Mardi 6 décembre 2022

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 9 h 30.

Proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales - Procédure de législation en commission - Examen des amendements au texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Aucun amendement de séance n'a été déposé sur la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales.

Projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture - Examen du rapport pour avis

M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons au rapport pour avis de notre collègue Didier Marie sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - Nous examinons plus précisément les six articles de ce projet de loi qui nous ont été délégués au fond par la commission des affaires sociales.

Ce projet de loi comprend trente et un articles visant à transposer quinze directives et à mettre en oeuvre treize règlements adoptés par l'Union européenne (UE) ces trois dernières années. Ces textes concernent des sujets variés, tels que l'assurance en responsabilité civile des véhicules, la durabilité des entreprises, le congé parental d'éducation, l'introduction de médicaments falsifiés ou encore les péages autoroutiers.

Comme l'ensemble du texte, les dispositions qu'il nous revient d'examiner sont de nature composite : deux articles visent à transposer en droit interne deux directives relatives au droit des sociétés de juin 2017 et novembre 2019 ; un article tend à compléter la transposition, incomplète jusqu'à présent, de deux directives de 2014 relatives au droit de la commande publique ; un article vise à transposer une directive de juin 2019 relative à la protection des travailleurs ; enfin, un article tire les conséquences de l'entrée en vigueur en août 2022 d'un règlement relatif à la coopération internationale en matière de responsabilité parentale.

Les dispositions portant sur le droit des sociétés, soit les articles 9 et 10, sont probablement les plus techniques. L'article 9 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019 concernant les transformations, les fusions et les scissions transfrontalières de sociétés. Concrètement, cette directive tend à renforcer la mobilité des entreprises au sein de l'Union européenne afin de garantir la liberté d'établissement des entreprises au sein du marché intérieur.

Cette directive du 27 novembre 2019 vise principalement à étendre les règles applicables à la fusion transfrontalière aux opérations de scission et de transformation transfrontalières ; elle renforce également la protection des actionnaires, créanciers et salariés des sociétés concernées afin que ces opérations ne lèsent pas leurs intérêts. Elle crée ainsi un droit de retrait des actionnaires qui s'opposent à l'opération transfrontalière. Ceux-ci ont alors la possibilité d'obtenir une soulte en espèces en échange de leurs actions. Tout au long du processus de l'opération transfrontalière, la directive s'assure également de l'information et de la consultation des salariés, ainsi que du maintien de la participation de ces derniers au sein de l'organe de direction.

La directive permet de faire un choix de transposition qui est défavorable aux salariés. Lorsque les représentants des salariés représentent plus de 30 % des membres de l'organe de direction, la directive indique que l'État membre peut choisir de limiter cette proportion à 30 % maximum. Une telle option risque par conséquent d'être défavorable aux salariés. C'est pourquoi je vous proposerai, par un amendement, de la supprimer, afin de sécuriser le droit de participation des salariés.

Au demeurant, je tiens à souligner que la directive semble relativement équilibrée puisque, en contrepartie de la plus grande mobilité offerte aux sociétés des États membres, elle instaure également un contrôle de légalité renforcé. En effet, l'opération transfrontalière n'est possible que si la société obtient un certificat préalable délivré par une autorité compétente dans l'État membre de départ. Le certificat permet de vérifier, outre le respect de certaines formalités, que l'opération n'est pas réalisée à des fins abusives, frauduleuses ou criminelles. L'autorité chargée de ce contrôle dispose d'ailleurs de pouvoirs d'investigation en lien avec cette mission.

Compte tenu de la spécificité de ce contrôle préalable, je vous proposerai, par le biais d'un amendement, que cette mission soit confiée au greffier du tribunal de commerce. Je précise, par ailleurs, que, dans le cadre des fusions transfrontalières, notre droit interne a déjà attribué ce contrôle au greffier du tribunal de commerce.

En outre, avant l'immatriculation de la société dans l'État membre d'arrivée, un second contrôle de légalité doit être effectué par une autorité compétente. C'est donc un double contrôle de légalité qui s'impose aux sociétés candidates à la mobilité au sein de l'Union européenne.

