Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale

PREMIÈRE PARTIE
LES CRÉDITS DE LA MISSION « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS »

I. LES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS EN 2017

A. APERÇU GÉNÉRAL DES CRÉDITS DE LA MISSION

Pour 2017, 109,9 milliards d'euros de crédits sont demandés au titre de la mission « Remboursements et dégrèvements » . Ce montant est en large hausse (+ 8,68 %, soit + 8,7 milliards d'euros) par rapport au montant inscrit dans la loi de finances initiale pour 2016. Par rapport au montant 2016 révisé, la hausse est de 4,4 milliards d'euros (cf. infra ).

Évolution des crédits de la mission

(en millions d'euros)

Exécution 2015

LFI 2016

PLF 2017

Écart
PLF 2017 / LFI 2016

200 - Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

91 510

88 194

96 964

+ 8 770

+ 9,94%

11 - Remboursement et restitutions liés à la mécanique de l'impôt

66 617

64 217

69 757

+ 5 541

+ 8,63%

12 - Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

13 614

11 849

15 785

+ 3 937

+ 33,22%

13 - Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État

11 279

12 129

11 421

- 707

- 5,83%

201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux

11 676

11 970

11 899

- 71

- 0,59%

01 - Taxe professionnelle et contribution économique territoriale

6 307

6 450

6 606

+ 156

+ 2,42%

02 - Taxes foncières

990

1 070

1 080

+ 10

+ 0,93%

03 - Taxe d'habitation

3 797

3 969

3 732

- 237

- 5,97%

04 - Admission en non-valeur d'impôts locaux

582

481

481

-

-

Total mission

103 186

100 164

108 863

+ 8 699

+ 8,68%

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

On rappellera qu'en application de l'article 10 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) 1 ( * ) , « les crédits relatifs aux charges de la dette de l'État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l'État ont un caractère évaluatif ».

La forte hausse des crédits de la mission pour 2017 est uniquement le fait de l'augmentation conséquente des crédits du programme 200 . Les remboursements et dégrèvements d'impôts d'État devraient augmenter de 9,94 % (8,77 milliards d'euros) après une légère baisse prévue en 2016 par rapport à 2015. Le programme 200 atteindrait ainsi en 2017 un record absolu depuis 2001, avec 96,964 milliards d'euros estimés.

On observe une relative stabilité du programme 201 relatif aux remboursements et dégrèvements d'impôts locaux depuis 2011.

Évolution des remboursements et dégrèvements depuis 2001,
en valeur absolue et en proportion des recettes fiscales brutes

(échelle de gauche : en millions d'euros ; échelle de droite : en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

N.B. : les montants indiqués correspondent aux dépenses effectivement effectuées pour les années 2001 à 2015 ; les crédits sont évaluatifs pour les années 2016 et 2017.

Les remboursements et dégrèvements devraient représenter, en 2017, 27 % des recettes fiscales brutes . En moins de dix ans, la part des recettes fiscales brutes captée par les remboursements et dégrèvements a ainsi crû de 5 points. La rapporteure spéciale souhaite alerter sur le manque de cohérence globale d'une politique fiscale reposant notamment de plus en plus sur des mécanismes de crédits d'impôts qui la rendent illisible aux yeux des citoyens .

B. UNE MESURE DE LA PERFORMANCE TOUJOURS INADÉQUATE

1. Des résultats peu significatifs, conséquences d'objectifs sans ambition

Le programme 200 (Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État) compte un seul objectif, qui est de « permettre aux usagers de bénéficier de leurs droits le plus rapidement possible ». L'évaluation de cet objectif s'appuie jusqu'à cette année sur trois indicateurs portant sur les délais de traitements de différentes demandes ou réclamations.

Évolution de la performance entre 2012 et 2015

Programme 200 - Indicateur 1.1

(en pourcentage)

Programme 200 - Indicateur 1.2

(en nombre de jours)

Programme 200 - Indicateur 1.3

(en pourcentage)

Programme 201 - Indicateur 1.1

(en pourcentage)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Comme le montrent les graphiques ci-dessus sur la période 2012-2015, les objectifs des quatre indicateurs sont plus que respectés, pratiquement chaque année, ce qui illustre avant tout le manque d'ambition de ces indicateurs , comme le souligne depuis plusieurs années la rapporteure spéciale. Il convient également de rappeler que les indicateurs liés au contentieux sont fragiles , dans la mesure où ils excluent les recours gracieux et portent donc le risque de conduire à une priorisation des premiers sur les seconds.

2. Une maquette et des indicateurs inchangés

La maquette de la mission, de même que les indicateurs de performance qui y sont rattachés, n'ont pas évolué dans le cadre de ce projet de loi de finances. La rapporteure spéciale regrette que le Gouvernement n'engage pas, cette année encore, de réelle réflexion sur les contours et la maquette de la mission « Remboursements et dégrèvements », comme elle le préconise régulièrement, suivie en cela par la Cour des comptes.

La question de la structure de la mission porte notamment sur l'intégration des dépenses relatives à la mécanique de l'impôt. Celles-ci sont en effet nécessairement liées à la gestion même de l'impôt : elles devraient par conséquent être inscrites en minoration de recettes , plutôt que d'être inscrites artificiellement en tant que dépenses d'intervention de l'État.

L'indicateur 1.1 a vu son intitulé modifié , considérant dorénavant « la part des demandes de remboursement de crédit de TVA et des restitutions de trop versé d'IS, ayant reçu une suite favorable ou partiellement favorable, traitées dans un délai égal ou inférieur à 30 jours ». L'administration indique cependant que ce changement ne revêt qu'un caractère cosmétique , les méthodes de calcul de l'indicateur et le périmètre n'apportant pas de modifications particulières sur le fond.

3. Une mesure de la performance uniquement axée sur la rapidité

Alors que les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » (programme 200 et programme 201) devraient s'élever à près de 100 milliards d'euros en 2017, la rapporteure spéciale renouvelle depuis plusieurs années ses observations quant aux lacunes de la démarche de performance de cette mission, focalisée uniquement sur la rapidité. La Cour des comptes soulignait ainsi également dans sa note d'analyse de l'exécution budgétaire sur l'exécution 2015 la nécessité de « trouver un équilibre entre la rapidité du service rendu aux usagers et la qualité du traitement des dossiers , notamment dans une optique de lutte contre la fraude , ce qui invite à ne pas augmenter inconsidérément le rythme de traitement des demandes des usagers ».

Un indicateur relatif au taux de réclamations contentieuses ainsi que de recours juridictionnels est ainsi demandé de manière répétée par la rapporteure spéciale, sans pour autant être entendue par le Gouvernement.


* 1 Loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances.