MM. Vincent Eblé et André Gattolin, rapporteurs spéciaux

III. UNE PRIORITÉ MARQUÉE EN FAVEUR DE LA JEUNESSE, DE L'ÉDUCATION ET DE LA CRÉATION

A. L'OUVERTURE SEPT JOURS SUR SEPT DE TROIS GRANDS MONUMENTS NATIONAUX AU PROFIT DES PUBLICS SCOLAIRES

À la suite des déclarations du Président de la République à l'Institut du Monde arabe le 7 septembre 2015 34 ( * ) , le projet de loi de finances pour 2016 prévoit des moyens spécifiques destinés à permettre l'expérimentation de l'ouverture sept jours sur sept des musées du Louvre, d'Orsay et du château de Versailles , dès cet automne.

Concrètement, le jour qui était jusqu'à présent fermé au public, le lundi ou le mardi, sera réservé aux élèves des écoles, collèges et lycées, afin de leur permettre de visiter dans de bonnes conditions ces musées extrêmement fréquentés.

Il s'agit moins d'une mesure quantitative , visant à accroître le public qui visite ces monuments, que d'une mesure qualitative, qui doit permettre à un public « inhabituel » de s'y rendre. Ce projet constitue donc une action en faveur de l'éducation artistique et culturelle et de la diversification des publics .

Il s'inscrit également dans l'objectif de performance du programme 175 « Accroître l'accès du public au patrimoine national», en particulier au regard de l'indicateur le plus représentatif de la mission en matière de politique patrimoniale (« Fréquentation des institutions patrimoniales et architecturales »).

Du point de vue de l'accompagnement financier et humain de cette mesure, afin de respecter les conditions de travail des agents, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit la mobilisation de 70 emplois (55 en titre 2 et 15 en titre 3), pour un coût estimé à 2,87 millions d'euros en année pleine.

En termes de calendrier, le dispositif sera progressivement mis en oeuvre par l'ouverture des premiers créneaux de visites le jour habituel de fermeture. Il montera ensuite en puissance début 2016 pour atteindre son régime de croisière en septembre 2016.

B. UN RENFORCEMENT SENSIBLE DES MOYENS DÉDIÉS À L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTUREL COMME À L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE

Sur les 23 millions d'euros de crédits supplémentaires dont bénéficiera le programme 224 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », la hausse portera essentiellement sur le soutien aux établissements d'enseignement supérieur et à l'insertion professionnelle (action 01) et sur le soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle (action 02).

Tout d'abord, les crédits de l'action 01 progressent de près de 10 % en autorisations d'engagement (AE) et de 1,12 % en crédits de paiement (CP) . En particulier, les dotations des établissements d'enseignement supérieur culturel progressent de près de 2 % par rapport à l'année dernière, afin de leur permettre :

- de consolider l'intégration des formations qu'ils dispensent dans le schéma Licence Master Doctorat (LMD) ;

- de renforcer la diversité sociale des étudiants et d'améliorer leurs conditions de vie et de travail , par le biais d'aides individuelles et de bourses attribuées sur critères sociaux. 38,4 millions d'euros d'aides seront financées à cet effet, montant en hausse de 7 % par rapport à l'année dernière .

Le tableau ci-après présente les différents types d'aides financées par ces crédits.

Évolution et répartition des différents types de bourses et aides
financées par le ministère de la culture et de la communication

(en millions d'euros, montants arrondis)

PLF 2013

PLF 2014

PLF 2015

PLF 2016

Bourses sur critères sociaux

25,08

27,85

31,17

33,42

Aides spécifiques pour les déplacements des étudiants d'outremer

0,16

0,16

0,19

0,21

Aide au mérite

0,66

0,56

0,59

0,65

Frais de gestion du CNOUS 35 ( * ) (2 % du total)

0,54

0,60

0,67

0,70

Fonds national d'aides d'urgence (FNAU)

0,50

0,50

0,50

0,60

Allocations d'études spécialisées (AES)

0,53

0,40

0,41

0,45

Bourses de mobilité écoles d'architecture

1,3

1,3

1,3

1,3

Aides individuelles aux élèves des CRR 36 ( * ) et CRD 37 ( * )

-

-

1,1

1,1

Total

28,77

31,37

35,93

38,43

Source : réponse du ministère de la culture et de la communication au questionnaire budgétaire de vos rapporteurs spéciaux

Enfin, la croissance des autorisations d'engagement doit permettre de lancer ou de poursuivre plusieurs chantiers de rénovation des bâtiments de l'enseignement supérieur culturel sur l'ensemble du territoire . Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit ainsi près de 25 millions d'euros de dépenses d'investissement au profit des établissements d'enseignement supérieur. On peut citer à cet égard l'achèvement du projet ARTEM (Art, Technologie, Management) à Nancy, la mise en sécurité de l'école nationale supérieure d'art de Dijon, la poursuite de l'aménagement des locaux Troussel de l'Institut international de la marionnette à Charleville-Mézières, ou encore, l'aménagement des silos du site de la Marnaise au Centre national des arts du cirque à Châlons-en-Champagne, ainsi que les travaux de mise en sécurité des conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et de Lyon.