Enfin, compte tenu du délai imposé pour transposer la directive, soit avant le 31 janvier 2023, et de l'existence d'un avant-projet d'ordonnance en cours de finalisation, je vous proposerai de réduire le délai de transposition de la directive à trois mois, au lieu de six.

Quant à l'article 10 du projet de loi, il vise à modifier les articles L. 223-42 et L. 225-248 du code de commerce. Ces dispositions s'appliquent aux sociétés par actions : société anonyme (SA), société à responsabilité limitée (SARL), société en commandite par actions (SCA) et société par actions simplifiée (SAS). Dans le cas où les capitaux propres d'une société deviennent inférieurs à la moitié de son capital social, l'assemblée générale des actionnaires ou les associés doivent se réunir dans un délai de quatre mois pour décider de dissoudre ou non la société. En cas de non-dissolution, la société dispose alors de deux exercices comptables pour remédier à la situation, faute de quoi toute personne intéressée est en droit de demander sa dissolution.

Le Gouvernement fait valoir que le droit en vigueur est bien plus sévère que la règle prévue à l'article 58 de la directive du 14 juin 2017. Il s'agit d'une situation de « surtransposition ». Cette directive a en effet laissé une marge de manoeuvre plus souple aux États membres, la dissolution n'étant pas imposée. Il y aurait donc un risque de dissolution excessif et accru comparativement aux autres entreprises de l'Union européenne. Le Gouvernement propose, en conséquence, de modifier la nature de la sanction, en remplaçant la dissolution par l'obligation d'apurer les pertes au moyen d'une réduction du capital social jusqu'à un minimum qui serait fixé par décret en Conseil d'État.

Cette modification, qui maintient une double sanction, mais dans un délai plus long, me semble justifiée à l'aune des conséquences économiques des crises récentes ; je pense notamment aux difficultés rencontrées par un certain nombre d'entreprises du fait du covid-19 ou de la guerre en Ukraine.

Ce projet de loi intervient également dans le domaine de la commande publique, au travers de son article 11. Cet article vise à revenir sur la transposition partielle de deux directives de 2014 relatives aux marchés publics et aux contrats de concession.

Conformément à ces directives, le code de la commande publique prévoit que certaines infractions, par exemple le travail illégal ou encore des manquements aux obligations fiscales, entraînent des exclusions dites « de plein droit » des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession. En parallèle, le droit européen permet aux opérateurs économiques ainsi sanctionnés de démontrer leur « fiabilité » et de pouvoir soumissionner malgré leur exclusion, s'ils ont pris des mesures concrètes de nature à prévenir la commission de nouvelles infractions.

Or, lorsque les deux directives de 2014 ont été transposées en droit interne, par le biais de deux ordonnances en 2015 et en 2016, le Gouvernement a écarté ce mécanisme de régularisation pour les infractions pénales les plus graves, notamment la traite d'êtres humains, la corruption ou l'escroquerie, au motif, fort légitime, de la « moralisation » de la commande publique. À la suite d'un recours, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) tout comme le Conseil d'État ont jugé en 2020 que le mécanisme de régularisation prévu par les directives est censé s'appliquer indifféremment à l'ensemble des cas d'exclusion mentionnés par lesdites directives.

L'article 11 étend, par conséquent, ce mécanisme de régularisation aux infractions pour lesquelles il avait été initialement écarté.

Si ces directives ainsi que la décision du Conseil d'État nous laissent peu de marge de manoeuvre quant à la nécessité de permettre aux contrevenants de régulariser leur situation, je vous proposerai néanmoins un amendement visant à encadrer ce dispositif, afin de préserver le caractère pleinement dissuasif des peines d'exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession et d'améliorer la lisibilité du droit de la commande publique. La particulière gravité des infractions concernées par l'article 11, allant, comme je l'ai dit, jusqu'à la traite d'êtres humains, nous incite en effet à nous assurer que notre législation maintienne un contrôle, même minimal.

J'en viens à présent à la transposition de la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l'Union européenne, qui constitue l'objet des articles 17 et 18 du projet de loi pour ce qui concerne la commission des lois.

