Mardi 9 novembre 2021

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 14 h 35.

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Travail et emploi » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Mes chers collègues, avant l'examen des rapports, je veux vous dire le plaisir que j'ai à vous retrouver après un petit temps d'absence, et remercier Christine Lavarde et Dominique de Legge de m'avoir suppléé - et Bernard Delcros de s'être tenu prêt à le faire...

J'accueille en votre nom Frédérique Puissat, notre collègue de la commission des affaires sociales, rapporteur pour avis sur la mission « Travail et emploi ». Je donne à présent la parole à nos deux rapporteurs spéciaux, Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Dans la version initiale du texte, les crédits demandés au titre de la mission « Travail et emploi » pour le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 s'élevaient à 14,7 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), et à 13,4 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Cela représentait une hausse d'environ 4 % des AE et une stabilité des CP à périmètre constant par rapport aux crédits ouverts dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2021.

Cependant, ce budget était encore incomplet, puisque ces crédits ont été majorés de 1,1 milliard d'euros en AE et de 1,3 milliard d'euros en CP en première lecture à l'Assemblée nationale. En intégrant ces modifications, la hausse des crédits par rapport à 2021 serait de 10,5 % en AE et de 8,2 % en CP, ce qui est loin d'être négligeable.

Ces crédits supplémentaires doivent financer un plan de réduction des tensions de recrutement à hauteur de 700 millions d'euros, et la mise en oeuvre du nouveau contrat d'engagement jeune (CEJ), objet de l'article 57, rattaché à la mission, à hauteur de 550 millions d'euros.

Ces modifications substantielles, proposées en cours d'examen, sans évaluation préalable et déjà critiquées par le Haut Conseil des finances publiques, ne simplifient pas notre tâche de parlementaires. À titre d'exemple, la réforme concernant le CEJ, déjà annoncée - sous un autre nom - en juillet dernier par le Président de la République, aurait pu être intégrée d'emblée au PLF, quitte à être ajustée au cours de la discussion parlementaire.

Avant de poursuivre mon analyse du budget, je tiens à rappeler qu'il s'inscrit dans une conjoncture très particulière sur le marché du travail. En effet, la situation actuelle est marquée par un recul du chômage, revenu à son niveau d'avant-crise, par des difficultés persistantes d'accès à l'emploi pour certaines catégories d'actifs, en particulier les jeunes, ainsi que par de très fortes tensions de recrutement dans nos entreprises.

Le budget a le mérite de répondre très directement à ces enjeux, en prévoyant le financement d'un plan de réduction des tensions de recrutement centré sur la formation professionnelle et ciblé sur les chômeurs de longue durée, ainsi qu'un renforcement important des crédits destinés aux personnes les plus éloignées du marché du travail.

Je constate ainsi avec satisfaction la poursuite de l'effort mené en faveur du secteur de l'insertion par l'activité économique (IAE), qui a fait la preuve de son efficacité. Ce soutien totaliserait 1,3 milliard d'euros en 2022, soit près de 1 milliard d'euros de plus qu'en 2017.

Cependant, j'aurais plus de réserves sur le niveau élevé de financement des contrats aidés en 2022, dont l'efficacité semble plus douteuse. Au total, 759 millions d'euros seraient prévus au titre des nouvelles entrées, dont 300 millions d'euros consacrés aux jeunes. Le niveau de financement reste toutefois très en-dessous des 3,3 milliards d'euros de la loi de finances pour 2015.

Je note également que l'effort de maîtrise structurelle des effectifs a été maintenu, au travers d'un schéma d'emploi nul pour cette année, et d'un bilan de diminution des effectifs de 781 équivalents temps plein travaillé (ETPT) depuis 2018. Si l'amélioration de la conjoncture constatée en 2021 devait se poursuivre, j'appellerais à ce que les efforts de rationalisation de la dépense entrepris en 2018 puissent reprendre, notamment en matière de contrats aidés.

J'aimerais enfin dire un mot du CEJ. Il s'agit d'une réforme en profondeur du système d'accompagnement des jeunes en difficulté, qui engloberait et remplacerait son dispositif le plus emblématique : la Garantie jeunes. Contrairement à celle-ci, le CEJ serait un droit pour tous les jeunes rencontrant des difficultés d'insertion. Des conditions de ressources seraient néanmoins toujours requises pour bénéficier d'une allocation mensuelle, dont le montant resterait plafonné à 500 euros.

Le CEJ impliquerait un accompagnement encore intensifié - quinze à vingt heures hebdomadaires tout au long du parcours -, ainsi que des contreparties renforcées de la part du jeune. Cette solution semble préférable à celle d'un « RSA jeune », souvent évoquée, et qui présente le risque d'une installation durable dans la pauvreté et d'une dépendance aux minima sociaux.

Le CEJ paraît en outre de nature à simplifier le système et à limiter les phénomènes de concurrence entre les nombreux dispositifs de politique d'accompagnement des jeunes. En cela, il répond à une problématique bien réelle, mise en avant dans notre récent rapport sur les missions locales et liée à la concurrence entre les différents dispositifs et au besoin d'harmonisation de l'ensemble des aides.

Cependant, il ne répond pas à notre recommandation visant à conforter la place des missions locales au coeur du système, puisque ces dernières seraient mises sur un pied d'égalité avec Pôle emploi. De notre côté, nous avions préconisé que les missions locales, acteurs de référence à l'expertise reconnue, soient seules en mesure de porter ce type de dispositifs.

Le dispositif du CEJ mobiliserait un total de 2,6 milliards d'euros en 2022, dont 550 millions d'euros de crédits nouveaux. De plus, il prévoit 400 000 entrées, ce qui paraît ambitieux. Au vu des crédits déjà très importants alloués à la politique d'insertion des jeunes dans la version initiale du texte, je doute du caractère indispensable de ce nouvel abondement de 550 millions d'euros.

Compte tenu du caractère très tardif de la présentation de cette réforme, issue d'un amendement gouvernemental déposé mercredi dernier en l'absence de toute évaluation préalable, il m'est difficile, en tant que rapporteur spécial, de donner un avis pleinement éclairé sur ce dispositif. Ainsi m'en remettrai-je à la sagesse de notre commission lors de l'examen de l'article 57.

Néanmoins, je propose d'adopter les crédits de la mission, tout en restant vigilant sur leur évolution future.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. - Je veux à mon tour revenir sur le CEJ, ou plutôt sur ce que je comprends d'un dispositif aux contours encore bien flous.

La méthode retenue par le Gouvernement est d'autant plus regrettable qu'il s'agit d'un enjeu d'importance et d'une réforme structurelle, qui aurait mérité un débat bien plus approfondi, sur la base d'éléments précis et détaillés. En effet, il semble étonnant de remplacer la garantie jeunes sans la moindre évaluation préalable, et alors même que celle-ci a fait la preuve de son efficacité.

En outre, il semble impératif de clarifier rapidement les modalités de calcul de l'allocation versée dans le cadre du nouveau dispositif, qui, en l'état, semble pouvoir conduire, dans certains cas, à des montants plus faibles, à situation identique, que ceux qui auraient été versés dans le cadre de la Garantie jeunes.

Je partage ce qui a été dit quant à la nécessité de clarifier l'offre d'accompagnement des jeunes, en harmonisant leurs conditions d'accès à une aide financière, de façon à leur permettre de s'orienter ensuite plus facilement vers la structure ou le dispositif le plus adapté à leurs besoins et à leurs projets.

Toutefois, tel qu'il est présenté, le CEJ semble porter le risque d'une dilution du modèle original de la mission locale, et, avec lui, de la capacité à offrir aux jeunes un accompagnement global et centré sur leurs difficultés concrètes. Le CEJ témoigne, à ce titre, de la conception trop restrictive de la politique de l'emploi du Gouvernement centrée vers le retour rapide à l'emploi. Pourtant, la patiente levée structurelle des freins périphériques à l'emploi des jeunes, notamment en matière d'orientation, de santé ou de logement, constitue la voie la plus efficace pour une insertion sociale et professionnelle durable.

Enfin, la possibilité ouverte par l'article 57 de confier la mise en oeuvre du CEJ à des acteurs privés, sans offrir plus de précisions, constitue une réelle source d'inquiétude, pour ne pas dire d'un certain effroi...

Des moyens importants sont mobilisés. On peut s'en féliciter, au vu de la situation encore préoccupante de centaines de milliers de jeunes dans notre pays. Cependant, d'après ce que j'en comprends, je n'adhère pas à la philosophie d'ensemble qui déterminera l'utilisation de ces nouveaux moyens. Comme Emmanuel Capus, je m'en remettrai donc à la sagesse de notre commission sur cet article.

Le constat sur le CEJ vaut d'une certaine façon pour l'ensemble de la mission. Toutefois, je relève quelques éléments positifs, notamment l'extension à de nouveau territoires de l'expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée », dont je soutiens pleinement la démarche, comme nous tous puisque le Sénat a voté la proposition de loi permettant cette extension.

Par ailleurs, j'ai toujours été convaincue de l'efficacité comme de l'utilité sociale des contrats aidés. Je ne suis donc pas surprise que le Gouvernement ait remobilisé ces instruments, même si le taux de prise en charge demeure insuffisant, ce qui complique l'accès à ces contrats pour de nombreux acteurs associatifs financièrement fragiles.

Certes, les crédits de la mission augmenteraient de façon importante en 2022, ce dont je ne peux que me réjouir, compte tenu de la cure d'austérité administrée au ministère du travail dans les premières années du quinquennat. Pour autant, je suis loin de partager la philosophie d'ensemble de ce budget.

Tout d'abord, la hausse des crédits demandés pour 2022 tient, comme celle des emplois, à des motifs conjoncturels et temporaires, à l'instar du plan de réduction des tensions de recrutement ou encore du recrutement de vacataires au titre du plan de contrôle de l'activité partielle. Le recours à ce type de recrutement pose un problème en soi. En effet, il renvoie le signal paradoxal d'un ministère chargé de l'amélioration de la qualité de l'emploi, mais créateur de précarité pour ses propres agents.

En outre, les réductions structurelles se poursuivraient à un rythme soutenu pour Pôle emploi, puisqu'une diminution du plafond de 650 ETPT est prévue, ainsi que pour l'Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui connaîtrait une diminution du plafond de 194 ETPT, dans le contexte d'un plan de transformation de l'agence particulièrement brutal.

Enfin, la subvention pour charges de service public versée à Pôle emploi n'en finit pas de baisser : elle diminue de 85 millions d'euros cette année. Certes, un renfort de 175 millions d'euros est prévu dans le cadre de la mission « Plan de relance », mais il ne s'agit que de compenser - imparfaitement - la diminution de la contribution de l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (Unédic) au financement de Pôle emploi, une évolution directement liée à la crise. Cette modalité de financement de Pôle emploi montre ici ses limites, son caractère procyclique étant mal adapté à la mission de l'opérateur. Enfin, sur le plan des principes, il me paraît contestable de faire supporter aux chômeurs le coût du service public de l'emploi.

Pour toutes ces raisons, je vous propose de rejeter les crédits de la mission.

Mme Frédérique Puissat, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. - Je commencerai par rappeler que la commission des affaires sociales ne fait que commencer ses auditions sur cette mission. Cependant, je souscris au constat de terrain que vous posez : un certain nombre de personnes sont éloignées de l'emploi et les secteurs en tension sont de plus en plus nombreux sur nos territoires.

Nous devrions tous partager un même objectif : l'existence de dispositifs efficaces et pérennes. Or je rejoins à ce stade le constat des rapporteurs. Je rappelle que, bien que le bilan de l'année 2021 n'ait pas encore été dressé, 10 milliards d'euros ont été ajoutés par le plan de relance à la mission « Travail et emploi ». Ainsi, alors même que l'on ignore si les objectifs assignés par le plan ont été atteints, la création d'un nouveau dispositif est proposée, dispositif dont on peine à savoir en quoi il consistera, quel sera son coût, et s'il se substituera ou non à la Garantie jeunes.

En plus de ces incertitudes, il semble légitime de se questionner sur France compétences, qui joue un rôle central dans la politique de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Le second projet de loi de finances rectificative pour 2021 prévoit une subvention de 2 milliards d'euros en faveur de cet opérateur pour combler un déficit, sachant que le directeur général de cette institution, que nous avons entendu hier, annonce que, en dépit de cette somme, le solde attendu au terme de l'année 2022 sera négatif de 4 milliards d'euros.

Il me semble donc légitime de que nous nous interrogions sur la sincérité de ce budget. Si nous n'avons pas encore arrêté notre position, mon regard sur la mission diffère de celui que je portais en 2021 - nous avions alors validé les crédits.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cette mission semble assez représentative du quinquennat. Le bilan est complexe à tirer, puisqu'elle se clôt sur une nouvelle mesure, annoncée à la dernière minute, sans évaluation ni étude d'impact préalable. Cela paraît dommage, mais aussi préjudiciable à un travail éclairé des commissaires, qui peuvent plus facilement se prononcer quand ils comprennent la nature des dispositifs mis en place et disposent des éléments nécessaires pour le faire.

Emmanuel Capus évoque le rôle qu'il aurait voulu voir jouer de façon exclusive par les missions locales, mais ces missions couvrent-elles suffisamment la totalité du territoire ? À ma connaissance, cela n'est pas certain.

De plus, il semblerait que 900 recrutements soient prévus à Pôle emploi pour mettre en oeuvre le dispositif. Quelles en seront les modalités ? Comment évolueront ces effectifs, sachant que ces besoins seront voués à diminuer à mesure que nous gagnerons en efficacité ?

Je partage l'incertitude exprimée par les rapporteurs et relève aussi des carences dans un dispositif annoncé très tardivement. Lors de sa présentation de la semaine dernière, M. le ministre Olivier Dussopt a d'ailleurs employé le terme « revenu d'engagement » pour « contrat d'engagement », ce qui semble aussi révélateur d'une certaine impréparation.

M. Éric Jeansannetas. - Je partage ce que M. le rapporteur général vient de dire sur ce dispositif, qui a été annoncé tardivement et qui sera mis en place à la dernière minute, le 1er mars 2022.

Les deux rapporteurs spéciaux ont souvent parlé d'une même voix, notamment sur le rôle des missions locales, sur la Garantie jeunes et sur la nécessité d'obtenir des éclaircissements sur les différents dispositifs, dont on perçoit bien mal les contours. À vrai dire, j'éprouve une certaine difficulté à formuler des questions, auxquelles vous n'aurez probablement pas de réponses...

Les techniciens et conseillers en insertion avaient consolidé le dispositif de la Garantie jeunes grâce à une méthodologie efficace. C'est dans ce contexte que surgit un trouble, créé notamment par l'annonce du nouveau rôle à jouer par les associations. De quelles associations s'agit-il ? Auprès de qui joueraient-elles un rôle ? Conseiller en insertion professionnelle est un métier, qui s'est professionnalisé au fil du temps. Je m'interroge sur l'opportunité de la participation de ces associations.

En outre, je m'associe à la question de M. le rapporteur général : Pôle emploi est-il équipé pour faire face à cet afflux de jeunes gens sans emploi ni ressources ? Quels seront les moyens déployés ? On évoque 400 000 jeunes, mais le chiffre reste flou. Inclut-il les 200 000 garanties jeunes annoncées pour 2022, les 100 000 jeunes relevant de la cotraitance entre Pôle emploi et les missions locales ? Le nouveau dispositif a été annoncé très tard et provoque beaucoup d'incertitudes quant à sa mise en oeuvre. Enfin, l'ajout de 1,3 milliard d'euros de crédits supplémentaires par simple amendement pose question.

M. Marc Laménie. - Je remercie nos deux rapporteurs spéciaux, ainsi que notre rapporteur pour avis.

Les masses financières engagées en faveur de cette mission sont importantes, avec 13,4 milliards d'euros en crédits de paiement, mais les rapporteurs spéciaux ont mis en évidence un manque de lisibilité. Pôle emploi n'est pas le seul opérateur de l'État à être concerné. A-t-on une idée de la répartition des moyens humains mobilisés sur les territoires ? Comment peut s'opérer l'articulation en termes de communication ?

Les missions locales ont un rôle important à jouer pour l'avenir des jeunes. Comment leur action s'articule-t-elle avec celle des associations d'insertion et des acteurs de l'économie sociale et solidaire ?

S'agissant des contrats aidés, quels sont les liens avec les collectivités locales ? On sait que ces dispositifs étaient utiles et permettaient aux élus de recruter des personnes de qualité, mais que le recrutement et le renouvellement des contrats étaient compliqués.

M. Bernard Delcros. - Dès 2017-2018, l'exécutif avait défendu la suppression des contrats aidés. Au fil du temps, notamment à travers le volontariat territorial en administration (VTA), il y est revenu...

Quelle est votre analyse de la situation ? Quels sont les dispositifs existant aujourd'hui ? Quel bilan en tirez-vous ? Quelles sont les perspectives, compte tenu notamment de la baisse du chômage ?

M. Éric Bocquet. - On se souvient tous que l'une des premières décisions du quinquennat fut la suppression des contrats aidés - leur nombre est passé de 320 000 en 2017 à 130 000 en 2019 -, que le Président de la République trouvait « inutiles » et « inefficaces » ; il avait évoqué des contrats « à la petite semaine », « sans avenir ».

Lors des auditions, a-t-on pu vous expliquer en quoi le dispositif nouveau était différent des contrats qui ont été supprimés voilà quatre ans ?

M. Didier Rambaud. - Nous aurions peut-être pu commencer par citer le taux de chômage actuel, qui est le plus bas que notre pays ait connu depuis 2007.

Je suis interpellé par le très grand nombre d'offres d'emploi non pourvues. Ce n'est pas qu'un problème de qualification ou d'apprentissage. 25 000 postes de chauffeurs ne sont pas pourvus. Dans mon département de montagne, les stations de ski ont passé un appel au secours dans la presse locale, car elles ne trouvent pas assez de saisonniers...

Au-delà des problèmes de forme, il faut se poser les questions essentielles.

Mme Sophie Taillé-Polian, rapporteure spéciale. - Je remercie Frédérique Puissat de nous laisser entrevoir le moment où la commission des affaires sociales pourra auditionner les acteurs et se faire un avis plus éclairé que le nôtre sur le contrat d'engagement jeune... Pour notre part, nous n'avons pas eu le temps de mener des auditions sur ce sujet.

Cependant, nous sommes à peu près certains qu'il viendrait remplacer la Garantie jeunes, qui disparaît de l'article L. 5131-6 du code du travail.

Il faut rappeler le contexte politique dans lequel s'inscrit ce dispositif, à savoir la demande constante, notamment depuis la crise sanitaire, en faveur d'une ouverture du revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes, afin de tenir compte d'un certain nombre de situations de pauvreté extrême.

Toutefois, le dispositif est très loin d'être à la hauteur de l'enjeu. Que se passera-t-il d'ici au 1er mars ? Comment parvenir à atteindre 400 000 jeunes ?

On déstabilise les missions locales en leur ôtant leur outil principal, qui fonctionne. On donne beaucoup de moyens à Pôle emploi, mais au détriment d'un accompagnement global du jeune, pour lequel le savoir-faire des missions locales est reconnu. 900 postes seront créés à Pôle emploi pour la mise en place du contrat engagement jeune, mais nul ne sait vraiment ce que l'on va bien pouvoir faire faire à ces jeunes entre 15 à 20 heures par semaine... On ignore la substance du dispositif. Cette façon de procéder me paraît un peu aventureuse. La méthode n'est respectueuse ni des parlementaires, ni des missions locales, ni des jeunes eux-mêmes.

Les contrats aidés sont les mêmes qu'avant ; ceux qui sont ajoutés concernent le secteur marchand. Aucune évaluation ne nous permet de vérifier que les taux d'insertion sont meilleurs. On constate tout de même qu'un certain nombre de structures, notamment associatives, ont plus de difficultés à accéder à ces contrats aidés, car ils sont moins subventionnés.

S'agissant de la courbe de chômage, je rappelle qu'il y a tout de même dans notre pays 710 000 chômeurs de longue, voire de très longue durée ! C'est surtout pour ces personnes « à fond de cale » que j'appelle à rejeter les crédits de la mission. L'augmentation importante des crédits du ministère du travail est seulement conjoncturelle et les moyens ne sont pas suffisants pour répondre à la situation des centaines de milliers de personnes qui se trouvent dans l'impasse, en mettant en en place les politiques structurelles de longue durée qui pourraient leur permettre de retrouver le chemin de l'insertion.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Je partage un grand nombre des interrogations qui ont été exprimées.

L'essentiel des questions porte sur deux points : le contrat d'engagement jeune et les contrats aidés. C'est d'ailleurs sur ces deux points que je me suis montré le plus critique dans mon intervention. Au reste, ces points d'achoppement ne représentent pas l'essentiel des crédits. Je répète que, globalement, les crédits me semblent aller dans le bon sens.

Mme Puissat, je partage votre constat sur les personnes « à fond de cale », celles qui sont les plus éloignées du marché du travail.

Bien évidemment, nous ne disposons pas encore du bilan du plan de relance.

S'agissant de France compétences, une subvention exceptionnelle de l'État de 2 milliards d'euros est prévue. Les ouvertures de crédits correspondantes sont demandées dans le cadre du second projet de loi de finances rectificative pour 2021, en cours d'examen. Je relève qu'en 2022, aucune subvention de cette nature n'est prévue à ce stade, et donc que l'opérateur ne serait financé que par les recettes de la contribution unique à la formation professionnelle et à l'alternance. Je ne peux donc pas en dire davantage pour ce qui concerne l'examen du PLF 2022.

Sophie Taillé-Polian a déjà répondu sur le contrat d'engagement jeune. Il nous semble assez clair que celui-ci vient remplacer la Garantie jeunes. Le mécanisme est assez semblable, mais vise un public élargi : il ne bénéficierait non plus à 200 000, mais à 400 000 jeunes, et fixe des engagements et des devoirs renforcés pour ces derniers.

Pour M. le rapporteur général, les missions locales sont-elles suffisamment présentes sur le terrain ? Il nous a semblé que oui. On en dénombre actuellement 427. Le Gouvernement nous dit que le nombre d'antennes très important de Pôle emploi ferait plus que doubler le maillage territorial. Au demeurant, le problème n'était pas tant le maillage que la nécessité d'un guichet unique pour simplifier le système.