Ensuite, les crédits de l'action 02 « Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » augmentent de 5 % en AE et de 10 % en CP.

Parmi les moyens supplémentaires, 4,5 millions d'euros seront dédiés au plan d'éducation artistique et culturelle (EAC), pour un montant total de 14,5 millions d'euros.

Le plan « Éducation artistique et culturelle » (EAC)

Initié en 2013, le plan « Éducation artistique et culturelle » (EAC) a pour but de financer les parcours d'éducation artistique et culturelle qui, de la petite enfance à l'université, mettent en cohérence l'ensemble des connaissances acquises, des pratiques expérimentées et des rencontres organisées dans les domaines des arts et de la culture, dans une complémentarité entre les temps scolaire et hors scolaire .

Le plan EAC est élaboré en partenariat avec l'ensemble des acteurs publics (autres ministères menant des actions éducatives, collectivités territoriales) ou privés (équipes artistiques, associations), les directions régionales des affaires culturelles (DRAC) étant chargées de fédérer les acteurs d'un territoire.

Les actions sont développées dans un cadre contractuel pluriannuel (projet éducatif territorial, convention de développement culturel, plan local d'éducation artistique et culturelle, contrat local d'éducation artistique, contrat de ville...).

Un effort particulier est réalisé en direction des jeunes éloignés de l'offre culturelle pour des raisons géographiques, sociales ou économiques, qui résident notamment dans les zones rurales et les quartiers de la politique de la ville.

Plus généralement, la politique d'EAC s'inscrit à cet égard dans le cadre des actions décidées par le Comité interministériel à l'égalité et à la citoyenneté (CIEC) du 6 mars 2015 : 30 % des crédits seront dédiés aux quartiers de la politique de la ville , tandis que les contrats de ville comporteront désormais obligatoirement un volet culturel.

Source : ministère de la culture et de la communication

Pour mémoire, les crédits dédiés à ce plan ont fortement augmenté depuis 2013.

Évolution des crédits dédiés au plan « EAC » depuis 2013

(en millions d'euros)

2013

2014

2015

2016

2,5

7,5

10

14,5

-

+ 200 %

+ 33,3 %

+ 45 %

Source : projet annuel de performances de la mission « Culture » annexé au projet de loi de finances pour 2016

De façon plus générale, les crédits d'éducation artistique et culturelle atteindront globalement 54,6 millions d'euros, en hausse de 13,6 millions d'euros par rapport à 2015 (+ 33 %).

Les principales actions financées à ce titre sont recensées dans le tableau ci-après.

Évolution des dépenses d'éducation artistique et culturelle entre 2015 et 2016

(en euros, AE=CP)

2015

2016

Plan « EAC »

10 000 000

14 500 000

Soutien aux conservatoires et au projet Démos en faveur de la jeunesse et de la diversité

-

9 420 000 38 ( * )

Dispositifs partenariaux

11 950 000

11 940 000

Projets fédérateurs

11 250 000

10 980 000

Actions d'éducation à l'image

2 800 000

2 800 000

Actions de formation et de documentation (CFMI)

3 000 000

3 000 000

Programmes de sensibilisation

2 000 000

2 000 000

Total EAC

41 000 000

56 640 000

Source : commission des finances du Sénat d'après les projets annuels de performance de la mission « Culture » annexés aux projets de loi de finances pour 2015 et 2016

Les cibles des indicateurs de performance associés à l'EAC évoluent à la hausse pour tenir compte du renforcement de ces moyens . Ainsi, alors que la cible 2015 de la part des enfants et adolescents ayant bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle était de 30 % en 2015 39 ( * ) , elle est fixée de façon volontariste à 42 % en 2016, puis à 43 % en 2017. De la même manière, la cible relative à l'effort de développement de l'éducation artistique et culturelle dans les territoires prioritaires est revue à la hausse, passant d'un ratio de 1,75 en 2015 40 ( * ) à un ratio de 2 en 2016, puis 2,15 en 2017.

Enfin, vos rapporteurs spéciaux soulignent que le programme « Citoyens de la culture », dans le cadre du Service civique verra ses crédits augmenter de 1 million d'euros, ce qui témoigne de la mobilisation du ministère et de ses opérateurs pour contribuer à l'objectif gouvernemental de 16 000 missions proposées aux jeunes volontaires d'ici fin 2016.

C. LA TRADUCTION BUDGÉTAIRE DE MESURES ANNONCÉES DANS LE CADRE DES ASSISES DE LA JEUNE CRÉATION (AJC)

Dans le projet de loi de finances pour 2016, les crédits portés par le programme 131 « Création » reflètent notamment la traduction budgétaire des mesures annoncées lors des Assises de la jeune création (AJC). Lancées en avril 2015, ces dernières ont rassemblé les représentants de toutes les disciplines artistiques et ont permis d'aboutir à une série de mesures pour renforcer la formation et l'insertion des artistes, améliorer leurs conditions de vie et de travail, et soutenir les créateurs .

