Mercredi 2 mars 2016

- Présidence de Mme Michèle André, présidente -

Compte rendu de la Conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance au sein de l'Union européenne, prévue à l'article 13 du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) et de la semaine parlementaire du semestre européen - Communication

La réunion est ouverte à 10 heures.

Mme Michèle André, présidente. - Nous nous sommes rendus à Bruxelles, avec François Marc, les 16 et 17 février derniers afin de participer à deux conférences interparlementaires.

La conférence sur le semestre européen organisée par le Parlement européen s'est tenue le premier jour. Celle-ci était censée disparaître avec la mise en place de la conférence prévue par le TSCG, mais le Parlement européen a préféré la conserver car il en maîtrise l'ordre du jour et l'organisation.

Le deuxième jour, nous avons assisté à la sixième conférence interparlementaire sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance de l'Union européenne, aussi appelée « conférence de l'article 13 ». Elle était co-présidée par le Parlement européen et le Parlement néerlandais, dont le Gouvernement assure actuellement la présidente tournante de l'Union européenne. Il s'agissait de la première réunion régie par le nouveau règlement intérieur, adopté en novembre 2015 après deux années de discussion.

Les travaux ont débuté dans un climat de tension palpable. Nous étions en effet à la veille du Conseil européen des 18 et 19 février, au cours duquel devait être examinée la question du « Brexit ». Le président du Parlement européen, Martin Schultz, a fait le récit d'un entretien bilatéral avec le Premier ministre britannique, David Cameron, en soulignant à la fois son attachement à la formule du traité d'une « union sans cesse plus étroite entre les peuples de l'Europe » et son souhait que le Royaume-Uni demeure membre de l'Union européenne.

La crise des réfugiés a également été évoquée dès le début de la conférence. De nombreux parlementaires nationaux grecs, italiens mais aussi suédois et allemands ont interpellé les représentants de la Commission européenne présents afin de souligner l'urgence à laquelle leur État fait face et la nécessité d'apporter une véritable réponse européenne.

Les débats thématiques sur les sujets économiques et financiers se sont ensuite poursuivis dans une ambiance plus apaisée. Ces deux jours ont également été l'occasion d'échanger, en marge des réunions, avec certains eurodéputés, en particulier notre ancien collègue et président de la commission des finances, Jean Arthuis, aujourd'hui président de la commission des budgets, Pervenche Berès et Alain Lamassoure.

Lors d'une table ronde organisée par la commission des affaires économiques du Parlement européen sur l'érosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices - le projet BEPS (Base Erosion and Profit Shifting) - je suis intervenue pour rappeler la vigilance nécessaire dans la transposition de cet accord, en particulier face aux inquiétudes de certaines grandes entreprises françaises, et j'ai indiqué que notre commission des finances avait récemment organisé une table ronde sur la diplomatie fiscale. Nous y reviendrons la semaine prochaine en entendant Pascal Saint-Amans, responsable du projet BEPS à l'OCDE, mercredi prochain.

Les deux sessions matinales de la conférence de l'article 13, qui portaient sur la gouvernance économique et la coordination budgétaire au sein de l'Union européenne, étaient également d'un grand intérêt. À la suite du rapport dit « des cinq présidents » des institutions européennes, publié en juin dernier, et de ses propositions de réformes et de nouvelles structures visant à compléter l'Union économique et monétaire, les membres du Parlement européen, Pervenche Berès et Reimer Böge, ont, quant à eux, présenté un projet de rapport sur la création d'une capacité budgétaire de la zone euro.

Pierre Moscovici a rappelé que les commissaires européens compétents, et lui en particulier, étaient disponibles pour venir présenter au printemps les recommandations par pays devant les parlements nationaux ; nous nous saisirons de cette proposition.

La conférence de l'article 13 n'a pas adopté de conclusions. Cette faculté est à la discrétion de la présidence. Je crois qu'il serait souhaitable, à l'avenir, d'adopter systématiquement des conclusions pour conserver une trace des débats. Toutefois, sur le fond, l'enjeu essentiel est de trouver au sein de cette conférence une forme de représentation spécifique pour les parlements des États membres de la zone euro.

La prochaine conférence de l'article 13 devrait se dérouler au mois d'octobre, sous la présidence slovaque.

M. François Marc. - Tout d'abord, j'ai participé à une réunion organisée par la commission des budgets du Parlement européen où il a été question de la révision à mi-parcours du cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020. Le Parlement européen milite pour une telle révision afin d'affecter davantage de moyens au contrôle des frontières extérieures et à l'accueil des réfugiés.

Un membre de la chambre des représentants des Pays-Bas est intervenu pour rendre compte de la conférence qui s'est tenue sur ce sujet en janvier à Amsterdam. Il a relayé la demande d'une réorientation du budget européen, des « vieilles » politiques comme la politique agricole commune (PAC) vers des objectifs plus ciblés et moins nombreux, à savoir l'innovation, la sécurité, le renforcement des frontières extérieures et l'énergie. C'est peu dire qu'une telle proposition ne fait pas l'unanimité...

Pour ma part, je suis intervenu en faveur d'une plus grande flexibilité du cadre financier pour réorienter certains fonds vers les urgences du moment, par exemple l'accueil des réfugiés mais aussi la crise agricole.

Lors de la séance de travail sur l'union bancaire, j'ai souligné que, malgré les avancées conséquentes des dernières années, des interrogations lourdes subsistaient sur la cohérence de la régulation et du contrôle au sein de l'Union européenne - John Vickers lançait d'ailleurs le même jour un « cri d'alarme » dans la presse économique à propos des « trous dans la raquette » de la régulation bancaire.

Enfin, dans le cadre de la conférence de l'article 13, j'ai interrogé le ministre des finances néerlandais et président de l'Eurogroupe, Jeroen Dijsselbloem, sur la proposition du rapport des « cinq présidents » de créer des « autorités de la compétitivité de la zone euro » dans chaque État membre : ne risque-t-on pas d'ajouter à la technostructure existante ? Comment fonctionneraient ces autorités en pratique ? Jeroen Dijsselbloem a défendu avec conviction cette recommandation, en précisant qu'elle s'inspirait de l'expérience du conseil économique et social néerlandais - dont les membres ont su conduire une concertation approfondie et s'accorder sur les leviers pour améliorer leur compétitivité. C'est, selon lui, une expérience tout à fait intéressante qui pourrait être étendue à l'échelle de l'Union.

En conclusion, la conférence de l'article 13 doit certainement trouver sa place, notamment vis-à-vis du Parlement européen. Les parlements nationaux sont encore loin d'opérer un réel contrôle de la gouvernance économique et financière de l'Union européenne, mais les travaux de Bruxelles laissent entrevoir des perspectives d'évolution. J'ai constaté des progrès dans la préparation aussi bien que dans la méthode suivie par la conférence interparlementaire, une écoute attentive entre délégations et des axes de travail commun : tout ceci est encourageant.

M. Maurice Vincent. - La question de l'excédent commercial excessif de l'Allemagne a-t-elle été abordée ? Le seuil de 6 % du PIB est dépassé, quelles corrections l'Allemagne entend-t-elle prendre en faveur de l'investissement européen ?

M. Éric Bocquet. - L'inquiétude demeure sur la solidité des banques européennes, y compris allemandes et françaises. Une bulle s'est formée et gonfle, malgré les mesures de régulation et de supervision adoptées dans différents États. Je pense en particulier à notre loi dite de séparation des activités bancaires. Une réflexion est-elle menée sur l'assouplissement quantitatif de 60 milliards d'euros mensuels auquel procède la Banque centrale européenne ?

M. François Marc. - L'excédent commercial allemand n'a pas fait l'objet d'un débat en soi, même si plusieurs délégations l'ont mentionné - nos collègues grecs, portugais, par exemple -, appelant l'Allemagne à infléchir sa politique pour plus d'investissement et de croissance. Les représentants de la Commission européenne ont indiqué que des recommandations seront faites à nos voisins allemands en ce sens.

