M. Francis Delattre, rapporteur spécial

PREMIERE PARTIE
ANALYSE GÉNÉRALE DE LA MISSION « SANTÉ »

La mission « Santé » du budget général a un périmètre limité. L'essentiel des actions sanitaires relève en effet du champ des lois de financement de la sécurité sociale . La mission est composée de deux programmes :

- le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins », piloté par la direction générale de la santé. Représentant 43 % des crédits de la mission, il vise à développer la politique de prévention, à garantir la protection contre les risques sanitaires et à organiser une offre de soins de qualité sur tout le territoire ;

- le programme 183 « Protection maladie », qui représente 57 % des crédits de la mission. Piloté par la direction de la sécurité sociale, il est essentiellement consacré à l'aide médicale d'État (AME) .

La mission « Santé » ne comporte pas de crédits de personnel ; les crédits de rémunération des personnels concourant à la mise en oeuvre des programmes de la mission sont regroupés au sein du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Graphique n° 1 : Évolution des crédits de la mission « Santé » par programme

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat (à partir des données des projets annuel de performances (PAP) pour 2014 et 2015 et des rapports annuels de performance (RAP) de la mission « Santé » pour 2012 et 2013)

I. UN PÉRIMÈTRE CHANGEANT, UNE RIGIDITÉ CROISSANTE

A. DES MODIFICATIONS RÉCURRENTES DE LA MAQUETTE BUDGÉTAIRE ET DU PÉRIMÈTRE DE LA MISSION « SANTÉ » DEPUIS 2009

Entre 2009 et 2012, la mission « Santé » a connu une phase d'accroissement de son périmètre , en particulier sous l'effet :

- de l'intégration du programme 228 « Veille et sécurité sanitaires » issu de la mission interministérielle « Sécurité sanitaire » et du programme 183 « Protection maladie », auparavant rattaché à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Ce rassemblement des crédits « sanitaires » au sein de la mission « Santé », en 2009, a entrainé une hausse d'environ 660 millions d'euros des crédits dans le champ de la mission ;

- de la recentralisation progressive, à partir de 2010, des compétences sanitaires des conseils généraux , entraînant le transfert vers le programme 204 « Prévention et sécurité sanitaire » de crédits en provenance de la dotation globale de fonctionnement de certains départements ;

- de la budgétisation des ressources de la nouvelle Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé ( ANSM ) (+ 150 millions d'euros environ) en 2012.

En sens inverse, la loi de finances initiale pour 2014 est venue entériner la réduction du périmètre du programme 183 « Protection maladie » en supprimant l'action 01 « Aide à l'accès à la protection maladie complémentaire » . Cette action correspondait à la subvention d'équilibre versée par l'État au fonds de financement de la couverture maladie universelle complémentaire dit « fonds CMU-C », remplacée par l'affectation directe de droits de consommation sur le tabac. Au vu des questions soulevées par cette débudgétisation et des récentes réformes de la CMU-C et de l'aide à la complémentaire santé (ACS), la commission des finances du Sénat a demandé à la Cour des comptes de réaliser une enquête sur ce fonds , en vertu de l'article 58-2° de la loi organique du 1 er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). La date de remise de ce rapport est fixée au 31 mars 2015.

B. LA MULTIPLICATION DES TRANSFERTS VERS L'ASSURANCE MALADIE

En premier lieu, une modification importante du périmètre de la mission « Santé » est prévue au titre de l'exercice 2015. Le financement de la formation médicale initiale , regroupant principalement l'indemnisation des internes de médecine générale et de certaines spécialités en dehors de leur centre hospitalier universitaire (CHU) de rattachement, est transféré de l'action n° 19 « Modernisation de l'offre de soins » du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » vers l'assurance maladie .

Ce transfert correspond à une dépense de 139 millions d'euros pour l'année 2015 et fait l'objet d'une compensation à travers une majoration de la fraction de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) affectée par l'État à la sécurité sociale 1 ( * ) .