Pour ce qui est des moyens alloués à Pôle emploi, nos informations sont encore limitées. On sait simplement que 900 recrutements sont prévus à Pôle emploi, a priori pour gérer le contrat d'engagement jeune, ce qui est considérable. Les amendements votés à l'Assemblée nationale flèchent 246 millions d'euros en faveur des opérateurs du service public de l'emploi, sans que l'on ne sache précisément à ce stade quelle part reviendrait à Pôle emploi. Les moyens paraissent assez importants, même si, je le répète, l'objectif de 400 000 contrats d'engagement me semble audacieux, alors que l'objectif de 200 000 garanties jeunes n'est pas encore atteint. Je n'ai pas de réponse sur le type de contrats qui permettront d'embaucher ces 900 agents supplémentaires.

M. Jeansannetas, oui, je pense que Pôle emploi est équipé. Je pense que ses représentants, que nous avons auditionnés, s'attendaient à ce nouveau dispositif et même qu'ils ont milité en sa faveur. En tout état de cause, ils ne nous ont pas du tout semblé inquiets. Il faut dire qu'ils ont une certaine habitude de ce type de publics, avec l'accompagnement intensif des jeunes (AIJ), même si ce n'est pas leur mission prioritaire.

Le texte prévoit une mise en oeuvre par tout organisme public ou privé fournissant des services relatifs au placement, à l'insertion, à la formation, à l'accompagnement et au maintien dans l'emploi des personnes en recherche d'emploi. Cette formule est assez vaste ; son application impliquera, a priori, la passation de marchés publics. Il est vrai que cela complexifiera encore un peu plus le paysage, en termes de nombre d'interlocuteurs.

Concernant les moyens humains sur le terrain, monsieur Laménie, ce sont les missions locales, Pôle emploi et les futures associations qui pourraient être mobilisés. Les liens avec les collectivités locales sont ceux qui existent aujourd'hui avec les missions locales.

Monsieur Delcros, vous savez que je ne suis pas favorable aux contrats aidés. Je me suis d'ailleurs félicité de leur transformation ces dernières années. Restent les parcours emploi compétences (PEC), mis en place au moment de la suppression des contrats aidés du précédent quinquennat ; il y en a 100 000 aujourd'hui, exclusivement centrés sur le secteur non marchand. Les contrats initiative emploi (CIE) étaient au nombre de 50 000 l'année dernière. Cette année, ils sont 45 000. Leur avantage, M. Bocquet, est qu'ils sont ciblés sur les jeunes et qu'ils sont assortis d'un accompagnement renforcé, inspiré de celui qui a été mis en place dans le cadre des PEC. Je considère donc que des progrès ont été accomplis par rapport aux anciennes formules de contrats aidés. Conformément à ce que j'indique dans mon rapport, je souhaite que l'on puisse évaluer ces contrats de manière approfondie au cours des prochaines années.

M. Delcros, nous sommes dans une situation extrêmement favorable en termes de chômage, qui est revenu à son niveau d'avant la crise, soit 8 %. Restent toutefois deux points faibles, auxquels nous devons trouver des réponses : le chômage de longue durée et le chômage des jeunes et des personnes les plus éloignées de l'emploi. D'où l'intérêt de la mise en place des dispositifs principaux de ce budget, dont le plan de lutte contre la tension sur les recrutements, alors que près de 300 000 emplois ne sont pas pourvus.

C'est la raison pour laquelle, si je souscris à toutes les critiques formulées, il me semble, à titre personnel, que l'on ne peut pas rejeter les crédits de cette mission.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Travail et emploi ».

EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS

Article 56

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - L'article 56 vient pérenniser dans le code du travail certaines dispositions adoptées dans le cadre du dispositif exceptionnel d'activité partielle. Ces évolutions concernent notamment la prise en compte des salaires des cadres ou l'indemnisation d'activité partielle versée aux apprentis.

Il nous paraît pertinent de capitaliser sur les améliorations du dispositif instituées au cours de la crise. Nous vous proposons d'adopter l'article sans modification.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 56.

Article 57

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - L'article 57 institue le contrat d'engagement jeune dans le code du travail. J'ai indiqué que nous nous en remettions à la sagesse de la commission quant à l'adoption de cet article, même si, à titre personnel, je porte sur ce dernier un regard plutôt positif. Cependant, compte tenu du rejet des crédits, je ne me fais guère d'illusion...

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter l'article 57.

Article 58

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - L'article 58 vise à prolonger de deux ans la mise en oeuvre de l'expérimentation des entreprises d'insertion par le travail indépendant, qui constituent une modalité innovante d'accompagnement en insertion par l'activité économique.

Cette expérimentation avant été instituée par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel du 5 septembre 2018 et devait prendre fin le 23 décembre 2021. Son déroulement a été fortement perturbé par la crise sanitaire. Cette prolongation nous paraît légitime, même si nous serons bien entendu attentifs à l'évaluation de cette expérimentation.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 58.

Article 59

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - L'article 59 vise à prolonger d'un an, soit jusqu'au 31 décembre 2022, l'éligibilité à l'activité partielle, d'une part, des salariés employés par des entreprises ne comportant pas d'établissement en France mais cotisant au régime d'assurance chômage, et, d'autre part, des régies dotées de la seule autonomie financière gérant des services de remontées mécaniques, de pistes de ski et de cure thermale.

Cela ne nous paraît pas soulever de difficulté particulière. Nous vous proposons donc d'adopter cet article sans modification.

M. Victorin Lurel. - La ratification de l'ordonnance a-t-elle été formellement soumise au Parlement ? Il me semble que non. Rien que pour cela, je vote contre.

M. Emmanuel Capus, rapporteur spécial. - Je n'ai pas la réponse à cette question, nous vérifierons ce point.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 59.

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Enseignement scolaire » (et article 42 terdecies) - Examen du rapport spécial

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Dans le contexte un peu surprenant du PLF 2022, la mission « Enseignement scolaire » apparaît calme. Les chiffres étaient prévisibles et correspondent à la politique mise en oeuvre par le ministre Jean-Michel Blanquer depuis qu'il exerce ses responsabilités, en rupture nette avec celle qui a été menée lors des cinq années précédentes. Je rappelle en effet que François Hollande avait favorisé l'extension quantitative des effectifs, ce qui n'était pas la meilleure réponse. Il a, hélas, respecté ses engagements...

Par ailleurs, François Hollande a lancé le protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR), qui a eu pour effet de mieux rémunérer les enseignants, mais dans des conditions exagérant la structure des rémunérations, qui favorise beaucoup trop largement l'ancienneté et, a contrario, décourage les jeunes dans les secteurs les plus difficiles.

Quelles sont les caractéristiques de continuité du budget 2022 ?

Les effectifs sont stables, avec une augmentation de 70 équivalents temps plein (ETP) pour 2022. Le budget représente 77,8 milliards d'euros avec le compte d'affectation spéciale « Pensions » et 56 milliards d'euros sans celui-ci. Il est en croissance de 2,6 %, comme la majeure partie des missions.

Cette stabilité des effectifs est-elle en elle-même rassurante ? Non, pour deux raisons.

La première est le sous-encadrement dans l'enseignement primaire. Malgré le dédoublement des CP, CE1 et grande section de maternelle dans les réseaux d'éducation prioritaire (REP), la France reste le pays d'Europe où le nombre d'élèves par enseignant dans le préélémentaire et le primaire est le plus élevé, ce qui n'est pas un gage de réussite pour l'enseignement primaire. J'ajoute que le dédoublement des classes de primaire mériterait une analyse plus objective et circonstanciée de ses effets. Les résultats sont réels, mais modestes.

La seconde raison est la décrue démographique - c'est, du reste, une tragédie nationale. Nous avons perdu un sixième des effectifs des élèves du primaire en moins de dix ans. Cela rend d'ailleurs la gestion des personnels extraordinairement compliquée : certaines régions de France continuent de gagner des effectifs, tandis que d'autres en perdent plus fortement que la moyenne nationale. L'adaptation de l'offre et de la demande en fonction des réalités démographiques est un casse-tête sans nom.

La stabilité des effectifs n'est ni une réponse ni une certitude de pertinence pour l'avenir. Il faut une nouvelle fois interroger le ministre sur sa vision de l'adaptation des effectifs, en particulier du primaire et, bientôt, des collèges, à l'évolution démographique.

L'augmentation du pouvoir d'achat a été mise en avant par l'un des candidats à l'élection présidentielle, de façon d'ailleurs assez enthousiasmante pour les potentiels bénéficiaires. Force est de reconnaître que le gel du point d'indice conduit l'OCDE comme la direction de l'évaluation, de la prévision et de prospective (DEPP) à constater une perte de pouvoir d'achat, que l'OCDE fixe à 15 % sur les vingt dernières années. Le gel du point d'indice est heureusement corrigé par l'effet du glissement vieillesse technicité (GVT) et par des mesures catégorielles. Cependant, il est incontestable que, compte tenu de leur parcours, de leur diplôme ou du niveau de rémunération dans les pays proches, comme l'Allemagne ou la Belgique, la situation matérielle des enseignants est très en deçà des situations comparables à l'échelle européenne.

Les ministères successifs ont tenu à mastériser l'accès à la fonction d'enseignant, mais les écarts salariaux entre les titulaires de master qui s'orientent vers l'enseignement et ceux qui s'orientent vers l'économie privée sont spectaculairement élevés - de l'ordre de 23 % d'écart pour le préélémentaire et au primaire et d'environ 12 % pour les professeurs de collège. Il n'y a que dans les lycées et les classes préparatoires que l'on note une certaine similitude. En Allemagne, les enseignants du secondaire, à diplôme égal, gagnent en général 15 à 20 % de plus que les salariés du secteur privé.

Le pouvoir d'achat a heureusement été soutenu par des mesures catégorielles.

En termes de répartition, l'augmentation de 2,6 %, qui correspond grosso modo à une dépense supplémentaire de 1,7 milliard d'euros, correspond, pour un quart, au GVT, pour un autre quart, à des mesures en faveur de l'inclusion, en particulier pour les accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH), et, pour moitié, à des mesures catégorielles orientées vers les enseignants en début de carrière et vers ceux qui sont les plus exposés à des situations difficiles, ce qui n'était pas le cas des mesures du protocole PPCR.

La commission des finances s'interroge légitimement sur le rendement de notre éducation nationale. Nous avons travaillé ensemble sur le sujet de l'enseignement des mathématiques, qui, manifestement, se dégrade dans notre pays, notamment parce que les professeurs du secondaire peuvent prétendre à des rémunérations largement supérieures, en particulier dans l'informatique. Se pose donc la question - à ce jour sans réponse - de l'effort qualitatif à réaliser pour certaines disciplines qui connaissent manifestement des difficultés de recrutement.

Je veux évoquer le caractère assez étonnant du nouveau baccalauréat, sorte de mystère que personne ne parvient à élucider. Je veux citer, à son sujet, des chiffres éclairants : à l'échelon national, 458 combinaisons des trois enseignements de spécialité ont été recensées en première, mais les deux tiers d'entre elles - 316 - n'ont été choisies que par 100 élèves sur l'ensemble du territoire, quand 71 ne l'ont été que par un seul élève en France !

Nous devons interroger le ministre et peut-être conduire une enquête spécifique sur le baccalauréat, sa réforme et la diversité de l'offre. Nous savons tous que l'une des raisons du coût élevé de l'enseignement secondaire en France par rapport à la moyenne de l'OCDE tient au fait que les professeurs sont mieux payés que les enseignants du primaire, ce qui paraît légitime. En revanche, l'offre est tellement dispersée que le nombre d'élèves par enseignant est parfois absurde... La nouvelle formule du baccalauréat devait permettre de remettre un peu d'ordre. Ce n'est pas le sentiment que nous avons pour l'instant !

Le financement de la dépense intérieure d'éducation est une donnée peu connue. Il faudra bien, à un moment ou à un autre, s'interroger sur ce point.

Je veux évoquer trois problèmes spécifiques qui ont des conséquences très concrètes sur le budget de l'éducation nationale.

La formation continue est totalement insuffisante : elle représente moins de trois jours en moyenne par enseignant et par an.

Le travail d'équipe des enseignants dans les écoles, les collèges et les lycées est lui aussi très insuffisant. Cette réalité nous distingue de la plupart des pays qui réussissent, où, contrairement à chez nous, le professeur n'est pas considéré comme une profession libérale autonome, travaillant seule dans sa classe et ne recevant qu'une visite épisodique de l'inspecteur ... De ce point de vue, le concept de chef d'établissement, en France, est vide de sens. Le chef d'établissement devrait s'employer à établir des liens entre les enseignants des différentes disciplines, notamment pour assurer le suivi des élèves d'une année sur l'autre, comme c'est le cas dans l'enseignement agricole et dans l'enseignement privé sous contrat. Cette fonction n'est pas assumée, car elle n'est pas de tradition. Nous devons nous atteler à créer des établissements avec des chefs qui dirigent, c'est-à-dire qui aient un certain droit de regard.

Assez curieusement, le Président de la République a annoncé à Marseille qu'il allait autoriser les chefs d'établissement à recruter les enseignants. Cette approche est en revanche assez désarmante : l'expérimentation ponctuelle peut sans doute ouvrir les esprits obtus, mais c'est une réflexion d'ensemble sur le rôle du chef d'établissement et le travail d'équipe qui doit être engagée.

J'ajoute que la France est le pays d'Europe où les relations entre les professeurs et les élèves sont jugées les plus mauvaises, où le lien entre ces derniers est le plus dégradé. Nous en ignorons les raisons. Cependant, je vous renvoie au remarquable colloque sur l'éducation qui a été organisé cette année par Jean-Pierre Chevènement. Le responsable de l'OCDE qui est intervenu et que j'ai auditionné a mis en avant le fait que les enseignants, en France, ne parvenaient pas à établir entre eux une collaboration suffisamment forte. Nous savons que, s'ils ne sont pas tenus, les enfants ont très vite fait d'établir leur propre autorité. Nos difficultés tiennent au fait que nous avons refusé de créer un esprit de corps propre à chaque établissement.

Le projet de budget de l'enseignement agricole est bon. Il est en progression. Il accompagne la réalité du recrutement et du fonctionnement.

À titre personnel, j'estime que ce budget ne constitue pas une surprise et qu'il ne s'inscrit pas dans une démarche de séduction. Aussi, je vous propose de le soutenir.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je vous remercie d'avoir soulevé ces enjeux.

Je retiens les données que vous avez évoquées sur la réforme du baccalauréat, qui, il est vrai, est complexe.

Le Grenelle de l'éducation consacre une somme de 600 millions d'euros à la revalorisation des rémunérations des enseignants. Tous les enseignants en bénéficient-ils de la même façon, qu'ils travaillent dans le primaire ou le secondaire ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - C'est une question importante. Nous avons, cette année, 600 millions euros de revalorisation stricto sensu, dont 195 millions d'euros pour la protection sociale complémentaire dès janvier 2022 - 15 euros par mois et par agent, soit 180 euros sur l'année -, une prime d'attractivité de 245 millions d'euros, tournée vers les enseignants de début et de milieu de carrière, et 24 millions d'euros pour les AESH. Il faut y ajouter la prime informatique de 150 euros pour les 860 000 enseignants et l'extension du taux d'accès à la hors-classe, qui répond à une demande ancienne et justifiée et permet de récompenser la fidélité des enseignants, même si l'enjeu, aujourd'hui, est moins de fidéliser les enseignants que de recruter des jeunes - au reste, cette mesure n'est pas celle qui coûte le plus cher.

M. Bernard Delcros. - Si les effectifs sont globalement stables, quelles sont les évolutions des effectifs des différentes catégories de personnels - titulaires, contractuels, vacataires ?

S'agissant des spécialités au baccalauréat, la formule ne crée-t-elle pas des inégalités territoriales entre les établissements ayant beaucoup d'effectifs, donc d'enseignants, et les lycées des territoires ruraux, qui ont du mal à diversifier l'offre proposée ?

M. Roger Karoutchi. - Quels que soient les efforts apparents du Gouvernement, la France se situe toujours dans les bas-fonds du classement du programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA). Clairement, nous ne parvenons pas à faire la révolution de l'enseignement dans ce pays.

Il est vrai que les enseignants sont mal payés, mais les syndicats d'enseignants s'opposent à ce que l'on touche au volume horaire, ce qui maintient les salaires à un niveau très bas.

S'agissant du lien entre élèves et enseignants, j'observe que, dans les autres pays, quand on construit un lycée, on prévoit des bureaux pour les enseignants, qui peuvent y recevoir les élèves. En France, il n'y a qu'une salle des professeurs, et les élèves ne peuvent rencontrer personne... Il faut des établissements plus conviviaux pour les enseignants et accepter de payer ces derniers davantage, en fonction de leur nombre d'heures de présence dans les établissements.

Il faut changer la donne et cesser de se contenter de pseudo-réformes.

Lorsque j'étais inspecteur général, j'ai contrôlé un établissement qui proposait une option russe pour passer pour un lycée de talent attirant des élèves de partout et éviter les mauvais élèves, qui privilégient l'anglais.

Le système est devenu fou. Il faut réduire le nombre d'options et changer le système lui-même.

Mme Sylvie Vermeillet. - Monsieur le rapporteur spécial, j'ai toujours beaucoup de plaisir à assister à la présentation annuelle de votre rapport.

En mars 2019, le Président de la République a annoncé qu'il n'y aurait pas de fermeture d'écoles en milieu rural sans l'accord du maire. J'imagine que cela pourrait changer l'an prochain. Savez-vous combien d'écoles rurales seraient alors dans le collimateur ?

Quelles sont vos préconisations en matière de harcèlement en milieu scolaire ?

M. Marc Laménie. - La crise sanitaire a impacté l'éducation nationale, avec des élèves qui se sont trouvés en décrochage scolaire total.

A-t-on une idée de la répartition des personnels entre l'administration centrale, les inspections, les académies et les rectorats par rapport aux enseignants qui sont sur le terrain ?

Autre sujet de préoccupation : la carte scolaire. Les suppressions de classes génèrent-elles réellement des économies ?

Quid de la médecine scolaire ? Voilà des années que l'on dénonce ses moyens humains réduits.

M. Victorin Lurel. - Je serai très heureux de pouvoir disposer d'une cartographie des taux d'encadrement par département. En avez-vous une à me communiquer ?

S'agissant des doublettes de spécialités en terminale, disposons-nous d'éléments sur les choix respectifs des garçons et des filles ? Il semble que le choix des options soit en partie dicté par le genre.

Mme Christine Lavarde. - L'année dernière, on a déversé des millions d'euros pour la numérisation de l'éducation. Des programmes financés dans le cadre des investissements d'avenir visaient aussi à faire entrer le numérique à l'école. Où en est-on de cette politique ? J'espère que ce n'était pas qu'une parenthèse.

M. Emmanuel Capus. - Comment s'explique, historiquement, le faible niveau des salaires en début de carrière ? Est-ce pour fidéliser les enseignants qu'on les augmente au fur et à mesure ?

M. Thierry Cozic. - Je veux revenir sur le remplacement des professeurs absents. La FCPE a fait état de 11 000 heures de cours non remplacées rien qu'au début de l'année. Les crédits des programmes 140 et 141 qui sont dédiés au remplacement sont lacunaires, alors que la tension en matière de remplacement est de plus en plus importante et touche l'ensemble du territoire. Dans un certain nombre de matières, les rectorats peinent à trouver des professeurs.

Le ministère prévoit des suppressions de postes dans le secondaire : pensez-vous que les moyens alloués sont de nature à pallier les carences qui en résulteront ?

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, il faut vraiment travailler sur le sujet de la réforme du baccalauréat, qui est très ambiguë, même si l'on peut lui accorder le bénéfice du doute compte tenu de sa jeunesse.

L'un des problèmes de la rémunération des enseignants tient à la grille de la fonction publique : ce qui s'applique aux uns doit s'appliquer aux autres. Or les métiers sont différents. Nous n'avons pas vraiment de difficultés pour recruter des professeurs d'éducation physique et sportive, les débouchés hors enseignement n'étant pas nombreux. Nous disposons d'un certain monopole d'embauche pour le latin et le grec. C'est déjà beaucoup moins vrai pour l'anglais et le français.

Le faible niveau des salaires tient à la logique du régime général de la fonction publique : tout mouvement d'une catégorie entraîne le mouvement d'une autre, ce qui rend les choses extraordinairement rigides. Cependant, la fonction publique est suffisamment avisée pour s'adapter en cas de concurrence du secteur privé : durées hebdomadaires fictives, aménagements relatifs aux heures supplémentaires ou aux hiérarchies de salaires...

Auparavant, on recrutait des enseignants beaucoup plus jeunes : les salaires étaient bas, mais l'étudiant se réjouissait d'accéder à une situation stable. Ce n'est absolument plus vrai aujourd'hui. La rigidité du système se traduit par des mesures catégorielles et des adaptations ponctuelles, mais aussi par une insatisfaction générale.

Monsieur Delcros, nous recensons environ 30 000 contractuels équivalents temps plein. Si l'on évalue ce chiffre à l'aune des 900 000 titulaires, il ne me paraît pas excessif. Les concours n'ont pas permis de pourvoir tous les postes, et les mutations ne sont pas toujours suivies d'effets. Il faut être capable de tolérer un certain nombre de contractuels. L'éducation nationale ne privilégie pas ce mode de gestion ; c'est une réalité qu'elle accepte et supporte.

Il existe, de fait, des inégalités entre les établissements. Un lycée incapable d'orienter ses meilleurs élèves vers des classes préparatoires reconnues est un « boulet » pour une ville. Je suis favorable à une certaine forme de décentralisation et à une implication plus forte des élus locaux dans la gestion des établissements. Si l'on parvient à définir la vocation d'un établissement public et qu'on l'aide ensuite à accomplir celle-ci, ce sera un facteur de réussite territoriale. En tant que président de la région Lorraine, j'avais, à l'époque, signé les premiers accords avec Sciences Po Paris permettant l'accès de l'école à des élèves de lycées situés en zone d'éducation prioritaire.

M. Victorin Lurel. - Il s'agissait des conventions éducation prioritaire (CEP).

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - Exactement.

Les élus locaux, avec les moyens financiers dont ils disposent, sont les seuls capables de soutenir de manière efficace la qualité d'un établissement. En outre, ils ont un intérêt objectif à la réussite de l'établissement, ce qui n'est pas forcément le cas d'un haut fonctionnaire de l'éducation de passage.