Comme Éric Bocquet, j'aurais aimé que les questions monétaires et financières soient davantage abordées, mais les esprits étaient focalisés sur la question des réfugiés et sur le débat budgétaire, lequel faisait l'objet de la seconde journée. Plusieurs interventions ont cependant évoqué le risque déflationniste - qui constitue une réelle préoccupation pour les banques centrales puisque nous constatons désormais des taux d'intérêt négatifs de 0,2 % en Allemagne et de 0,1 % en France : nous sommes bien loin de l'objectif d'une inflation à 2 % ! C'est dans ce contexte qu'on doit regarder la facilité quantitative - et pour avoir travaillé sur le shadow banking avec la commission des affaires européennes, je confirme que l'argent injecté dans le système n'est pas intégralement dépensé de façon conforme aux objectifs poursuivis...

Mme Michèle André, présidente. - Nous aurons, le 23 mars, une audition sur la garantie des dépôts et sur l'union bancaire, avec des représentants de la Commission européenne et Elke König, nouvelle présidente du Conseil de résolution unique. Je précise que lorsque nous participons à ces conférences interparlementaires, nous pouvons y porter vos interrogations et parler en votre nom.

M. André Gattolin. - Si la définition d'un cadre pluriannuel est souhaitable pour le budget européen, la durée actuelle de sept ans, définie par la précédente Commission européenne, présente bien des inconvénients. Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, avait obtenu un accord en jouant de la fongibilité, tâchant de répondre aux demandes toujours plus diverses et élevées des États qui veulent, dans le même temps, toujours minorer leur quote-part au budget communautaire. Or il est interdit à l'Union européenne de recourir à l'endettement pour financer son budget. La programmation budgétaire sur sept ans est irréaliste en période de forts changements et, facteur aggravant, elle est déconnectée du calendrier politique puisque les élections des députés européens sont intervenues après la définition du cadre financier 2014-2020. Pourquoi ne pas caler le cadre financier pluriannuel sur le calendrier des élections européennes ?

Il faut, ensuite, se méfier de la fongibilité et mieux distinguer les types d'aides, sinon les aides structurelles et la politique agricole commune risquent d'en pâtir en fin de période. Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, a proposé d'instaurer une nouvelle ressource propre, à savoir une taxe de 1 centime d'euro sur l'essence, qui serait affectée à la gestion de la crise des réfugiés. L'ambassadeur d'Allemagne en France, entendu par la commission des affaires européennes, nous disait que nous serions mal avisés de ne pas saisir cette occasion rare. Où en est-on de cette piste ?

Le Parlement européen, très sourcilleux en la matière, voit dans l'article 13 du TSCG une atteinte à ses - faibles - prérogatives législatives, alors que les parlements nationaux n'ont, en fait, guère voix au chapitre. Plusieurs États ont demandé une meilleure association des parlements nationaux à la procédure législative européenne, notre commission des affaires européennes a voté une résolution dans ce sens : où en est-on ?

M. Francis Delattre. - L'assouplissement quantitatif de la BCE créera-t-il une bulle ? Non, car les 60 milliards d'euros mensuels investis dans l'économie...

M. Daniel Raoul. - Ils ne sont pas tous investis, c'est bien le problème...

M. Francis Delattre. - Le problème est moins de savoir s'ils abondent le shadow banking, que de constater le défaut de programmes d'investissements crédibles en Europe, voyez ce qu'il en est du plan « Juncker ». Ensuite, si la BCE ne rachetait pas de la dette, la déflation serait là, c'est le risque majeur à éviter - et c'est bien pourquoi les États demandent tous le maintien de cette « planche à billets » au-delà de septembre prochain, comme les États-Unis l'ont fait pendant bien des années quand ils en avaient besoin. La Banque européenne d'investissement parle de grands projets, mais on ne voit rien venir, voilà le problème ; ne cassons pas l'outil, ou bien nous risquons fort de mettre à bas l'ensemble du système bancaire européen.

M. Jean-Claude Boulard. - Le plan Juncker comprend des seuils d'investissement trop élevés pour bien des territoires. Nous l'avons dit dès le début : constate-t-on une évolution ? Une autre anomalie est de compter dans le déficit les emprunts réalisés pour investir. C'est contre-productif : il faut comptabiliser ces emprunts différemment que ceux qui financent du fonctionnement, pour inciter davantage à l'investissement.

M. François Marc. - Nous aurons effectivement un débat lors de l'audition du 23 mars. Je n'ai pas critiqué l'assouplissement quantitatif, mais constaté que son objectif d'une inflation à 2 % est encore très loin. C'est un fait, nous devrons nous interroger sur ce point.

Sur la flexibilité du budget de l'Union européenne, j'ai réagi à la proposition du représentant néerlandais, de prélever sur la PAC pour accroître d'autres dépenses et j'ai alerté sur le manque de marges de manoeuvre, les fonds de secours pour la production porcine, par exemple, étant presque intégralement consommés. Je crois avoir été entendu, puisque le commissaire européen à l'agriculture, en visite à Paris, vient de s'engager à examiner la possibilité d'une intervention européenne spécifique pour faire face à la crise majeure que nous traversons. Il l'a dit au Premier ministre.

Faut-il faire passer le cadrage budgétaire européen du septennat au quinquennat ? Il s'agit d'une bonne question. La Commission européenne l'envisage mais, lors de notre réunion interparlementaire, nous avons senti que le « Brexit » stérilisait toute discussion sur les propositions... Il faut passer ce cap.

Mme Michèle André, présidente. - Nous en saurons davantage après le référendum britannique du 23 juin prochain.

La commission donne acte de leur communication à Mme Michèle André et à M.  François Marc.

Renforcer la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorer l'efficacité et les garanties de la procédure pénale - Demande de saisine pour avis et désignation d'un rapporteur

La commission demande à se saisir pour avis sur le projet de loi (AN n° 3473, XIVe législature) renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale (sous réserve de sa transmission) et nomme M. Albéric de Montgolfier rapporteur pour avis.

République numérique - Demande de saisine et désignation d'un rapporteur pour avis

La commission demande à se saisir pour avis du projet de loi n° 325  (2015-2016) pour une République numérique et nomme M. Philippe Dallier rapporteur pour avis.

Groupe de travail sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) - Désignation de membres

Mme Michèle André, présidente - Je vous propose d'élargir la composition de notre groupe de travail sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF), en y nommant Francis Delattre, Jacques Genest et Georges Patient

La composition du groupe de travail sur la réforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) s'établit désormais comme suit : MM.  Charles Guené et Claude Raynal, rapporteurs spéciaux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Claude Boulard, Michel Bouvard, Philippe Dallier, Vincent Delahaye, Francis Delattre, Bernard Delcros, Jacques Genest, François Marc, Georges Patient et Jean-Claude Requier.

Moyens et priorités du contrôle fiscal - Audition conjointe de MM. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes, Gérard Orsini, président de la commission juridique et fiscale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), Patrice Puypéroux, membre élu de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France, et Bruno Parent, directeur général des finances publiques, accompagné de M. Olivier Sivieude, chef du service du contrôle fiscal (DGFiP)

La commission entend enfin, lors d'une audition conjointe, MM. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes, Gérard Orsini, président de la commission juridique et fiscale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), Patrice Puypéroux, membre élu de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France, et Bruno Parent, directeur général des finances publiques, accompagné de M. Olivier Sivieude, chef du service du contrôle fiscal (DGFiP), sur les moyens et priorités du contrôle fiscal.