Le projet annuel de performances de la mission « Santé » ne fournit pas de justification à ce changement de mode de financement. La charte de budgétisation, figurant dans l'exposé général des motifs du présent projet de loi de finances, indique en revanche que le transfert à l'assurance maladie des formations médicales « permet d'unifier les financements destinés aux formations médicales ». En tout état de cause, les crédits destinés à la formation médicale initiale continueront de transiter par les Agences régionales de santé (ARS), responsables du versement des indemnités.

En second lieu, quatre autres mesures de transfert vers la sécurité sociale ont un impact , plus marginal , sur le périmètre de la mission « Santé » en 2015 :

- le transfert du financement des centres d'information, de dépistage et de diagnostic des infections sexuellement transmissibles ( CIDDIST ) 2 ( * ) à l'assurance maladie, dans le cadre d'une fusion de ces centres avec les centres de dépistage anonymes et gratuits (CDAG), dont les missions sont complémentaires (incidence positive de 2,4 millions d'euros sur le périmètre de la mission) ;

- le financement intégral du centre national de gestion des praticiens hospitaliers et de personnels de direction de la fonction publique hospitalière (CNG) par l'assurance maladie. En 2014, l'État avait participé à hauteur de 3,7 millions d'euros au financement de cet opérateur, via le versement d'une subvention pour charges de service public 3 ( * ) ;

- la fin du cofinancement de l' Agence technique de l'information sur l'hospitalisation (ATIH) par l'État et la sécurité sociale, en vue d'un financement intégral par l'assurance maladie. En 2014, l'État avait participé à hauteur de 3,3 millions d'euros au financement de cet opérateur, via le versement d'une subvention pour charges de service public 4 ( * ) ;

- de même, le principe du cofinancement de la Haute Autorité de santé (HAS) par l'État et par la sécurité sociale est abandonné par le présent projet de loi de finances, au profit d'un financement intégral par l'assurance maladie. La dotation versée par le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » à la HAS avait pourtant été augmentée de 10 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2014, à la suite de la budgétisation des taxes acquittées par les entreprises du secteur pharmaceutique et auparavant directement affectées à la HAS afin de renforcer l'indépendance de l'agence.

Ces trois derniers transferts relatifs au financement d'opérateurs sanitaires ne sont pas mentionnés dans la charte de budgétisation et aucune compensation au profit de la sécurité sociale n'est mentionnée dans les documents budgétaires. Le projet annuel de performances de la mission « Santé » se borne à indique que « « ce [s] transfert [s] vise [nt] à rationaliser les financements des opérateurs donnant lieu à cofinancement par l'État et l'assurance maladie ».

Observation n° 1 : les justifications des modifications de périmètre de la mission « Santé » pour 2015 (notamment du transfert de la formation médicale initiale et la débudgétisation de la subvention à la Haute Autorité de santé) sont insuffisantes . Les transferts prévus vers la sécurité sociale ne peuvent uniquement être motivés par la clarification des compétences, la grande majorité des dispositifs portés par la mission étant cofinancés par la sécurité sociale. Ce raisonnement, s'il était suivi jusqu'au bout, impliquerait la disparition de la mission « Santé » du budget de l'État.

Observation n° 2 : au fil des ans, les changements de périmètre et de maquette tendent à rigidifier l'architecture de la mission entre, d'une part, le programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » , composé majoritairement de subventions pour charges de service public aux opérateurs sanitaires et de transferts aux ARS et, d'autre part, le programme 183 « Protection maladie » regroupant des crédits d'intervention destinés à l'AME. Cette structure laisse peu de marge de manoeuvre au Parlement s'agissant des moyens affectés à la politique publique de santé et de sécurité sanitaire.


* 1 Cf. article 28 du projet de loi de finances pour 2015.

* 2 Inscrit au sein de l'action n° 18 « Projets régionaux de santé » du programme 204.

* 3 Inscrite au sein de l'action n° 19 « Modernisation de l'offre de soins » du programme 204.

* 4 Inscrite au sein de l'action 19 « Modernisation de l'offre de soins » du programme 204.