Ainsi, les dépenses d'intervention en faveur du spectacle vivant bénéficient de moyens nouveaux, à hauteur de 12,5 millions d'euros (AE=CP) pour favoriser « l'émergence, l'innovation et la diversité de la création tout en structurant l'activité de production des équipes artistiques et en favorisant l'emploi » 41 ( * ) .

Concrètement, ces mesures s'articulent autour de trois axes principaux :

- le soutien à la jeune création et au renouvellement des esthétiques ;

- le développement de l'emploi culturel ;

- l'aménagement culturel du territoire et l'attention portée aux zones blanches.

Sur les crédits nouveaux, on relève en particulier des mesures en faveur de la jeune création et du spectacle vivant pour 3,5 millions d'euros , qui visent à renforcer l'aide aux compagnies à travers un soutien accru à plusieurs dispositifs. Sera ainsi institué un soutien en faveur des compagnies et ensembles à rayonnement international, l'objectif étant de « permettre à des figures emblématiques de la création ou à des équipes artistiques faisant face à des besoins de développement très important notamment à l'international, de disposer de moyens de production structurants pour conduire leur activité artistique » 42 ( * ) . En outre, le dispositif du compagnonnage, qui existe dans le secteur théâtral, sera développé et élargi aux autres champs du secteur créatif. « Favorisant la solidarité intergénérationnelle, des artistes indépendants porteurs d'un projet pourront ainsi bénéficier de l'aide d'une équipe artistique confirmée » 43 ( * ) .

En outre, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit 1,6 million d'euros de crédits sur le programme 224 pour développer des dispositifs innovants destinés à favoriser l'émergence de jeunes créateurs (par exemple, mise en oeuvre de fablab et de pépinières artistiques adossées aux écoles de l'enseignement supérieur culturel).

Les moyens nouveaux identifiés sur le programme 131 devront également permettre le déploiement de nouvelles scènes de musiques actuelles , dans le cadre de l'achèvement du plan « SMAC » en 2016 , qui bénéficiera de 11,7 millions d'euros (+ 2 millions d'euros par rapport à 2015). Parmi les principaux territoires qui seront financées à ce titre, on distingue aussi bien de grandes villes (Bordeaux, Toulouse notamment) que des communes plus rurales (Annonay en Ardèche, Sainte-Croix-Volvestre en Ariège, Mont-de-Marsan dans les Landes et Bergerac en Dordogne).

Malgré ces moyens nouveaux, les cibles des indicateurs de performance du programme 131 « Création » associés à l'objectif n° 1 : inciter à l'innovation et à la diversité de la création » et à l'objectif n° 2 : Donner des bases économiques et professionnelles solides à la création » demeurent paradoxalement stables et ne prévoient pas de hausse .

On relève enfin une légère augmentation des subventions pour charges de service public dédiées aux théâtres nationaux . Cette évolution favorable a pour objet de leur « garantir des niveaux de marge artistique adaptés à l'accomplissement de leurs missions » 44 ( * ) .

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit par ailleurs des moyens nouveaux à hauteur de 2 millions d'euros en AE=CP dans le domaine des arts plastiques, qui financeront essentiellement :

- un renforcement des moyens accordés à la politique de commande publique au profit des territoires ruraux ou en renouvellement urbain, à hauteur de 350 000 euros ;

- le soutien à des résidences , au réseau des fonds régionaux d'art contemporain et aux centres d'art contemporain, à hauteur de 650 000 euros ;

- le projet de relogement du Centre national des arts plastiques (CNAP), pour 1 million d'euros ;

- le lancement du projet de la « Tour Médicis » à Clichy-Montfermeil , à hauteur de 1 million d'euros, présenté par le ministère de la culture et de la communication comme un « instrument de développement et d'intégration de tous les territoires de la République ».


* 34 « Le jour qui était jusqu'à présent fermé au public, le lundi ou le mardi, deviendra le jour des scolaires pour offrir à la jeunesse de France toutes les conditions pour apprendre, s'émerveiller et s'émouvoir », source : Bulletin Quotidien du 8 septembre 2015.

* 35 Centre national des oeuvres universitaires et scolaires.

* 36 Conservatoires à rayonnement régional.

* 37 Conservatoires à rayonnement départemental.

* 38 Dont 7,92 millions d'euros pour les conservatoires, délégués en gestion aux directions régionales, et 1,5 million d'euros pour le dispositif d'éducation musicale et orchestrale à vocation sociale (Démos), piloté par la Philharmonie de Paris.

* 39 La prévision actualisée pour 2015 est de 37 %.

* 40 La prévision actualisée pour 2015 est de 1,90.

* 41 Source : projet annuel de performances de la mission « Culture » annexé au projet de loi de finances pour 2016.

* 42 Source : projet annuel de performances de la mission « Culture » annexé au projet de loi de finances pour 2016.

* 43 Source : idem.

* 44 Source : idem.