Mme Michèle André, présidente. - Le contrôle fiscal a connu d'importantes évolutions ces dernières années. S'agissant des grandes entreprises, les vérificateurs peuvent désormais s'appuyer sur de nouveaux éléments, par exemple une documentation détaillée sur les prix de transfert. Les choses avancent très vite dans le cadre du projet « BEPS » (Base Erosion and Profit Shifting) de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) : la semaine prochaine, nous recevrons d'ailleurs Pascal Saint-Amans, le responsable du projet BEPS, pour évoquer ce sujet.

Mais les enjeux portent aussi sur les contribuables plus petits, et notamment tout notre tissu de petites et moyennes entreprises (PME). De nombreuses questions se posent : l'organisation des services chargés du contrôle fiscal est-elle adaptée ? Quelles sont les priorités, compte tenu de la contrainte qui pèse sur les moyens ? Quelle est, d'une manière générale, le « climat » de la relation entre contribuables et administration ? Quelle est la place laissée à la conciliation et au dialogue, avant de porter les désaccords au contentieux ?

Pour nous éclairer sur le sujet, nous avons le plaisir d'accueillir Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes, Gérard Orsini, président de la commission juridique et fiscale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME), Patrice Puypéroux, membre élu de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris-Île-de-France, et Bruno Parent, directeur général des finances publiques, accompagné d'Olivier Sivieude, chef du service du contrôle fiscal.

Je laisse dans un premier temps la parole à Raoul Briet, qui nous présentera les principales conclusions et recommandations de l'insertion consacrée à la lutte contre la fraude fiscale au sein du rapport public annuel 2016 de la Cour des comptes.

M. Raoul Briet, président de la première chambre de la Cour des comptes. - La Cour des comptes vient de publier une insertion de suivi sur les méthodes et les résultats du contrôle fiscal - avec la couleur « orange », ce qui correspond à un constat de progrès... à poursuivre.

Depuis 2010, d'abord, la lutte contre la fraude fiscale fait l'objet d'une priorité politique forte à l'échelle nationale comme internationale : en cinq ans, il en a été fait davantage pour durcir les règles et améliorer les outils de contrôle, que dans le quart de siècle précédent - je pense en particulier aux règles définies par l'OCDE, à celles de la Commission européenne sur la TVA ou encore à la législation nationale ; la lutte internationale contre la fraude fiscale bénéfice d'un environnement moins défavorable que dans le passé.

La mise en oeuvre du contrôle fiscal par l'administration a connu des progrès certains, sans que celle-ci soit allée cependant au bout des évolutions nécessaires. La coordination s'est améliorée, en particulier via la mission du contrôle fiscal au sein de la direction générale des finances publiques (DGFiP), et les outils informatiques ont été modernisés, avec le recours à l'analyse des données, ou data mining. Toutefois, les infractions les plus simples représentent encore 30 % des dossiers, le contrôle se focalise sur des dossiers simples, et pas suffisamment sur les fraudes complexes. Le pilotage des contrôles est encore imprécis, en particulier au plan local, du fait de l'absence de lien entre les directions interrégionales (DIRCOFI) et les agents du contrôle fiscal départemental. Cette rupture dans la chaîne décisionnelle fait perdre en efficacité. Enfin, l'allocation des moyens est loin d'être optimale, il faut l'adapter davantage aux besoins des territoires et des dossiers complexes, redéployer les emplois de vérificateurs, dont la répartition actuelle est un héritage de l'histoire et des préférences des agents. L'efficacité commande d'affiner le recrutement par profil de poste mais aussi d'imposer une durée plus longue dans certains d'entre eux : les agents ne doivent pas « tourner » trop vite parce qu'il leur faut du temps pour appréhender des situations souvent complexes.

Enfin, troisième temps de notre insertion de suivi, les résultats du contrôle fiscal et le recouvrement sont trop mal documentés et encore insuffisants. L'annexe « Voies et moyens » du projet de loi de finances donne une vision trop partielle du contrôle fiscal, et les données du recouvrement sont trop parcellaires. La Cour des comptes recommande en conséquence de compléter les informations sur les droits rappelés et sur le taux de recouvrement, en intégrant notamment celles de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI). Les droits rappelés progressent entre 2012 et 2014, mais ce progrès tient en fait à l'intégration de 1,9 milliard d'euros issus du service de traitement des déclarations fiscales rectificatives (STDR).

En outre, sur les 19 à 20 milliards d'euros de droits rappelés, seule la moitié est effectivement recouvrée. Ces résultats ne sont pas à la hauteur des progrès de méthode et des moyens engagés. Il faut certes compter avec le décalage dans le temps entre les nouvelles mesures et les recouvrements effectifs, mais ce problème appelle à une certaine vigilance et nous devrons y revenir, en particulier pour examiner de près le moindre recouvrement des contrôles locaux par rapport à ceux qui sont pilotés par l'échelon national.

Mme Michèle André, présidente. - La parole est maintenant à Gérard Orsini, président de la commission juridique et fiscale de la CGPME. Comment la CGPME perçoit-elle l'état actuel des relations entre les entreprises et l'administration ? Quels sont les points positifs, et les points à améliorer ?

M. Gérard Orsini, président de la commission juridique et fiscale de la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME). - Les petites et moyennes entreprises (PME) subissent les mêmes règles que les grandes entreprises alors qu'elles n'ont pas les mêmes moyens, alors même qu'elles développent l'emploi sur notre territoire. Face à des règles fiscales toujours plus complexes et changeantes, les chefs d'entreprises n'ont pas d'autres choix que de recourir à des tiers, experts-comptables et avocats fiscalistes : ils se sentent déresponsabilisés à l'occasion d'un contrôle fiscal, alors qu'ils prennent les décisions pour la vie de l'entreprise. L'administration leur demande toujours plus d'éléments, exige la télédéclaration et le télépaiement ; le chef d'entreprise ne maîtrise pas ces processus, mais c'est bien lui qui se trouve en première ligne en cas de contrôle fiscal. Sa première réaction, c'est généralement de se demander : « pourquoi moi ? ». On peut parfaitement accepter le principe du contrôle fiscal, ne serait-ce que pour assurer une concurrence dans les meilleures conditions, mais quand le contrôle vous tombe dessus alors que vous ne maîtrisez pas les arcanes de la réglementation fiscale, votre première réaction est celle du désarroi, renforcé par le fait que vous devez vous en remettre à ces experts extérieurs.

Le chef d'entreprise ne connaît généralement pas l'organisation de l'administration fiscale, qui reste ce monstre froid qu'il rencontre soudain au cours de sa vie quotidienne ; certes, le contact avec les vérificateurs et contrôleurs s'est amélioré ces dernières années, il est devenu plus aimable, mais quand le chef d'entreprise passe d'un échelon à l'autre dans le processus de contrôle, il a souvent le sentiment d'être incompris. Il est généralement prêt à reconnaître ses erreurs, il peut vouloir encore s'expliquer, présenter son analyse de la réalité de la vie de l'entreprise, mais la sanction semble déjà décidée et demeure souvent intangible. Pour le chef d'entreprise, bien souvent, l'administration l'écoute mais elle ne l'entend pas.

Les garanties des contribuables existent formellement, sur le papier, mais on peut en améliorer la mise en oeuvre. Par analogie avec le service de traitement des déclarations fiscales rectificatives, nous proposons l'idée d'une sorte de « cellule de dégrisement », de confessionnal, où le chef d'entreprise pourrait être remis dans le droit chemin s'il s'en est éloigné, au lieu que les échanges se limitent à l'énoncé des sanctions et pénalités.

Il ne faut pas perdre de vue que si le recouvrement est difficile, c'est aussi parce que la pression fiscale est forte et l'équilibre économique précaire, et que l'impôt n'est pas toujours facile à payer - un peu comme sur la route, où l'on voit que les feux tricolores sont moins respectés lorsqu'ils se multiplient à outrance. C'est pourquoi il faut prévoir une porte de sortie réaliste pour les finances de l'entreprise.

