Mme Marie-France Beaufils, rapporteure spéciale

II. LE PROGRAMME 200 « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS D'ÉTAT »

Le programme 200 est composé de trois actions :

- l'action 11 , de loin la plus lourde en termes budgétaires (72 % des crédits du programme), récapitule les remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt, soit, pour l'essentiel, les remboursements de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et les restitutions d'excédents de versement d'acomptes d'impôt sur les sociétés (IS) ;

- l'action 12 (16 % des crédits du programme) concerne les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques (crédits d'impôt) ;

- l'action 13 , la plus modeste (12 % des crédits du programme), qui retrace les remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État, est très hétérogène : elle agrège dégrèvements et annulations prononcés après le calcul de l'impôt sur le revenu, droits dégrevés dans le cadre des contentieux dits « Précompte » et « OPCVM « , les rectifications suite à erreur d'imputation des opérations d'enregistrement...

A. UN MONTANT RECORD DE CRÉDITS DEMANDÉS AU TITRE DU PROGRAMME 200

1. Une révision à la hausse de l'estimation des crédits pour 2016

Les documents budgétaires transmis pour l'examen du projet de loi de finances pour 2017 prévoient une révision à la hausse très inquiétante des crédits pour l'exercice 2016 . Au total, le montant des crédits augmente de 4,3 milliards d'euros (+ 5 % environ).

En termes de montants, quatre sous-actions portent l'essentiel de ces révisions à la hausse :

- les sous-actions 11-01 et 11-02, retraçant les remboursements les restitutions liées à la mécanique de l'impôt pour l'impôt sur les sociétés et la TVA (+ 3,5 milliards d'euros environ) ;

- les sous-actions 12-02 et 12-03, retraçant les remboursements liés aux politiques publiques en matière d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu (+ 0,9 milliard d'euros environ).

La dépense 2016 au titre du « bouclier fiscal » devrait être de l'ordre de 10 millions d'euros, correspondant à des imputations sur l'impôt de solidarité sur la fortune 2016 de la créance 2012. L'exercice doit être le dernier à porter des crédits de ce dispositif décidé sous le quinquennat précédent.

Révision des estimations des crédits du programme 200 pour l'exercice 2016,

par action et sous-action

(en millions d'euros et en %)

2016 (LFI)

2016 (révisé)

Évolution 2016 LFI/révisé

Action 11 : mécanique de l'impôt

64 216

67 771

3 555

+5,54%

IS

14 944

16 581

1 637

+10,95%

TVA

49 108

51 000

1 892

+3,85%

Bouclier fiscal

-

10

10

-

Autres

164

180

16

+9,76%

Action 12 : politiques publiques

11 849

13 018

1 169

+9,87%

PPE

55

55

-

+0,00%

IR

2 123

2 636

513

+24,16%

IS

8 399

8 853

454

+5,41%

TIPP

755

834

79

+10,46%

TICGN

3

1

-2

-66,67%

CAP

514

639

125

+24,32%

Action 13 : gestion des produits de l'État

12 129

11 711

-418

-3,45%

IR

2 207

2 298

91

+4,12%

IS

1 324

1 357

33

+2,49%

Autres impôts directs

2 515

1 627

-888

-35,31%

TVA

2 082

2 200

118

+5,67%

Enregistrement, timbre, autres taxes indirectes

403

600

197

+48,88%

Autres

702

716

14

+1,99%

Admissions en non-valeur et créances liées aux impôts

2 259

2 400

141

+6,24%

Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets

637

513

-124

-19,47%

Total général

88 194

92 500

4 306

+4,88%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

2. Un montant record de crédits demandés pour 2017

Le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » devrait s'élever à près de 97 milliards d'euros en 2017 . Ce montant est en nette hausse par rapport au montant 2016 révise à 92,5 milliards d'euros. Il constitue un record absolu de crédits demandés au titre du programme 200 depuis 2001.

Évolution des crédits du programme 200 de 2012 à 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

L'action 11 qui retrace les remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt couvre près des trois quarts des crédits du programme 200, comme le montre le graphique ci-après.

