertion professionnelle (7 millions d'euros en AE et CP pour 2015, en stabilité par rapport à 2014).

En 2013, 98 410 personnes ont bénéficié de l'ACT pour un coût s'élevant à près de 27 millions d'euros.

Bénéficiaires et montants par collectivité des dispositifs d'aide à la continuité territoriale en 2013

ACT

PME

PMFT

Total

Bénéficiaires

Coût (millions d'euros)

Bénéficiaires

Coût (millions d'euros)

Bénéficiaires

Coût (millions d'euros)

Bénéficiaires

Coût (millions d'euros)

Guadeloupe, Saint-Barthélemy, Saint-Martin

19 677

4,7

2 933

1,9

1 453

1

24 063

7,6

Martinique

25 094

5,9

2 967

1,9

1 819

1,1

29 880

8,9

Guyane

1 740

0,3

1 062

0,7

641

0,4

3 443

1,3

Ile de La Réunion

44 583

12,9

3 985

3

3 209

2,8

51 777

18,7

Mayotte

3 436

1,3

4 065

4,8

661

0,6

8 162

6,8

Antilles-Guyane-Océan Indien

94 530

25,1

15 012

12,3

7 783

5,9

117 325

43,2

Saint-Pierre-et-Miquelon

29

0

151

0,2

12

0

192

0,2

Wallis et Futuna

152

0,1

374

0,3

46

0,1

572

0,5

Polynésie française

722

0,4

383

0,4

112

0,2

1 217

1

Nouvelle-Calédonie

2 977

1,3

803

1,2

227

0,4

4 007

2,9

SPM-Pacifique

3 880

1,8

1 711

2,1

397

0,7

5 988

4,6

Total Outre-Mer

98 410

26,9

16 723

14,4

8 180

6,6

123 313

47,8

Source : réponse au questionnaire budgétaire

Compte tenu de la dynamique haussière du montant des aides accordées (+ 21 % en deux ans), il est prévu pour 2015 une réforme de l'aide à la continuité territoriale et une augmentation du plafond de ressources pour l'éligibilité au passeport-mobilité études et au passeport-mobilité formation professionnelle.

Conditions d'octroi des aides à la continuité territoriale à partir de 2015

ACT

PME

PMFP

Public

Tout public

Étudiants de moins de 26 ans

Lycéens de Saint-Pierre-et-Miquelon et de Saint-Barthélemy

Personnes ayant un projet de formation de d'insertion professionnelle en mobilité

Conditions

Formation indisponible sur place

Projet de formation ou d'insertion professionnelle en mobilité

Droit triennal (droit annuel auparavant)

Droit annuel

Droit annuel

Conditions de ressources

11 991€/an (11 896/an auparavant)

6 000€/an pour l'aide majorée

26 631€/an (26 420€/an auparavant)

Destinations possibles

Métropole

Métropole, outre-mer français, UE

Non limité

Montant de l'aide

Varie selon la collectivité de résidence

100 % du coût du transport aérien pour les étudiants boursiers et pour les lycées

50 % pour les étudiants non titulaires d'une bourse d'État sur critères sociaux

100 % du coût du transport aérien

+ 4 aides formation :

- frais pédagogiques

- allocation d'installation

- allocation mensuelle

- accompagnement vers l'emploi

Particularités

Peut être mis en oeuvre pour la continuité territoriale intérieure à la Guyane (aide de 27€), en complément de l'aide du conseil régional

Peut être mis en oeuvre pour passer l'oral d'un concours administratif ou d'entrée dans une école d'enseignement supérieur

Source : commission des finances à partir des documents budgétaires

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

ARTICLE 57
(Art. 26 de la loi n° 2009 594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer)

Suppression de l'aide à la rénovation des hôtels situés dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon

Commentaire : le présent article prévoit la suppression du dispositif d'aide à la rénovation hôtelière dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.

I. LE DROIT EXISTANT

A. LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES PAR LE SECTEUR DU TOURISME ONT JUSTIFIÉ LA MISE EN PLACE D'UN DISPOSITIF D'AIDE À LA RÉNOVATION HÔTELIÈRE

1. Le secteur touristique en outre-mer connaît d'importantes difficultés depuis les années 1990 ...

Dans un rapport de 2007 sur le tourisme en outre-mer 3 ( * ) , le Conseil économique et social rappelait que « la situation du secteur touristique dans l'outre-mer est des plus préoccupantes : pertes de part de marché, fermeture d'établissements hôteliers accompagnés de licenciements sur certains territoires à l'économie déjà fragilisée » .

À l'occasion de l'examen de la loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer (LODEOM), nos collègues Marc Massion et Éric Doligé 4 ( * ) déploraient une « situation critique dans la mesure où le tourisme constitue la première recette d'exportation dans la plupart des départements et collectivité d'outre-mer, et est considéré comme un secteur privilégié du développement économique » liée « à la baisse de la croissance mondiale, à la concurrence des îles environnantes , ainsi qu'à des difficultés internes, notamment le vieillissement du parc hôtelier, la récurrence de tensions sociales, la qualité de services ».

2. ... qui ont justifié la création d'un dispositif d'aide à la rénovation hôtelière

L'aide à la rénovation hôtelière départements d'outre-mer, à Mayotte, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon a été créée par l'article 26 de loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer.

D'un montant maximum de 7 500 euros par chambre rénovée, dans la limite de 100 chambres, cette aide s'applique aux travaux concernant des hôtels construits depuis plus de quinze ans et réalisés directement par l'exploitant de l'hôtel.

Dans sa rédaction initiale, l'article 26 précité prévoyait en outre que les travaux réalisés devaient faire l'objet d'un agrément du ministre chargé du budget dans les conditions prévues au III de l'article 217 undecies du code général des impôts.

B. UN DISPOSITIF MODIFIÉ EN 2011

Le dispositif d'aide à la rénovation hôtelière a été modifié, à la demande des professionnels du tourisme, lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2011 afin de permettre aux exploitants d'établissements hôteliers de déposer, quel que soit le montant du projet de rénovation de l'établissement, un dossier de demande d'aide budgétaire, qu'ils bénéficient ou non, par ailleurs, d'une aide fiscale via le dispositif de défiscalisation des investissements productifs.

Cette modification législative a nécessité l'adoption d'un nouveau décret d'application 5 ( * ) et le dispositif est devenu pleinement opérationnel dans le courant de l'année 2011 .

II. LE DISPOSITIF PROPOSÉ

A. LA SUPPRESSION DU DISPOSITIF D'AIDE À LA RÉNOVATION HÔTELIÈRE

Le I du présent article vise à abroger, au 1 er janvier 2015, l'article 26 de la loi n° 2009-594 du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer supprimant ainsi le dispositif d'aide à la rénovation hôtelière, dont le terme était fixé au 31 décembre 2017.

Le II du présent article prévoit toutefois que les dispositions de l'article 26 demeurent applicables aux demandes d'aide déposées au plus tard le 31 décembre 2014.

En conséquence, les documents budgétaires pour 2015 ont été actualisés afin de tirer les conséquences de la suppression de ce dispositif.

B. LE MAINTIEN D'AUTRES DISPOSITIFS DE DÉFISCALISATION

L'évaluation préalable annexée au présent article précise que les établissements hôteliers situés dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon pourront notamment continuer à bénéficier de trois dispositifs fiscaux :

- la réduction d'impôt sur le revenu au titre des investissements productifs (article 199 undecies B du code général des impôts) dont le montant s'élève à 45,9 % pour les travaux de rénovation et de réhabilitation d'hôtels hors taxes et hors frais de toute nature situés à Saint-Pierre-et-Miquelon et à 53,55 % pour les travaux réalisés dans les départements d'outre-mer ;

- la réduction d'impôt sur les sociétés au titre des investissements productifs (article 217 undecies du code général des impôts) ;

- le crédit d'impôt prévu à l'article 244 quater W du code général des impôts (obligatoire pour les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 20 millions d'euros, facultatif pour les autres) dont le montant s'élève à 38,25 % pour les entreprises soumises à l'impôt sur le revenu et à 35 % pour les entreprises soumis à l'impôt sur les sociétés.

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES FINANCES

Le dispositif d'aide à la rénovation hôtelière en outre-mer fait l'objet de crédits budgétaires au sein de l'action 01 « Soutien aux entreprises » du programme 138 « Emploi outre-mer » de la mission « Outre-mer ».

Depuis la loi de finances pour 2014, il constitue une sous-action dotée de 3 millions d'euros en AE et CP pour l'année 2014.

Si le dispositif d'aide à la rénovation hôtelière n'est pleinement effectif que depuis 2011, le nombre de bénéficiaires est resté limité au regard des objectifs affichés en 2009.

Ainsi, en 2012, seuls 11 établissements ont bénéficié de ce dispositif pour un montant total de 1,8 million d'euros en AE et 2,8 millions d'euros en CP.

En 2013, cinq hôtels ont bénéficié de cette aide pour un montant de 1 491 000 euros en AE et 1 746 072 euros en CP (cf. tableau ci-dessous).

Opérations ayant bénéficié de l'aide à la rénovation hôtelière en 2013

Consommations
2013

Nombre d'hôtels

Nombres de chambres rénovées ou en cours de rénovation*

AE

CP

Guadeloupe

306 933

St Martin

623 248

Guyane

350 000

49 156

2

119

Martinique

750 000

363 845

1

100

La Réunion

391 000

156 532

2

72

Mayotte

76 002

SPM

170 357

TOTAL

1 491 000

1 746 072

5

291

Source : réponse au questionnaire budgétaire 2015

Selon l'évaluation préalable annexée au présent article, depuis 2011, 38 établissements ont bénéficié de cette mesure d'aide et 1 506 chambres sont en cours de rénovation ou ont été rénovées.

Or, les estimations initiales réalisées par le Gouvernement s'établissaient à 3 600 chambres pour les seuls départements de la Guadeloupe (1 000), de la Martinique (1 500), de la Réunion (800) et de la Guyane (300) pour un coût estimé à 13,5 millions d'euros par an pendant cinq ans.

Dans la mesure où, d'une part, les entreprises hôtelières pourront continuer à bénéficier des dispositifs fiscaux de soutien à l'investissement existants et, d'autre part, ce dispositif n'a pas fait la preuve de son efficacité, vos rapporteurs spéciaux vous proposent d'adopter le présent article sans modification.

Vos rapporteurs spéciaux vous proposent d'adopter cet article sans modification.


* 3 « Le tourisme perspective d'avenir de l'outre-mer français », Avis de Mme Cécile Felzines, Conseil économique et social, 2007.

* 4 Rapport n° 232(2008-2009) sur le projet de loi pour le développement économique des outre-mer.

* 5 Décret n° 2011-566 du 24 mai 2011 relatif à l'aide pour la rénovation des hôtels de tourisme situés dans les départements d'outre-mer, à Saint-Martin et à Saint-Pierre-et-Miquelon.