Roger Karoutchi a hélas raison. Les enquêtes PISA montrent que nous ne parvenons pas à rattraper notre retard. Quand on entre dans le détail des différences pédagogiques, on s'aperçoit que l'isolement de l'enseignant est le facteur d'affaiblissement le plus grave en France. Les positions, de part et d'autre, sont très fermées : du côté du ministère, car la moindre virgule s'évalue en centaine de millions d'euros ; et du côté des syndicats, car l'on sait ce que l'on a et on ignore ce que l'on aurait. Le système est donc figé.

Si je dois adresser un reproche politique au ministre Blanquer, je dirais qu'il termine moins bien qu'il n'a commencé : on pensait qu'il allait se passer des choses qui, pour des raisons qui m'échappent, ne se sont pas passées. Au-delà d'une communication ponctuelle, il aurait fallu une réflexion de fond pour l'ensemble des territoires, en précisant le niveau de souplesse accordé aux chefs d'établissements en matière de recrutement.

Concernant le lien entre les professeurs et les élèves, il existe des différences fondamentales selon les pays. En France, les enseignants vivent dans leur classe, alors que, dans d'autres pays, ils vivent dans l'établissement et parviennent ainsi à nouer des liens avec les élèves en dehors de ceux, strictement hiérarchiques et pédagogiques, de la classe. Je reviens sur le rôle des élus locaux ; nous avons tous construit des établissements et, en général, nous avons essayé de créer des lieux ouverts et accueillants.

Je ne suis pas capable de répondre à Sylvie Vermeillet concernant les écoles en milieu rural. Si nous n'avons pas de politique durable sur le sujet, annoncer le statu quo ou la suspension des fermetures équivaut à monter la marche et rendre le franchissement de cette marche impossible ultérieurement ; cela n'est pas satisfaisant. S'il n'y a pas d'enfants, il faut en tenir compte et s'organiser de manière différente. Les écoles sont faites pour les enfants, et non pour les élus.

Je n'ai pas de réponse particulière à apporter concernant le harcèlement en milieu scolaire. Il existe un programme dédié : le programme de lutte contre le harcèlement à l'école (pHARe). Cependant, je n'ai pas entendu dire qu'il ait réglé tous les problèmes...

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il ne permet pas d'actions rapides.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - C'est un peu frustrant, en effet. Avec 77,8 milliards d'euros à la clé, nous n'aurons que quelques minutes pour présenter ce budget en séance. Vous avez devant vous un rapporteur quelque peu désabusé...

Pour répondre à Marc Laménie, la crise sanitaire a révélé des choses, et en premier lieu que notre administration n'était pas si mauvaise, car l'école a fonctionné.

Pour évaluer le nombre de fonctionnaires qui ne sont pas devant les élèves, il nous faudrait des chiffres plus précis. Parmi ceux qui sont devant les élèves, on recense 320 000 agents non enseignants, notamment 170 000 AESH, et 11 000 agents en situation de disponibilité, donc non payés par le ministère.

Pour ce qui concerne la carte scolaire ou la suppression des classes, il faut laisser les élus départementaux jouer leur rôle.

Le ministère a revalorisé le statut des médecins scolaires. Le même problème se pose que pour la médecine de ville : on constate une pénurie de candidatures, les jeunes médecins ne souhaitant pas exercer dans ces conditions.

Monsieur Lurel, les chiffres des taux d'encadrement par département doivent exister ; je vous les communiquerai.

La sexualisation des études est un vrai sujet. Si l'on veut réindustrialiser la France, il faut que les femmes s'intéressent aux métiers de la science et de l'industrie ; elles ont, en tout cas, toutes les qualités requises pour réussir dans ces métiers.

Madame Lavarde, 10 millions d'euros ont été consacrés au numérique éducatif en 2020 et 2021. On peut également évoquer la prime informatique de 150 euros par enseignant. Le numérique a permis de limiter la chute de niveau des élèves pendant le confinement. Mais, objectivement, nous n'en tirons pas encore le meilleur parti.

Pourquoi les salaires sont-ils si bas ? C'est une affaire historique. La fonction publique a toujours échangé la sécurité et la retraite contre un salaire plus élevé. Aujourd'hui, les gens ont tous des diplômes et, attirés par des métiers où on les paie plus et plus vite, ils n'ont plus envie d'être enseignant.

Thierry Cozic a raison : le remplacement est un problème difficile. Cela passe notamment par l'augmentation des heures supplémentaires. Sur ce point, le ministère a fait un effort, puisque 550 000 heures supplémentaires ont permis d'économiser un recrutement équivalent à 26 000 postes.

Sur cette problématique des remplacements, le critère de la sexualisation compte également. Quand un enfant est malade et que la crèche refuse de l'accueillir, ce sont les femmes qui, en général, assument la charge de la garde, et, comme les femmes sont majoritaires parmi les enseignants, il est logique que les besoins de remplacements soient plus importants. C'est le prix à payer si l'on souhaite conserver un pays vivant, avec une forte natalité.

M. Claude Raynal, président. - Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Enseignement scolaire ».

EXAMEN DE L'ARTICLE RATTACHÉ

Article 42 terdecies

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - L'Assemblée nationale demande au Gouvernement de remettre un rapport sur le coût des décharges pour les directeurs d'école. Cela nous permettra de savoir ce qu'il est nécessaire de faire pour que les directeurs dirigent vraiment les écoles, ce qui n'est pas toujours le cas actuellement.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Cette évaluation permettra également de mieux mesurer les enjeux liés au regroupement scolaire. Un des sujets, en effet, concerne les regroupements pédagogiques intercommunaux (RPI), concentrés dans les territoires non urbains, la menace étant régulièrement évoquée par les directeurs des services départementaux de l'éducation (Dasen).

M. Pascal Savoldelli. - Il aurait été intéressant qu'un amendement vise à évaluer le coût du dédoublement des classes. Cette évaluation aurait été importante pour les collectivités territoriales et pour l'État.

M. Gérard Longuet, rapporteur spécial. - La direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) travaille actuellement sur le coût et le rendement du dédoublement ; les résultats obtenus nous permettront d'y voir plus clair sur le sujet.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 42 terdecies.

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Économie » et compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec l'examen du rapport de M. Thierry Cozic et de Mme Frédérique Espagnac, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Économie » et le compte de concours financiers (CCF) « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ».

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - L'essentiel des crédits de la mission « Économie » se trouve concentré sur les grandes administrations économiques et sur trois dispositifs : le plan France Très haut débit, la compensation carbone des sites électro-intensifs, et, depuis cette année, la compensation du groupe La Poste pour le maintien du service postal universel.

Les crédits demandés pour la mission en 2022 connaissent une très nette hausse, de 58,5 % en autorisations d'engagement et de 44,9 % en crédits de paiement. Une fois prises en compte les ouvertures de crédits réalisées hier par amendement à l'Assemblée nationale, qui permettent d'octroyer une avance sur la compensation carbone des sites électro-intensifs, l'augmentation s'élève à 66 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

L'augmentation globale des crédits résulte d'évolutions majeures apportées au périmètre de la mission. Il s'agit, d'une part, de la création d'un nouveau programme 367 destiné à répondre au besoin de financement du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » (PFE) ; les ouvertures représentent près de 750 millions d'euros et notre collègue Victorin Lurel, rapporteur du CAS PFE, présentera demain en commission ses observations sur le sujet. D'autre part, la compensation à La Poste des dépenses liées au maintien d'un service postal universel représente une dépense nouvelle particulièrement importante, puisqu'elle s'élève à 520 millions d'euros.

En premier lieu, je souhaite évoquer la situation des administrations et des opérateurs de la mission « Économie ». Alors que la direction générale des entreprises (DGE) a été fortement mobilisée pendant la crise sanitaire, la dynamique des suppressions de postes devrait, pour la deuxième année consécutive, ralentir en 2022. L'administration centrale de la DGE bénéficiera notamment d'un renfort de 9 équivalents temps plein (ETP) dans le cadre de la préparation de la présidence française de l'Union européenne.

Dans le contexte de crise, les services déconcentrés ont eux aussi été très mobilisés, de sorte que la priorité depuis 2020 est à la gestion de crise, la finalisation du projet de services économiques de l'État en région (SEER) ayant été repoussée à 2022. L'activité des services devrait ainsi continuer à se focaliser sur l'accompagnement des entreprises en difficulté et sur les filières stratégiques et l'innovation. La poursuite de la réforme de l'organisation territoriale de l'État devrait cependant conduire à une nouvelle baisse des emplois au sein des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets).

La réduction des effectifs de la direction générale du Trésor se poursuivra en 2022 à un rythme moins soutenu, avec la suppression de 23 ETP. Ces suppressions concernent uniquement des agents de catégorie C, les effectifs de catégorie A et A + étant renforcés de 5 ETP.

À l'occasion de nos travaux de contrôle au printemps dernier, nous avions montré que la rationalisation des services économiques à l'étranger avait pu affecter le bon exercice de leur mission. De ce point de vue, et au regard des conséquences négatives qu'entraînerait une diminution trop importante des effectifs, il semble que les recommandations de stabilisation aient, en partie, été entendues.

Pour la deuxième année consécutive, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) verra ses effectifs préservés en 2022, avec une baisse de 3 ETP. Cette sanctuarisation des effectifs doit permettre de mieux garantir l'exécution de ses missions en matière de sécurité sanitaire et de contrôle des fraudes. J'insiste sur la nécessité de maintenir les moyens humains de la DGCCRF. Pour lutter contre la fraude et mener des inspections sur site, il est impératif de conserver un nombre suffisant d'enquêteurs, la baisse des emplois débouchant mécaniquement sur une baisse du nombre de contrôles.

L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) continuera à réduire ses effectifs en 2022, avec une prévision de 73 ETP en moins, dans le contexte de mise en oeuvre de son plan stratégique « Insee 2025 ». La hausse des crédits de l'Insee n'est qu'apparente, alors que, dans le contexte de la pandémie, l'enquête annuelle de recensement (EAR) prévue en 2021 a été décalée à 2022.

Concernant les opérateurs de la mission, je ferai deux observations. Premièrement, au sujet de l'Institut national de la propriété industrielle (INPI), l'article 14 du projet de loi de finances prévoit une baisse du plafonnement des recettes de l'opérateur au profit de l'État ; le plafond passe ainsi de 124 à 94 millions d'euros. Ce plafond, manifestement trop bas, contraindra l'opérateur à puiser dans ses réserves. Si nous comprenons l'objectif de l'État de pousser l'INPI à utiliser sa trésorerie, nous devrons rester attentifs à l'évolution de ce plafond au cours des années à venir et à la viabilité de son financement. Nous considérons que la priorité doit être donnée à la protection de la propriété industrielle pour les entreprises, et non à l'objectif d'accroître les recettes pour le budget général de l'État.

Deuxièmement, la dotation de l'Agence nationale des fréquences (ANFR) sera maintenue au même niveau qu'en 2021, afin de préparer les jeux Olympiques et Paralympiques et d'anticiper les risques de saturation des fréquences.

Je souhaite également aborder la question des fonds de garantie de Bpifrance. Le financement des activités de garantie de Bpifrance SA est traditionnellement assuré par des crédits budgétaires ouverts sur le programme 134 « Développement des entreprises et régulation ». Or, pour 2022, comme pour 2021, l'ensemble des moyens dédiés à ces fonds seront assurés par la mission « Plan de relance ».

Ces crédits sont indispensables pour financer les garanties d'emprunt accordées aux petites et moyennes entreprises (PME) lors de leur création ou de leur transmission. Dans le contexte de crise sanitaire, ces outils ont été renforcés, alors même que l'information des parlementaires sur le sujet est limitée. Les modalités de financement des fonds de garantie faisant, depuis plusieurs années, l'objet de « subterfuges budgétaires », nous estimons que l'information du Parlement à leur sujet doit être renforcée. Je salue l'adoption d'un amendement à l'Assemblée nationale - devenu l'article 42 duodecies - visant à créer un document de politique transversale sur les financements des garanties gérées par Bpifrance.

Pour conclure, je tiens à relever les évolutions apportées à l'Assemblée nationale concernant le dispositif de compensation carbone des sites électro-intensifs. La création d'une avance sur la compensation à hauteur de 150 millions d'euros doit permettre d'améliorer la trésorerie de ces entreprises, ce dont nous ne pouvons que nous satisfaire dans le contexte actuel ; les règles de cette avance sont définies au nouvel article 42 nonies.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Je souhaite vous présenter trois sujets majeurs portés par la mission et le CCF associé : la compensation du groupe La Poste pour sa mission de service postal universel ; le plan France Très haut débit ; le fonds de développement économique et social (FDES) et les prêts bonifiés et avances remboursables gérés par la DGE.

La compensation du groupe La Poste à hauteur de 520 millions d'euros s'inscrit dans la continuité des recommandations de nos collègues Patrick Chaize, Pierre Louault et Rémi Cardon. Pour tenir compte des conséquences de la crise sanitaire sur les activités du groupe La Poste, nos collègues avaient estimé nécessaire une dotation budgétaire pour que celle-ci continue à assurer un service postal universel sur l'ensemble du territoire national. D'après les rapporteurs de la commission des affaires économiques, « la France se caractérise par des obligations de service public à valeur légale ou réglementaire qui n'ont pas été modifiées depuis dix ans et qui permettent d'assurer la distribution du courrier et la livraison des colis six jours sur sept sur l'ensemble du territoire pour un périmètre élargi de services postaux. »

Un article additionnel - l'article 42 decies - a été adopté à l'Assemblée nationale afin de définir le cadre de la compensation octroyée à La Poste. Je déplore, alors que la compensation avait été annoncée dès le mois de juillet, que cet article n'ait pas été intégré directement dans le texte initial, ce qui nous aurait permis de mieux en évaluer la portée. D'après nos échanges avec le groupe La Poste, la DGE et l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), la rédaction de l'article adopté semble néanmoins faire l'objet d'un consensus entre les acteurs.

Cette dotation nouvelle s'accompagne du maintien de celle qui a été créée en loi de finances initiale pour 2021, à l'initiative du Sénat, afin de compenser les effets de la réforme des impôts de production sur le financement du fonds de péréquation postale. Pour 2022, 74 millions d'euros sont prévus à ce titre.

À compter de 2022, une réforme des aides à la distribution de la presse sera engagée, à partir du rapport remis par M. Emmanuel Giannesini. Cette réforme consiste non plus à subventionner uniquement le groupe La Poste pour la distribution de la presse, mais à verser aux éditeurs de publications une dotation leur permettant d'arbitrer entre le recours à La Poste ou le portage de leurs publications. Alors qu'une part importante de la distribution de la presse devrait encore être réalisée par La Poste en 2022, la dotation prévue à ce titre, s'élevant à 16 millions d'euros, apparaît toutefois relativement limitée.

Nous avons souhaité, dans un deuxième temps, centrer une partie de nos travaux sur le plan France Très haut débit. Le programme 343 porte en effet une part substantielle de la participation de l'État au financement du plan, qui devrait s'élever au total à 3,5 milliards d'euros d'ici fin 2022. Ces crédits ont été complétés en 2021 par 240 millions d'euros ouverts en autorisations d'engagement sur la mission « Plan de relance », qui permettent de subventionner les réseaux d'initiative publique (RIP).

Il ressort des différentes auditions que le plan France Très haut débit a eu des conséquences très positives sur les déploiements, qui connaissent une forte accélération depuis déjà plusieurs mois. Entre 2020 et 2021, le nombre de nouveaux locaux rendus raccordables à la fibre est passé de 2,43 à 2,86 millions pour le premier semestre. Dans le même temps, le nombre de locaux rendus raccordables en zone RIP est passé de 0,8 à 1,56 million. Ainsi, les déploiements réalisés au second semestre 2021 devraient être supérieurs à l'ensemble des déploiements réalisés en 2018. Le département de l'Oise, situé en zone RIP, est devenu le premier territoire à atteindre la complétude en fibre cette année.

Alors que la dynamique de déploiement est très positive dans les zones financées par le plan France Très haut débit, je tiens néanmoins à évoquer plusieurs points d'alerte. La situation de Mayotte suscite des inquiétudes, alors que les crédits du plan France Très haut débit apparaissent très insuffisants pour permettre d'installer la fibre sur l'ensemble de l'archipel. Si Mayotte fait actuellement l'objet d'un déficit d'infrastructures de réseau cuivre, le plan France Très haut débit doit justement constituer l'occasion de connecter ce territoire aux réseaux.

Les difficultés d'accès à la fibre ne concernent pas uniquement les territoires ruraux. En juillet dernier, aucune zone très dense n'était couverte en fibre à plus de 97 % et cinq villes, couvertes auparavant à plus de 95 % en fibre, ne l'étaient plus. Plusieurs grandes villes - Marseille, Strasbourg, Lille - sont encore très mal couvertes. Dans certaines zones urbaines, les branchements déployés ne permettent pas de couvrir les nouvelles constructions.

Dans les zones « appel à manifestation d'intention d'investissement » (AMII), les opérateurs privés n'atteignent pas les engagements fixés par le Premier ministre. La dynamique de déploiement des opérateurs ralentit. Surtout, nos inquiétudes se concentrent sur les zones « appel à manifestation d'engagement local » (AMEL), dans lesquelles la situation est alarmante. À ce jour, seulement 13 % des locaux situés en zone AMEL ont été rendus raccordables, et trois zones AMEL sur les dix existantes ne comptent aucune prise en réseau fiber to the home (FTTH).

L'Arcep doit impérativement se saisir de son pouvoir de sanction, afin de contraindre les opérateurs à atteindre leurs objectifs. L'autorité de régulation ne doit pas attendre d'être saisie par les collectivités elles-mêmes pour agir ; celles-ci ne sont pas en position de force vis-à-vis des opérateurs pour demander à l'Arcep l'engagement d'une procédure de sanction.

Alors que les réseaux sont aujourd'hui en phase de déploiement, il nous apparaît nécessaire d'anticiper les coûts liés à l'entretien des réseaux, ainsi qu'à la réalisation des raccordements complexes. Le financement de ces raccordements doit permettre de sécuriser l'éligibilité de tous nos concitoyens à la fibre. D'après les estimations qui nous ont été présentées, ces raccordements représenteraient un coût total de 1,2 milliard d'euros.

Nous estimons qu'il est nécessaire de mobiliser le fonds d'aménagement numérique du territoire (FANT), qui, depuis sa création en 2009, n'a encore jamais été abondé. Pour les raccordements complexes, le Gouvernement a déjà annoncé la mobilisation de 150 millions d'euros de crédits pour mener à bien une première expérimentation. Il a fait le choix de ne pas mobiliser le FANT, qui constitue pourtant la structure la plus adaptée. Il est indispensable d'armer le FANT pour atteindre l'objectif d'universalisation du haut débit, au-delà de l'expérimentation annoncée par le Gouvernement ; nous vous présenterons un amendement à cet effet.

Dans un deuxième temps, une réflexion sur des moyens pérennes de financement du FANT devra nécessairement être engagée. Celui-ci doit permettre, à terme, d'assurer une péréquation entre les territoires et de maintenir partout en France une couverture en très haut débit de qualité. Nous considérons que le FANT pourrait être abondé selon une logique similaire au fonds d'amortissement des charges d'électrification (FACÉ), les contributions payées sur les abonnements à la fibre permettant de financer les raccordements complexes, l'entretien des réseaux, des éventuels renforcements ou extensions, ou encore des travaux d'enfouissement.

Je conclurai en évoquant le CCF « Prêts et avances à des particuliers et à des organismes privés », qui comprend les crédits de deux dispositifs permettant de pallier les situations dans lesquelles les entreprises ne parviennent pas à se financer malgré les prêts garantis par l'État (PGE).

Il s'agit, d'une part, du fonds de développement économique et social et, d'autre part, des avances remboursables et prêts bonifiés gérés par la DGE.

En 2021, les crédits budgétaires disponibles sur le FDES s'élevaient à 1,3 milliard d'euros. Au 31 août, la consommation de ces crédits s'élevait à seulement 125 millions d'euros. Des dossiers à fort enjeu, de l'ordre de 200 millions d'euros au total, devraient être finalisés d'ici la fin de l'année. Pour 2022, les crédits non consommés cette année sur le FDES devraient être reportés, une ouverture de 75 millions d'euros étant demandée. Sur cette enveloppe, des prêts exceptionnels petites entreprises (PEPE) sont prorogés jusqu'à fin juin par l'article 42 undecies, adopté hier à l'Assemblée nationale.

Le dispositif d'avances remboursables et prêts bonifiés a permis de verser un total de 150 millions d'euros à 184 entreprises. Les crédits disponibles devraient également être reportés.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je ferai une observation sur les compensations pour le groupe La Poste, avec le maintien de la dotation de compensation de la réforme des impôts de production, d'un montant de 74 millions d'euros pour 2022, et la création d'une compensation du service postal universel, à hauteur de 520 millions d'euros. Ces chiffres doivent être mis en regard des difficultés que l'on rencontre souvent sur les territoires, aussi bien en milieu rural qu'en milieu urbain. Le groupe La Poste se doit notamment d'assurer une amplitude d'ouverture des bureaux plus conforme aux attentes de la population.

M. Bernard Delcros. - À ma connaissance, il existe un contrat de présence postale, signé par l'État, La Poste et l'Association des maires de France (AMF), couvrant la période de 2020 à 2022. Il était alors apparu que les compensations apportées à La Poste étaient insuffisantes par rapport aux missions qui lui étaient confiées.

Dans la prévision pour 2022 s'additionnent les 74 millions d'euros du fonds de péréquation postale, les 520 millions d'euros pour le service postal universel et les 62,3 millions d'euros pour l'aide à la distribution de la presse. Si j'ai bien compris, il s'agit de dotations, et non plus, comme auparavant, d'exonérations fiscales. Pouvez-vous nous expliquer ces montants et ce choix des dotations ?

M. Christian Bilhac. - Je me réjouis de cette dotation de 520 millions d'euros, mais je me permets de rappeler que le manque à percevoir pour le groupe La Poste, sur ce point du service universel, s'élevait à 1,3 milliard d'euros. De même, pour la distribution de la presse, la dotation de 62,3 millions d'euros s'avère assez éloignée des besoins, qui ont été estimés à 200 millions d'euros. On peut critiquer La Poste, mais il s'agit également de reconnaître qu'il lui est difficile de remplir ses missions de service public avec des moyens aussi éloignés de ces évaluations.