Part relative des actions 11, 12 et 13 au sein du programme 200
« Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État »

(en %)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Poids des actions 11, 12 et 13 dans l'augmentation du programme 200
« Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » entre 2016 et 2017

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La hausse attendue en 2017 est portée par les actions 11 et 12 liées à la mécanique de l'impôt, avec des augmentations des crédits demandés pour 2017 de respectivement 8,6 % et plus de 33 %, quand l'action 13, concernant la gestion des produits de l'État, connaît une baisse de plus de 5,8 %.

Plus précisément , cette hausse résulte sensiblement de quatre sous-actions : les sous-actions 01 et 02 de l'action 11 et les sous-actions 03 et 04 de l'action 12, qui concernent la TVA, l'impôt sur les sociétés et la taxe sur les produits pétroliers (TIPP, devenue TICPE).

Évolution des crédits du programme 200 de 2012 à 2017, par action et sous-action

(en millions d'euros et en %)

2012

2013

2014

2015

2016 (LFI)

2016 (révisé)

2017 (PLF)

Évolution 2017/2016 révisé

Action 11 : mécanique de l'impôt

61 800

57 868

62 395

66 617

64 216

67 771

69 757

+ 1 986

2,93%

IS

12 097

10 554

14 523

16 898

14 944

16 581

17 174

+ 593

3,58%

TVA

49 260

47 008

47 607

49 532

49 108

51 000

52 419

+ 1 419

2,78%

Bouclier fiscal

443

177

19

10

-

10

-

- 10

-100 %

Autres

0

129

246

177

164

180

164

- 16

-8,89%

Action 12 : politiques publiques

7 592

6 515

11 597

13 613

11 849

13 018

15 785

+ 2767

21,26%

PPE

2 222

1 882

1 951

1 962

55

55

-

- 55

-100%

IR

1 794

1 459

2 108

2 372

2 123

2 636

2 628

- 8

-0,30%

IS

2 244

1 894

6 267

8 058

8 399

8 853

11 519

+ 2 666

30,11%

TIPP

825

787

760

706

755

834

1120

+ 286

34,29%

TICGN

4

3

3

1

3

1

3

+ 2

200%

CAP

503

490

508

514

514

639

515

- 124

-19,41%

Action 13 : gestion des produits de l'État

9 703

12 827

10 638

11 279

12 129

11 711

11 421

- 290

-2,48%

IR

2 015

2 320

2 106

2 236

2 207

2 298

2 348

+ 50

2,18%

IS

1 071

1 145

1 187

1 245

1 324

1 357

1 317

- 40

-2,95%

Autres impôts directs

654

2 967

1 527

1 413

2 515

1 627

1 627

-

0,00%

TVA

2 002

2 300

1 972

2 200

2 082

2 200

2 200

-

0,00%

Enregistrement, timbre, autres taxes indirectes

656

675

403

452

403

600

500

- 100

-16,67%

Autres

938

578

702

729

702

716

716

-

0,00%

Admissions en non-valeur et créances liées aux impôts

2 146

1 970

2 296

2 513

2 259

2 400

2 200

- 200

-8,33%

Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets

221

872

445

491

637

513

513

-

0,00%

Total général

79 095

77 210

84 630

91 509

88 194

92 500

96 963

+ 4 463

4,82%

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Selon le Gouvernement, les restitutions d'excédents de versement d'acomptes d'impôt sur les sociétés (sous-action 11-02) devraient augmenter en raison de l'évolution moins dynamique que prévue du bénéfice fiscal entre 2015 et 2016, d'une augmentation des remboursements de créances de reports en arrière du déficit en 2017, mais aussi d'une hausse tendancielle des imputations de créances de CICE . S'agissant des remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt relatifs à la TVA , le Gouvernement indique que les dépenses de la sous-action sont directement liées au dynamisme des achats de biens constituant des immobilisations. L'évolution des dépenses est ainsi estimée par le ministère des finances et des comptes publics au même niveau que celle des investissements . La méthode de prévision des remboursements de TVA liés la mécanique de l'impôt est précisée dans un encadré ci-après.