Une remarque nous est souvent faite : il est devenu plus difficile de joindre les agents des impôts par téléphone. Il y a certes la possibilité du courriel, mais cela se fait au détriment du contact humain, il faut y faire très attention.

Le contrôle fiscal représente un coût pour l'entreprise : un coût financier d'abord, mais aussi une pression psychologique certaine pour le chef d'entreprise et une contrainte en temps pour justifier la gestion adoptée - ce coût pourrait être diminué par une meilleure organisation, par davantage de dialogue.

Pour le chef d'entreprise, les différentes étapes du recours n'ont pas la même valeur. Le recours hiérarchique est perçu comme de pure forme et de peu de conséquences : dans la quasi-totalité des cas, le chef de brigade adopte la même analyse que le vérificateur, et ne revient pas sur la rectification proposée. L'interlocution départementale prend un peu de distance, mais l'interlocuteur de l'administration fiscale déjuge très rarement ses subordonnés, et se contente le plus souvent de « botter en touche » en renvoyant à l'avis de la commission départementale des impôts (CDI) - qui peut être saisie avant ou après l'interlocution. C'est à cet échelon seulement que le chef d'entreprise a le sentiment de pouvoir enfin « refaire le match » et présenter vraiment son analyse ; mais cela aboutit, malheureusement, à des réunions qui s'éternisent, et l'on gagnerait à prendre en compte ces éléments plus en amont. Reste que les CDI demeurent des instances très appréciées. Au-delà, la procédure contentieuse fonctionne bien dans notre pays, mais avec un horizon qui dépasse très souvent le quotidien d'une PME, puisqu'il faut jusqu'à douze ans pour obtenir une décision définitive en Conseil d'État...

Le dialogue entre l'administration fiscale et les PME peut donc être amélioré, les chefs d'entreprises constatent que les baisses de rectification sont rares et que tout le temps passé à s'expliquer ne sert bien souvent pas à grand-chose.

Les progrès de l'automatisation et du contrôle informatisé de la comptabilité sont une source de difficultés. Les entreprises confient leurs données puis l'administration utilise des programmes informatiques pour contrôler, établir les valeurs et rectifier. Mais cette matrice technique, présentée comme objective et ne souffrant pas la critique, apparaît en fait décalée aux yeux du chef d'entreprise, qui connaît, lui, la réalité des choses. Chacun sait que ces programmes informatiques sont construits, qu'ils procèdent de choix, par exemple pour reconstituer les prix et établir un chiffre d'affaires - et c'est précisément ces choix sous-jacents que le chef d'entreprise peut critiquer à bon escient sans pouvoir être entendu. Il faudrait dès lors plus de souplesse dans l'application de ces programmes ; et que l'administration admette une marge d'erreur de quelques points, ce qui serait plus conforme à la réalité et plus utile au dialogue.

Un mot sur l'obligation faite aux entreprises de livrer leur comptabilité complète sur support numérique : cette obligation cristallise les mécontentements, car les chefs d'entreprise ne maîtrisent pas les données comptables et se sentent dépossédés. S'agissant de la lutte contre les logiciels de caisse « permissifs », les chefs d'entreprise comprennent parfaitement leur utilité, car il y a des abus, mais cette obligation détériore souvent le dialogue avec l'administration fiscale.

Mme Michèle André, présidente. - Nous nous sommes saisis de la question des logiciels permissifs, qui a fait l'objet d'une disposition dans la loi de finances pour 2016.

La parole est maintenant à Patrice Puypéroux, membre élu de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris-Ile-de-France, qui représente les contribuables au sein de la commission départementale des impôts (CDI). Il est également l'auteur d'un rapport sur la « relation de confiance » lancée en 2013 par l'administration fiscale.

M. Patrice Puypéroux, membre élu de la chambre de commerce et d'industrie de région Paris Île-de-France, sur les moyens et priorités du contrôle fiscal. - Je me présenterai brièvement pour que l'on puisse comprendre d'où je parle. Depuis une trentaine d'années à la tête d'une entreprise familiale de second oeuvre dans le secteur du bâtiment, je vous parlerai du ressenti d'un chef d'entreprise qui a connu bien des contrôles fiscaux : mon entreprise, soit 150 salariés au total, compte trois filiales régionales et chacune est contrôlée tous les sept ans environ. Je suis par ailleurs élu dans plusieurs instances de la Fédération française du bâtiment et de la CCI de Paris-Île-de-France.

L'arrivée du contrôleur est toujours un stress, elle est d'abord vécue avec méfiance et inquiétude parce que l'administration recherche avant tout les failles dans la gestion. De plus, le contrôle, comme par un « fait exprès », tombe toujours au mauvais moment - on n'a pas beaucoup de temps dans une PME, chaque poste est sur-occupé mais il faut faire une place au contrôleur, se rendre disponible pour lui expliquer la gestion, la vie de l'entreprise, à quoi s'ajoutent les réunions avec l'expert-comptable, voire avec l'avocat fiscaliste.

Les chefs d'entreprise, après une amélioration entre 2009 et 2011, ressentent une pression plus forte de l'administration fiscale - aussi bien que de l'Urssaf - depuis 2012. Les contrôles sont plus nombreux. Lors des assises de la fiscalité organisées en 2014, il a été dit que des pénalités pour manquement délibéré, c'est-à-dire des pénalités de 40 % ou 80 %, représenteraient 90 % des pénalités prononcées, contre 10 % il y a vingt-cinq ans : je ne sais pas si cette statistique est vraie, mais elle donne la tonalité. Les chefs d'entreprise sont traités comme des délinquants en puissance. Or la complexité du droit fiscal est effrayante, nous n'avons pas, au sein des PME, la culture nécessaire pour maîtriser ces règles si spécialisées. C'est bien cette complexité qui est à la source de la plupart des problèmes. Les choses empirent parce que les règles sont toujours plus complexes, mais aussi parce que l'administration se décharge toujours plus sur nous, en nous demandant littéralement de faire de la collecte et des contrôles à sa place. Je pense par exemple aux obligations nouvelles de contrôle des sous-traitants, à l'autoliquidation de la TVA, et demain peut-être au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu...

Pour avancer, j'ai décidé d'engager mon entreprise dans l'expérimentation de la « relation de confiance » lancée en 2013 avec l'administration fiscale. Celle-ci concerne une quinzaine d'entreprises seulement, dont deux PME. Le principe est celui d'un audit en cours d'exercice comptable, avec la définition préalable et commune de points de contrôle, afin de rectifier les anomalies, s'il y en a, avant la clôture des comptes. Le contrôle est ainsi concerté et reste en prise avec la réalité économique de l'entreprise, il s'y adapte et fait même une place aux cas d'école, aux exceptions - et il y en a toujours, vous êtes bien placés pour savoir que la loi ne peut pas tout prévoir. Cette expérimentation est intéressante, je crois qu'il faudrait généraliser ce mécanisme car il prend véritablement en compte la vie de l'entreprise, tout en demeurant dans le registre du contrôle fiscal.

Les commissions départementales des impôts (CDI) - et la commission nationale - offrent un recours essentiel pour les entreprises. Plus de 50 % des litiges y sont tranchés en faveur de l'entreprise. Leur fonctionnement paritaire, avec des représentants de l'administration fiscale et des représentants des entreprises, est tout à fait primordial. En Île-de-France, il y a dix-sept commissions, et quelque deux cent chefs d'entreprises désignés par la CCI y participent. C'est là que l'on peut échapper aux seuls débats d'experts et rechercher le consensus, dans l'intérêt général. Il est peut-être temps d'en élargir les compétences. Par exemple, le crédit d'impôt recherche (CIR) ne fait pas partie de leur champ de compétences, au motif qu'il implique de discuter de secrets de fabrication. Le CIR relève d'une commission ad hoc associant l'administration fiscale et le ministère de la recherche. L'argument du secret ne tient guère, sachant que les CDI ont connaissance des prix de transferts, qui relèvent du secret des affaires... Ce point avait été signalé par la commission d'enquête sur le CIR présidée par Francis Delattre.