M. Vincent Capo-Canellas. - La compensation apportée à La Poste me paraît justifiée ; on ne pouvait pas continuer ainsi.

M. le rapporteur général a posé la question des ouvertures de bureaux. En zone urbaine, la qualité de la distribution doit également être regardée de près. Il arrive, par exemple, de recevoir des facturations de frais bancaires en raison d'une adresse incorrecte.

Mme Frédérique Espagnac, rapporteure spéciale. - Monsieur le rapporteur général, je me suis fait moi-même l'écho de ces problèmes auprès de M. Philippe Wahl, président-directeur général (PDG) du groupe La Poste. Celui-ci nous a confirmé qu'un certain nombre de contreparties étaient actuellement en négociation dans le cadre du contrat d'entreprise. Nous avons été très clairs sur le fait que La Poste avait des devoirs au regard de l'argent versé par l'État, et que cela ne se voyait pas assez sur le terrain, notamment concernant l'amplitude des horaires d'ouverture et la distribution des plis.

Pour répondre à Bernard Delcros, les 74 millions d'euros sont liés à la réforme des impôts de production, effet collatéral de la réforme fiscale. Nous avions voté, l'an dernier, un amendement prévoyant une dotation de 66 millions d'euros ; celle-ci passe donc à 74 millions d'euros en 2022. La dotation de 520 millions d'euros est entièrement nouvelle. Enfin, les 62,3 millions d'euros sont transférés aux éditeurs. Cette réforme doit permettre aux éditeurs de choisir eux-mêmes leur distributeur et d'opter pour le portage lorsque celui-ci constitue un moyen plus pertinent, notamment en termes d'horaires de livraison.

Concernant la compensation liée à une négociation entre la DGE et La Poste, l'Arcep en estimera les modalités à l'avenir, mais ce ne sera pas opérationnel cette année, les 520 millions d'euros ayant été négociés directement entre La Poste et le Gouvernement.

Monsieur Capo-Canellas, nous avons entendu la remarque sur les frais de banque. Nous n'avons pas d'éléments sur le sujet, mais nous ferons remonter.

M. Thierry Cozic, rapporteur spécial. - Avec l'amendement FINC.1, nous proposons d'abonder l'action no 2 « Autres projets concourant à la mise en oeuvre du Plan France Très haut débit » du programme 343 « Plan France Très haut débit » de 150 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 75 millions d'euros en crédits de paiement, par un prélèvement de 150 millions d'euros sur les autorisations d'engagement et 75 millions d'euros sur les crédits de paiement de l'action unique du programme 367 « Financement des opérations patrimoniales envisagées » en 2021 et en 2022 du CAS PFE.

Pour rappel, l'État n'a pas fait le choix de retenir le FANT pour les branchements complexes. Notre proposition est d'utiliser ce fonds, créé en 2009 et n'ayant jamais servi, en l'abondant de 150 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 75 millions d'euros en crédits de paiement. On estime que le besoin global, pour ces branchements complexes, s'élève à 1,2 milliard d'euros.

Nous avons évoqué l'objet des articles additionnels 42 nonies (nouveau), 42 decies (nouveau) et 42 undecies (nouveau) et 42 duodecies (nouveau), adoptés hier à l'Assemblée nationale. Nous ne voyons aucune difficulté de principe, mais nous souhaitons pour l'instant ne pas nous prononcer sur ces derniers, afin de pouvoir nous assurer qu'ils ne posent pas de problèmes techniques.

L'amendement FINC.1 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption des crédits de la mission « Économie », sous réserve de l'adoption de son amendement, ainsi que des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés », sans modification.

La commission décide de réserver son vote sur les articles 42 nonies, 42 decies, 42 undecies et 42 duodecies rattachés.

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons et concluons cette réunion avec l'examen du rapport de MM. Georges Patient et Teva Rohfritsch, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Outre-mer ».

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - La mission « Outre-mer » a pour principal objectif le rattrapage des écarts persistants entre l'outre-mer et la métropole, ainsi que la convergence des niveaux de vie dans le domaine socio-économique. Elle se compose de deux programmes : le programme « conditions de vie outre-mer », qui rassemble les crédits des politiques publiques en faveur de l'amélioration des conditions de vie en outre-mer, notamment le logement, l'aménagement du territoire, les aides à la continuité territoriale ou encore le fonds exceptionnel d'investissement ; et le programme « emploi outre-mer », qui porte les crédits des politiques publiques en faveur de la compétitivité des entreprises, de l'amélioration de l'employabilité des jeunes et de la qualification des actifs ultramarins.

En autorisations d'engagement, ces deux programmes enregistrent une baisse ; en crédits de paiement, alors que le programme « conditions de vie outre-mer » connaît une hausse de plus de 91 millions d'euros, le programme « emploi outre-mer » diminue de 61 millions d'euros.

Cependant, les crédits de la mission « Outre-mer » ne concourent pas seuls à cet objectif, puisque les territoires d'outre-mer bénéficient également de dépenses fiscales et de crédits en provenance d'autres programmes du budget général. Le présent rapport s'attache à analyser ces trois aspects. Il est également l'occasion d'effectuer un bilan à l'issue du quinquennat. Ainsi, entre 2018 et 2022, l'effort total de l'État à destination de l'outre-mer a augmenté de 2 milliards d'euros en autorisations d'engagement et de 3,8 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une hausse respective de 8 % et de 16 %.

Les crédits de la mission, dans le projet de loi de finances pour 2022, s'établissent à 2,6 milliards d'euros en autorisations d'engagement et à près de 2,5 milliards d'euros en crédits de paiement, soit une baisse de 2,7 % dans le premier cas et une hausse de 1,25 % dans le second par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Cette évolution à la hausse des crédits de paiement s'explique principalement par le renforcement ou la création de plusieurs dispositifs.

S'agissant du programme 138 « emploi outre-mer », des évolutions sont prévues pour le service militaire adapté (SMA). En particulier, la mise en place du SMA 2025 débutera par une expérimentation dès 2022 à Mayotte, avant son extension aux autres territoires en 2023, pour un montant estimé à 9,7 millions d'euros en AE et CP. Ce dispositif a prouvé son efficacité et, malgré le contexte de crise sanitaire, nous soulignons la reprise programmée des recrutements au niveau de 6 000 volontaires ainsi que le maintien des bons taux d'insertion en 2020 et 2021, malgré une légère diminution par rapport à 2018 et 2019. Face à cette réussite, le Président de la République a d'ailleurs annoncé, lors de la visite qu'il a effectuée en Polynésie française en juillet dernier, la création d'un nouveau régiment à Hao.

En revanche, la crise sanitaire et le recours massif au chômage partiel expliquent la baisse importante, dans le projet de loi de finances pour 2022, des crédits alloués aux exonérations de charges sociales. Nous souhaitons toutefois souligner qu'une reprise de l'activité en 2022 pourrait générer une consommation plus importante de ces crédits, qui devront alors être ajustés à la hausse.

Toujours sur le programme 138, le niveau de crédits alloués au financement de l'économie, identique à celui de 2020 et 2021, suscite quelques interrogations de notre part. En effet, en 2020, une importante surexécution des crédits de cette action a été constatée, notamment en raison du contexte de crise sanitaire, qui a engendré un accroissement des demandes de financement via le dispositif de prêt de développement outre-mer (PDOM). Or les territoires ultramarins et leurs entreprises subissent encore très fortement la crise sanitaire et ses conséquences économiques. Dans ce contexte, le prêt de développement outre-mer devrait continuer à être mobilisé davantage en 2022.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - Nous souhaiterions également faire quelques développements sur le programme 123 « conditions de vie outre-mer », qui va connaître plusieurs évolutions en 2022.

Premièrement, le projet de loi de finances prévoit une augmentation de l'enveloppe de la ligne budgétaire unique (LBU), notamment pour verser des subventions aux propriétaires modestes ultramarins pour les travaux d'amélioration de leur logement, afin de lutter contre l'habitat indigne. Ainsi, nous saluons la hausse des crédits alloués à la ligne budgétaire unique consacrée au logement. Toutefois, cette hausse ne doit pas masquer la tendance baissière constatée entre 2015 et 2021, tant en AE qu'en CP. Sur la période 2012-2022, les crédits de la LBU ont diminué de 14 % en AE et de 6 % en CP, soit respectivement 38,4 et 13,1 millions d'euros, alors même que les besoins de construction de logements sociaux ou de lutte contre l'habitat insalubre sont encore très importants.

Deuxièmement, les crédits alloués au soutien des collectivités marquent un renforcement de l'engagement de l'État, qui nous semble aller dans le bon sens. Ainsi, les crédits prévus pour la contractualisation augmentent. Néanmoins, le taux moyen d'engagement est de 40 % après deux ans et le taux de consommation des CP se situe entre 2 % et 35 %, avec une moyenne, sur l'ensemble des territoires, de 8 %. Le faible taux de consommation en 2020 s'explique en partie par l'impact de la crise sanitaire. L'année 2021 ayant également été touchée par la crise sanitaire, notamment dans les territoires d'outre-mer, nous craignons une nouvelle sous-exécution en 2021 et nous nous interrogeons sur le devenir des crédits qui ne seront pas consommés à l'issue de la période de contractualisation.

À cet égard, le contrat de projet pour la Polynésie française incarne cette crainte, puisque, couvrant la période 2015-2020, il est aujourd'hui achevé. Sa consommation s'est établie à 80 % des autorisations d'engagement. La direction générale des outre-mer (DGOM) a indiqué que les 20 % d'AE non consommés seraient annulés.

De surcroît, en 2022, 10 millions d'euros sont ouverts pour le dispositif Contrat de redressement en outre-mer (Corom), introduit par amendement à la loi de finances pour 2021, qui vise à soutenir les communes souhaitant assainir leur situation financière et réduire les délais de paiement de leurs fournisseurs locaux. La crise sanitaire ainsi que la situation financière très dégradée de certaines collectivités justifient pleinement ce nouveau dispositif.

Troisièmement, entre 2017 et 2022, le fonds exceptionnel d'investissement a été doté de 520 millions d'euros en AE et de 326 millions d'euros en CP. L'engagement quinquennal du Gouvernement de reconduire 500 millions d'euros a donc été tenu. Toutefois, les quatre premières années d'exécution révèlent une consommation inférieure aux objectifs. Ainsi, si l'utilité du fonds est indiscutable, sa consommation reste inférieure aux objectifs fixés. Deux questions se poseront fin 2022 : celle du devenir des AE non consommées et celle de son renouvellement lors du prochain quinquennat, lequel apparaît indispensable.

Le principe même des dépenses fiscales n'est pas remis en cause, en ce que ces dernières représentent un complément indispensable aux crédits budgétaires. Néanmoins, elles doivent pouvoir être mieux évaluées, pour, au besoin, être mieux ciblées. Or, à ce jour, le chiffrage des dépenses fiscales est incomplet et manque parfois de fiabilité.

De surcroît, des rationalisations sont intervenues afin de supprimer les taxes les moins efficientes ou les plus difficiles à évaluer. Cette nécessaire rationalisation ne doit toutefois pas être un frein aux réflexions sur le renforcement ou l'élargissement de certains dispositifs.

En revanche, nous soulignons que l'engagement du Gouvernement à mobiliser l'équivalent des dépenses fiscales supprimées en dépense budgétaire a été tenu, mais la sous-exécution de la mission, très marquée en 2018 et 2019, mais en nette amélioration en 2020 doit donc demeurer un point de vigilance, notamment pour certaines actions, et être suivie en 2021 afin de ne pas remettre en question cette réaffectation budgétaire.

Pour terminer, je veux évoquer les crédits en provenance des autres missions du budget de l'État et le plan de relance. En 2022, le montant total de ces contributions s'élève à 19 milliards d'euros en AE et 20,7 milliards d'euros en CP, soit une légère baisse par rapport à la LFI 2021. En revanche, sur la durée du quinquennat, cet effort total, c'est-à-dire les crédits de la mission « Outre-mer », les dépenses fiscales et les crédits en provenance des autres programmes, a augmenté : 2 milliards d'euros en AE et 3,8 milliards d'euros en CP.

Enfin, les crédits du plan de relance alloués à l'outre-mer devraient atteindre 1,5 milliard d'euros. Toutefois, plusieurs éléments nous interpellent.

Premièrement, la répartition de ces crédits entre les trois axes prioritaires du plan de relance - écologie, compétitivité et cohésion -, bien que théorique, ne reflète pas la répartition nationale et ne reflète pas nécessairement non plus les besoins des outre-mer, dans la mesure où la compétitivité des entreprises demeure un enjeu essentiel pour créer de l'emploi et relancer l'investissement.

Deuxièmement, le Gouvernement avait précisé que la part des outre-mer dans le plan de relance national devrait être en ligne avec leur poids respectif dans l'économie française. Or la population outre-mer représente 4,2 % de la population totale française et le PIB des DROM et COM représente 2,5 % du PIB total français. Ainsi, avec des crédits à hauteur de 1,5 milliard d'euros, soit 1,5 % du plan de relance de 100 milliards d'euros, les outre-mer sont moins bien dotées qu'une stricte répartition proportionnelle ne l'aurait permis.

Troisièmement, à ce jour, des projets ont été recensés, pour un montant total de 465 millions d'euros, mais nombre d'autres projets n'ont pas encore été recensés. Les chiffres communiqués diffèrent entre les différents acteurs du plan de relance et des mesures phares n'ont pas encore été chiffrées, comme la baisse des impôts de production, ou l'ont été de manière provisoire, telles que les garanties fiscales.

Aussi, la plus grande vigilance sera nécessaire pour suivre les crédits alloués et leur consommation. Nous invitons la commission à adopter ces crédits.

M. Claude Raynal, président. - Comme vous l'avez souligné dans votre rapport, la mission « Outre-mer » a connu des sous-exécutions importantes, notamment en 2018 et 2019. Un rapport a d'ailleurs été demandé à la Cour des comptes sur ce sujet. Pensez-vous qu'il y ait un risque de sous-consommation des crédits du plan de relance alloués à l'outre-mer ?

La situation financière de certaines collectivités outre-mer s'est fortement dégradée depuis 2016, avec une capacité d'autofinancement qui enregistre parfois des baisses très importantes. La réponse apportée par ce projet de loi de finances vous paraît-elle adaptée à cette situation ?

M. Victorin Lurel. - Les outre-mer subissent depuis quelque temps, comme en métropole, une hausse importante des coûts des matériaux, du fret, du carburant et de l'énergie en général, mais ils les subissent autrement. Les émeutes en Guyane ont essaimé dans les autres territoires d'outre-mer du fait des hausses du prix du carburant.

En ce moment, des collectifs se réunissent partout dans les outre-mer. Avez-vous des informations sur ce que compte faire le Gouvernement ? Ce qui a été annoncé dans l'Hexagone - par exemple, le blocage du prix du gaz ou le chèque énergie - n'est pas facilement transposable dans les outre-mer.

Le prêt de développement outre-mer est mis en place en lien avec l'Agence française de développement (AFD), qui, depuis quelque temps, me semble faire du « sur-place », voire se retire au profit de la Banque des territoires.

Les crédits dont il est question sont surconsommés, car ils financent des besoins en fonds de roulement. Or les banques ne jouent pas le jeu et les présentes inscriptions ne sont pas suffisantes, notamment pour le financement des entreprises.

Il convient également de faire le bilan de la période 2017-2021. La mission était dotée de quelque 2,2 milliards d'euros, contre 2,6 milliards aujourd'hui, alors que nous avons payé 2,4 milliards d'euros. Le Président de la République, alors candidat, s'était engagé sur un chiffre de 4 milliards d'euros, confirmé plus tard par une lettre aux élus.

Nominalement, nous voyons augmenter le budget des outre-mer, mais, dans le même temps, on prend toujours davantage aux outre-mer. On a, en outre, supprimé des outils fiscaux pour les logements sociaux, les zones franches urbaines, France Ô, la circonscription pour les élections européennes, etc.

J'estime que beaucoup est à revoir dans ce budget : nous sommes loin des engagements donnés jusqu'ici. Le ministre est très habile, qui sait faire passer de manière amicale et empathique des chiffres qui sont mauvais.

M. Vincent Capo-Canellas. - Pourriez-vous expliquer la mise en oeuvre à titre expérimental d'une prise en charge socio-éducative des mineurs isolés à Mayotte ?

M. Rémi Féraud. - S'agissant des sargasses, le budget semble constituer un progrès, puisqu'il entraîne la création d'un budget dédié, doté de 2,5 millions d'euros. Mais n'est-ce pas une réponse de façade ? Sont-ce de nouveaux crédits ou des regroupements ? Ce chiffre est-il à la hauteur du drame que représente l'arrivée des sargasses dans l'océan Atlantique ? Par ailleurs, ces crédits seront-ils vraiment en mesure d'être utilisés par les collectivités territoriales ?

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Très certainement, les crédits ne paraissent pas satisfaisants pour régler tous les maux dont souffrent les outre-mer. Rappelons tout de même que, durant ce quinquennat, un certain nombre d'éléments ont enfin été pris en compte, tel que le problème des sargasses. C'est durant ce quinquennat qu'a été constaté l'écart en matière de péréquation entre les communes de l'Hexagone et celles d'outre-mer.

Je constate que ces crédits ont un aspect nouveau, en ce qu'ils prennent en compte des problèmes qui, jusqu'alors, n'étaient pas reconnus comme tels. Nous reconnaissons qu'il faut aller beaucoup plus loin pour les régler.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - S'agissant de la situation dégradée des collectivités d'outre-mer, les aides aux collectivités sont portées par l'action n° 6 du programme 123, qui est en hausse de 53 millions d'euros, dont 20 millions d'euros de soutien exceptionnel à la Guyane. Cette dernière voit en effet sa capacité d'autofinancement baisser de 88 % entre 2016 et 2020. En outre, 10 millions d'euros sont ouverts pour le dispositif Corom. Bien sûr, la persistance de la crise en outre-mer pourrait justifier l'augmentation des crédits alloués à ce dispositif.

S'agissant du plan de relance, nous avons identifié le paradoxe que la dotation annoncée n'est représentative ni du poids démographique des outre-mer ni du poids de leur PIB dans celui de la France. À l'inverse, avec 465 millions d'euros identifiés, nous serions en sous-exécution si nous ne mobilisions pas l'enveloppe allouée. Sur la sous-consommation des crédits, nous attendons l'enquête que notre commission a demandée à la Cour des comptes.

Cependant, nous pouvons nous réjouir de la dotation particulière de 30 millions d'euros pour l'AFD visant à accompagner des programmes d'investissements publics, au sein du plan de relance ou non. L'ingénierie des projets étant une des principales causes de non consommation des crédits de la mission outre-mer, la question du niveau de cet abondement et de son caractère suffisant peut légitimement être posée mais il va dans le bon sens.

Concernant les sargasses, il s'agit bien de nouveaux crédits, et non d'un redéploiement.

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Nous ne devons pas uniquement nous fier aux crédits qui figurent dans le budget des outre-mer pour porter un jugement sur l'apport de l'État. En effet, le montant total des crédits affectés aux outre-mer s'élève entre 23 et 25 milliards d'euros en AE, et le budget de la mission outre-mer s'élève à 10 % de cette somme, apportée par l'État.

M. Teva Rohfritsch, rapporteur spécial. - Pour Mayotte, il est question de 1,4 million d'euros en AE et CP pour la prise en charge de 1 000 jeunes. Afin de tester cette mesure, une expérimentation sera menée en 2022 sur un périmètre restreint - une seule commune - et un nombre de bénéficiaires limité à 60 enfants. L'année 2022 servira donc de test et un bilan devra être fait à l'issue de celle-ci.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Nous devons être attentifs à tous les crédits mobilisés pour les territoires ultramarins. Nous pouvons parfois avoir le sentiment de traitements différenciés entre les moyens consacrés au continent et ceux alloués à un certain nombre de territoires ultramarins.

M. Claude Raynal, président. - Les outre-mer ne sont pas une dépense, mais un investissement !

M. Victorin Lurel. - L'effort budgétaire total de l'État en faveur des outre-mer serait de 27 milliards d'euros. La Cour des comptes est en train d'analyser ce chiffre, qui ne signifie pas grand-chose en termes de précision statistique.

M. Georges Patient, rapporteur spécial. - Le travail de la Cour des comptes sur la sous-consommation des crédits de la mission « Outre-mer » répond précisément à la demande que nous avons formulée en notre qualité de rapporteurs spéciaux de la commission des finances.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Outre-mer ».

Remplacement d'un candidat à une commission mixte paritaire (CMP)

M. Claude Raynal, président. - Le groupe Union centriste m'a fait connaître son souhait de remplacer M. Vincent Capo-Canellas par Mme Sylvie Vermeillet comme membre titulaire pour faire partie de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et de la proposition de loi ordinaire portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques.

Il en est ainsi décidé.

La commission soumet au Sénat la nomination de MM. Claude Raynal et Jean-François Husson, Mme Christine Lavarde, MM. Jérôme Bascher, Mme Sylvie Vermeillet, MM. Rémi Féraud et Didier Rambaud, comme membres titulaires, et de MM. Sébastien Meurant, Philippe Dominati, Charles Guené, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Jean-Claude Requier et Éric Bocquet, comme membres suppléants de la commission mixte paritaire sur les articles restant en discussion de la proposition de loi organique relative à la gestion à la modernisation de la gestion des finances publiques et de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques.

La réunion est close à 17 h 30.

Mercredi 10 novembre 2021

- Présidence de M. Claude Raynal, président -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Projet de loi de finances pour 2022 - Examen des articles de la première partie - Tome II du rapport général

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons les amendements du rapporteur général sur les articles de première partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2022, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - La première partie du PLF comprend 54 articles, dont 34 ont été introduits par l'Assemblée nationale.

Il s'agit pour l'essentiel de mesures techniques, même si certaines sont plus politiques et de plus grande ampleur comme l'expérimentation pour la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA), les dispositions fiscales accompagnant la réforme des travailleurs indépendants, la défiscalisation des pourboires et, en particulier, la partie fiscale du « bouclier tarifaire » mis en place en réaction à la hausse des prix des énergies. Les mesures annoncées sur ce sujet sont d'ailleurs très enchevêtrées, figurant à la fois en première et seconde parties du PLF pour 2022, ainsi que dans le projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021.