Concernant la sous-action relative aux remboursements d'impôts sur les sociétés dans le cadre de politiques publiques (sous-action) 12-03, le CICE est là aussi responsable de la très nette augmentation des crédits : les restitutions des fractions non utilisées des créances 2013 seraient de l'ordre de 3 milliards d'euros. L'augmentation des tarifs de la TICPE explique enfin l'augmentation sensible de la sous-action relative (sous-action 12-04).

Prévision des remboursements liés à la mécanique
de l'impôt relatifs à la TVA

La prévision des remboursements liés à la mécanique de l'impôt relatifs à la TVA est opérée en trois étapes successives.

Étape 1 : Détermination d'une enveloppe globale des remboursements de crédits de TVA (RCTVA)

L'enveloppe de crédits est ici considérée au sens large, regroupant les crédits de TVA demandés en remboursement comme ceux reportés en fin d'année, qu'il s'agisse de dépôts à temps ou de dépôts tardifs.

Dans ce contexte, l'exploitation de la chronique de cet agrégat sur série longue, corrigée d'éventuels effets comportementaux perturbateurs (dépôts effectués de manière tardive par rapport à leur date théorique), permet d'établir un modèle économétrique construit à partir des données des comptes trimestriels de l'Insee.

L'évolution des dépôts de demandes de remboursements de crédits de TVA résulte de l'application de ce modèle aux prévisions macro-économiques inscrites dans le projet de loi de finances.

Étape 2 : Détermination de l'enveloppe utile des RCTVA

Lors du dépôt d'une déclaration faisant apparaître un crédit de TVA, les entreprises arbitrent entre le report de ce crédit sur la déclaration de TVA suivante ou la demande de remboursement de cette créance.

Les conséquences budgétaires ne sont pas les mêmes, la demande de remboursement se traduisant par une dépense budgétaire à l'inverse du report de crédit.

Dans ce contexte, la transposition budgétaire de la masse de crédits dégagés est modulée par la propension au report, par les contribuables, de ces crédits.

Pour les prévisions, les propensions retenues correspondent à celles observées par le passé.

Étape 3 : Prise en compte des rythmes de traitement par les services fiscaux

Les dépenses budgétaires dépendent des rythmes de traitement des dossiers par l'administration fiscale.

Les hypothèses régissant le traitement des demandes de remboursement de crédit de TVA sont regroupées dans des matrices de rythmes d'ordonnancement (délai entre la date de dépôt de la demande de remboursement et celle de son ordonnancement) d'une part, et des matrices de paiement (délai entre la date l'ordonnancement et celle du paiement), d'autre part.

Les rythmes sont prévus sur la base de ceux constatés au cours des années passées.

Source : réponse du ministère des finances et des comptes publics au questionnaire de la rapporteure spéciale

3. Des montants croissants pour un nombre de demandes de remboursements et dégrèvements relativement stable

Les montants de remboursements et dégrèvements ont été stables depuis 2012 pour la taxe sur la valeur ajoutée, mais ont progressé sur l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés. Le nombre de demandes de remboursement ou de restitution n'ont cependant, selon les données du ministère des finances et des comptes publics, pas connu de croissance particulière , et a parfois même baissé. Le tableau ci-après récapitule, par impôt, les nombres d'assujettis, de demandes de remboursement ou de restitution et les montants correspondants.

Évolution par impôt depuis 2012 des demandes de remboursement
ou de restitution et montants liés

TVA

2012

2013

2014

2015

Au 30/06/16

Nombre d'assujettis

5 276 425

5 433 069

5 585 849

5 681 933

nd

Nombre de demandes de remboursement ou de restitutions (en milliers)

1 592

1 559

1 533

1 546

948

Montants liés
(en millions d'euros)

49 260

47 008

47 607

49 532

26 689

IR

2012

2013

2014

2015

Au 30/06/16

Nombre d'assujettis

36 389 256

36 720 036

37 119 219

37 429 459

36 834 547

Nombre de demandes de remboursement ou de restitutions

(en milliers)

1 345

1 231

1 141

1 045

280

Montants liés
(en millions d'euros)

2 015

2 320

2 106

2 236

615

IS

2012

2013

2014

2015

Au 30/06/16

Nombre d'assujettis IS

1 833 558

1 905 543

1 983 013

2 040 657

nd

Nombre de demandes de remboursement ou de restitutions (en milliers)

280

310

320

330

250

Montants liés
(en millions d'euros)

11 860

10 554

14 523

16 898

13 973

Le nombre de demandes correspond aux remboursements (TVA-IS) ou réclamations contentieuses (IR) ordonnancés sur l'année concernée.

Les montants liés correspondent aux dépenses comptabilisées dans la sous-action 200-11-02 pour la TVA, la sous-action 200-13-01 pour l'IR et la sous-action 200-11-01 pour l'IS.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Concernant la TVA, le ministère des finances et des comptes publics indique que la baisse des demandes notée entre 2012 et 2013 est essentiellement due à la création du dispositif de paiement consolidé de la TVA au bénéfice des entreprises gérées par la direction des grandes entreprises.

La baisse tendancielle enregistrée sur les demandes liées à l'impôt sur le revenu est, quant à elle, le fait d'une diminution du nombre de foyers susceptibles de bénéficier de la prime pour l'emploi mais aussi de la diminution des réclamations relatives aux réductions et aux crédits d'impôts.

Contrairement à la TVA et à l'impôt sur le revenu, il faut noter concernant l'impôt sur les sociétés une augmentation continue des demandes de remboursement ou de restitution sur les cinq dernières années : 50 000 demandes supplémentaires entre 2012 et 2015, soit une augmentation de 18 % . On voit dans le même temps une augmentation des dépenses entre 2013 et 2014, liée à la création du crédit d'impôt pour compétitivité et l'emploi. La nouvelle hausse entre 2014 et 2015 est ensuite la conséquence directe du passage du taux de 4 % à 6 % entre 2013 et 2014. Il est ici cependant uniquement question des remboursements d'excédents d'acomptes. Il faut comparer ce tableau avec les chiffres également communiqués par le ministère des finances et des comptes publics concernant le CICE. En effet, les demandes de remboursements de CICE s'élèvent au nombre de 400 000 entre 2013 et 2014, auxquelles viennent s'ajouter 200 000 demandes supplémentaires entre 2014 et 2015.

B. LE CICE CONTINUE DE PESER SIGNIFICATIVEMENT SUR LES CRÉDITS DE LA MISSION

1. Depuis 2013, les crédits de la mission retracent les remboursements et dégrèvements liés au CICE

Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi pèse sur les crédits de la mission :

- au titre des « restitutions d'excédents d'acomptes » : les acomptes versés étant comparés à un impôt sur les sociétés net des imputations de CICE ;

- au titre des « remboursements liés à des politiques publiques », compte tenu des remboursements immédiats .

Le tableau ci-après précise les montants de créances par millésime depuis la mise en place du dispositif en 2013 jusqu'aux projections pour 2019. Le millésime 2019 devrait marquer le dépassement du seuil de 20 milliards d'euros de créance par an.

Prévision de créance de CICE et répartition, par année de déclaration

(en milliards d'euros)

Année de déclaration

Total par millésime

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Créance 2013

9,8

1,1

0,1

11,0

Créance 2014

15,7

1,1

0,0

16,8

Créance 2015

15,9

1,2

0,0

17,1

Créance 2016

16,7

1,2

0,0

17,9

Créance 2017

17,5

1,3

0,0

18,7

Créance 2018

18,1

1,3

0,0

19,4

Créance 2019

18,7

1,4

20,1

Note de lecture : La créance totale au titre de 2014 est évaluée à 16,8 milliards d'euros, dont 15,7 milliards d'euros ont été déclarés en 2015 auprès de l'administration fiscale.

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de la direction générale des finances publiques

2. Le coût budgétaire du CICE avait dès l'origine vocation à augmenter sensiblement à partir de 2017

La rapporteure spéciale s'inquiétait déjà dans son récent rapport d'information sur le CICE 2 ( * ) , de la soutenabilité budgétaire de la mission au regard de la montée en charge du CICE. Cette remarque concernait notamment l'exercice 2017. En effet, les entreprises qui n'ont pu imputer ni se voir restituer la totalité de leur créance peuvent demander le remboursement du reliquat à l'issue du troisième exercice. Ainsi, l'exercice 2017 sera marqué par le remboursement des parts restantes de créances de l'exercice 2013.

