M. François Baroin, rapporteur spécial

III. LES PRINCIPAUX ENJEUX DE L'ANNÉE 2016 POUR LES SOCIÉTÉS DE L'AUDIOVISUEL PUBLIC

A. FRANCE TÉLÉVISIONS : L'ENJEU DU RETOUR À L'ÉQUILIBRE DANS LE CADRE DU PROCHAIN CONTRAT D'OBJECTIFS ET DE MOYENS (COM)

Le principal enjeu pour France Télévisions sera de définir les conditions permettant de retrouver, le plus tôt possible, un équilibre financier durable , dans le cadre du contrat d'objectifs et de moyens en cours de négociation, et qui couvrira la période 2016-2020.

En effet, l'entreprise anticipe un déficit de l'ordre de 40 à 50 millions d'euros dès 2016, malgré des économies de gestion estimées à près de 20 millions d'euros , après un déficit de l'ordre de 10 millions d'euros en 2015. Cette situation résulte d'un effet de ciseau mis en évidence par le rapport Schwartz 44 ( * ) . En effet, les charges se sont accrues du fait des effets de l'inflation et de son impact sur la masse salariale, et du financement de charges exceptionnelles tandis que, sur la même période, les recettes se dégradaient en raison de la suppression de la publicité après 20 heures et de la fragmentation du marché publicitaire sous l'effet d'une concurrence accrue par l'émergence de nombreuses chaînes supplémentaires sur la télévision numérique terrestre (TNT).

Dans le contexte actuel des finances publiques, l'entreprise ne doit pas tant compter sur une hausse de ses ressources publiques que sur des actions fortes pour réduire ses dépenses et pour accroître de façon substantielle ses ressources propres .

De ce point de vue, le rapport au Parlement sur les orientations de France Télévisions, transmis le 22 octobre 2015, s'avère plutôt encourageant, voire prometteur, mais appellera bien sûr une traduction concrète des ambitions affichées dans le cadre du futur contrat d'objectifs et de moyens.

Sur le plan qualitatif, le document, qui entend faire de France Télévisions « un éditeur de référence des contenus multi-écrans en France », affiche l'ambition de renouveler la création et les programmes, à travers le développement de la fiction française, une meilleure exposition des programmes culturels, un renforcement de l'information et de la place dévolue au sport, ainsi qu'un renouveau du divertissement, et met l'accent sur la nécessité de réussir la convergence entre le numérique et la diffusion linéaire, enjeu hautement stratégique au regard de l'évolution des usages .

Delphine Ernotte souhaite par ailleurs lancer une chaîne d'information numérique en septembre 2016, qui serait réalisée en partenariat avec Radio France, France Médias Monde et l'INA.

De façon plus générale, il conviendrait d'accroître les synergies et les coopérations entre les différentes sociétés de l'audiovisuel public. Sur ce point, le document remis au Parlement demeure timide.

On peut toutefois relever l'existence d'un comité stratégique de l'audiovisuel public réunissant les différents acteurs du secteur public de l'audiovisuel , qui s'est réuni pour la première fois le 21 octobre 2015, et qui a notamment évoqué les questions suivantes : la coordination de l'offre publique d'information ; la nécessité de mieux s'adresser au public jeune en vue de rajeunir les audiences actuellement marquée par un vieillissement ; la coordination des actions en faveur de la cybersécurité.

On peut espérer que cette structure permettra de faire émerger des projets communs, de développer les mutualisations de moyens et d'assurer le pilotage et la coordination indispensables entre ses membre .

Sur le plan économique, le rapport d'orientation de France Télévisions présente les pistes d'une refondation du modèle économique de l'entreprise, qui s'appuierait sur « une ressource publique stabilisée et des ressources commerciales développées » .

La présidente de France Télévisions appelle en particulier à une évolution de la réglementation actuelle caractérisée par une séparation entre diffuseurs et producteurs , afin d'offrir à l'entreprise la possibilité d'engranger des recettes issues de droits d'exploitation, notamment dans le domaine numérique. Cette évolution paraît en effet nécessaire, alors que le modèle audiovisuel français est bouleversé par l'arrivée d'acteurs comme Netflix , qui ne sont pas soumis aux mêmes obligations que les chaînes françaises concernant le financement de la création. Comme le soulignent nos collègues André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, ces plateformes « remettent en cause les fondements mêmes d'une chaîne de télévision et du métier d'éditeur de programmes audiovisuels en s'appuyant sur la collecte et le traitement de données pour produire des recommandations personnalisées 45 ( * ) ».