Les relations avec l'administration fiscale sont donc en progrès, mais le problème majeur reste la complexité et l'opacité des règles fiscales. Ce climat d'insécurité juridique est déstabilisant pour les chefs d'entreprises. Le législateur y a sa part de responsabilité, avec l'administration fiscale, laquelle a toujours le dernier mot - comme pourrait l'illustrer l'organisation même de notre débat aujourd'hui !

Mme Michèle André, présidente. - Les membres du Parlement savent aussi se faire entendre par l'administration. Cependant, nous mesurons très bien l'importance de ce que vous nous dites, ce sentiment d'impuissance face à l'administration est inquiétant. Comme me l'a dit un jour un élu des Hautes-Pyrénées : « En pays Toy, on ne craint que Dieu, le tonnerre et l'avalanche... et depuis peu, l'administration ! ».

La parole est maintenant à Bruno Parent, directeur général des finances publiques, qui pourra nous présenter les grands axes de la politique du contrôle fiscal, et peut-être répondre aux observations qui viennent d'être faites.

M. Bruno Parent, directeur général des finances publiques. - Les interventions que nous venons d'entendre illustrent très bien les injonctions parfois contradictoires que l'on adresse au contrôle fiscal : être efficace, avoir un rendement élevé, mais aussi tenir compte des réalités économiques, de la vie de l'entreprise, appliquer l'intégralité du droit et des sanctions prévues tout en entretenant des relations de confiance et en étant toujours aimable... Notre métier, c'est de remplir tous ces objectifs, donc de les concilier. Nous devons, pour cela, séparer le bon grain de l'ivraie. C'est ce que nous faisons au quotidien, en distinguant la situation du chef d'une PME qui s'est trompé dans son analyse - et vous avez bien raison, la complexité des règles est une source d'erreurs tout à fait involontaires, notre devoir est d'expliquer le droit, de remettre chacun « dans le droit chemin », comme je l'ai entendu -, et la situation du fraudeur délibéré. Nous y sommes très attentifs et soyez assurés que nous n'avons pas du tout le même comportement et que nous ne déployons pas les mêmes moyens dans l'un et l'autre cas. Je suis heureux, ensuite, de vous entendre constater que le comportement des vérificateurs s'est amélioré sur longue période, qu'ils sont à l'écoute, car le dialogue est une condition de l'acceptation du contrôle fiscal : par nature, le contrôle est intrusif et dérangeant, nous devons prendre des précautions.

La réglementation fiscale est complexe, les contribuables ont besoin d'informations, de conseils : nous travaillons dans ce sens, nous développons des outils qui éclairent sur le droit applicable, en premier lieu le rescrit fiscal, dont je rappelle qu'il est gratuit, ouvert à tous les contribuables, et délivré dans des délais tout à fait raisonnables et même généralement salués. Sur longue période, le recours au rescrit a d'ailleurs beaucoup progressé.

Le contribuable contrôlé se demande inévitablement : « pourquoi moi ? ». Nous le savons et nous travaillons à plus de transparence, pour que le vérificateur indique dès le début quels seront ses axes d'investigation. Dans leur conférence de presse du 1er avril dernier, le ministre des finances, Michel Sapin, et le secrétaire d'État chargé du budget, Christian Eckert, ont même dit que cette pratique serait dorénavant érigée en règle nationale. Nous ne choisissons pas au hasard les entreprises qui font l'objet d'un contrôle, nous disposons d'une série de dispositifs qui nous permettent d'aller là où nous pensons trouver des fraudes ou des erreurs - même si nous pouvons nous tromper.

Faudrait-il une « cellule de dégrisement » pour les PME ? Je ne reprendrai pas la formule à mon compte, mais j'en comprends l'esprit et je rappelle que tout contribuable peut modifier sa déclaration lorsqu'il s'aperçoit qu'il s'est trompé ; la sanction éventuelle en tient compte. Nous publions également en ligne depuis cette année un certain nombre de pratiques, de montages, de situations fiscales que nous sommes amenés à redresser, afin que le droit soit connu de tous et que chacun puisse corriger ses erreurs éventuelles. Nous veillons, autant que possible, à ce qu'il y ait le moins de redressements « novateurs » - mais il y en aura toujours, du fait même de l'inventivité sans limite des conseillers fiscaux.

Je vous confirme que le chiffre de 90 % des contrôles donnant lieu à une pénalité de 40 % ou 80 % est tout à fait erroné, et je vous remercie de me donner l'occasion de le dire. La pénalité de 80 % correspond essentiellement à l'abus de droit, qui est relativement peu fréquent. La pénalité de 40 % correspond au manquement délibéré : la charge de la preuve pèse sur l'administration, et le juge regarde ce point avec une grande attention. En réalité, environ 30 % des contrôles débouchent sur une pénalité, étant entendu qu'il y a la plupart du temps plusieurs chefs de redressement au sein d'un même contrôle, et que la pénalité ne porte pas sur la totalité d'entre eux.

S'agissant de l'organisation de nos services, nous tâchons de faire de l'échelon interrégional le pilote de notre réseau de recherche et de contrôle fiscal externe. C'est également vrai en matière de poursuites correctionnelles : nous faisons des efforts pour attribuer un rôle extrêmement fort au niveau interrégional en la matière, et pour diversifier davantage les dossiers que nous soumettons à la commission des infractions fiscales (CIF) - même si nous reconnaissons que des progrès restent à faire. L'échelon interrégional a aussi toute sa place à prendre dans la programmation des contrôles, avec les techniques les plus modernes telles que l'analyse de données par des spécialistes. Il en va de même pour le recouvrement : ici encore, nous renforçons la place de l'échelon interrégional, notamment pour les dossiers les plus importants, qui relèvent de la direction nationale des vérifications de situations fiscales (DNVSF). Il faut y ajouter le redéploiement des moyens dans les territoires, en fonction de l'évolution des enjeux et des besoins. Les choses sont en cours en 2016, et seront bien entendu poursuivies en 2017.

La question des voies de recours, protectrices des garanties des contribuables, doit être appréciée de manière globale. Recours gracieux, interlocution, commission départementale des impôts - il peut certes arriver qu'un maillon soit perfectible, que tel agent ne s'éloigne pas de l'avis d'un autre, mais ce qui importe surtout, c'est que cette chaîne fonctionne. Vous constaterez d'ailleurs qu'il y a peu de domaines du droit où les possibilités de recours sont aussi nombreuses. Vous noterez par exemple que l'administration n'est pas liée par l'avis de la commission départementale, mais qu'en pratique elle le suit dans l'immense majorité des cas : c'est aussi un signe du dialogue. Notre droit prévoit et met en oeuvre des garanties tout à fait substantielles, c'est cela qui compte d'abord. Le revers de la médaille, qui en est indissociable, est que le recouvrement s'en trouve bien sûr retardé.

Il est faux de dire que l'administration fiscale ne rechercherait que les failles dans les déclarations et la gestion des entreprises. Cela ne correspond pas à la culture des agents, ni aux instructions qui sont données, même si c'est peut-être parfois la pratique. Il n'est pas rare que dans un contrôle, nous redressions des erreurs faites au détriment du contribuable, que nous lui accordions des dégrèvements : cela fait aussi partie de notre devoir.

Nous sommes très attachés à la qualité du dialogue avec les contribuables, qui est la condition de l'acceptation du contrôle fiscal. Le civisme fiscal n'est pas une donnée immédiate de la conscience humaine : il s'entretient par une relation apaisée avec l'administration fiscale. C'est aussi pourquoi nous sommes très actifs contre les fraudes les plus graves - en particulier contre les logiciels frauduleux. Je n'ai guère de latitude de vous en dire davantage dans une audition publique, mais sachez que contre les fraudeurs délibérés, nous n'avons pas du tout la même attitude qu'envers les contribuables qui font des erreurs involontaires.