Visant l'ensemble des travailleurs de l'UE, cette directive a également vocation à s'appliquer aux agents publics travaillant dans les trois versants de la fonction publique, soit 5,66 millions de personnes au 31 décembre 2020. Sur les vingt-six articles que comporte la directive, un seul nécessite une transposition par la voie législative pour qu'elle puisse s'appliquer aux agents publics : il s'agit de l'article 4, qui introduit l'obligation pour les employeurs « d'informer les travailleurs des éléments essentiels de la relation de travail. »

Afin de transposer cette obligation d'information dans le droit interne, l'article 17 du projet de loi vise à consacrer, au sein d'un nouvel article du code général de la fonction publique, un droit pour tout agent public à « recevoir de son employeur communication des informations et règles essentielles relatives à l'exercice de ses fonctions ».

La liste des éléments précis qui seraient communiqués aux agents publics ainsi que les modalités de cette communication seraient déterminées par un décret en Conseil d'État, qui renverrait lui-même à un arrêté établissant les modèles des documents que les employeurs remettraient aux agents publics.

Les éléments communiqués devraient notamment porter sur l'identité et l'adresse de l'employeur ; la situation administrative de l'agent ; les droits de l'agent à la formation, à rémunération, aux congés payés ; le temps de travail de l'agent ; ainsi que sur les modalités de cessation de fonctions pour les fonctionnaires ou modalités de fin de contrat pour les agents contractuels.

Ainsi, l'ensemble des agents soumis au code de la fonction publique, qu'ils aient la qualité de fonctionnaires ou de contractuels, bénéficieraient du nouveau droit à l'information. Le projet de loi tend également à rendre applicable ce droit aux catégories de personnels des établissements publics de santé qui ne relèvent pas du code général de la fonction publique. Sont ainsi visés les praticiens hospitaliers titulaires, les praticiens recrutés par contrat et les assistants des hôpitaux, ainsi que les praticiens associés.

Les États membres avaient jusqu'au 1er août 2022 pour transposer cette directive, si bien que la France est déjà en retard de quatre mois. Afin d'éviter les risques de recours en manquement que pourrait introduire la Commission européenne auprès de la CJUE, il convient donc de procéder rapidement à cette transposition.

Pour autant, il semble que la valeur ajoutée du nouveau droit à l'information ainsi créé résidera probablement davantage dans la simplification qu'il opère pour les agents publics que dans la nature des informations transmises en elles-mêmes. En l'état du droit, les agents publics ont en effet déjà accès à ces informations.

Par ailleurs, la question de l'évaluation de la charge de travail supplémentaire induite par cette disposition pour les employeurs publics des trois versants méritera vraisemblablement d'être posée, une fois que les décrets d'application auront été publiés et que la mesure aura été mise en oeuvre.

Enfin, l'article 25 du projet de loi vise à modifier le dernier alinéa de l'article L. 221-3 du code de l'action sociale et des familles qui prévoit la coopération entre les services d'aide sociale à l'enfance (ASE) des États membres de l'Union européenne.

Le Gouvernement propose d'intégrer un renvoi au règlement du 25 juin 2019 dit « Bruxelles II bis refonte », entré en vigueur le 1er août 2022, en remplacement du règlement du 27 novembre 2003 dit « Bruxelles II bis » déjà incorporé à l'article L. 221-3 du code de l'action sociale et des familles. Cette mise à jour du droit national est donc justifiée et n'appelle pas de commentaire particulier.

Par conséquent, je vous suggère de proposer à la commission des affaires sociales d'adopter le projet de loi modifié par les amendements que je vous présenterai tout à l'heure.

Mme Catherine Di Folco. - J'ai une interrogation concernant l'article 17, qui prévoit le droit à l'information des agents publics, et donc notamment des agents territoriaux : quelles seraient réellement les nouvelles obligations pour les employeurs territoriaux ? Quelle serait la liste de documents à fournir ? Il me semble que, de manière générale, les agents des collectivités sont déjà informés de leurs conditions de travail.

M. Alain Richard. - J'ajoute que l'information des agents publics devrait plutôt avoir lieu en amont du concours qu'au moment de la prise de poste. La rédaction du texte prévoit-elle cette obligation d'information au moment de la candidature aux concours de la fonction publique ?