Elle souhaite également renforcer la transparence au niveau des achats de programmes et des achats hors programmes et lancer un plan d'économies structurelles , en rappelant que l'entreprise a « accompli en trois ans un plan d'économies conséquent de 350 millions d'euros au travers notamment d'une maîtrise de sa masse salariale ».

B. RADIO FRANCE : UN PROJET DE COM INTÉRESSANT, QUI COMPORTE TOUTEFOIS QUELQUES FAIBLESSES

L'année 2016 constituera pour Radio France la première année de mise en oeuvre de son nouveau contrat d'objectifs et de moyens, qui couvre la période 2016-2020.

Dans ce cadre, le projet de loi de finances propose une dotation totale de 619,5 millions d'euros, qui augmente de 0,8 % par rapport à la loi de finances pour 2015.

La trajectoire financière définie par le COM prend en compte un financement spécifique du chantier de réhabilitation de la Maison de la radio , dont l'achèvement est prévu en 2018.

Le besoin de financement de l'entreprise à ce titre s'élève à 170 millions d'euros sur la période 2015-2019 . La trajectoire financière du COM prévoit donc un maintien de la dotation d'investissement de Radio France à hauteur de 24,6 millions d'euros par an sur toute la durée du COM. En outre, l'État apportera un soutien exceptionnel sous la forme d'une subvention d'investissement complémentaire de 25 millions d'euros en 2016, 2017 et 2018, et d'une dotation en capital de 55 millions d'euros en 2016 et 2017. Enfin, Radio France pourra souscrire un emprunt de 70 millions d'euros, pour une durée maximale de sept ans.

En contrepartie de l'effort financier de l'État, le COM assigne 13 objectifs 46 ( * ) à Radio France, autour de trois axes stratégiques qui paraissent pertinents :

- Radio France, radio de référence à l'ère numérique (4 objectifs) ;

- Radio France, acteur majeur de la musique et de la culture (4 objectifs) ;

- Radio France, entreprise modernisée et responsable (5 objectifs).

La performance de l'entreprise sera évaluée à l'aune de 11 indicateurs, qui ne couvrent cependant pas tous les objectifs .

Les objectifs et indicateurs définis dans le projet de COM de Radio France
sur la période 2015-2019

Objectif 1 : toucher le plus large public par une gamme de radios complémentaires

Indicateur 1 : perception de la qualité et de la singularité de l'offre

Indicateur 2 : audience cumulée des 7 chaînes et total Radio France sur un jour moyen

Indicateur 3 : audience cumulée des 7 chaînes par âge

Objectif 2 : intégrer les nouveaux usages de la radio

Indicateur 4 : audiences numériques

Objectif 3 : valoriser la richesse de la production radiophonique

Objectif 4 : garantir une information de référence

Objectif 5 : rendre la musique accessible à tous

Indicateur 5 : diversité de l'offre de concerts des formations musicales

Objectif 6 : faire rayonner la création et la diversité culturelle

Indicateur 6 : soutien de Radio France à la création

Indicateur 7 : programmation musicale sur les chaînes de Radio France

Objectif 7 : la Maison de la radio, nouveau lieu et nouveau lien avec le public

Indicateur 8 : nombre d'évènements produits à la Maison de la radio et fréquentation

Objectif 8 : connaître les publics et accompagner les jeunes publics

Objectif 9 : renforcer le dialogue social et accompagner les réformes

Indicateur 9 : baromètre social

Objectif 10 : améliorer la performance et garantir l'exemplarité de la gestion

Objectif 11 : mener la réhabilitation à son terme dans le respect des personnels

Indicateur 10 : coût final estimé (CFE) investissement du programme de réhabilitation

Objectif 12 : renforcer les coopérations avec les organismes de l'audiovisuel public

Objectif 13 : mettre en oeuvre les conditions de retour à l'équilibre

Indicateur 11 : évolution de la masse salariale, du résultat d'exploitation, du résultat net et du niveau de trésorerie au 31 décembre.