Mme Michèle André, présidente. - En loi de finances pour 2016, nous avons adopté une obligation de mise en conformité des logiciels de caisse permissifs dans un délai de deux ans, à échéance 2018. Aujourd'hui, enregistre-t-on des plaintes au pénal ?

La question du recouvrement, aujourd'hui en partie regroupé dans des pôles spécialisés, suggère l'idée d'un service dédié aux créances complexes et à fort enjeu : qu'en pensez-vous ?

Les commissions départementales des impôts fonctionnent-elles de façon satisfaisante ?

Enfin, les contribuables semblent de plus en plus tentés de porter devant la justice leur contentieux fiscal : on recense 18 572 affaires en 2014, contre 15 532 en 2012... Y a-t-il là l'indication d'une tendance de fond, ou une fluctuation due au hasard ?

M. Thierry Carcenac, rapporteur spécial de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ». - Le système déclaratif a pour contrepartie le contrôle. Avec le pilotage national et la programmation, le service du contrôle fiscal assume un rôle accru : comment vous organisez-vous ?

S'agissant de la couverture du tissu économique par le contrôle fiscal, Patrice Puypéroux parle d'un contrôle tous les sept ans environ dans ses entreprises. Pouvez-vous nous en dire un plus sur la fréquence des vérifications ? Qu'en est-il, notamment, des écarts entre les départements ?

La dématérialisation et le e-commerce imposent une approche très nouvelle à l'administration. Est-ce une priorité dans la programmation, ou menez-vous plutôt des contrôles ponctuels ?

Quel est l'apport de la direction nationale d'enquêtes fiscales (DNEF) au résultat du contrôle fiscal ? Et celui des échanges automatiques d'informations fiscales entre différents pays ?

Quelles sont, enfin, les orientations assignées à la « relation de confiance » avec les entreprises : peut-on dire qu'il s'agit de passer d'un contrôle a posteriori à un contrôle a priori ?

M. Éric Doligé. - Le rapporteur général, qui est absent ce matin, aurait souhaité vous poser certaines questions que je vous soumets. L'idée suggérée par la Cour des comptes de confier aux directions interrégionales du contrôle fiscal (DIRCOFI) le rôle de pilotage vous semble-t-elle pertinente ?

Quels sont les obstacles à la formation et la spécialisation des agents ? Dans les fraudes complexes, est-il envisageable faire appel à des compétences extérieures, en recrutant par contrat des spécialistes sur des domaines très précis, par exemple des fiscalistes ou des experts-comptables ?

Une annexe aux comptes des entreprises détaille l'emploi du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) par les entreprises. Certaines hésitent à demander ce crédit d'impôt par crainte d'un contrôle fiscal. Ont-elles tort ? La DGFiP contrôle-t-elle l'utilisation qui est faite du CICE ?

Que préconisez-vous pour améliorer le taux de recouvrement ? Faut-il, notamment, généraliser les pôles de recouvrement spécialisés ?

Pourquoi le nombre de transactions a-t-il reculé de 39 % en 2015 ? Pourquoi le nombre des réclamations contentieuses a-t-il lui aussi diminué ?

La voie pénale est-elle une solution contre la fraude fiscale ? Elle semble rare : concerne-t-elle essentiellement des affaires simples ?

Encore un mot, cette fois en mon nom propre : avec les contrôles fiscaux, les contrôles de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), ceux des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (Urssaf), ceux de l'inspection du travail, les chefs de petites et moyennes entreprises perdent beaucoup de temps à gérer le contrôle permanent... Personnellement, lorsque je dirigeais une entreprise, j'ai subi de nombreux contrôles fiscaux, mais jamais de redressement : j'ai coûté cher au fisc, finalement ! Soit l'administration était mal informée, soit j'étais meilleur que les vérificateurs. Je le dis comme une boutade mais croyez-moi, quand on fait bien son travail, la visite des agents du fisc est douloureuse à vivre. Bien sûr, aujourd'hui, les relations sont plus aimables. Du reste, nous autres hommes politiques sommes contrôlés aussi - différemment, avec notamment la haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

Mme Michèle André, présidente. - Désormais, les parlementaires ont un contrôleur affecté, à la direction régionale.

M. Éric Bocquet. - La télétransmission a-t-elle modifié les conditions de travail des agents ? Quel est l'impact sur le recouvrement ?

La HATVP est chargée des « PEP », ou personnalités exposées politiquement. Quelle articulation y a-t-il entre ses services et ceux de la DGFiP ?

Les fonctionnaires doivent signaler toute situation suspecte, en application de l'article 40 du code de procédure pénale. Mais on sait les difficultés rencontrées par l'inspecteur des finances publiques Rémy Garnier lorsqu'il a décelé certaines irrégularités dans les déclarations fiscales d'un ministre du budget. Qu'en est-il vraiment ? Les agents de la DGFiP ont-ils vraiment toute latitude pour signaler et traiter les abus ?

La Cour des comptes dénonce l'insuffisance des moyens informatiques et humains. La loi fiscale se durcit mais comment peut-elle être mise en oeuvre, quand des centaines de postes sont supprimés chaque année ?

Les contrôles ne visent-ils pas surtout les fraudes les plus simples ? Les fraudes complexes ne sont-elles pas négligées ? N'y a-t-il pas une rupture d'égalité devant l'impôt entre les grands groupes, qui ont un taux d'imposition très faible, et les TPE ?

M. Marc Laménie. - La complexité est telle dans ces matières que les chefs de petites entreprises sont obligés de travailler sept jours sur sept et de payer des spécialistes en externe. Par ailleurs, il est souvent impossible de joindre un agent au téléphone.

Du reste, le particulier ou le maire d'une petite commune sont dans la même situation : quand on est à la tête d'une modeste commune de 170 habitants, il faut tout de même envoyer d'innombrables papiers en recommandé avec accusé de réception. Mais à quelles malversations pourrions-nous bien nous livrer ? Nous respectons les administrations de l'État, mais faisons face à une grande complexité...

Mme Fabienne Keller. - On a vu avec l'exemple grec la difficulté à lever l'impôt dans certains pays. Nous n'en mesurons que mieux l'importance de disposer des moyens d'appliquer la loi fiscale. Dispose-t-on de comparaisons entre pays sur le stress suscité par les contrôles fiscaux ? Peut-on envisager que le contrôle prenne davantage la forme d'un accompagnement, de recommandations, surtout auprès des PME, qui ont peu de moyens ?

Le rescrit se pratique beaucoup au Luxembourg ou en Suisse, y compris pour les dettes sociales. Certaines entreprises françaises préfèrent s'établir de l'autre côté de la frontière, quitte à payer un peu plus leurs employés, car elles disposeront d'une prévision à dix ans. Dispose-t-on de comparaisons à cet égard ?

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. - La programmation est-elle systématique ? Les entreprises utilisant le CIR ou un autre dispositif spécifique sont-elles ciblées ?

Est-il exact que le contrôle prend un tour de plus en plus juridique, les vérificateurs étant plus familiers des aspects juridiques que des volets comptables ?

La principale garantie pour le contribuable demeure la charge de la preuve, qui revient à l'administration. Cela est-il vrai à tous les stades de la procédure ?

M. François Marc. - Les droits et pénalités se sont montés à 19,3 milliards d'euros en 2014, dont 40,5 % seulement ont été recouvrés. Pourquoi ? On sait que cela s'explique notamment par des sociétés éphémères, par l'insolvabilité organisée, par des procédures contentieuses et remises gracieuses. Par ailleurs, on observe des écarts surprenants d'une année sur l'autre dans les taux de recouvrement : à quoi sont-ils dus ?

M. Francis Delattre. - L'initiative des poursuites pénales revient au ministre. Avec la logique de régionalisation du contrôle fiscal, qui les déclenchera ?

Le CIR est en théorie évalué conjointement par un inspecteur des impôts et un scientifique, désigné par le ministère de la recherche, mais qui n'est jamais présent. Or la commission d'évaluation ne conduira pas non plus un débat contradictoire. C'est un problème.

Après le fichier d'UBS, le fichier de HSBC a-t-il produit ses premiers effets ?

M. Charles Guené. - La « relation de confiance » et le rescrit sont appelés à se généraliser. Qu'en pensent les représentants des entreprises ? La tendance au benchmarking, au plan international, favorise-t-elle les échanges sur les problèmes rencontrés par les administrations des divers pays, sur les méthodes ? Ou bien est-ce la concurrence qui règne ?

M. Bernard Lalande. - La confiance sur laquelle repose le système déclaratif n'exclut pas le contrôle. Et puisque celui-ci rapporte des recettes, c'est que toutes les déclarations ne sont pas exactes... L'absence de contrôle, dès lors, reviendrait à entretenir une concurrence faussée.

Les spécialistes du chiffre et du droit qui assistent les entreprises n'ont pas d'obligation de résultat. Toutefois, s'ils ont mal conseillé leur client, leur assurance professionnelle peut contribuer à assumer le redressement fiscal. Cela me semble judicieux.

Le rescrit présente un avantage : faire valider des innovations fiscales.

Quant à l'économie numérique, je crois que l'administration s'est beaucoup interrogée sur les évolutions, voire les révolutions à mener, en ce qui concerne la perception de la taxe comme sur les contrôles. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

M. Raoul Briet. - Le contrôle fiscal, ne l'oublions pas, a d'autres finalités que budgétaires. La concurrence égale en est une.

Les effectifs du contrôle fiscal sont depuis longtemps sanctuarisés, ce qui est une exception parmi les administrations françaises. Le contrôle fiscal repose pour beaucoup sur la gestion des ressources humaines, l'optimisation des interventions selon les territoires. Il est évident que cette administration doit s'ouvrir plus largement à des expertises et des talents nouveaux.

J'avais rédigé un rapport il y a quinze ans sur la question de l'échelon régional : la réforme actuelle va dans le sens que je préconisais déjà.

Les systèmes d'information actuels ne sont guère adaptés pour mesurer les taux de recouvrement : faute de suivi au-delà de deux ans, on ne connaît pas la fin de l'histoire ! L'amélioration du taux de recouvrement va de pair avec une bonne programmation et une agilité du contrôle fiscal - lorsque l'on a affaire à une entreprise dont la vie économique est compromise, le recouvrement l'est aussi.

Les transactions étaient insuffisamment justifiées par la DGFiP mais des dispositions internes ont été prises pour y remédier. Ceci dit, il ne faut pas imposer des procédures trop lourdes, qui dissuadent les inspecteurs d'opter pour une telle démarche, ce qui explique la baisse constatée en 2015. Le cap a été rectifié depuis lors.

Enfin, les chefs d'entreprise qui ont des établissements en France et en Allemagne le disent, en ce qui concerne les relations avec l'administration fiscale, la comparaison n'est pas en défaveur de la France.

M. Gérard Orsini. - L'impôt rentre bien dans les caisses de l'État, ce qui prouve que le système déclaratif fonctionne. Le contrôle est une contrepartie légitime et admise comme telle.

Le décalage entre la notification du redressement et le recouvrement s'explique notamment par la phase de contestation, qui peut durer jusqu'à douze ans !

Les contraintes économiques sont à mon sens insuffisamment prises en compte. J'évoquerai par exemple le comité du contentieux fiscal, douanier et des changes, qui est saisi des recours gracieux les plus importants : il pourrait être opportun qu'y siègent des parlementaires, le cas échéant membres des commissions des finances, car in fine le problème est budgétaire. On pourrait envisager la possibilité de remises fiscales pour raisons économiques.

Le rescrit suppose une démarche active auprès de l'administration, mais les chefs d'entreprise y sont souvent réticents, par crainte d'une réponse négative. Le ruling fiscal qui se pratique à l'étranger est sensiblement différent, c'est un véritable traitement fiscal personnalisé pour le contribuable. Il existait par ailleurs le « régime du forfait » qui pouvait être sollicité par les entreprises naissantes pour déterminer de manière forfaitaire avec l'administration le bénéfice imposable leurs deux premières années d'activité, et qui était renouvelable tous les deux ans pour les très petites entreprises (TPE). L'avantage de cette formule était la rencontre avec l'administration fiscale. Ceci peut être très utile, sur le plan pédagogique, notamment pour des chefs d'entreprise étrangers peu familiarisés avec la culture fiscale française.

Il importe de confier à l'administration fiscale un rôle autant pédagogique que répressif. Lorsque l'on parle d'une pénalité de 40 %, n'oublions pas le poids que cela représente pour une petite entreprise : elle peut « tuer » un contribuable défaillant.

M. Patrice Puypéroux. - Il me semble que tous les chefs d'entreprise sélectionnés pour expérimenter les « relations de confiance » en ont parlé très positivement, c'est ce qui m'a convaincu de les rejoindre. C'est une démarche très réconfortante, à laquelle nous ne sommes pas habitués.

La complexité est mère de tous les ennuis. Toutes ces règles qui s'entrechoquent sont ingérables pour une PME, et font la part belle aux conseils extérieurs, à qui on va d'ailleurs demander les moyens de les contourner. Ces règles engendrent donc un business à mon sens lamentable, qui est l'une des grandes raisons de notre manque de compétitivité.

M. Bruno Parent. - La présidente a évoqué l'idée d'un service dédié aux créances complexes au niveau national. Dans les faits, ce service existe même s'il n'en porte pas le nom, et quelques dossiers célèbres en témoignent. Dans ces cas-là, les services centraux du ministère - « Bercy » - sont forcément à la manoeuvre dans les affaires les plus complexes, celles qui posent des questions de droit nouvelles, qui exigent une concertation avec la Chancellerie, qui suivent des jurisprudences fluctuantes etc. Nous avons des spécialistes, non seulement des procédures, mais aussi du droit civil ou encore du droit commercial.

S'agissant du e-commerce, vous savez que le député Pascal Terrasse a récemment remis au Premier ministre un rapport sur le sujet. Nous ne restons pas inertes en la matière. Tout d'abord, nous utilisons le nouveau droit de communication non nominatif adopté par le Parlement l'année dernière ; il s'agit d'une percée très importante, qui permet d'interroger des entreprises en caractérisant une situation, mais sans avoir besoin de préciser l'identité des personnes que, par définition, nous ignorons. Nous sommes également loin d'être inactifs sur le sujet des « établissements stables », c'est-à-dire des entités qui font des affaires en France mais estiment ne pas y avoir de base taxable. Même si le secret fiscal m'interdit d'en dire davantage, nous nous attachons à démontrer qu'une plateforme Internet située à l'étranger peut générer un chiffre d'affaires imposable en France, y compris par le recours à des perquisitions fiscales.

S'agissant de la spécialisation accrue des vérificateurs, notre position est plutôt que ceux-ci doivent conserver une perspective générale, mais qu'ils puissent recourir à des experts en soutien. C'est vrai en matière informatique, en matière financière, et dans d'autres domaines. Faut-il, parfois, avoir recours à des tiers pour des compétences que notre administration ne possède pas aujourd'hui en interne ? La réponse est oui : je n'ai pas d'états d'âme de principe. Mais nous devons respecter le cadre de la fonction publique, et garder à l'esprit que le contrôle fiscal répond à des exigences légales précises. Nous sommes prudents mais déterminés. Gardons par ailleurs à l'esprit que la DGFiP a apporté une contribution très forte au redressement des finances publiques - 30 000 emplois supprimés depuis la fin des années 1990 -, et il importe de trouver un équilibre entre nos contraintes financières et le recrutement d'expertises extérieures. Dans le domaine du data mining, le recours à des experts pointus est indispensable.

L'administration fiscale contrôle-t-elle l'usage qui est fait du CICE ? La réponse tient en un mot : non.

M. François Marc. - Bravo.

M. Bruno Parent. - Je le dis d'autant plus fortement que j'ai compris le malentendu qui existait pour certains chefs d'entreprise, et qui expliquerait en partie, selon certains analystes, le recours supposé plus modéré que prévu au CICE en 2014. Ce crédit d'impôt étant monté en régime, il est possible qu'il soit davantage entré dans le champ de contrôles fiscaux effectués, mais je le répète ici : l'administration fiscale n'est pas chargée de contrôler l'usage du CICE.

Une transaction est un contrat : il y a transaction quand les intérêts des deux parties poussent en ce sens. Pour faire simple, l'intérêt de l'administration est de faire rentrer l'argent plus vite, et l'intérêt des chefs d'entreprise est de payer un montant un peu moindre, et de retourner plus rapidement à leur coeur de métier. C'est donc un bon système, salubre dans son principe. Sous l'effet de diverses circonstances, et notamment suite à un rapport de la Cour des comptes, le système a été durci et la pratique s'en est érodée : décision a été prise il y a un an de la relancer. Le fruit en apparaîtra bientôt et la courbe statistique, qui a connu une chute très spectaculaire, se redressera en conséquence.

Il existe une articulation forte entre la Haute autorité pour la transparence de la vie publique et nos services, puisque la loi nous prescrit de répondre aux demandes qu'elle nous fait concernant le patrimoine et la situation des ministres, des parlementaires etc. Notre collaboration est étroite et se fait en confiance, comme l'a voulu le législateur.

Vous avez évoqué les latitudes de décision aux divers échelons de l'administration. En haut, les choses sont simples désormais : seule l'administration fiscale connaît des décisions fiscales individuelles - les ministres ne souhaitent pas et n'ont pas à en connaître. L'échelon ultime dans la hiérarchie est le directeur général des finances publiques et le chef du service du contrôle fiscal. Cela est également vrai au niveau local. Cela dit, la législation est complexe, comme cela a été dit ; aussi, les vérificateurs ne travaillent bien sûr pas seuls, mais au sein d'une brigade dont l'inspecteur principal vise les notifications, ce qui est la garantie d'un contrôle de qualité et de sanctions proportionnées et motivées.

Non, l'administration fiscale ne s'intéresse pas seulement aux petits dossiers, aux vérifications faciles, au « tout cuit » - c'est même le contraire. Les grandes entreprises, qui relèvent de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI), représentent 50 % du produit national du contrôle fiscal en entreprise. Or, chacun le sait, les grandes entreprises ont des moyens importants : les redressements sont très complexes, au point d'ailleurs de nous conduire à de longs contentieux, d'avoir recours à l'assistance internationale etc. Nous intervenons dans toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

Pour le rescrit, il faut être deux. Il faut le distinguer du système de ruling en vigueur dans d'autres pays, qui se traduit par des facilités et une sécurité données sur une dizaine d'années, ce que le droit français ne prévoit pas. L'enquête menée par la Commission européenne a d'ailleurs montré des différences de pratiques, notamment entre la France et d'autres pays pas si lointains.

Je voudrais insister sur les entreprises naissantes. Nous essayons ces dernières années de leur offrir un service d'accompagnement. Nous leur adressions des courriers, afin qu'elles prennent contact avec nous, pour la fiscalité mais aussi pour la gestion, les formalités, la télétransmission etc. Nous sommes encore en deçà des possibilités. Pourquoi ? Peut-être certains pensent-ils encore que pour vivre heureux, il faut vivre caché ? Ils craignent que l'administration leur donne tort s'ils posent une question. Nous travaillons à tout ce qui peut donner davantage de confiance aux contribuables : la prévention est toujours préférable au contrôle. Il faut être honnête : nous n'y sommes pas encore.

Peut-être les contribuables sont-ils d'ailleurs incités par certains à ne pas se tourner vers nous ? Comme je l'ai rappelé, les rescrits, eux, sont gratuits...

Nous répondons au téléphone, notamment via des plateformes spécialisées. Et les choses ne se passent pas si mal, comme le montrent par exemple les enquêtes Marianne. Mais, c'est vrai, une administration ne peut pas perdre 30 000 emplois sans conséquences. Nous avons donc en parallèle développé les échanges par courriels, qui ont par ailleurs l'avantage de la traçabilité - or lorsque l'administration fait une réponse, elle s'engage, et l'écrit permet d'en conserver la preuve. Nous expérimentons un centre de contact téléphonique plus perfectionné à Chartres : les téléopérateurs ont sous les yeux l'ensemble du dossier du contribuable qui les interroge, et peuvent effectuer les démarches en temps réel et de manière traçable, comme cela existe dans le secteur privé.

Les variations annuelles du taux de recouvrement s'expliquent notamment par la concentration sur quelques dossiers de montants considérables : une seule notification d'un milliard d'euros, ou même de 500 millions d'euros, peut avoir une influence sensible sur le résultat national de l'année.

La situation économique est également un facteur d'explication, les entreprises pouvant bien entendu défendre leurs droits, demander des délais de paiement etc. Le taux de recouvrement est forcément amoindri par le caractère évanescent de certaines entreprises : dans le cas des carrousels de TVA, qui peuvent porter sur des sommes importantes, les responsables disparaissent sans laisser aucune trace. L'organisation du recouvrement pourrait-elle être meilleure ? Des progrès sont sans doute possibles, mais au niveau de l'Union européenne et de l'OCDE, nous n'avons pas à rougir des comparaisons internationales.

Il est inévitable que le taux de recouvrement soit plus élevé pour les grandes entreprises, qui sont naturellement plus solvables. En revanche, les remises gracieuses ne comptent pas pour grand-chose dans l'explication du faible taux de recouvrement.

La Cour des comptes demande un suivi plus serré du recouvrement : nous le ferons - dans la limite du système d'information existant bien sûr.

Le comité consultatif pour le CIR entendra les chefs d'entreprise, la procédure est donc bien contradictoire. La législation date de la fin de l'année dernière, les textes d'application sont prêts, il sera installé en milieu d'année et nous tirerons dans l'avenir un bilan de son activité. Le CIR entraîne-t-il automatiquement un contrôle fiscal ? La réponse à cette question récurrente est : non.

M. Francis Delattre. - Notre commission d'enquête l'a d'ailleurs confirmé.

M. Bruno Parent. - D'ailleurs, comment pourrions-nous matériellement contrôler toutes les entreprises qui y ont recours ? En revanche, si nous ne nous penchions pas aussi sur cet aspect de la comptabilité, ce serait une défaillance de notre part. L'utilisation du CIR se développe, les sommes en cause augmentent, la dépense publique aussi, nous avons logiquement suivi cette évolution. Mais la programmation repose toujours sur un faisceau d'indices, et le CIR est un élément parmi d'autres. On ne me croit pas toujours lorsque je le dis, tant cette idée résiste, comme naguère l'affirmation, également fausse, d'une rémunération au rendement pour les vérificateurs.

La « relation de confiance » concerne seulement une vingtaine d'entreprises, qui n'ont pas été extrêmement nombreuses à se porter volontaires, mais qui forment un panel diversifié. Les effectifs que la DGFiP y consacre ne sont donc pas très nombreux. C'est pour l'instant une expérimentation, nous n'en sommes pas au stade de la généralisation. Le bilan en sera tiré début 2017. Il faudra trouver un équilibre entre cette forme de contrôle volontaire - où c'est, pour ainsi dire, l'entreprise qui « préempte » les moyens de l'administration - et les contrôles conduits à notre initiative.

La réunion est levée à 12 h 55.