S'agissant du gaz, les cours ont augmenté de façon importante depuis l'été 2021, et ont entraîné une augmentation des tarifs réglementés de gaz pour les ménages. Ainsi, pour un foyer utilisant le gaz pour ses besoins domestiques, la facture entre janvier et octobre 2021 a augmenté de 75 euros par rapport à la même période en 2020. Dans ce contexte, le Gouvernement a annoncé le gel des tarifs réglementés de gaz toutes taxes comprises à leur niveau d'octobre, à compter du 1er novembre 2021 et jusqu'au 30 juin 2022. En revanche, aucun dispositif n'est prévu à ce stade pour les entreprises.

S'agissant des fournisseurs d'offres de marché indexées aux tarifs réglementés, ils s'approvisionneront sur les marchés de gros à des prix élevés sans pouvoir répercuter ces prix sur leurs clients, générant pour eux un manque à gagner financier important pendant l'hiver 2021-2022. Or, le mécanisme d'opposition aux barèmes des tarifs réglementés de gaz prévoit un rattrapage des sommes non perçues pendant la période du gel tarifaire, qui ne pourra toutefois s'effectuer que jusqu'au 30 juin 2023, date de fin des tarifs réglementés du gaz. La contrainte de temps est donc forte.

Dans ce contexte, le Gouvernement propose, à l'article 8 quinquies, une diminution facultative de la taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN), qui pourrait être mise en oeuvre par décret lorsque les coûts d'approvisionnement en gaz naturel au titre d'un mois donné de 2022 excéderaient ceux d'octobre 2021. Cette baisse de taxe, qui concernerait les ménages, bénéficiaires ou non des tarifs réglementés, pourrait diminuer les recettes de la taxe d'environ 1,2 milliard d'euros. Selon le Gouvernement, cela devrait permettre de faire face à des conditions de marchés qui compliqueraient la réalisation du rattrapage tarifaire dans le calendrier prévu.

Cependant, l'article 42 octies du PLF permet aussi au Gouvernement de prolonger le gel des tarifs réglementés jusqu'à la fin de l'année 2022, ce qui resserrerait encore le calendrier de rattrapage pour les fournisseurs. Après l'activation potentielle du levier fiscal en 2022, par une baisse de taxe sur le gaz, le Gouvernement pourrait jouer sur le levier budgétaire en 2023 : cet article 42 octies prévoit en effet qu'une partie du rattrapage des sommes non perçues par les fournisseurs pourra être assurée directement par le budget général, en 2023, par le biais des charges de service public de l'énergie, portées par le programme 345 « Service public de l'énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Cette compensation, certes nécessaire compte tenu des décisions prises par ailleurs, sera certainement très coûteuse pour nos finances publiques.

En ce qui concerne l'électricité, la problématique est différente. D'une part, les ménages bénéficiant des tarifs réglementés n'ont pas encore été directement touchés par les augmentations des cours, car ces tarifs ne doivent être réévalués qu'en février 2022. D'autre part, le bilan global des conséquences de l'augmentation des prix de l'électricité, à la différence de ceux du gaz, n'est pas négatif pour la communauté nationale. En effet, EDF fait des bénéfices en exportant à prix fort son électricité nucléaire et les subventions de l'État aux producteurs d'énergie renouvelable diminuent avec la hausse des cours. Aussi la hausse des prix de l'électricité se traduit-elle par des transferts financiers massifs entre agents économiques, au détriment des consommateurs. L'État a donc les moyens et le devoir d'intervenir pour corriger ce phénomène.

Le Gouvernement a fait le choix de proposer une baisse de la fiscalité sur l'électricité à compter du 1er février 2022, date à laquelle les tarifs réglementés d'électricité doivent être révisés pour prendre en compte la hausse des cours. Je rappelle que ces tarifs concernent près de 70 % des ménages et plus de 1,5 million d'entreprises. D'après les dernières estimations, en l'absence de mesures supplémentaires, ces tarifs pourraient s'apprécier d'environ 20 %, une augmentation qui serait totalement inédite. En réaction, l'article 8 quinquies prévoit une minoration uniforme de tous les tarifs de la taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE). Cette minoration, qui concernerait donc aussi bien les particuliers que les entreprises, bénéficiaires ou non des tarifs réglementés, sera calculée de façon à ce que la hausse du tarif bleu d'EDF pour les ménages soit contenue à 4 %. Cette mesure devrait coûter près de 6 milliards d'euros à l'État, mais, comme je vous l'ai précisé, elle est compensée par des gains réalisés par ailleurs.

Par ailleurs, certaines entreprises, grandes consommatrices d'électricité et qui se fournissent directement sur les marchés de gros ou dont les contrats sont indexés sur ces derniers, souffrent d'ores et déjà des conséquences de la crise des prix de l'énergie. Au surplus, certaines ne seront pas concernées par la baisse de la TICFE dans la mesure où elles bénéficient déjà du tarif réduit minimum autorisé par le droit de l'Union européenne. Pour ces industries électro-intensives, le Gouvernement a annoncé une révision du dispositif de compensation des coûts indirects liés au marché européen d'échange des quotas carbone. Le coût de cette mesure, qui devrait concerner entre 400 et 450 entreprises, est évalué à 150 millions d'euros.

Enfin, deux autres mesures ont vocation à compenser, pour les ménages exclusivement cette fois, la crise actuelle. Elles figurent dans le second projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021, que nous examinerons la semaine prochaine. Il s'agit du complément de 100 euros du chèque énergie, pour un coût de 600 millions d'euros, et de l'indemnité inflation, de 100 euros également, qui concerne 38 millions de bénéficiaires et se traduira donc par une dépense de 3,8 milliards d'euros.

Pour conclure, je vous annonce que je vous présenterai, la semaine prochaine, des amendements sur deux sujets.

Tout d'abord, je souhaite que soit prévue une compensation intégrale de la perte de recettes de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), dans la mesure où les effets de la crise se feront fortement sentir en 2022 sur cette cotisation. Nous anticipons une perte mécanique de recettes d'environ 5 %. Cette compensation s'élèverait à ce stade à 482 millions d'euros, mais, bien entendu et comme pour les précédents filets de sécurité, le montant de la compensation s'ajusterait à la perte réelle constatée.

Ensuite, je proposerai un amendement pour renforcer le dispositif de lutte contre l'arbitrage de dividendes, pratique mise en lumière par l'affaire des CumEx Files en 2018 et contre laquelle la commission des finances avait déjà présenté un amendement. Le sujet est revenu dans l'actualité et le bilan du dispositif a minima finalement adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture de la loi de finances pour 2019 me semble insuffisant. Je souhaite ainsi retravailler les montages interne et externe identifiés dans le cadre de cette fraude.

Mme Sophie Taillé-Polian. - Certains réseaux publics de production de chaleur renouvelable achètent du gaz. C'est le cas, par exemple, dans le secteur de la géothermie. Sans solution, des structures vertueuses pourraient donc être en difficulté. La commission pourrait-elle se pencher sur cette question ?

Mme Christine Lavarde. - Nous sommes face à un sujet mal préparé : le mécanisme de versement des compensations aux opérateurs dont les prix sont gelés n'est pas bien défini et son coût sera très élevé.

Par ailleurs, la baisse de la TICFE est actée. Je rappelle toutefois la vocation initiale de cette taxe, lorsqu'elle s'appelait encore la contribution au service public de l'électricité (CSPE) : elle devait financer les charges de service public de l'électricité, en particulier celles qui étaient liées aux énergies renouvelables. Son montant était corrélé aux prévisions de charges pour chaque année. Or, cette année, les charges de service public de l'électricité vont diminuer en raison du moindre surcoût des énergies renouvelables. Si on n'avait pas transformé cette taxe en un impôt de rendement, la diminution du coût pour les consommateurs aurait donc eu lieu sans besoin d'une baisse exceptionnelle.

M. Marc Laménie. - L'article 11 fixe les variables de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Quelle est l'évolution prévue des dotations de l'État pour les collectivités territoriales, en particulier des prélèvements sur recettes (PSR) à leur profit tels qu'ils sont prévus l'article 13 ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Madame Taillé-Polian, nous allons regarder ce sujet des réseaux de chaleur, dont nous souhaitons le développement, car ils s'inscrivent dans une logique à la fois écologique, économique et sociale. En outre, le sujet concerne de près les collectivités territoriales, qui déploient de tels réseaux ou y sont associées.

Je partage pleinement les observations de Christine Lavarde.

Enfin, monsieur Laménie, la DGF est stable à ce stade. Je vous proposerai un amendement à l'article 11 pour revenir sur la minoration des variables d'ajustements qui touche les régions et qui correspond à 50 millions d'euros.

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons à la présentation des amendements proprement dits.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 3

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.1 vise à garantir l'éligibilité des services de téléassistance et de visio-assistance au crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, que ces derniers soient ou non compris dans une offre globale incluant des services à résidence, de manière à revenir simplement à la situation antérieure à la décision du Conseil d'État, laquelle a introduit une distinction préjudiciable aux bénéficiaires de ces services.

M. Claude Raynal, président. - Vous n'avez en revanche pas retenu le sujet du portage des repas à domicile.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les repas à domicile ne sont en effet pas retenus dans l'amendement car leur éligibilité au crédit d'impôt était conditionnée à leur insertion dans une offre globale de service avant la décision du Conseil d'État, contrairement à la téléassistance. Avec l'amendement que je propose, il s'agit juste de clarifier la situation antérieure.

L'amendement FINC.1 est adopté.

Article 3 bis

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.2 a pour objet de corriger une fausse bonne idée, en supprimant le plafond de 1,6 SMIC pour l'exonération des pourboires de l'impôt sur le revenu. En effet, ce plafond crée des difficultés insurmontables pour les équipes, en mettant à l'écart ceux qui sont mieux payés, et pour les employeurs. Puisque le Gouvernement a décidé d'en faire un dispositif provisoire, pour 2022 et 2023 seulement, il faut qu'il soit simple à mettre en oeuvre.

L'amendement FINC.2 est adopté.

Article 4 sexies

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.3 vise à assurer la coordination entre l'article 4 sexies, relatif au droit d'option à l'impôt sur les sociétés des entrepreneurs individuels, et le projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante tel qu'issu des travaux du Sénat.

L'amendement FINC.3 est adopté.

Article 5

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.4 tend à prolonger jusqu'au 31 décembre 2024, soit pour deux années de plus, le crédit d'impôt ouvert aux entreprises relevant d'un régime réel d'imposition au titre des dépenses de formation de leur dirigeant. En effet, nous voulons donner plus de temps à ce crédit d'impôt pour produire ses effets, sachant que l'article 5 prévoit déjà, pour les microentreprises, le doublement du plafond de ce crédit d'impôt.

L'amendement FINC.4 est adopté.

Article 5 bis

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.5 a pour objet la suppression d'un alinéa apportant des précisions légistiques sans objet.

L'amendement FINC.5 est adopté.

Article 5 ter

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article 5 ter, qui modifie le régime spécifique d'imposition des plus-values de cession à titre onéreux d'actifs numériques, ne s'appliquera qu'aux cessions réalisées à compter du 1er janvier 2023 tel qu'issu des travaux de l'Assemblée nationale. Il n'a donc pas d'effet sur le solde budgétaire pour l'année 2022 et ne peut pas figurer en première partie de la loi de finances. Indépendamment de l'intérêt de la mesure proposée par l'article sur le fond, l'amendement FINC.6 tend donc à supprimer cet article, afin qu'il puisse être réintroduit dans la seconde partie de la loi de finances.

L'amendement FINC.6 est adopté.

Article 5 quinquies

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article 5 quinquies, tel qu'il est rédigé, est lui aussi sans effet sur le solde budgétaire pour l'année 2022. L'amendement FINC.7 a donc pour objet sa suppression.

L'amendement FINC.7 est adopté.

Article 7

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.8 est rédactionnel.

L'amendement FINC.8 est adopté.

Article 8

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article 8 vise à apporter les modifications nécessaires pour que le suramortissement pour l'achat de navires utilisant des énergies propres, voté il y a trois ans, soit opérationnel. Dans ce cadre, l'amendement FINC.9 tend à majorer le taux de déduction de 20 % à 105 % pour les dispositifs de propulsion auxiliaire décarbonée, au premier rang desquelles la propulsion vélique.

En outre, ce dispositif de suramortissement, bien que très attendu par les professionnels du secteur, n'a pas encore trouvé son public en raison d'une validation européenne qui a tardé à venir et de critères trop restrictifs. Je propose par l'amendement FINC.10 un retour à la rédaction initiale de l'alinéa 4 de l'article 8, qui donne directement la liste des énergies propulsives éligibles au taux de 105 %, ce qui permettra une mise en oeuvre plus rapide.

M. Michel Canévet. - Sur l'amendement FINC.9, n'aurait-on pu insérer la date du 1er janvier 2021 ? En effet, le fait générateur de la déduction pourrait être la commande. Or, un certain nombre d'opérateurs, comme Grain de Sail pour la propulsion vélique, ou encore CMA-CGM et Brittany Ferries pour la propulsion au gaz naturel liquéfié (GNL), ont anticipé leurs commandes pour accélérer la décarbonation.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Attention à toute rétroactivité. Nous voulons avant tout rendre le dispositif opérationnel au plus vite pour inciter à réaliser ces achats. J'ai cependant bien noté votre remarque, nous allons regarder et pourrons en reparler la semaine prochaine.

Les amendements FINC.9 et FINC.10 sont adoptés.

Article 9 bis

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.11 a pour objet de maintenir, en 2022, l'application du taux réduit de TVA à 5,5 % pour les tenues de protection, y compris les blouses, les gants et les charlottes. Je rappelle que cette minoration avait été obtenue lors de l'examen du deuxième PLFR pour 2020 par mon prédécesseur Albéric de Montgolfier.

L'amendement FINC.11 est adopté.

Article 9 ter

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'article 9 ter étend le bénéfice du taux réduit de TVA à 5,5 % à des opérations d'acquisition-amélioration financées par un prêt locatif social (PLS) lorsque les travaux consistent en une transformation en logements locatifs sociaux de locaux à usage autre que d'habitation. Cette disposition déroge aux règles habituelles d'application du taux à 5,5 %.

L'amendement FINC.12 prévoit que les logements résultant de ces opérations doivent respecter un niveau de performance énergétique globale. En effet, accompagner ces opérations par une taxe minorée ne suffit pas. Aujourd'hui, tout projet immobilier doit justifier d'une certaine performance énergétique. C'est d'ailleurs le cas pour les logements du dispositif « Louer abordable », en vertu de la loi de finances initiale pour 2020.

L'amendement FINC.12 est adopté.

Article 9 quater

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Il est regrettable qu'aucune évaluation du régime de franchise en base de taxe sur la valeur ajoutée applicable dans les départements d'outre-mer de la Guadeloupe, de la Martinique et de La Réunion n'ait été menée depuis son entrée en vigueur il y a cinq ans. Certes, il s'agit d'un dispositif défini comme expérimental, mais justement son utilité devrait être évaluée avant prolongation ou pérennisation. L'amendement FINC.13 vise donc à prévoir une telle évaluation, qui serait transmise au Parlement avant le 1er septembre 2022, afin de pouvoir juger de l'opportunité de son maintien au-delà de 2022.

M. Victorin Lurel. - Ce dispositif a été créé pour cinq ans par la loi du 28 février 2017 de programmation relative à l'égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique. Or, non seulement il n'a pas été évalué depuis, mais de surcroît, il n'a pas non plus fait l'objet de l'actualisation tous les trois ans dont bénéficient les seuils de droit commun, dans la même proportion que l'évolution triennale de la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. J'y reviendrai en séance publique.

L'amendement FINC.13 est adopté.

Article 10

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Les amendements FINC.14 et FINC.16 sont de coordination, et l'amendement FINC.15 est de précision rédactionnelle.

Les amendements FINC.14, FINC.15 et FINC.16 sont adoptés.

Article 11

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.17 a pour objet, comme en 2021, de rejeter les nouvelles minorations de variables d'ajustement prévues dans le projet de loi de finances pour 2022 et de revenir par la même occasion sur le plafonnement du prélèvement sur recettes (PSR) de compensation du versement transport. L'amendement aurait pour effet d'augmenter les prélèvements sur recettes de l'État au profit des collectivités territoriales d'une centaine de millions d'euros par rapport au droit proposé.

L'amendement FINC.17 est adopté.

Article 13

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.18 tire les conséquences de l'amendement FINC.17 que nous venons d'adopter, en ajustant l'évaluation du montant de trois PSR prévus à l'article 13, soit une hausse de 0,2 % par rapport au texte déposé par le Gouvernement et adopté par l'Assemblée nationale.

L'amendement FINC.18 est adopté.

Article 14 bis

L'amendement rédactionnel FINC.19 est adopté.

Article 17 A

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'amendement FINC.20 vise à compléter la suppression de gages proposée par le présent article, en retenant ceux qui n'ont pas été levés au sein de la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 et de la loi de finances initiale pour 2021.

L'amendement FINC.20 est adopté.

La commission décide de proposer au Sénat d'adopter la première partie du projet de loi de finances pour 2022, tels que modifiée par les amendements qu'elle a adoptés.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

TABLEAU DES SORTS

Article liminaire
Prévisions de solde structurel et de solde effectif de l'ensemble des administrations publiques de l'année 2022, prévisions d'exécution 2021 et exécution 2020

Article 1er
Autorisation de percevoir les impôts et produits existants

Article 2
Indexation sur l'inflation du barème de l'impôt sur le revenu pour les revenus 2021 et des grilles de taux par défaut du prélèvement à la source

Article 3
Sécurisation du champ des prestations de services éligibles au crédit d'impôt
en faveur des services à la personne

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 1

Adopté

Article 3 bis
Exonération IR et PS pour les pourboires

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 2

Adopté

Article 3 ter
Encadrement du système de quotient applicable au titre de l'IR

Article 4
Allongement des délais d'option pour les régimes d'imposition à l'impôt sur le revenu des entrepreneurs individuels

Article 4 bis
Précisions apportées au régime de report d'imposition de la plus-value résultant de la transmission à titre gratuit de titres à une fondation reconnue d'utilité publique (FRUP)

Article 4 ter
Création d'un régime garantissant la neutralité fiscale en cas de fusion de sociétés agricoles

Article 4 quater
Allongement à 10 ans du statut de « jeune entreprise innovante »

Article 4 quinquies
Imposition au titre des bénéfices agricoles des revenus issus des activités de captation de carbone et d'amélioration ou de restauration de la biodiversité par les sociétés agricoles

Article 4 sexies
Possibilité pour les travailleurs indépendants de choisir l'imposition de leurs revenus au titre de l'IS

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 3

Adopté

Article 4 septies
Précision relative au régime de neutralisation des dispositifs hybrides

Article 4 octies
Encadrement de la base d'imputation du report en arrière des déficits

Article 4 nonies
Harmonisation des dispositifs de défiscalisation outre-mer

Article 4 decies
Extension des modalités déclaratives dérogatoires prévues
au titre du prélèvement libératoire de l'impôt sur le revenu
pour les micro-entrepreneurs

Article 4 undecies
Admission des cotisations versées dans le cadre de rachat
de trimestres de base en déduction du résultat imposable
des travailleurs indépendants

Article 5
Aménagement des dispositifs d'exonération des plus-values de cession d'entreprises ou de cession de titres détenus par les chefs d'entreprise et renforcement du crédit d'impôt pour la formation des chefs d'entreprise

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 4

Adopté

Article 5 bis
Cessions résultant de transferts d'actifs dans la comptabilité auxiliaire d'affectation d'entreprises d'assurance au titre de plans d'épargne retraite

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 5

Adopté

Article 5 ter
Soumission des opérations d'achat, de vente et d'échange d'actifs numériques
au même régime d'imposition que les opérations de bourse

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 6

Adopté

Article 5 quater
Adaptations tendant à assurer un traitement fiscal neutre aux porteurs de parts des opérations de cantonnement d'actifs illiquides

Article 5 quinquies
Possibilité d'opter pour le barème progressif de l'impôt sur le revenu
pour les cessions d'actifs numériques

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 7

Adopté

Article 5 sexies
Harmonisation du régime des droits d'enregistrement applicable
aux foncières solidaires

Article 6
Faculté temporaire d'amortissement fiscal des fonds commerciaux

Article 7
Mise en conformité avec le droit européen des retenues à la source applicables
aux sociétés non résidentes

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 8

Adopté

Article 8
Aménagement du dispositif de déduction exceptionnelle en faveur des équipements permettant aux navires et bateaux de transport de passagers ou de marchandises d'utiliser des énergies permettant de réduire les émissions de gaz à effet de serre ou la pollution atmosphérique

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 9

Adopté

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 10

Adopté

Article 8 bis
Modalités de gestion du droit annuel de francisation et de navigation
et du droit de passeport

Article 8 ter
Introduction d'un tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) en faveur de l'électricité fournie dans les aérodromes aux aéronefs lors de leur stationnement

Article 8 quater
Utilisation de l'huile de soja dans les biocarburants

Article 8 quinquies
« Bouclier tarifaire et fiscal » pour l'électricité et le gaz naturel

Article 9
Simplification et mise en conformité avec le droit de l'UE des règles de TVA

Article 9 bis
Prolongation en 2022 du taux réduit de TVA à 5,5 % sur les masques

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 11

Adopté

Article 9 ter
Extension du taux de TVA réduit à 5,5 % relatif aux opérations d'acquisition-amélioration de logements locatifs sociaux à celles financées
par un prêt locatif social (PLS) en cas de transformation de locaux à usage autre que d'habitation

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 12

Adopté

Article 9 quater
Prorogation en 2022 de la majoration de la franchise en base de TVA
à la Martinique, à La Réunion et en Guadeloupe

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 13

Adopté

Article 9 quinquies
Hausse du contingent économique à l'importation de rhum
sur le territoire métropolitain

Article 10
Suppression de dépenses fiscales inefficientes

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 14

Adopté

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 15

Adopté

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 16

Adopté

Article 10 bis
Suppression de la contribution de solidarité territoriale (CST) à compter du 1er janvier 2022 et de la taxe sur le résultat des entreprises ferroviaires (TREF) à compter du 1er janvier 2023

Article 10 ter
Ajustement du mécanisme de remise à charge des communes et EPCI à fiscalité propre ayant augmenté leur taux de taxe d'habitation entre 2017 et 2019

Article 11
Fixation pour 2022 de la dotation globale de fonctionnement (DGF)
et des variables d'ajustement

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 17

Adopté

Article 11 bis
Rectification de divers oublis et mesures de coordination à l'article L. 1615-6 du CGCT relatif au FCTVA

Article 11 ter
Révision du mécanisme de compensation, aux collectivités territoriales, de la suppression de la taxe d'habitation

Article 11 quater
Modalités de financement du droit à compensation définitif des compétences en matière de routes nationales transférées par l'État
à la nouvelle Collectivité européenne d'Alsace

Article 12
Expérimentation de la recentralisation du RSA
dans les départements volontaires

Article 13
Évaluation des prélèvements opérés sur les recettes de l'État
au profit des collectivités territoriales

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 18

Adopté

Article 14
Mesures relatives à l'ajustement des ressources affectées à des organismes chargés de missions de service public

Article 14 bis
Assujettissement des compagnies holding d'investissement et des compagnies holding d'investissement mère dans l'Union à la contribution pour frais de contrôle acquittée auprès de la Banque de France

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 19

Adopté

Article 14 ter
Assujettissement des prestataires de services de financement participatif
à une contribution versée à l'Autorité des marchés financiers

Article 15
Dispositions relatives aux affectations : reconduction des budgets annexes
et comptes spéciaux existants

Article 16
Actualisation et reconduction du dispositif de garantie des ressources
de l'audiovisuel public (compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public »)
et stabilisation du tarif de la contribution à l'audiovisuel public (CAP)

Article 17 A
Suppression de « gages » non levés dans la loi de finances rectificative pour 2021

Auteur

Sort

M. Jean-François HUSSON, rapporteur général

FINC. 20

Adopté

Article 17
Relations financières entre l'État et la sécurité sociale

Article 18
Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l'Union européenne (PSR-UE)

Article 18 bis
Reversement au budget général de reliquats de crédits des fonds européens
de développement régional

Article 19
Équilibre général du budget, trésorerie et plafond d'autorisation des emplois

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Action extérieure de l'État » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous examinons maintenant le rapport spécial sur la mission « Action extérieure de l'État » (AEE). Je salue André Gattolin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, et Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Le programme 105 « Action de la France en Europe et dans le monde » est un florilège de tout ce qu'il ne faut pas faire en matière budgétaire.