Source : projet de contrat d'objectifs et de moyens de Radio France 2015-2019, en date du 16 octobre 2015

Parmi les points positifs, on peut relever que le projet de COM accorde une place relativement marquée à l'idée qu'il faut renforcer les coopérations avec les autres sociétés de l'audiovisuel public (objectif 12), ce qui paraît une nécessité, notamment dans le domaine numérique ( cf. supra ).

En outre, le document prévoit des efforts d'économies qui porteraient notamment sur les frais de diffusion, sur les achats, la grille de programme et la masse salariale , ainsi que des efforts d'amélioration des performances et de renforcement du pilotage.

Pour autant, ce projet comporte aussi quelques faiblesses .

Par exemple, compte tenu de l'enjeu associé au développement des ressources propres de l'entreprise dans le contexte de stabilité de la ressource publique, on peut regretter l'absence d'un indicateur dédié . Certes, le corps du document consacre un paragraphe au développement des ressources propres, en affichant un objectif de 9 millions d'euros supplémentaires en 2019 par rapport à 2014 .

Doivent ainsi être développées « les recettes liées au développement des activités grand public (billetterie et édition notamment), les recettes de concession, la publicité digitale et les recettes liées à la location des espaces de la Maison de la radio rendus disponibles à l'issue des travaux de réhabilitation en fin de période ».

La fixation d'un indicateur dédié aurait permis de suivre la progression annuelle de ces ressources et de pouvoir ainsi réagir en cas de non atteinte des cibles.

En outre, comme pour France Télévisions, l'un des principaux enjeux du nouveau COM de Radio France sera un retour durable à l'équilibre au cours des prochaines années . Pour mémoire, l'exercice 2015 est marqué par un déficit de 21 millions d'euros et le projet de budget 2016, qui doit encore être adopté par le conseil d'administration, prévoit un résultat net à - 16,6 millions d'euros.

À cet égard, on peut regretter que le COM ne prévoie le retour à l'équilibre qu'à l'horizon 2018 au plus tôt , ce qui peut paraître tardif et peu volontariste, mais sans doute plus réaliste.

Par ailleurs, entendu par la commission de la culture et de la communication du Sénat le mercredi 28 octobre 2015, Mathieu Gallet a justifié ainsi ce délai : « Le décalage du retour à l'équilibre en 2018 permet d'éviter de recourir à un plan de départs volontaires, comme cela était encore envisagé au printemps. Un non-remplacement des départs est prévu ainsi que la stabilité à la baisse de la masse salariale sur la durée du COM (...) Nous allons procéder au non-remplacement des départs naturels qui s'élèvent de 150 à 180 postes par an. En 2017, nous remplacerons un départ sur deux, en 2018, un sur trois pour revenir ensuite au remplacement de chaque départ ».

De façon plus générale, le COM laisse plusieurs questions importantes en suspens, notamment s'agissant des orchestres et de la fin du chantier , qu'il évoque mais sans les trancher, alors que la Cour des comptes a pointé l'urgence de régler ces problématiques, en proposant des solutions. Ainsi, il est indiqué que la mise en oeuvre de la politique musicale de Radio France sera rénovée , et qu'elle devra « s'accompagner d'une optimisation de la planification et de la programmation, d'une réforme des modalités de travail des musiciens et d'une réflexion sur le dimensionnement des formations - qui s'appuiera sur les constats et recommandations formulés par Stephan Gehmacher et sur la définition précise des missions de chacune d'entre elles à l'issue de la première année d'exécution du COM ».

De même, en ce qui concerne les travaux de réhabilitation, le projet de COM indique que « deux phases de travaux demeurent toutefois à réaliser . Le programme de réhabilitation devra également intégrer la rénovation des façades et les studios moyens non inclus dans le programme initial. Il devra s'accompagner d'un plan de financement pérenne, faisant l'objet d'une présentation pluriannuelle y compris au-delà de la seule période du COM actualisée chaque année, et la mise en place d'un programme d'investissement courant de nature à garantir l'entretien du bâtiment et de ses équipements dans la durée ».