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - D'une part, cette règle européenne s'applique aux 27 États membres, qui ne garantissent aujourd'hui pas tous les mêmes obligations en matière d'information des travailleurs. D'autre part, les modalités d'application de cette règle seront précisées en France par un décret en Conseil d'État ainsi que par un arrêté ; il faudra donc attendre ce décret pour connaître la liste exacte des éléments devant être fournis. Si la quasi-totalité des informations est déjà à la disposition des agents, cette communication se fait de manière éparse et pourrait donc être rassemblée en un seul document.

Mme Catherine Di Folco. - Est-ce à dire qu'il faudrait réaliser un livret d'accueil pour les agents ?

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - La mise en forme sera sans doute plus simple, mais il faudra attendre le décret et l'arrêté pour connaître la liste exacte des éléments à fournir.

M. François-Noël Buffet, président. - Il nous revient à présent d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi dans le cadre de l'article 45 de la Constitution.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à l'adaptation de la législation à la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l'Union européenne.

Il comprend également les dispositions relatives aux exclusions de plein droit des procédures de passation des contrats de concession et des marchés publics, telles qu'issues respectivement de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l'attribution de contrats de concession et de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics.

Sont également comprises les dispositions relatives à l'adaptation de la législation à la directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les opérations transfrontalières de transformation, de fusion et de scission et à l'adaptation de la législation à l'article 58 de la directive (UE) 2017/1132 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 en ce qui concerne les sanctions applicables aux sociétés dont les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié de leur capital social .

Enfin, sont comprises les dispositions relatives à l'adaptation de la législation au règlement CE n° 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale en matière de responsabilité parentale ainsi qu'à l'enlèvement international d'enfants.

M. François-Noël Buffet, président. - Venons-en à présent aux amendements proposés par le rapporteur pour avis.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 9 (délégué)

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - Compte tenu du délai imposé pour transposer la directive et de l'existence d'un avant-projet d'ordonnance en cours de finalisation par le ministère de la justice, l'amendement  COM-32 vise à réduire le délai de transposition de la directive à trois mois au lieu de six.

L'amendement COM-32 est adopté.

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - L'amendement  COM-33 prévoit que l'autorité compétente chargée du contrôle de légalité de l'opération de transformation, de fusion ou de scission transfrontalière est le greffier du tribunal de commerce. Il exclut en outre la possibilité de limiter la proportion de représentants des salariés au sein de l'organe de direction de la société issue de la transformation ou des sociétés bénéficiaires de la scission transfrontalière.

L'amendement COM-33 est adopté.

Article 11 (délégué)

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - L'amendement  COM-30 vise à inscrire dans la législation le principe d'une évaluation des mesures de régularisation prises par les opérateurs économiques ayant commis une infraction entraînant l'exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession.

L'amendement COM-30 est adopté.

Article 18 (délégué)

M. Didier Marie, rapporteur pour avis. - L'amendement  COM-31 rectifié prévoit de remplacer l'ensemble des références aux lois statutaires du 13 juillet 1983 et du 9 janvier 1986 présentes dans le titre V, relatif aux personnels médicaux et pharmaceutiques, du livre Ier de la sixième partie du code de la santé publique, par les références aux dispositions codifiées correspondantes dans le code général de la fonction publique.

L'amendement COM-31 rectifié est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des articles délégués, sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Le sort des amendements du rapporteur examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 9

M. MARIE, rapporteur pour avis

COM-32

Restriction de l'habilitation à un délai de trois mois à compter de la publication de la loi

Adopté

M. MARIE, rapporteur pour avis

COM-33

Encadrement des choix de transposition ouverts aux États membres par la directive (UE) 2019/2121

Adopté

Article 11

M. MARIE, rapporteur pour avis

COM-30

Inscription dans la législation du principe d'une évaluation des mesures de régularisation prises par les opérateurs économiques ayant commis une infraction entraînant l'exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession

Adopté

Article 18

M. MARIE, rapporteur pour avis

COM-31 rect.

Coordinations avec les dispositions du code général de la fonction publique

Adopté

La réunion est close à 9 h 50.

Mercredi 7 décembre 2022

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 10 heures.

Proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant - Examen des amendements

M. François-Noël Buffet, président. - Aucun amendement de séance n'a été déposé sur la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant.