Avant d'en venir aux crédits de la mission pour ce projet de loi de finances, je souhaite dire quelques mots sur le suivi des recommandations de nos travaux de contrôle, en commençant par celui que nous avions conduit sur la masse salariale du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE) en 2019.

Pour mémoire nous avions pointé le problème posé par les indemnités de résidence à l'étranger qui s'élevaient à 400 millions d'euros en 2017, soit 42 % de la masse salariale du ministère. Nous notions qu'il existait un décalage entre ce qui devrait être versé - ce que l'on appelle l'IRE théorique - et ce qui l'était effectivement - ce que l'on qualifie d'IRE réelle. - et nous appelions à le réduire. Or, nous constatons qu'il persiste, au détriment de l'équilibre des finances publiques. En pratique, il y a peu d'avancées sur ce sujet qui oppose le MEAE et Bercy, si ce n'est la suppression d'une « survocation » au profit des fonctionnaires de catégorie C. Nous avions relevé un écart global d'environ 25 %, entre l'IRE réelle et théorique, qu'il nous semblait normal de réduire par exemple sur cinq ans, mais nous ne sommes pas suivis sur cette recommandation.

Concernant plus spécifiquement le budget de la mission pour 2022, j'observe que les crédits du programme 105 augmentent de 1,8 %, soit 32 millions d'euros. Premier exemple de ce qu'il ne faut pas faire : plutôt que de provisionner un montant au moment du dépôt du PLF, le Gouvernement a préféré attendre les conclusions des négociations pour présenter un amendement de crédits s'élevant à 83 millions d'euros au titre de la participation du MEAE à la facilité européenne pour la paix. Or, la mission finançait déjà cette initiative en 2021 et il n'aurait pas été illogique, dans l'attente de connaitre le montant définitif, d'inscrire un montant reconduisant les crédits de l'année passée. En tout état de cause, l'adoption de cet amendement par l'Assemblée nationale entraîne une augmentation de ce budget de 4,5 %, bien loin de ce qui était initialement présenté.

De manière générale, je constate un relâchement des efforts consentis par le passé. Cette année, la hausse des dépenses s'explique principalement par des mesures catégorielles au bénéfice du personnel, ce six mois avant l'élection présidentielle...

Le réseau diplomatique est financé à hauteur de 689 millions d'euros, un montant qui inclut notamment les dépenses de fonctionnement des ambassades, qui augmentent de 2,7 millions d'euros. Cette hausse est justifiée en raison du différentiel d'inflation. Les moyens de l'action n° 6 « Soutien » s'élèvent à 261 millions d'euros, consacrés au financement de l'administration générale, des dépenses de gestion, des ressources humaines et des systèmes d'information. C'est le deuxième exemple de mauvaise pratique budgétaire : la hausse exceptionnelle de 22 millions d'euros des crédits de cette action, liée à la crise sanitaire, a été pérennisée en 2022, avec de surcroît une augmentation de 3 %. Par ailleurs, on note la création d'une école diplomatique et consulaire, pour un coût de 2,6 millions d'euros.

Ensuite, les contributions internationales s'élèvent à 652 millions d'euros pour ce qui relève du MEAE. Cependant, j'indique que dans le cadre de la mission de contrôle budgétaire que nous conduisons actuellement, nous n'arrivons pas encore à obtenir l'état global de ces contributions incluant celles des autres ministères. Toujours est-il qu'elles baissent, car la part de la France dans le revenu national brut (RNB) de l'ensemble des États membres baisse depuis 20 ans, signe du déclin de notre pays. Par ailleurs, je note que des gains conjoncturels liés aux taux de change ont été utilisés pour d'autres dépenses. C'est le troisième exemple de ce qu'il ne faut pas faire : une économie conjoncturelle a servi à engager dépense structurelle.

J'observe que l'action n° 1 « coordination de l'action diplomatique », qui englobe le fonctionnement du cabinet, du protocole, de la communication et du centre de crise et de soutien, enregistre une hausse de 5,3 % pour 2022, soit 4,9 millions d'euros. L'augmentation des dépenses de personnel s'élève à 6,3 millions d'euros. En revanche, on ne retrouve pas certaines dépenses immobilières, Bercy ayant permis au MEAE de recourir au compte d'affectation spéciale (CAS) « Gestion du patrimoine immobilier de l'État » à hauteur de 36 millions d'euros sous la forme d'une avance non-remboursable.

Enfin, les efforts entrepris dans le cadre du programme « Action publique 2022 », suspendus en 2020, ne reprendront pas en 2022. La sortie de la situation exceptionnelle dans laquelle nous étions ne marque donc pas un retour à cette trajectoire : c'est le dernier exemple de ce qu'il ne faut pas faire en matière de finances publiques.

En conséquence, j'émets un avis de sagesse négative sur les crédits de cette mission.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - Je vais vous présenter les crédits affectés aux programmes 185 « Diplomatie culturelle et d'influence » et 151 « Français à l'étranger et affaires consulaires ».

La diplomatie d'influence est devenue stratégique. À ce titre, les crédits affectés au programme 185 ne sont pas à la hauteur de la compétition mondiale. Toutefois, ils n'ont été sacrifiés ni dans le cadre du PLF pour 2022 ni au cours des années précédentes du quinquennat.

L'enseignement du français à l'étranger bénéficie du plus grand réseau d'enseignement à l'étranger relevant d'un État, avec plus de 540 établissements dans le monde. Je sais à quel point nos collègues représentant les Français établis hors de France y sont attachés. La subvention à l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE) est stable en 2022, actant la hausse de 2021. La diminution de 10 millions d'euros des crédits consacrés aux bourses aux familles sera absorbée en mobilisant la réserve de 70 millions d'euros qui avait pu être constituée avec les budgets précédents. En outre, conformément aux recommandations que nous avions formulées il y a quelques années, la part de participation des familles au budget des établissements n'augmente plus.

Le réseau d'enseignement du français à l'étranger a été mis à rude épreuve par la crise sanitaire. Il a bénéficié d'aides au cours des différents projets de loi de finances rectificative (PLFR), en particulier le troisième PLFR pour 2020. Une centaine de millions d'euros, engagée au titre des années 2020 et 2021, a permis d'aider les établissements et les familles françaises et étrangères. Je précise d'ailleurs que la majorité des élèves sont étrangers, avec des familles parfois en détresse sociale et financière. Cependant, l'AEFE fait face à d'importants défis. Le Président de la République avait ainsi annoncé il y a quelques années l'objectif de doubler le nombre d'élèves du réseau à l'horizon de 2030. Leur nombre étant stable aujourd'hui, il faudrait allonger le calendrier ou revoir l'objectif à la baisse.

Ensuite, il y a une différence de conception entre Bercy et le réseau d'enseignement français à l'étranger sur la trésorerie des établissements - que Bercy considère comme agrégée -, leur participation au financement de l'AEFE et leur capacité d'endettement pour réaliser des travaux. Ils n'y sont pas autorisés aujourd'hui alors que, recevant une majorité de financements privés, ils devraient pouvoir le faire selon les critères de l'Insee. Le MEAE nous a indiqué qu'un groupe de travail étudiait cette question.

Atout France, qui est l'opérateur chargé du tourisme, percevra 28,7 millions d'euros au titre des subventions pour 2022, auxquelles s'ajoutent les recettes des visas. Ces ressources arrivent à la suite d'un effondrement du tourisme et du plan d'économies de 4,5 millions d'euros décidé en 2019. Nous nous étions d'ailleurs interrogés, à l'époque, sur la nécessité de bénéficier d'un opérateur comme Atout France dans la mesure où le tourisme était particulièrement dynamique. La situation a cependant évolué depuis puisqu'il faut amplifier la reprise du tourisme et préparer les Jeux olympiques de 2024, en partenariat avec les comités régionaux du tourisme. Selon nos interlocuteurs, il faudrait 5 millions d'euros supplémentaires dans le PLF pour 2022. Nous n'avons cependant pas proposé une telle augmentation par voie d'amendement, dans l'attente d'une stabilisation des perspectives en matière de tourisme.

Les autres opérateurs du programme, comme les Instituts français, voient leurs moyens légèrement augmenter, de même que les bourses internationales pour les étudiants étrangers présents en France ou sur les campus français à l'étranger. Après l'effondrement lié à la crise sanitaire, l'objectif est d'arriver à 500 000 étudiants étrangers en 2027.

J'en arrive au programme 151, qui s'élève à 374 millions d'euros. L'augmentation de ce budget concerne les élections de 2022. Il n'est pas prévu de vote électronique pour l'élection présidentielle, contrairement aux élections législatives qui concernent les Français de l'étranger. Le transfert de 12 millions d'euros du ministère de l'intérieur semble adéquat au vu des expériences précédentes. En revanche, la soutenabilité des efforts demandés aux réseaux consulaires ces dernières années n'est pas certaine. L'année 2022 marque un retour en arrière sur la baisse des crédits et des emplois des années précédentes. Un tiers des suppressions d'effectifs du MEAE depuis 2018 s'est faite sur le réseau consulaire, mais celui-ci a été fortement sollicité avec la crise sanitaire.

En outre, la dématérialisation a ses limites : même si tout est indiqué sur internet, beaucoup préfèrent se déplacer ou téléphoner. Durant la crise sanitaire, des centaines de milliers de Français ont dû être rapatriés ou pris en charge et accompagnés sur place. L'accueil téléphonique reste particulièrement déficient. Le MEAE a donc décidé de remettre en place un accueil centralisé pour certains postes consulaires, via un opérateur privé sis à La Courneuve, dans les locaux et sous la supervision d'agents du ministère. Cette création semble nécessaire, mais il y a un problème de cohérence de l'action publique : on recrée des postes qui avaient été supprimés dans un but de maîtrise des finances publiques.

Enfin, les recommandations que nous avons émises, avec Vincent Delahaye, dans notre rapport d'information sur les ambassadeurs thématiques, ne sont pas encore mises en oeuvre, mais un projet de décret, en cours d'élaboration, en reprend certaines. Nous serons attentifs aux suites qui y seront données.

Pour conclure, j'émets un avis de sagesse favorable à ces crédits, pour soutenir un ministère régalien qui a consenti à des efforts budgétaires importants sur dix ans, mais dont le volume des dépenses à l'échelle de l'État reste restreint. Cette légère hausse des crédits répond à de réelles nécessités.

M. André Gattolin, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. - Je connais l'exercice traditionnel de la commission des finances qui cherche à faire des économies - j'y ai participé - et dès que nous renvoyons les crédits aux commissions saisies pour avis, tout le monde, quel que soit le groupe politique, en demande davantage. Nous sommes toujours dans ce paradoxe. Je vais donc essayer de ne pas tomber dans ce défaut, d'être dépensier après avoir économe, suivant le leadership en la matière de Vincent Delahaye.

Mon collègue Jean-Pierre Grand, qui ne pouvait pas être là ce matin, s'est beaucoup préoccupé de la question de l'immobilier, car un vrai travail est à faire. Il propose d'ailleurs depuis deux ans déjà d'envisager des opérations sous partenariat public-privé (PPP), comme cela se fait dans un certain nombre de domaines.

Il est vrai qu'un grand nombre de biens du ministère ont été vendus ces dernières années pour faire des économies et que, de ce fait, les consuls français ne trouvent rien à louer, dans les différentes régions d'Allemagne, notamment à Sarrebruck ou à Francfort, où les bailleurs ne souhaitent pas louer pour trois ans et estiment que les sommes proposées ne sont pas suffisamment élevées. Il a fallu que je fasse appel au maire de Francfort pour trouver un logement au nouveau consul.

Nous pouvons donc nous demander si la politique que nous avons menée consistant à nous séparer d'un certain nombre de « bijoux de famille » qui avaient un certain sens n'a pas conduit à des coûts nouveaux que nous n'avions pas envisagés.

Concernant l'augmentation du budget du programme 105, qui passe de 1,8 % à 4,5 %, grâce à la nouvelle contribution pour la facilité européenne pour la paix, nous oublions souvent que le Royaume-Uni était le deuxième ou troisième pays en termes de contributions aux organisations internationales. Son départ a donc eu un impact considérable que nous devons compenser.

Le total des contributions de la France aux organisations internationales et européennes s'élèvera cette année à 700,8 millions d'euros, contre 718,8 millions d'euros précédemment. Une économie liée à tous les pays occidentaux qui, en proportion, voient leur niveau de revenu national brut (RNB) par habitant diminuer au profit des pays émergents.

Aujourd'hui, la réaction française - et des grands pays occidentaux - est d'augmenter nos contributions volontaires pour continuer à peser dans ces organisations. Si nous avons gardé le poste de secrétaire général adjoint des Nations unies chargé des opérations de maintien de la paix, occupé par Jean-Pierre Lacroix, c'est bien parce que la France les augmente depuis deux ans.

Je rappelle que, sur les quinze grandes organisations internationales des Nations unies, quatre sont aujourd'hui présidées par des responsables chinois et qu'ils en convoitent d'autres. Nous devons donc, si nous voulons continuer à peser dans l'ordre international, être très prudents.

Enfin, la volonté de créer une école diplomatique et consulaire a pour but d'inciter nos hauts fonctionnaires à se tourner vers les postes ouverts dans les grandes organisations et notamment à l'Organisation des Nations unies (ONU), où la Chine a augmenté ses effectifs. Nous nous battons pour les top jobs, mais aujourd'hui les Français sont en train de disparaître de tous les services.

M. Gérard Longuet. - Le corps diplomatique va être supprimé, nous n'aurons plus de candidats.

M. André Gattolin, rapporteur pour avis. - C'est une autre façon de voir.

J'ai visité avant-hier soir le Centre de crise et de soutien (CDCS) du ministère de l'Europe et des affaires étrangères, croyez-moi, ce n'est pas du luxe. Gérer la crise de la covid-19 et la crise afghane aboutit à des explosions budgétaires. Mais la commission des affaires étrangères et de la défense est favorable à un budget qui augmente.

M. Claude Kern, rapporteur pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. - Je vous remercie de votre invitation, monsieur le président, ainsi que les rapporteurs spéciaux pour leur présentation et surtout leur éclairage, puisque mes auditions ne débuteront que cet après-midi.

Je serai bref. Je note d'abord avec satisfaction la stabilité du budget de la mission « Action extérieure de l'État ». Ensuite, j'estime que le doublement des effectifs scolaires, tel qu'il est prévu par le Président de la République, est très peu réaliste, notamment avec les moyens qui y sont affectés.

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Je remercie nos deux rapporteurs, dont tout le monde loue la sagesse, mais qui, si je comprends bien, ne penchent pas forcément du même côté.

Je souhaiterais demander aux rapporteurs si, au travers des auditions notamment, ils ont pu aborder le sujet important des personnels, notamment la question des effectifs qui opèrent pour le compte de l'État. Ainsi, en reprenant un exemple mis en exergue par Rémi Féraud dans votre rapport, je vois que, concernant l'accueil téléphonique, des effectifs ont été supprimés au niveau consulaire puis qu'il a finalement été nécessaire, pour répondre à la demande, de recourir à une centrale d'appel privée. Disposez-vous, messieurs les rapporteurs, d'un bilan consolidé sur cette question ?

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - André Gattolin a indiqué qu'un bon budget est un budget qui augmente. Ce n'est pas mon avis, surtout quand il a autant de défauts. En effet, nous pérennisons des dépenses exceptionnelles, nous prenons des mesures catégorielles, nous transformons des économies conjoncturelles en dépenses structurelles et pérennes. Tout cela n'est pas bon. Je rappelle que les mesures catégorielles sont d'un montant trois fois supérieur aux économies que nous avons pu faire avec « Action publique 2022 ».

Par ailleurs, monsieur Gattolin, non le budget n'augmente pas « un peu » ; 4,5 %, ce n'est pas rien, c'est une augmentation importante. J'aimerais que le budget de chaque collectivité augmente d'autant.

Concernant l'immobilier, à ma connaissance aucun partenariat public-privé n'est engagé dans le réseau consulaire. Si, effectivement, des biens ont été vendus, cette démarche a été freinée - il y en a beaucoup moins. Par ailleurs, vous citez l'Allemagne pour exemple, or tous les pays ne sont pas l'Allemagne. Je ne suis pas certain que les difficultés de logement soient les mêmes partout.

Concernant les contributions internationales, effectivement le Royaume-Uni avait une politique de contribution volontaire plus importante que nous. Nous avons intérêt à les développer, à condition de bien les cibler et d'avoir une stratégie claire et définie. Car aujourd'hui quand nous demandons au ministre de nous présenter sa stratégie sur cette question, il n'en a pas vraiment ou en tout cas elle n'est pas lisible.

Enfin, s'agissant du personnel dans le réseau consulaire, il est vrai qu'il y a eu une évolution : des réductions de postes ont été effectuées, et nous pourrions, en centralisant les réponses - les demandes sont toujours les mêmes -, faire des économies de postes assez substantielles.

M. Roger Karoutchi. - Je partage totalement l'opinion de Vincent Delahaye. Le ministère, du fait des lourdeurs traditionnelles du Quai d'Orsay, ne parvient pas à se réformer. Et c'est comme cela non pas depuis 2017, mais depuis quinze ou vingt ans.

On nous dit que les crédits sont à peu près stables pour l'enseignement français à l'étranger. D'abord, ils le sont à peine. Ensuite, l'état des établissements français à l'étranger - je pense au Maroc et à Madagascar - est dramatique. Les établissements anglophones reçoivent des crédits de façon massive et nous « mangent la laine sur le dos ». Nous sommes en train de disparaître, y compris dans un pays comme le Maroc, où les jeunes veulent désormais apprendre anglais. La France n'a aucune stratégie et la francophonie est en train de s'effondrer, y compris dans des bastions.

Par ailleurs, en 2017, le Gouvernement nous avait dit qu'il mènerait une politique, de préférence, stratégique pour définir ou installer les antennes les plus fortes, à savoir dans des pays où nous avons des intérêts. Or rien n'a été fait et nous continuons de dire très fièrement que nous sommes le réseau consulaire le plus important après celui des États-Unis, alors que nous diluons l'importance de nos antennes. À vouloir être partout, nous ne pouvons pas renforcer les effectifs dans des pays stratégiques.

Je ne voterai pas ces crédits.

M. Emmanuel Capus. - Tout d'abord, je souhaiterais avoir des précisions, car, sur la forme, j'ai des éléments d'incompréhension. Je pense qu'il y a une erreur sur la fiche de synthèse qui nous a été présentée. Il y est indiqué que l'évolution des crédits est de 1,2 % et non 4,5 % comme évoquée par Vincent Delahaye. Par ailleurs, en page deux, dans l'évolution des dépenses de personnel de la mission, le graphique qui nous est présenté donne l'impression qu'elles ont explosé, alors qu'elles passent de 951 millions d'euros à 1,26 milliard d'euros.

Sur le fond, j'ai bien compris que l'ambiance était pessimiste. Je ne partage pas ce pessimisme, je suis beaucoup plus enthousiasmé par le rapport de Rémi Féraud. L'influence de la France est essentielle, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas voter ces crédits, d'autant qu'ils sont en augmentation. Nous nous tirerions une balle dans le pied.

Enfin, l'influence de la France passant par notre réseau d'enseignement français, je voudrais savoir quels sont les pays que nous devons abandonner ? Dans combien de pays sommes-nous ? Combien d'établissements cela représente-t-il et combien d'élèves ?

M. Jérôme Bascher. - Mon colonel me disait : « Qui fait effort partout, fait effort nulle part. » Nous mettons de l'argent partout dans le monde, à la fois dans les établissements d'enseignement et dans le réseau consulaire, mais notre influence n'augmente pas. Est-ce bien la conclusion que nous pouvons en tirer ?

M. Vincent Capo-Canellas. - Nous avons un enjeu stratégique qui est de faire revenir les touristes étrangers, alors que les contraintes sanitaires pèsent encore sur les vols longs courriers. Dans ce contexte, je ne vois pas quelle est l'évolution réelle des crédits d'Atout France ? Par ailleurs, que faisons-nous de concret pour faire revenir la clientèle mondiale ?

Mme Christine Lavarde. - Un des deux rapporteurs spéciaux a rappelé l'annonce du Président de la République de voir une augmentation très forte du nombre d'enfants scolarisés dans les écoles soutenues par la France. L'année dernière, du fait de la crise sanitaire et de l'explosion du port de Beyrouth, des écoles au Liban qui n'appartenaient ni au réseau AEFE ni au réseau des missions laïques ont été aidées et le nombre d'élèves francophones scolarisés a progressé de manière fulgurante.

M. Vincent Delahaye, rapporteur spécial. - Je partage les propos de Roger Karoutchi sur l'absence de politique stratégique et ceux de Jérôme Bascher.

Je souhaiterais dire à Emmanuel Capus que ce n'est pas parce que nous ne votons pas une mission et ses crédits que nous sommes contre l'action extérieure de l'État, la culture ou l'agriculture. Sinon, ce n'est pas la peine de se réunir, de travailler et de procéder à des auditions, disons « oui » tout de suite. Et rejeter un budget ne veut pas dire que nous sommes contre à 98 %. En revanche, je le rejoins sur la forme.

D'abord, l'augmentation de 1,2 % fait référence à ce qui a été inscrit au projet annuel de performance tandis que le pourcentage de 4,5 % auquel je faisais référence correspond à la situation après l'examen de la mission par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement aurait d'ailleurs pu nous le signaler, tout comme les personnes qui ont été auditionnées.

Ensuite, j'entends votre remarque concernant le graphique figurant sur la note de synthèse. Comme souvent pour mieux visualiser les différentes informations, l'échelle a été coupée. Il est d'usage de le préciser, ce qui n'est effectivement pas le cas en l'espèce et sera corrigé pour la publication de notre note de présentation.

M. Rémi Féraud, rapporteur spécial. - Concernant le tourisme, la subvention d'Atout France est de 28,7 millions d'euros, en hausse de 400 000 euros. Son rôle est de faire des campagnes de communication, notamment en partenariat avec les comités régionaux du tourisme et des acteurs privés. Ils se sont recentrés cette année sur le tourisme national et européen, et moins sur la clientèle asiatique ou américaine. Cependant, ils devront se tourner vers le public international pour maximiser le poids de la France, et pour lequel ils demandent 5 millions d'euros supplémentaires. Si je n'ai pas proposé d'amendement en ce sens, c'est parce que je ne sais pas combien de temps va durer la crise sanitaire. Si nous nous demandions à quoi servait vraiment Atout France en 2019, nous avons aujourd'hui besoin de ce volontarisme pour relancer le tourisme le moment voulu.

Concernant l'enseignement français à l'étranger, voici quelques chiffres : 545 établissements, dans 170 pays et pour 370 000 élèves, dont 40 % sont des Français. Le plan de développement présenté par le Président de la République est destiné à de nouveaux élèves étrangers pour revaloriser la francophonie et notre influence dans le monde, même si quelques élèves français seront concernés. Cela implique les efforts réalisés pour le Liban. D'ailleurs, une grande partie des efforts budgétaires réalisés en faveur du Liban en 2021 sont passés par le budget de l'enseignement français à l'étranger. Par ailleurs, la stabilisation du nombre d'élèves dans le monde inclut l'augmentation du nombre d'élèves au Liban, certains établissements étant entrés dans le réseau pour pouvoir être sauvés.

Au titre de l'aide que la France a apportée au Liban, l'aide à l'enseignement est certainement l'outil le plus efficace et concret, puisqu'il a permis à l'éducation au Liban de résister - et ce sont des aides qui ne peuvent pas être détournées.

Concernant le personnel, il y a une forme de stabilité autour du nombre de 12 000 agents du ministère. Il est vrai que le choix a d'abord été de garder l'universalité du réseau. Mais si nous devons fixer des priorités, il faudra faire des sacrifices. Et si nous voulons fixer des priorités sans perdre l'universalité du réseau, il faudra alors vraiment augmenter le budget.

Nous-mêmes nous sommes parfois un peu contradictoires dans nos demandes, car s'il est un atout de posséder le plus grand réseau et consulaire du monde avec les États-Unis et la Chine, cela a aussi un coût budgétaire. En fait, nous ne tirons pas vraiment les conséquences budgétaires de nos volontés. Ensuite, quand nous voulons donner priorité à l'Europe, à l'Afrique parce que nos liens sont importants et à l'Asie et l'espace indopacifique parce que c'est là que tout se passera demain, nous ne faisons pas vraiment de priorités. Nous avons quelques projets mutualisés de nos représentations avec l'Allemagne, mais ils restent epsilon.

Ces dernières années, ont été créés des postes de présence diplomatique permettant d'être présent sans avoir un ambassadeur sur place, mais aucun poste de présence n'est créé dans le PLF pour 2022.

Pour ce qui est des affaires consulaires, qui intéressent beaucoup nos compatriotes vivant à l'étranger, c'est le programme qui a fait le plus d'efforts budgétaires. Dans « Action Publique 2022 », dont l'un des éléments était de réduire le nombre d'agents de l'État à l'étranger, 332 emplois ont été supprimés pour le ministère, dont un tiers concerne les affaires consulaires. Nous avons tous constaté que, dans un certain nombre de postes, le réseau des affaires consulaires est à l'os.

C'est aussi le choix qui a été fait de mettre en place un projet pilote dont l'enveloppe budgétaire reste relativement floue et sur laquelle nous devrons nous pencher l'année prochaine pour définir quelles sont les implications budgétaires de créer un accueil téléphonique centralisé à La Courneuve.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Action extérieure de l'État ».

Projet de loi de finances pour 2022 - Missions précédemment examinées et réservées : « Engagements financiers de l'État », « Défense », « Plan de relance » et « Sport, jeunesse et vie associative » (et articles 54 et 55) - Vote

M. Claude Raynal, président. - Nous en venons au vote sur les crédits des missions précédemment réservées. Nous commençons par la mission « Engagements financiers de l'État ».

MISSION « ENGAGEMENTS FINANCIERS DE L'ÉTAT »

M. Jérôme Bascher, rapporteur spécial. - Je serai bref, je suis défavorable à l'adoption des crédits de cette mission. Juste avant-hier, le Gouvernement a cru bon d'ajouter un amendement ouvrant 1,1 milliard d'euros de dépenses supplémentaires, liées, d'une part, à la révision à la hausse de la prévision d'inflation en zone euro et, d'autre part, au contexte des taux d'intérêt. En outre, le ministre de l'économie, des finances et de la relance, a annoncé hier une prolongation du dispositif des prêts garantis de l'État (PGE) jusqu'au 30 juin 2022.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits de la mission « Engagements financiers de l'État ».

MISSION « DÉFENSE »

M. Claude Raynal, président. - Nous passons à l'examen des crédits de la mission « Défense ».

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial. - Plus nous avançons, moins c'est clair, puisque l'Assemblée nationale, au détour d'un amendement, a adopté un amendement prévoyant 2,8 milliards d'euros d'autorisations d'engagement pour réaliser des travaux de rénovation et la création de 15 000 logements pour l'hébergement des militaires dans le cadre d'un partenariat public privé (PPP) qui nous emmène à 2056 - c'est Noël tous les jours, avec une trêve pour les successeurs des successeurs. Aux dernières nouvelles, les avions de l'armée française livrés à nos partenaires croates pourraient peut-être être remplacés, mais la ministre ne veut pas l'annoncer parce que le contrat n'est pas encore signé.

Si nous votons les crédits, nous nous renierons, puisque le Gouvernement aurait dû nous soumettre une loi de programmation militaire rectifiée, mais même temps, il respecte la trajectoire. Je propose donc de nous en remettre à la sagesse du Sénat.

La commission décide de s'en remettre à la sagesse du Sénat sur les crédits de la mission « Défense ».

MISSION « PLAN DE RELANCE »

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec l'examen des crédits de la mission « Plan de relance ».

M. Jean-François Husson, rapporteur spécial. - Le 27 octobre dernier, nous avions adopté les crédits de la mission « Plan d'urgence » et réservé le vote des crédits de la mission « Plan de relance » dans l'attente, d'une part, des éventuelles modifications que pourrait adopter l'Assemblée nationale et, d'autre part, des précisions sur les redéploiements de crédits que devait apporter le projet de loi de finances rectificative (PLFR).

L'Assemblée nationale a voté les crédits sans les amender. Le PLFR, déposé le 3 novembre, demande l'ouverture de 2,3 milliards d'euros, uniquement en autorisations d'engagement (AE), au titre des redéploiements au sein du plan France Relance, répartis sur trois programmes de la mission.

Nous pouvons émettre quelques doutes sur la capacité des services à réaliser tous ces engagements d'ici à la fin de l'année : il est possible qu'une partie de ces autorisations d'engagement soit reportée à 2022. Cette question concerne surtout le collectif budgétaire. Il s'agit, par ailleurs, pour l'essentiel, de ré-abonder des dispositifs existants.

Je rappelle que, dans le PLF pour 2022, les ouvertures de crédits sont de 1,2 milliard d'euros en AE et de 12,9 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), et sont consacrées à la poursuite des dispositifs ouverts et lancés.

L'année dernière, nous avions adopté la mission en étant favorables à la démarche mais nous avions assorti ce vote de nombreux amendements. Aujourd'hui, je pense qu'elle doit aller à son point d'aboutissement sans qu'il soit vraiment possible ou réaliste de proposer d'autres orientations. Il me paraît donc nécessaire de voter ces ouvertures de crédits et je vous propose donc un avis favorable.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Plan de relance ».

MISSION « SPORT, JEUNESSE ET VIE ASSOCIATIVE »

M. Claude Raynal, président, en remplacement de M.  Éric Jeansannetas, rapporteur spécial. - Nous terminons par l'examen des crédits de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » et des articles rattachés 54 et 55. Le rapporteur spécial, Éric Jeansannetas ayant dû s'absenter, il m'a confié le soin d'indiquer sa position.

Tout d'abord, permettez-moi de vous exposer, en son nom, les modifications apportées par l'Assemblée nationale à la mission depuis son premier examen en commission, le mercredi 20 octobre.

Concernant les amendements de crédits, le plus important consiste en un abondement de 100 millions d'euros en crédits de paiement pour le programme « Sport », destinés aux équipements sportifs de proximité.

Ce montant lui semble plus cohérent au regard des besoins des équipements sportifs que celui prévu par le plan de relance, qui est de 25 millions d'euros pour le budget de l'État et de 50 millions d'euros au total. Toutefois, l'objet de l'amendement précise que « la rénovation d'équipements sportifs existants est en revanche exclue ». Notre collègue s'interroge sur une telle limitation, à la fois du point de vue de la maîtrise des coûts, de celui de la valorisation du patrimoine sportif déjà existant, et enfin au niveau écologique.

L'Assemblée nationale a également adopté un amendement de crédit qui prévoit 10 millions d'euros supplémentaires pour le développement du sport de haut niveau. Le montant de ces crédits lui semble être en accord avec les ambitions affichées pour les Jeux olympiques de 2024 et avec les crédits qui sont habituellement consacrés à ce domaine.

L'Assemblée nationale a adopté également deux articles rattachés.

L'article 54 consiste à fixer à 20 % la quote-part du mécanisme de fléchage des comptes inactifs vers le fonds pour le développement de la vie associative. Actuellement, il est prévu que cette quote-part soit fixée annuellement en loi de finances, et elle a été définie à 20 % pour 2021 et pour 2022. Pour le rapporteur spécial, la fixation de la quote-part a le mérite de rendre plus clair le fonctionnement du mécanisme de fléchage des comptes inactifs.

L'article 55 prévoit la commande d'un rapport au Gouvernement sur les dépenses de partenariat sportif des entreprises dans la perspective de l'accueil des Jeux olympiques. Le rapporteur spécial estime que ce rapport apportera des informations utiles sur le financement des Jeux olympiques et il ne voit ainsi pas de raisons de s'y opposer.

Il vous propose donc d'adopter les crédits de la mission et les deux articles rattachés.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission «Sport, jeunesse et vie associative » ainsi que des articles 54 et 55 rattachés.

La réunion est close à 11 heures 15.

La réunion est ouverte à 16 h 35.

Projet de loi de finances pour 2022 - Compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport de M. Victorin Lurel sur le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État ».

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Cela fait bientôt cinq ans que je vous présente ce CAS. Compte tenu de ce qui nous est présenté, chaque année, en tant que parlementaire, c'est une souffrance pour moi de le faire. Il est même arrivé, certaines années, que nous votions les crédits - sans doute parce que nous aimons les souffrances et les difficultés.

Mon propos va se développer en trois temps : la situation du compte aujourd'hui ; le retour sur la performance du portefeuille de l'État actionnaire ; et enfin, une projection vers l'avenir.

Depuis 2020, le compte est marqué par les conséquences économiques de la crise sanitaire, tant pour ses dépenses, avec d'importants moyens mobilisés pour aider les entreprises du portefeuille, que pour ses recettes. En l'absence de cessions, il a en effet fallu recourir à des versements du budget général pour alimenter le compte.

L'année 2022 devrait s'inscrire dans la continuité des deux exercices précédents, avec une activité importante du compte. La prévision de dépenses s'élève à près de 9,5 milliards d'euros, de même que les recettes, provenant presque intégralement de versements du budget général.

Au-delà de ce montant, on observe deux différences importantes : la première correspond à la nature des dépenses d'opérations financières, puisque plus de la moitié de ces dépenses ne relèvent pas de l'État actionnaire, alors même que le compte est censé servir à cela ; la seconde tient à l'inscription de près de 2 milliards d'euros au titre de la contribution au désendettement de l'État, sous la forme d'un tour de « passe-passe » budgétaire que nous a décrit, de manière édifiante, Jérôme Bascher la semaine dernière.

Plus fondamentalement, je m'étonne de constater que, pour 2022 encore, près de 99 % des recettes du compte proviennent du budget général. Une telle situation était compréhensible au plus fort de la crise sanitaire ; elle ne l'est plus aujourd'hui. En effet, le Gouvernement mobilise depuis cette année des crédits du budget général pour financer des opérations financières non liées à la crise sanitaire.

La trésorerie du compte devrait atteindre un niveau exceptionnellement faible en fin d'exercice 2021, à savoir environ 500 millions d'euros, ce qui correspond au « rupteur » prudentiel.

Cette situation doit être critiquée sur le plan budgétaire, puisqu'elle s'oppose aux principes de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), mais aussi sur le plan politique, dans la mesure où elle limite notre capacité à disposer d'une vue globale et cohérente sur les crédits consacrés aux participations financières de l'État.

J'y vois la confirmation d'un risque sur lequel j'avertis le Gouvernement depuis 2017. En ayant diverti des produits de cession afin de doter le fonds pour l'innovation et l'industrie (FII), il a rigidifié le compte et l'a soumis aux contraintes budgétaires annuelles. Prendre des recettes destinées aux entreprises pour financer un prétendu fonds pour l'innovation, cela ne permet pas au compte de fonctionner normalement ! En tout cas, nous ne pourrons pas faire l'économie d'une réflexion sur la réforme du cadre budgétaire et opérationnel de la gestion des participations financières de l'État.

Concernant la situation du portefeuille de l'État actionnaire, ces dernières semaines ont été marquées par une certaine euphorie boursière, le CAC 40 ayant battu son record historique et franchi la barre symbolique des 7 000 points. Fin octobre, le commissaire aux participations de l'État, M. Martin Vial, s'est félicité que le portefeuille coté de l'État actionnaire ait retrouvé sa valorisation d'avant la crise.

Chers collègues, sachons gré de cette performance, mais ne soyons pas dupes ! Entretemps, le portefeuille coté de l'État actionnaire a fait l'objet d'une recapitalisation de près de 5 milliards d'euros. Depuis fin 2019, un écart de performance de 12 points est constaté entre les deux indices de la place parisienne, le CAC 40 et le SBF 120. Or, l'explication usuelle du biais énergétique du portefeuille ne s'applique pas ; en retranchant EDF, l'écart de performance atteint 30 points. C'est bien le signe de difficultés plus structurelles, que les entreprises n'ont toujours pas surmontées.

Je souhaite enfin évoquer le rôle et les défis de l'État actionnaire pour demain. À mon sens, il est indispensable de définir une stratégie, qui me semble aujourd'hui défaillante. En 2017, l'hubris du « nouveau monde » l'a poussé à rejeter le principe d'une gestion « à la papa ». J'avais alors critiqué ce choix de restreindre la doctrine d'intervention et d'atrophier le portefeuille de participations en décidant, par exemple, de privatiser Aéroports de Paris (ADP) et la Française des jeux. Si la crise sanitaire a conduit le Gouvernement à ajuster sa copie, il n'en a pas tiré toutes les conséquences, notamment en maintenant tel quel un FII devenu caduque, en dépit des appels en ce sens du Parlement et de la Cour des comptes.

Fin octobre, l'Agence des participations de l'État (APE) a annoncé le lancement d'une réflexion sur la future stratégie de l'État actionnaire. L'objectif est de définir une feuille de route pour le prochain quinquennat - comme l'a dit M. Martin Vial -, en tenant compte de quatre facteurs : le soutien auprès d'entreprises touchées par la crise ; le soutien à la souveraineté économique ; l'accompagnement des transitions environnementales ; et l'accompagnement face aux ruptures technologiques et numériques. Je vois dans ces objectifs le souhait de l'APE de revenir à la doctrine de 2014. En période de crise, on se rend compte que l'intervention en capital constitue un levier efficace de politique économique.

En conclusion de mon propos, je vous demande donc de rejeter les crédits de ce compte. Rendez-vous compte : on crée un programme au sein d'une mission et on alloue près de 2 milliards d'euros pour prétendument rembourser la dette, alors que, en faisant cela, on augmente le déficit budgétaire. Le désendettement devrait être financé par des cessions d'actifs ; ce n'est pas le cas. Nous avons affaire à un tour de « passe-passe » budgétaire, et je trouve très méprisant à l'égard du Parlement d'agir ainsi.

M. Claude Raynal, président. - Monsieur le rapporteur spécial, en faisant la liste des objectifs affichés, vous observez un retour à la doctrine définie sous la présidence de François Hollande en 2014. S'agit-il d'un constat positif ou négatif ?

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - À quelques mots près, il s'agit en effet de la même doctrine, celle de l'intervention en capital. Or, le compte ne correspond plus à cette doctrine depuis quelques années déjà.

M. Claude Raynal, président. - Vous soulignez que la valorisation du portefeuille est inférieure au CAC 40. Cela n'est-il pas normal ? Le rôle de l'État est-il d'acheter des actions d'entreprises florissantes ? Ou bien d'intervenir dans des domaines plus à risque, avec une moindre valorisation ?

Mme Christine Lavarde. - Nous voterons contre l'adoption des crédits. Martine Berthet, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, m'a chargée de vous informer que, ce matin, la commission des affaires économiques a émis un avis également défavorable à l'adoption des crédits de ce compte.

Monsieur le rapporteur spécial, vous avez évoqué le fait que le fonds pour l'innovation et l'industrie avait rigidifié le compte. J'ai lu une analyse très critique d'un organisme d'État affirmant que ce fonds avait été dévoyé de ses objectifs initiaux. Partagez-vous ce constat, au-delà des impacts sur la gestion du CAS ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Monsieur le rapporteur spécial, vous avez indiqué que la trésorerie du compte atteindrait, selon les prévisions de l'APE, un niveau extrêmement faible en fin d'année. Quelles sont les opérations envisagées d'ici là ? Sont-elles liées à la crise sanitaire ou correspondent-elles à des opérations classiques de l'État actionnaire ?

Des montants importants ont été mobilisés pour venir en aide aux entreprises du portefeuille. Quelle est la stratégie de sortie envisagée ?

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Monsieur le président, l'État peut-il faire du boursicotage pour valoriser son portefeuille ? On peut se poser la question d'un point de vue moral. Dans le secteur de l'énergie qui constitue une part importante du portefeuille de l'État, le privé fait parfois mieux que des entreprises à capitaux publics ; cela accrédite cette idée que le privé est plus performant, alors que l'on peut faire mieux sans pour autant changer d'objectif ni d'orientation. Le patrimoine de l'État doit être correctement géré et, partant, valorisé. Des groupes comme Orange ou Renault peuvent faire mieux, car ils sont en deçà des standards de leur secteur ; il s'agit d'un problème structurel, qu'il convient de traiter.

Pour répondre à Mme Lavarde, concernant le FII, en 2017, la dotation était censée provenir des produits de cession et devait servir au financement de l'innovation, alors que toutes sortes de programmes et de missions répondaient déjà à cet objectif.

À partir de janvier 2023, on devra rembourser le différentiel entre le taux octroyé de 2,5 % pour rémunérer la dotation en numéraire du FII de 3,5 milliards d'euros et le taux des obligations assimilables du Trésor (OAT) à cinquante ans, qui s'élève aujourd'hui à 0,47 %. Des artifices comptables pourront être imaginés, mais, d'une manière ou d'une autre, l'État aura à payer cette différence. Je suis assez critique sur la gestion de cette affaire. La grossièreté de l'artifice, comme pour le désendettement, me frappe.

Monsieur le rapporteur général, la trésorerie du compte en fin d'exercice 2021 sera très faible. Il n'y a plus de cessions, le budget général est le seul canal qui alimente le compte. Le chiffre devrait être d'environ 500 millions d'euros ; dans mon intervention, j'évoquais la possibilité de toucher le « rupteur » prudentiel. Pour 2021, il est prévu que l'État alimente ce compte à hauteur de 7 milliards d'euros, auxquels s'ajoutent 2 milliards d'euros pour le désendettement. Il doit constamment alimenter ce compte, alors qu'il y a aujourd'hui des opérations à réaliser avec les groupes Air France-KLM, ou bien, en vue de la restructuration de la filière nucléaire, Framatome, Orano et Areva.

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Projet de loi de finances pour 2022 - Mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » - Examen du rapport spécial

M. Claude Raynal, président. - Nous accueillons M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques, et poursuivons nos travaux avec l'examen du rapport spécial de MM. Vincent Segouin et Patrice Joly sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » (AAFAR) et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR).

M. Vincent Segouin, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - En hausse de 3 %, les concours publics à l'agriculture s'élèvent à 23 milliards d'euros pour 2022, avec une participation de l'Europe à hauteur de 9,9 milliards d'euros. Le total des crédits nationaux apportés à l'agriculture s'élève à 13,12 milliards, en tenant compte des exonérations fiscales et sociales, mais aussi des crédits apportés par la mission que nous examinons aujourd'hui et les crédits du CASDAR.

Concernant la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », le budget est stable à 3 milliards d'euros soit un montant à peu près similaire à celui prévu par la loi de finances pour 2021, mais en baisse de 381 millions d'euros si nous rajoutons le projet de loi de finances rectificative (PLFR) voté cet été pour compenser les aléas sanitaires et climatiques.

Dans ce budget de 3 milliards d'euros, on observe une diminution des crédits dédiés au renouvellement, ainsi qu'à la modernisation des exploitations. On note une augmentation des budgets alloués à la gestion équilibrée et durable des territoires, avec les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC), le bio ou les indemnités compensatoires des handicaps naturels (ICHN). On constate également une provision pour aléas débordée par la crise sanitaire, la sécheresse et le gel, avec des crédits pour cette provision sous-dotés, y compris pour 2022, malgré une fréquence des aléas qui augmente.

L'agriculture française perd de la compétitivité, mais ne refuse pas la transition écologique. Elle manque de lisibilité et de stabilité ; cela handicape l'installation des jeunes et joue sur le moral des exploitants agricoles qui, pour un tiers, vivent avec moins de 1 000 euros par mois. Cela nuit également aux entreprises de transformation et aux filières, notamment betteravières.

Ce problème est lié à plusieurs causes : le prix de vente des matières ; les normes et les surtranspositions franco-françaises - tout le monde se rappelle l'épisode des néonicotinoïdes et du glyphosate - ; et enfin, une main d'oeuvre trop chère, qui influe sur la compétitivité de nos fruits et légumes.

Pour les jeunes agriculteurs, le principal risque concerne les pertes de récoltes et de cheptels à cause des aléas ; aujourd'hui, une récolte sur cinq est définitivement perdue.

Ces aléas sont de plus en plus fréquents, mais les budgets sont toujours sous-évalués. En 2020, à cette même période, nous prévoyions un budget pour la provision pour aléas pour 2021 de 190 millions d'euros.70 millions d'euros ont déjà été mobilisés, dont 40 millions d'euros versés au fonds des calamités. L'épisode marquant du gel a nécessité un plan d'aides de 1 milliard d'euros ; et, dans les différents PLFR de 2021, 850 millions d'euros ont été inscrits. Les phénomènes d'aléas climatiques et de crises sanitaires se multiplient et le recours aux dépenses exceptionnelles ne cesse d'augmenter, alors que les budgets sont toujours anormalement bas. La provision pour aléas est maintenue à 190 millions d'euros pour 2022.

Nous pouvons donc douter de la sincérité de ce budget et craindre d'autres PLFR en 2022. Pour répondre à cette crainte, le Gouvernement souhaite mettre en place une assurance et développer la prévention des risques, par exemple contre la sécheresse.

Le sujet majeur de l'assurance récolte doit arriver en discussion au Sénat en janvier 2022. On nous annonce que l'État prendra en charge les pertes supérieures à 50 %, mais nous ignorons encore l'estimation de cette participation. Cette question est cependant primordiale pour conserver nos agriculteurs et attirer des jeunes vocations.

Notre politique agricole privilégie le court-terme alors qu'elle devrait se projeter à cinq ou dix ans. Pèsent aujourd'hui des risques de pertes des outils industriels de transformation, avec également une politique écologique susceptible de sacrifier notre souveraineté alimentaire. À ce titre, qu'adviendra-t-il, une fois passés les trois ans, du moratoire sur les néonicotinoïdes et le glyphosate ? Comment un industriel peut-il investir dans un outil avec seulement trois ans de perspective ? On observe ainsi la fermeture des sucreries, et l'on s'interroge actuellement sur la filière betteravière.

Où en sommes-nous concernant la recherche sur le glyphosate ? Disposons-nous de méthodes alternatives pour garder notre compétitivité ? Ou repousserons-nous encore l'échéance jusqu'à ce qu'il soit trop tard ? C'est une vraie question, à laquelle le Gouvernement ne répond pas dans ce budget.

Enfin, je souhaite aborder le sujet du CASDAR. Le compte est financé par les agriculteurs, et la prévision de recettes s'est élevée en 2021 à 126 millions d'euros. Or, les recettes s'élèveraient finalement autour de 140 millions d'euros. Cette situation s'est déjà produite dans le passé, et l'excédent de recettes est souvent reversé au budget général ; il s'agit d'un véritable hold-up, dont on ignore les raisons, alors qu'il conviendrait de dynamiser la recherche et l'innovation pour répondre aux exigences de consommation des produits de qualité, avec un budget maîtrisé et une rémunération pour celui qui les cultive.

En conclusion, il s'agit d'un budget de transition, avec une politique qui va dans le sens de la souveraineté et de la compétitivité, mais une vision trop court termiste, à cause des habituelles surtranspositions et des coûts de main-d'oeuvre. Il est temps d'impulser une politique à plus long terme pour rééquilibrer notre balance commerciale et donner des perspectives aux acteurs, en particulier aux jeunes agriculteurs. Avec la pandémie, nous avons bien compris que la souveraineté alimentaire était nécessaire et que les risques de pénurie pouvaient exister ; tâchons d'être à la hauteur de ces défis.

M. Patrice Joly, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - J'évoquerai le programme 149 dans son volet consacré à la forêt et la pêche, ainsi que le programme 206 lié à la sécurité sanitaire de l'alimentation.

Les crédits dédiés à la pêche par le programme 149 sont à peu près constants. La répartition entre les États membres de l'enveloppe globale du nouveau Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l'aquaculture (Feampa), identique à la clé actuelle, fixe à 567 millions d'euros les crédits pour la France, ce qui représente une baisse de 21 millions d'euros.

La conclusion de l'accord de commerce et de coopération entre l'Union européenne et le Royaume-Uni de décembre dernier a mis en lumière plusieurs enjeux, que l'actualité récente n'a pas manqué de nous rappeler. La question des accès des navires européens aux eaux du Royaume-Uni n'est toujours pas réglée, de même que celle des mesures associées aux licences délivrées par le Royaume-Uni et les autorités locales du bailliage de Jersey. Nous constatons que les risques liés au Brexit n'ont pas été pris en compte pour accompagner les pêcheurs, qui en subissent aujourd'hui les préjudices.

La politique forestière constitue un véritable enjeu en termes de lutte contre le réchauffement climatique, notamment à travers la captation de carbone. Les enjeux sont également importants sur le plan sanitaire. La sécheresse fragilise l'ensemble des essences, dans un contexte de dépérissements liés au réchauffement du climat et au déficit hydrique. La filière reste confrontée à des difficultés économiques majeures, tandis que l'opérateur principal de la gestion forestière, l'Office national des forêts (ONF), connaît de graves difficultés auxquelles le nouveau contrat d'objectifs et de performance (COP) n'apporte pas de réponses.

Dans ce contexte, le budget alloué à la forêt par le programme 149 augmente de 27 millions d'euros en crédits de paiement, pour atteindre 276 millions d'euros. Cette hausse résulte principalement d'une augmentation des transferts au bénéfice de l'ONF.

La situation financière de l'ONF s'est dégradée en 2020 sous l'effet conjugué de ventes de bois moins dynamiques et de charges d'exploitation qui ne diminuent pas. L'endettement de l'ONF enfle depuis plusieurs années et devrait dépasser 508 millions d'euros à la fin de l'année. On peut considérer qu'il s'agit d'une situation normale, dès lors que les investissements de l'ONF sont à très longue durée de vie. Cet endettement pose néanmoins problème à un établissement vulnérable à l'évolution du prix du bois. Une subvention exceptionnelle de 30 millions d'euros est prévue en 2021 par le PLFR que nous allons prochainement examiner ; elle devrait permettre de réduire de moitié le déficit prévu de 64,2 millions d'euros.

Le renforcement du soutien de l'État s'inscrit dans le cadre du nouveau COP signé en juillet dernier. L'État mobilise ainsi 60 millions d'euros supplémentaires sur trois ans, de manière dégressive : 30 millions, 20 millions, puis 10 millions d'euros. Les missions d'intérêt général (MIG) portées par l'ONF sont également confortées. Au total, les transferts en direction de l'ONF atteindront 204 millions d'euros en 2022, contre 182 millions d'euros en 2021.

En contrepartie, des réformes d'ampleur sont attendues de la part de l'ONF. Il est demandé à l'établissement un effort de réduction de ses charges, portant principalement sur sa masse salariale, d'ici à cinq ans. Cela représenterait une suppression de 475 équivalents temps plein (ETP), dont 95 en 2022. Pour faire diminuer la masse salariale, l'idée est également de recourir à des contractuels sous statut privé. Au sein de l'ONF, nous sommes aujourd'hui dans une phase de restructuration importante des effectifs.

La forêt française - essentiellement une forêt de propriétaires privés - n'est guère encouragée. Le sursaut attendu en matière de politique forestière ne s'est pas produit, alors même que la situation sanitaire de la forêt française s'est considérablement dégradée ; les crédits supplémentaires consacrés à ce titre, dans le cadre du plan de relance, sont donc bienvenus.

On peut également signaler la perspective d'augmentation de la contribution financière des communes forestières à compter de 2023. Cette augmentation prévue par le COP, si elle est proposée par le conseil d'administration, devra nécessairement figurer en loi de finances, afin que l'on puisse délibérer sur le sujet.

Concernant la maîtrise des risques sanitaires, on observe une augmentation de crédits de 13 millions d'euros, soit une hausse de 2,1 %. Les dépenses de personnel représentent plus de la moitié de cette hausse, avec la création d'emplois nouveaux liés au Brexit. En dehors de renforcements des dotations de fonctionnement rendues nécessaires par l'évolution des règles européennes, la programmation est assez inerte.

Or, la situation sanitaire des végétaux et des animaux est très inquiétante. Le niveau de risque relatif à l'influenza aviaire vient de passer, vendredi 5 novembre, au stade « élevé » en métropole. Alors même que les dépenses relatives à l'indemnisation des éleveurs ont été exceptionnellement élevées en 2021, à la suite de la crise de l'hiver 2020 ayant entraîné la décimation des canards, et qu'elles n'ont pas encore fini d'être payées par le programme, une nouvelle crise se dessine à l'horizon. De telles crises à répétition ont une influence, à moyen terme, sur la soutenabilité du programme.

Les objectifs de réduction des consommations d'intrants ne seront pas atteints et sont même révisés. Je tiens également à évoquer le projet de sortie du glyphosate. Le 9 octobre dernier, l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) a rendu les conclusions de son évaluation comparative sur les alternatives non chimiques au glyphosate. L'analyse de ces travaux, menée à partir d'études de l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae), a révélé des situations d'impasse technique ; aucune alternative d'usage courant ne permet, à court terme, de répondre aux besoins des professionnels sans nécessiter une modification substantielle de leurs pratiques. Le Gouvernement s'est engagé dans un processus de sortie du glyphosate ; en repoussant la réalisation des objectifs sur le sujet, il s'éloigne également des objectifs agro-écologiques prévus dans le cadre de l'application du Green Deal.

L'augmentation de 2 % des dépenses de personnel, après une progression de 6 % l'année précédente, s'explique par l'évolution des effectifs liés au Brexit. Les contrôles douaniers, sanitaires et phytosanitaires aux frontières de l'Union européenne ont été rétablis depuis le 1er janvier 2021. Des moyens ont été alloués par les lois de finances des années précédentes pour faire face à ces contrôles. La création d'emplois s'élève au total à 466 ETP, dont une centaine de vétérinaires. S'il est toujours difficile de recruter des vétérinaires, 90 % des recrutements envisagés ont été satisfaits.

En conclusion, mon appréciation sur les crédits pour 2022, notamment ceux qui sont dédiés au programme 149, diverge de celle de mon collègue Vincent Segouin. Il s'agit d'un budget de transition, avant la mise en oeuvre de la nouvelle programmation de la politique agricole commune qui débutera le 1er janvier 2023. Ce budget ne permet pas de faire face aux enjeux de transition qui attendent notre agriculture, pas plus qu'il n'ouvre de perspectives concernant le renouvellement et la modernisation des exploitations agricoles. Je propose donc de ne pas adopter les crédits.

M. Jean-Claude Tissot, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. - Je partage l'avis des deux rapporteurs spéciaux, ces crédits ne sont pas à la hauteur des enjeux du renouvellement de l'agriculture, et quand nous regardons de plus près les éléments dont vous avez parlé, comme la hausse du plafond d'emplois aussi bien que le moratoire sur les néonicotinoïdes, nous nous interrogeons sur la sincérité même de ce budget.

Mme Christine Lavarde. - Vous évoquez les difficultés de l'ONF et la chute du cours du bois, mais on entend plutôt parler d'une pénurie de bois et d'une pression de la demande, du fait en particulier des exportations vers la Chine : l'ONF est-elle concernée ?

La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a institué le chèque alimentation, sans étude d'impact ni provision budgétaire : le ministère, depuis l'été, at-il provisionné ce nouveau chèque ?

Nous constatons, enfin, de nouvelles obligations d'approvisionner en bio les cantines scolaires et d'autres établissements, au point que la production française de bio ne suffise plus et qu'il faille importer des produits bio, avec un bilan carbone négatif : est-ce le cas, ou bien couvre-t-on encore nos besoins ?

M. Thierry Cozic. - Un peu plus de la moitié des jeunes agriculteurs touchent la dotation jeune agriculteur (DJA), n'est-ce pas que certains devraient la toucher, mais qu'ils n'en bénéficient pas ? Je pense à certaines contraintes, par exemple quand les banques hésitent à soutenir des projets agricoles de monoculture et qu'elles demandent de la diversification : dans la Sarthe, un jeune éleveur s'est vu conseiller de faire aussi un poulailler pour diversifier ses revenus...

M. Bernard Delcros. - La forêt joue un rôle pour la biodiversité, pour la régulation du climat, mais elle est en difficulté du fait du réchauffement climatique, qui menace en réalité la sylviculture elle-même : subit-on la dégradation de l'espace forestier, ou bien conduit-on des études et définit-on des stratégies pour adapter notre forêt au réchauffement climatique ? Comment se prépare-t-on à l'avenir ? L'ONF fait-il ce travail, et comment ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'ONF rencontre des difficultés récurrentes liées en partie à son endettement. Quelle en est votre vision pluriannuelle ? Quelles perspectives de sortie de crise voyez-vous pour cet établissement ?

Ensuite, nous savons que la plus grande partie de la forêt française est détenue par de petits propriétaires, qui ignorent souvent l'étendue précise de leur propriété : comment les aider à l'exploiter ?

Enfin, je vois que la moitié des jeunes agriculteurs sollicitent l'aide à l'installation. Plus largement, comme de moins en moins de jeunes s'installent, comment voyez-vous l'avenir de ce que l'on appelle le modèle agricole français ?

M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Notre collègue Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission affaires économiques, n'a pas pu nous rejoindre, mais il m'a transmis une note dont je vais vous donner lecture :

« Je me réjouis de la convergence des analyses des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis sur ce budget agricole.

« En l'état, je constate que le budget proposé est en réalité stable ou en légère augmentation une fois retraités les éléments exceptionnels comme la fin de l'exonération pour les viticulteurs. Je m'inquiète toutefois du fait que ce budget, qui autrefois portait l'action agricole, se transforme en simple budget de gestion. Chaque année, la loi de finances initiale est peu sincère dans la mesure où un ou plusieurs collectifs ouvrent des crédits très importants pour faire face aux épidémies, aux aléas climatiques et aux apurements communautaires. Tendanciellement, les quelques mouvements que le budget retranscrit sont en fait surtout des contraintes imposées au ministère : je pense cette année à la subvention d'aide à l'ONF ou aux effectifs dédiés aux contrôles pour le Brexit.

« Plus problématique, la seule augmentation régulière est celle des coûts informatiques du ministère, transformant peu à peu le budget des agriculteurs en budget du ministère de l'agriculture.

« En prenant en compte les mouvements inscrits en loi de finances rectificative de juillet dernier, celle de fin d'année et en ajoutant les crédits agricoles du plan de relance et de France 2030, certes très disséminés, on constate que le Gouvernement a engagé près de 4 milliards d'euros d'autorisations d'engagement supplémentaires pour le monde agricole depuis janvier 2021 par rapport à la tendance habituelle. Cela revient à plus que doubler le budget agricole en crédits budgétaires ! Et les crédits utilisés me semblent aller dans le bon sens puisqu'ils reprennent les idées que le Sénat porte depuis des années en loi de finances : favoriser les investissements productifs, en permettant aux agriculteurs d'investir pour mieux se prémunir des effets du changement climatique, pour réduire l'utilisation d'intrants, pour redevenir compétitifs et pour faire émerger l'agriculture de demain. Il me semble donc difficile, d'un strict point de vue agricole, de dire que c'est un mauvais budget.

« De manière constructive, il me semble que le budget présente toutefois quatre défauts.

« Premièrement, l'absence de pérennisation du mécanisme de soutien à l'emploi des travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) : j'espère que nous le ferons lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), ce qui aura des conséquences budgétaires post-2023 pour la mission.

« Deuxièmement, il ampute les crédits des stages tutorés en école vétérinaire, mettant à mal un dispositif qui a fait preuve de son efficacité puisque 84 % des élèves ayant bénéficié de ce stage se sont définitivement installés en zone rurale. Son succès fait doubler le nombre d'étudiants concernés l'année prochaine pour une enveloppe identique : cela revient à décourager les tuteurs qui devront financer l'accueil de ces étudiants de leur poche. L'année suivante, ils ne le feront plus et on aura tué un système qui lutte efficacement contre la désertification vétérinaire. C'est une erreur.

« Troisièmement, le budget ne met pas en oeuvre la solution parlementaire sur la question des engrais dégagée dans le cadre de la loi Climat et résilience, à savoir refuser l'idée d'une taxe, mais accompagner la transition pour réduire les émissions et, si possible, les utilisations, grâce à un plan « Eco-Azot ». Aucune traduction de ce plan n'a eu lieu à ce stade. C'est une deuxième erreur, d'autant que les cours des engrais flambent, entraînant une charge supplémentaire colossale pour les exploitants.

« Quatrièmement, concernant le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », les agriculteurs ont accepté dans les années 1960 de se taxer eux-mêmes pour financer leur innovation, et ils en ont besoin tant le secteur est stratégique. Aujourd'hui, par un mécanisme de plafonnement entraînant de maigres économies, bien inutiles au regard des dépenses pharaoniques du Gouvernement dans ce budget, c'est l'État qui récupère chaque année une part de plus en plus importante de l'argent des agriculteurs au détriment de leur innovation. C'est une erreur, il faut remonter ce plafond et sanctuariser un principe : la taxe payée par les agriculteurs doit rester dans les cours de ferme. Faisons plutôt faire des économies à l'État dans les fonctions centrales, et non en taxant davantage les agriculteurs !

« C'est pourquoi il me semble, en tant que rapporteur pour avis, que la solution la plus équilibrée serait de proposer un avis de sagesse sur les crédits de la mission et du CASDAR aux fins de favoriser l'adoption de ces quatre corrections nécessaires pour que disparaissent ces erreurs stratégiques du Gouvernement en matière agricole. »

M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - Les évolutions des cours du bois sont variables selon les essences. En outre, l'ONF gère uniquement les forêts domaniales et les forêts des collectivités en France, alors que la forêt privée représente les trois quarts de la forêt française. L'ONF a une approche de long terme, tandis que des propriétaires privés peuvent être plus sensibles à des propositions de court terme d'exploitants forestiers. Les moyens mis en oeuvre pour cartographier précisément les forêts privées permettront d'en améliorer la gestion : le plan de relance consacre 22 millions d'euros à la technologie « Lidar ». Sur la recherche en sylviculture même, je ne sais pas bien ce qu'il en est, mais le plan de relance a prévu 150 millions d'euros pour le renouvellement forestier notamment au bénéfice des propriétaires privés - ils s'en sont saisis, c'est une piste intéressante.

Sur les perspectives de sortie de crise de l'ONF, je ne suis pas sûr qu'on ait travaillé sur un vrai projet d'établissement. Qu'est-ce que la gestion forestière, dans le fond ? L'ONF fait face à des difficultés profondes, des agents se suicident, le climat social est difficile, il faut en tenir compte.

Sur le chèque alimentaire, rien n'est prévu dans ce projet de budget - il faudra voir en 2023.

M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - La moitié des jeunes agriculteurs ne sollicitent pas l'aide parce que les procédures sont assez lourdes : on leur demande notamment un plan d'entreprise sur quatre ans, ce qui n'est pas toujours simple à faire. L'aide s'élève en moyenne à 32 000 euros. Je confirme que des banques incitent à la pluriculture.

M. Patrice Joly, rapporteur spécial. - La moitié des agriculteurs de moins de 40 ans sont aidés, ce qui veut dire, en considérant l'âge des agriculteurs, qu'une exploitation sur quatre est aidée, ce qui est faible au regard des besoins. En outre, de plus en plus d'agriculteurs qui s'installent se reconvertissent après une autre carrière, et n'ont donc pas la même attente en matière de revenus. Cependant, compte tenu du nombre de départs en retraite dans les prochaines années, il va falloir trouver d'autres moyens d'accompagner ceux qui veulent s'installer.

M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - L'agriculture bio suffit-elle à couvrir les besoins liés aux nouvelles obligations de la restauration collective ? Aujourd'hui, pour des problèmes de coût et d'organisation, des exploitations bio repassent en agriculture conventionnelle. Il y a un problème de phasage entre la demande et l'offre, la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) cherche des moyens de régler ce problème.

M. Claude Raynal, président. - Monsieur Segouin, quel est votre avis sur les crédits de cette mission ?

M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Sagesse plutôt favorable.

La commission décide de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

M. Vincent Segouin, rapporteur spécial. - Avis défavorable au compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

La commission décide de proposer au Sénat de ne pas adopter le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

La réunion est close à 17 h 40.