Enfin, un autre grand enjeu du COM consistera à renforcer le dialogue social et accompagner les réformes , notamment dans le cadre de la négociation du nouvel accord collectif pour les personnels techniques et administratifs.

À cet égard, votre rapporteur spécial relève avec satisfaction l'ambition du COM en ce qui concerne le développement des compétences et la mobilité professionnelle.

En conclusion, le projet de contrat d'objectifs et de moyens va dans la bonne direction, mais il faudra vérifier la concrétisation de ses ambitions dès la première année d'exécution .

C. ARTE FRANCE DOIT POURSUIVRE SA STRATÉGIE FONDÉE SUR LE RENOUVEAU DES PROGRAMMES ET LA RECONQUÊTE DES AUDIENCES

Le projet de loi de finances pour 2016 propose d'allouer à Arte France une dotation de 269,8 millions d'euros, en progression de 0,9 % par rapport à l'année 2015 .

La société pourra également mobiliser des économies liées à l'arrêt de la diffusion en format standard en 2016, pour un montant estimé à 4 millions d'euros .

Dans ce contexte, la priorité d'Arte France consistera à maintenir un niveau élevé d'investissement direct dans les programmes , afin de consolider le succès de sa relance éditoriale initiée en 2012, à hauteur de 132,7 millions d'euros. Pour mémoire, le point haut atteint en 2012 était de 133,1 millions d'euros. En outre, elle s'attachera à poursuivre le développement de son offre numérique particulièrement riche et qui rencontre un grand succès, contribuant à la dynamisation de ses audiences.

Votre rapporteur spécial voudrait rappeler ici que l'exécution du COM 2012-2016 d'Arte France s'avère pour le moment remarquable , à travers une relance éditoriale pertinente et innovante, qui a permis une consolidation de l'audience antenne et une progression de l'audience numérique, ainsi qu'une gestion maîtrisée de ses charges courantes.

Ces performances doivent être saluées car la société est parvenue à s'adapter à la réduction de ses ressources publiques par rapport à la trajectoire prévue par le contrat d'objectifs et de moyens. Par exemple, en 2014, la participation de l'entreprise au redressement des comptes publics s'est traduite par un écart de 23,8 millions d'euros de contribution à l'audiovisuel public par rapport à l'objectif initialement fixé par le COM.

Pour faire face à cette baisse des ressources, Arte France a notamment recherché des économies sur les dépenses hors programmes (charges de diffusion) et sur ses frais de structure et de personnel, tout en parvenant à développer ses ressources propres. Elle a cependant dû effectuer un prélèvement sur son fonds de roulement .

D. FRANCE MÉDIAS MONDE : UNE DOTATION QUI NE LUI PERMET PAS DE SE DÉVELOPPER À LA HAUTEUR DE SES AMBITIONS

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une dotation de 249,1 millions d'euros à France Médias Monde, en hausse de 0,9 % par rapport à l'année dernière.

Le niveau des crédits s'inscrit dans le cadre du COM 2016-2020, qui sera très prochainement transmis aux commissions compétentes du Parlement.

Dans le cadre de la préparation de son futur COM, France Médias Monde avait élaboré trois scenarios de référence :

- un scénario envisageant un taux de progression moyen annuel des ressources publiques de 0,7 % sur la période, qui lui permettrait seulement de maintenir sa capacité d'action au regard de ses obligations légales, des effets de glissement intangibles de la masse salariale et de la hausse des amortissements liée aux investissements passés, ainsi que de la nécessité de renforcer son dispositif de sécurité 47 ( * ) à la suite des attentats de janvier 2015 et de la cyberattaque du mois d'avril contre TV5 Monde ;

- un scénario envisageant un taux de progression moyen annuel des ressources publiques de 1,5 % sur la période, qui lui permettrait de maintenir ses performances , à travers l'adaptation des offres éditoriales du groupe, le développement d'une stratégie robuste de marketing et de communication, et le maintien des positions du groupe sur tous les supports traditionnels de diffusion et de distribution ;

- un scénario envisageant un taux de progression moyen annuel des ressources publiques de 2,1 % sur la période, qui lui permettrait de renforcer son influence dans le monde, à travers le développement d'un projet d'offre en langue espagnole .