Métropoles de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence - Examen du rapport d'information

M. François-Noël Buffet, président. - Nous allons à présent entendre le rapport de Françoise Gatel et Mathieu Darnaud, rapporteurs de la mission d'information relative à la mise en oeuvre des dispositifs créant les métropoles de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence. Je souhaiterais rappeler que la mission était composée, outre des deux rapporteurs, de Jean-Pierre Sueur, de Guy Benarroche, d'Agnès Canayer, de Cécile Cukierman, d'Alain Marc, de Jean-Yves Roux et de Dominique Théophile.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Nous sommes réunis ce matin pour un exercice intéressant puisqu'il s'agit d'évaluer l'impact et l'application de dispositifs que nous avons votés, ce que nous n'avons pas toujours le temps de faire. Nous nous consacrons ici aux métropoles de Lyon et d'Aix-Marseille-Provence, qui appelaient toutes les deux, pour des raisons différentes, à ce qu'un bilan soit dressé.

S'agissant de Lyon, la métropole atteint enfin, plus de sept ans après sa création, son fonctionnement institutionnel de croisière. En effet, en 2020, les élections des conseillers métropolitains au suffrage universel direct se sont tenues pour la première fois. Elles ont eu lieu en même temps que les élections municipales. Je rappelle que cette métropole, ayant la particularité d'exercer à la fois les compétences d'un département et d'une métropole, est une collectivité territoriale à part entière.

En ce qui concerne la métropole d'Aix-Marseille-Provence, son origine et son processus d'élaboration sont un peu différents. Elle a notamment été profondément modifiée par les dispositions de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite « 3DS » de février 2022, à l'issue d'une concertation des élus locaux conduite par le Gouvernement, sans qu'une étude d'impact solide n'ait pu être conduite.

Les membres de la mission, dont je tiens à saluer le travail tout au long de ces mois passés entre Paris, Lyon, Aix et Marseille, se sont attachés à formuler des propositions visant à améliorer le fonctionnement concret de ces deux métropoles particulières, tout en dégageant une possible trajectoire d'évolution institutionnelle. Nous allons vous présenter les résultats de nos travaux, en commençant par la métropole de Lyon.

La métropole de Lyon a été construite dans un moment de notre histoire politico-administrative particulièrement favorable à la création de métropoles très intégrées. Je vous renvoie à ce titre au rapport du comité dit « Balladur », qui était très positif en matière de reconnaissance du fait urbain et envisageait la création de ces métropoles pour permettre à de grands territoires d'affronter la compétition européenne et mondiale à armes égales avec leurs homologues européens et mondiaux. L'air du temps a sans doute un peu changé depuis lors, mais le choix avait été fait de donner à la métropole de Lyon un statut particulier, de la doter de compétences élargies, ainsi que de moyens juridiques et financiers étendus.

Chacun reconnait que la transition entre la communauté urbaine de Lyon (COURLY) et la métropole a été bien menée. Aujourd'hui, cette collectivité dispose d'un important pouvoir d'agir, ce dont le Sénat, défenseur de la capacité d'action des collectivités territoriales, ne peut que se féliciter.

Quels sont les éléments majeurs ayant conduit à ce résultat positif ? D'abord, il existe dans ce territoire une culture très forte de coopération, qui a favorisé une sorte de mutation naturelle vers le statut de collectivité. Ensuite, sa capacité d'action financière et juridique est assez remarquable.

Malgré ces atouts favorables, les inquiétudes formulées depuis deux ans, par les maires des communes situées sur les territoires de la métropole au sujet d'une gouvernance excessivement centralisée et verticale, paraissent fondées.

Un malentendu est né dans la période de transition, entre la création de la métropole et les élections de 2020, qui n'a pas permis de clarifier le modèle métropolitain. On observe aujourd'hui, d'une part, une majorité métropolitaine souhaitant mener à bien ses projets et, d'autre part, les maires des communes qui aspirent légitimement à une meilleure association aux décisions prises par la métropole sur leur territoire. À cet égard, nous comprenons l'émoi, voire la colère, des maires qui, tenus à l'écart des projets de la métropole affectant directement leur commune, s'en voient informés par voie de presse.