À partir de 2017, les reliquats des exercices n - 4 seront à verser et viendront donc inévitablement alourdir l'enveloppe demandée au titre du programme 200 . Surtout, le taux de CICE lors l'exercice 2013, dont le reliquat est versé cette année, était de 4 %. Le taux ayant été relevé à 6 % à partir du millésime 2014, les reliquats qui seront versés à partir de 2018 seront encore plus importants : un nouveau pallier est à attendre lors de l'examen du budget 2018.

Le tableau ci-après montre les prévisions du Gouvernement concernant les consommations de CICE selon les millésimes , et ainsi la répartition du coût budgétaire de chaque millésime, par exercice. Le montant des restitutions est ainsi visible. Le reliquat du millésime 2013 à verser en 2017 est ainsi estimé à 2,6 milliards d'euros quand celui de 2014 à verser en 2018 est estimé à 4,6 milliards d'euros.

Évolution des créances de CICE (IS) par type de consommation

(en milliards d'euros)

2014

2015

2016

2017

2018

Créance au titre de 2013

6,2

1,8

0,3

2,6

0,1

dont imputation au solde

4,1

1,0

0,2

0,0

0,0

dont imputation aux acomptes

0,0

0,2

0,0

0,0

0,0

dont restitution

2,1

0,6

0,1

2,6

0,1

Créance au titre de 2014

0,0

9,8

2,0

0,3

4,6

dont imputation au solde

5,7

0,9

0,2

0,0

dont imputation aux acomptes

0,7

0,2

0,0

0,0

dont restitution

3,5

0,9

0,1

4,6

Créance au titre de 2015

0,0

0,0

9,5

2,0

0,3

dont imputation au solde

5,1

1,2

0,2

dont imputation aux acomptes

0,8

0,2

0,0

dont restitution

3,6

0,7

0,1

Créance au titre de 2016

0,0

0,0

0,0

10,0

2,1

dont imputation au solde

5,3

1,2

dont imputation aux acomptes

0,9

0,2

dont restitution

3,7

0,7

Créance au titre de 2017

0,0

0,0

0,0

0,0

12,4

dont imputation au solde

7,0

dont imputation aux acomptes

1,1

dont restitution

4,3

Source : commission des finances du Sénat à partir des données de la direction générale des finances publiques

La rapporteure spéciale tient ici à souligner une nouvelle fois que le décalage du coût budgétaire réduit l'efficacité potentielle du dispositif. La forme retenue d'un crédit d'impôt implique un décalage de versement, et conduit à un nécessaire recours au préfinancement -notamment assuré par Bpifrance-, parfois complexe pour les TPE-PME.

3. Le relèvement du taux à 7 % conduira à partir de 2018 à une nouvelle augmentation des crédits de la mission

L'assiette de ce crédit d'impôt est constituée par la masse salariale, c'est-à-dire les rémunérations brutes soumises aux cotisations sociales , versées par les entreprises dans la limite de 2,5 fois le salaire minimum en vigueur (smic). Son taux, qui était initialement de 4 % est passé à 6 % à partir du 1 er janvier 2014 . Dans les départements ultramarins, le taux est fixé à 7,5 % pour les rémunérations versées en 2015 et à 9 % pour les rémunérations versées à compter du 1 er janvier 2016.

Le Gouvernement propose à l'article 44 du présent projet de loi de finances le relèvement du taux de CICE à 7 % à partir de l'année 2017 .

Le relèvement d'un point du taux applicable à compter des salaires versés au 1 er janvier 2017 aura pour conséquence d' augmenter de près de 17 % les créances de CICE des millésimes 2017 et suivants, ce qui représente 3 milliards d'euros environ. Ce relèvement de taux induira davantage de dépenses à partir de l'exercice budgétaire 2018. En effet, le millésime 2017 :

- est susceptible d'augmenter les restitutions d'excédents d'acomptes de toutes les entreprises éligibles à partir de 2018 ;

- augmente les remboursements de la sous-action 200-12-03 pour les entreprises qui bénéficient d'un remboursement immédiat dès 2018.

La rapporteure spéciale tient à alerter sur la soutenabilité budgétaire d'une politique dont le coût budgétaire s'étale sur trois années suivant la déclaration de la créance. Le relèvement du taux de CICE à 7 % en 2017 ne pèsera budgétairement qu'à partir de 2018, soit au cours de la prochaine législature : le coût de ce choix politique ne pèse donc pas sur l'actuel gouvernement mais uniquement sur son successeur.

4. L'approfondissement mal venu d'un dispositif aux résultats toujours incertains

Le relèvement de ce taux semble inopportun . En effet, comme le démontrait la rapporteure spéciale dans son rapport d'information précité, le CICE est un outil extrêmement coûteux mais aux résultats largement insuffisants.

France Stratégie 3 ( * ) estime qu'au 31 juillet 2016, ce sont près de 43,3 milliards d'euros de créance qui ont été déclarés par les entreprises redevables de l'impôt sur les sociétés et de l'impôt sur le revenu au titre des salaires versés en 2013, 2014 et 2015. Sur ce montant, seulement 64 % auraient à ce jour été consommés par les entreprises, soit par imputation sur l'impôt dû, soit par restitution immédiate.

Les conclusions formulées par le comité, à partir des résultats des équipes de recherche missionnées, interpellent. En effet, si le comité conclut à une « amélioration sensible des marges des entreprises », c'est certainement ici le seul effet du CICE qui soit avéré. Le comité indique en effet que le dispositif aurait eu peu de conséquences sur les salaires par tête mais ce n'était pas son objet.

Surtout, c'est du côté de l'investissement, du commerce extérieur et de l'emploi que les préoccupations de la rapporteure spéciale se portent. Le comité indique ainsi tenir « pour robuste les résultats des équipes de recherche qui concluent à l' absence d'impact de court terme du CICE sur l'investissement, la recherche-développement et les exportations », quand l'impact sur les années à venir est incertain.

Du côté de l'emploi, le comité souligne également les incertitudes des effets estimés. Le comité considère cependant « probable » un effet direct de l'ordre de 50 000 à 100 000 emplois créés ou sauvegarder.

Dans son rapport 2016 sur les nouveaux indicateurs de richesse , le Gouvernement indique attendre du CICE des effets croissants , compte-tenu de sa montée en charge progressive. La rapporteure spéciale émet de vives réserves sur cette analyse et les conclusions tirées dans ce rapport sur le pacte de responsabilité et ses effets économiques et sociaux.

Au regard d'un montant qui devrait s'élever à l'issue de l'année 2016 à près de 61 milliards d'euros de créances déclarées sur les quatre premiers millésimes, les résultats sont décevants, si ce n'est alarmants. Il convient de s'interroger réellement sur l'outil adéquat au soutien de la compétitivité et de l'emploi en France, et de piloter réellement cet effort budgétaire consenti par les Français, qui atteindra plus de 20 milliards d'euros par an à l'horizon 2019.

C. UNE ÉVOLUTION DES CONTENTIEUX À SURVEILLER

1. Une baisse continue des réclamations contentieuses mais une hausse préoccupante des recours juridictionnels

Sur les trois principaux impôts que sont la taxe sur la valeur ajoutée, l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le nombre de réclamations contentieuses semble en nette baisse sur la période 2012-2015, notamment sur la TVA et l'impôt sur le revenu.

Concernant le nombre de recours juridictionnels, la baisse est également notable en matière de TVA. La tendance n'est pas la même pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés . En quatre ans, pour ces deux impôts, la rapporteure spéciale s'inquiète d'une augmentation du nombre des recours juridictionnels à hauteur respectivement de 48 % et 57 % pour des montants liés en progressions respectives de 15 % et 105 %. Le tableau ci-après précise ces évolutions par impôt.

En matière d'impôt sur les sociétés, le ministère de l'économie et des finances précise que la baisse des flux contentieux enregistrée en 2014 s'explique par un changement organisationnel et le basculement de l'ensemble des demandes de remboursement de crédit d'impôt déposées par les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés sur l'application MEDOC, supprimant les saisies sur l'application ILIAD-CONTENTIEUX. Une comparaison entre 2014 et 2013 n'est donc pas possible ici. La rapporteure spéciale s'inquiète de la fiabilité et de la réelle traçabilité des réclamations contentieuses.

Évolution, par impôt, des réclamations contentieuses et recours juridictionnels depuis 2012

TVA

2012

2013

2014

2015

Au 30/06/16

Nombre d'assujettis

5 276 425

5 433 069

5 585 849

5 681 933

nd

Nombre de réclamations contentieuses

58 620

59 817

53 093

52 393

26 934

Montants liés (en millions d'euros)

699

799

539

569

nd

Nombre de recours juridictionnels (TA)

2 071

2 001

2 141

1 743

911

Montants liés (en millions d'euros)

179

205

82

73

nd

IR

2012

2013

2014

2015

Au 30/06/16

Nombre d'assujettis

36 389 256

36 720 036

37 119 219

37 429 459

36 834 547

Nombre de réclamations contentieuses

1 340 434

1 224 885

1 134 043

1 038 399

276 448

Montants liés (en millions d'euros)

1 840

1 802

1 671

1 754

nd

Nombre de recours juridictionnels (TA)

4 778

6 058

7 316

7 082

4 081

Montants liés (en millions d'euros)

162

186

181

186

nd

IS

2012

2013

2014

2015

Au 30/06/16

Nombre d'assujettis IS

1 833 558

1 905 543

1 983 013

2 040 657

nd

Nombre de réclamations contentieuses

115 086

125 737

49 658

50 865

28 384

Montants liés (en millions d'euros)

1 265

965

894

820

nd

Nombre de recours juridictionnels (TA)

1 894

2 096

2 397

2 970

1 648

Montants liés (en millions d'euros)

350

509

638

720

nd

Source : réponse du ministère de l'économie et des finances au questionnaire de la rapporteure spéciale

Les données du tableau appellent les observations suivantes de la part du ministère de l'économie et des finances :

Sur les nombre de demandes de remboursement ou de restitutions

Les nombres indiqués concernent les dégrèvements ordonnancés au cours des années ou période concernés à la suite de réclamations (hors demandes gracieuses). Elles concernent à la fois la phase administrative et la phase juridictionnelle.

Sur les montants liés

Comme pour les nombres, les montants concernent les dégrèvements ordonnancés au cours des années ou période concernés à la suite de réclamations (hors demandes gracieuses). Elles concernent à la fois la phase administrative et la phase juridictionnelle.

Ils diffèrent donc des dépenses comptabilisées aux sous actions 200-13-04 (TVA), 200-13-01 (impôt sur le revenu) et 200-13-02 (impôt sur les sociétés).

Pour mémoire, la chronique des dépenses de la sous-action 200-13-01 est rappelée en réponse à la question 21.

En particulier, ils ne tiennent pas compte des remboursements opérés dans le cadre conventionnel (par exemple, concernant l'IR, l'accord franco-suisse et, concernant la TVA, la convention de partage franco-monégasque notamment).

2. Une baisse des admissions totales parmi ces contentieux

Parmi les contentieux liés à la TVA, 43 976 réclamations ont fait l'objet d'une admission totale en 2015 , soit une baisse par rapport à 2014 (44 546) et 2013 (49 946) quand les autres réclamations ayant fait l'objet d'une admission partielle.

40 636 des réclamations contentieuses recensées concernant l'impôt sur les sociétés en 2015 ont fait l'objet d'une admission totale , soit une baisse par rapport à 2014 (41 474), quand les autres réclamations ont fait l'objet d'une admission partielle.

Concernant l'impôt sur le revenu enfin, les contentieux ont fait l'objet d'une admission totale pour 902 168 des réclamations en 2015, soit une baisse par rapport à 2014 et 2013 (respectivement 1 027 156 et 1 128 099), quand les autres réclamations ont fait l'objet d'une admission partielle.


* 2 Rapport d'information n° 789 (session 2015-2016), relatif au profil des bénéficiaires du CICE.

* 3 France Stratégie - Rapport 2016 du Comité de suivi du CICE.