La hausse de 0,9 % de la dotation de France Médias Monde accordée en 2016, bien qu'elle constitue un effort en période de rigueur budgétaire, ne permet donc pas, à ce stade, à la société d'initier un développement à la hauteur de ses ambitions , compte tenu par ailleurs d'un potentiel limité de hausse de ses ressources propres , lié à la conjoncture économique mondiale et aux limites du champ de commercialisation des espaces publicitaires qui s'appliquent aux médias d'information.

En outre, il convient de rappeler que les entités de France Médias Monde 48 ( * ) ont procédé, depuis 2009, à de réels efforts de productivité et d'économies , ce qui rend aujourd'hui les marges de manoeuvre assez restreintes. Pour mémoire, entre 2009 et 2013, deux plans de départs volontaires se sont succédés, entraînant une baisse de près de 20 % des effectifs permanents, qui représente une économie de près de 20 millions d'euros en année pleine. En outre, 21 millions d'euros d'économies ont été réalisées sur les achats, les frais de fonctionnement, les dépenses de marketing et de communication.

France Médias Monde a par ailleurs initié une stratégie pertinente de mutualisations entre ses trois entités . Ainsi, « dans le cadre de l'entreprise unique, le développement des synergies s'est prioritairement concentré sur les fonctions support fusionnées qui travaillent en transversalité pour les trois médias permettant de gagner en efficacité, ce qui a permis d'économiser 35 équivalents temps plein (ETP) 49 ( * ) ».

Le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) a souligné dans son avis relatif au rapport d'exécution pour l'année 2014 du contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et France Médias Monde que, « comme c'était le cas pour 2013 (...), les engagements auxquels France Médias Monde a souscrits au titre de son COM ont été largement tenus en 2014 50 ( * ) ».

Il a également indiqué qu'il se montrerait « attentif à l'évolution des ressources publiques de France Médias Monde sur la période [2016-2020] dans un contexte où la société doit affirmer et, si possible, développer sa présence dans le monde face à une démultiplication des offres locales et à la concurrence de plus en plus fortes d'opérateurs internationaux disposant de moyens financiers beaucoup plus importants. Cette question s'inscrit de fait dans le contexte plus global de l'évolution des ressources publiques de l'audiovisuel public et des efforts de mutualisation entre les différents opérateurs 51 ( * ) ».

La situation financière du groupe reste saine, le résultat net de l'exercice 2016 est donc prévu à l'équilibre.

Enfin, l'un des enjeux de l'année 2016 sera l'application 52 ( * ) d'un ambitieux accord d'entreprise « dont l'objectif est de fonder un statut social pour l'ensemble des collaborateurs de France Médias Monde, harmonisé dans ses fonctionnements et dans ses modes de traitement des différentes catégories de personnel 53 ( * ) ».

E. TV5 MONDE DOIT RENFORCER LA SÉCURITÉ DE SES SYSTÈMES D'INFORMATION POUR TIRER LES CONSÉQUENCES DE LA CYBERATTAQUE D'AVRIL 2015

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit pour TV5 Monde une dotation en progression de 0,9 % par rapport à 2015, à hauteur de 76,9 millions d'euros .

Cette évolution favorable répond aux engagements pris par la France dans le cadre des instances multilatérales de TV5 Monde et permet de rattraper le retard de notre pays dans l'équilibre proportionnel du financement vis-à-vis des autres gouvernements partenaires francophones.

Le projet annuel de performances du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » annexé au projet de loi de finances pour 2016 indique par ailleurs que « l'entreprise bénéficie d'une économie de taxe sur les salaires de 1,7 million d'euros à compter de 2016, liée à son financement par la contribution à l'audiovisuel public ».

La hausse des crédits doit permettre en premier lieu à TV5 Monde d'assumer les surcoûts durables, estimés à 2,9 millions d'euros pour la seule année 2016, induits par le renforcement nécessaire de ses systèmes d'information , pour tirer les conséquences de l'attaque informatique dont elle a été victime au mois d'avril 2015, sur la base des recommandations de l'agence nationale de sécurité des systèmes d'information (ANSSI).

En outre, afin d'être en mesure d'atteindre les objectifs prévus par son plan stratégique 2014-2016, dans un contexte de faible croissance de ses ressources, la chaîne a engagé une politique de réduction de ses dépenses de fonctionnement , qui passe notamment par la renégociation de ses tarifs de sous-titrage et de ses loyers.

Pour mémoire, le plan stratégique a notamment pour ambition l'extension, dans trois zones, de la diffusion en haute définition , afin de répondre aux attentes du public (Asie, Moyen-Orient et Afrique francophone), ainsi qu'une meilleure différenciation avec les chaînes d'information internationale de langue anglaise, à travers le développement de programmes propres sur ses grilles et d'une programmation généraliste tournée vers la culture .

Dans ce contexte, TV5 Monde prévoit pour l'année 2016 un résultat net à l'équilibre 54 ( * ) .

F. L'INSTITUT NATIONAL DE L'AUDIOVISUEL : UN PROJET DE COM AMBITIEUX, QUI RÈGLE LA QUESTION DU PROJET IMMOBILIER

Le projet de loi de finances pour 2016 prévoit une dotation de 90,9 millions d'euros au profit de l'INA , montant qui demeure stable par rapport à l'année dernière.

Cette dotation s'inscrit dans la trajectoire prévue par le nouveau COM 2015-2019, soit le quatrième de l'Institut.

S'agissant des ressources propres, le projet de budget initial pour 2016 de l'INA prévoit un montant de 38 millions d'euros, en baisse de 1,7 million par rapport au budget initial 2015, mais qui concorde avec le montant inscrit au budget rectificatif 2015.

En 2016, les enjeux principaux de l'INA consistent à maintenir le compte de résultat à l'équilibre et à accroître les capacités d'investissement pour engager la rénovation du système informatique, financer le projet immobilier et poursuivre dans de bonnes conditions le plan de sauvegarde numérique des fonds audiovisuels .

Le nouveau contrat d'objectifs et de moyens, transmis le 1 er octobre pour avis aux commissions compétentes du Parlement, repose sur quatre axes stratégiques :

- réaffirmer la mission patrimoniale de l'INA , en adaptant ses actions de conservation et de valorisation du patrimoine audiovisuel aux évolutions technologiques. Dans ce contexte, l'INA affiche l'ambition de réaliser « un élargissement, ordonné et économiquement soutenable, de sa politique de collecte d'archives audiovisuelles, qui permette de maintenir l'attractivité de ses fonds malgré la diminution progressive des flux d'archives issus de la télévision et de la radio publiques 55 ( * ) » ;

- assumer sa vocation industrielle et commerciale assignée par le législateur : en ce domaine, l'INA souhaite renforcer la valorisation de ses contenus et de ses savoir-faire (la vente d'images et de sons, le conseil, l'expertise, la gestion de fonds d'archives tiers, publics et privé), ce qui passe notamment par « la conquête de nouveaux territoires, en France et à l'étranger ». Dans ce cadre, l'Institut a lancé le 30 septembre 2015 une plateforme de vidéos à la demande par abonnement, « Ina premium » ;

- développer la logique d'innovation intrinsèque à l'INA, notamment en matière de production audiovisuelle, de recherche dans le domaine du traitement de l'image et du son, d'adaptation de l'offre aux nouveaux modes de consommation ou encore de formation et d'éducation à l'image ;

- moderniser la gestion de l'entreprise : à cet égard, l'INA s'engage à se doter d'un dispositif de contrôle interne comptable et de gestion renforcé, ainsi que d'une politique d'achat restructurée et mieux centralisée, et à élaborer un plan de gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences, « indispensable au regard d'une « pyramide des âges » qui verra le départ de près de 25 % des effectifs actuels sur les cinq prochaines années ». En outre, l'INA s'engage à plafonner sa masse salariale à hauteur de 67,5 millions d'euros par an sur l'ensemble de la durée du COM, pour une masse salariale actuelle de 67,10 millions d'euros . Enfin, le COM présente un projet immobilier qui paraît pertinent, visant à rationaliser ses différentes implantations, et qui sera autofinancé sur la durée du COM.

La réalisation de ces ambitions pourra être évaluée à l'aune de dix-sept objectifs assortis de dix-huit indicateurs.

Le projet immobilier de l'INA prévu par le COM 2015-2019

Actuellement, l'INA est implanté pour l'essentiel sur trois sites situés en Ile-de-France, en plus d'une zone d'entrepôts et d'ateliers localisée dans les Yvelines :

- le siège social et une grande partie des activités de l'Institut sont installés sur le site de Bry-sur-Marne. Les locaux se composent de cinq bâtiments voisins. L'INA est propriétaire de quatre d'entre eux ;

- un bâtiment situé dans le 13 ème arrondissement de Paris, qui accueille des collaborateurs rattachés à la direction déléguée aux contenus ;

- des locaux situés à Issy-les-Moulineaux dédiés aux actions de formation de l'INA.

Le ministère de la culture et l'INA ont confié en 2014 à l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) une expertise sur l'évolution des implantations immobilières de l'INA . Les conclusions de cette étude ont permis d'établir un projet immobilier structurant pour l'INA , qui serait intégralement autofinancé sur quatre ans.

Il est donc inscrit dans le COM. Il repose sur la construction d'un bâtiment de 4 000 m 2 sur l'emprise foncière dont l'INA est propriétaire à Bry-sur-Marne . Les surfaces créées permettront le relogement des services qui occupent actuellement le site de « Bry 3 » en location. Le coût global du projet , qui intègre aussi la rénovation des deux bâtiments principaux dont l'INA est propriétaire sur le site, représente 25 millions d'euros toutes dépenses confondues .

10,5 millions devraient être mobilisés dès 2015 via notamment un recours important à la trésorerie (8,5 millions). Les locaux actuellement en location seront abandonnés dès que possible afin d'induire par la suite des économies sur les charges d'exploitation de l'opérateur, évaluées à 2 millions d'euros par an moyen terme).

Source : COM 2015-2019 de l'INA et projet annuel de performances du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public » annexé au projet de loi de finances pour 2016

En conclusion, le nouveau contrat d'objectifs paraît ambitieux et cohérent . On peut toutefois regretter le caractère elliptique de ce document en ce qui concerne le développement de coopérations avec les autres sociétés de l'audiovisuel public.


* 44 « France Télévisions 2020 : le chemin de l'ambition », rapport du groupe de travail sur l'avenir de France Télévision, coordonné par Marc Schwartz, février 2015.

* 45 Source : « Pour un nouveau modèle de financement de l'audiovisuel public : trois étapes pour aboutir à la création de « France Médias » en 2020 », rapport d'André Gattolin et Jean-Pierre Leleux, au nom des commissions des finances et de la culture du Sénat, n° 709 (2014-2015).

* 46 Contre 18 objectifs dans le COM précédent.

* 47 Qu'il s'agisse de ses différents sites, de son réseau informatique ou des conditions d'intervention de ses équipes sur le terrain.

* 48 France 24, Radio France Internationale (RFI) et la radio française arabophone Monte Carlo Doualiya (MCD).

* 49 Source : réponses de France Médias Monde au questionnaire de votre rapporteur spécial.

* 50 Source : avis n° 2015-18 du 30 septembre 2015 relatif au rapport d'exécution pour l'année 2014 du contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et France Médias Monde.

* 51 Source : avis n° 2015-18 du 30 septembre 2015 relatif au rapport d'exécution pour l'année 2014 du contrat d'objectifs et de moyens entre l'État et France Médias Monde.

* 52 Ou l'achèvement de la négociation, prévu pour la fin de l'année 2015.

* 53 Pour mémoire, ce processus résulte de la fusion juridique des différentes entités composant France Médias Monde en 2012.

* 54 Toutefois, à ce stade, la prévision de résultat net à l'équilibre ne tient pas compte de l'évolution du niveau des dotations financières des gouvernements bailleurs de fonds autres que Français, qui sera connue en novembre 2015.

* 55 Source : contrat d'objectifs et de moyens de l'INA pour la période 2015-2019.