Faut-il pour autant prôner le retour à un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ? Nous en avons beaucoup débattu et, au moment de conclure nos travaux, nous avons répondu par la négative de manière collégiale. Une marche arrière ne semble ni possible ni souhaitable, y compris pour les communes. En effet, la métropole représente aujourd'hui un instrument efficace de l'action publique. Cependant, il nous faut présenter des propositions concrètes afin de mieux associer les communes et de rendre la gouvernance plus collaborative.

Cherchant à inscrire nos propositions dans cet équilibre, nous les avons organisées autour de trois axes. Je présenterai les deux premiers et Mathieu Darnaud évoquera le dernier.

En premier lieu, il convient de prendre acte du caractère spécifique de la collectivité territoriale que constitue la métropole de Lyon, qui cumule compétences départementales et intercommunales.

À cet égard, il parait essentiel de clarifier le régime électoral de la métropole. Pour ce faire, il semble d'abord nécessaire de dissocier les élections municipales des élections métropolitaines, qui doivent se tenir au terme d'une campagne spécialement dédiée aux projets métropolitains.

Ensuite, des ajustements paraissent pouvoir être apportés au mode d'élection des conseillers et nous avons exploré deux options polaires. Dans un premier cas de figure, ces élections seraient alignées sur un scrutin départemental, qui aurait le mérite de rendre identifiable ce caractère départemental de la collectivité, aujourd'hui trop peu perçu. Néanmoins, cette option n'a pas été souvent évoquée par les personnes que nous avons auditionnées.

Dès lors, il faut considérer l'autre option, qui consiste à rapprocher le mode de scrutin de celui qui est en vigueur pour les conseillers régionaux. En effet, le mode de scrutin actuel est inspiré du mode communal, ce qui entraine la présence d'une majorité dont les effectifs peuvent sembler écrasants et qui éprouve des difficultés à associer. Un alignement sur la prime majoritaire en vigueur dans les régions - à 25 % au lieu des 50 % actuels - permettrait de favoriser un fonctionnement plus démocratique du conseil de la métropole. Cette prime pourrait notamment s'exercer au niveau d'une circonscription unique, ce qui rendrait plus claire la distinction entre les légitimités métropolitaine et municipale, et favoriserait une gouvernance plus collective, en tout cas moins dominante qu'aujourd'hui.

Par ailleurs, dans un but de clarification de la nature singulière de la collectivité, il apparaitrait opportun de supprimer la clause de compétence générale de la métropole. En effet, en droit commun, cette clause n'est détenue que par les communes.

Le défaut de structure intercommunale étant amené à perdurer pour les communes situées sur le territoire de la métropole, il est nécessaire qu'elles retrouvent des marges de manoeuvre plus amples en matière de gouvernance. Il faut trouver des pistes pour rééquilibrer le rapport de forces entre la métropole et les communes ; il s'agit d'une demande forte, pressante et largement unanime parmi les maires.

S'agissant de la gouvernance de la métropole, il semble nécessaire de renforcer les conférences territoriales des maires (CTM) et la conférence métropolitaine des maires (CMM). Lors des discussions sur la loi dite « 3DS », nous avions beaucoup insisté sur ce sujet : la métropole ne peut fonctionner avec efficacité que s'il y a affectio societatis et que les maires ont voix au chapitre. La CMM doit être un lieu d'échanges, de débats et d'information, mais il faut également renforcer les CTM.

De même, le pacte de cohérence métropolitain, outil concret de coopération entre la métropole et les communes membres, doit mieux associer les maires dans son élaboration.

En ce qui concerne les moyens juridiques d'action de la métropole, leur emploi doit se faire dans une plus grande concertation avec les maires. Si les élus en sont d'accord et quand cela est possible, il faudrait davantage faire usage des facultés de délégation de compétences ouvertes. Par ailleurs, le président de la métropole doit exercer ses pouvoirs de police de manière concertée avec les maires, qui exercent parfois aussi de tels pouvoirs.

Enfin, il convient de doter les maires des moyens de rééquilibrer leurs relations avec la métropole, en assouplissant notamment la possibilité pour les communes de sortir de la métropole par la création d'une procédure ad hoc, respectueuse des prérogatives du législateur. De façon analogue, la création de communes nouvelles au sein de la métropole pourrait donner plus de poids aux communes de petite taille qui le souhaiteraient.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - Le troisième axe de nos propositions me tient particulièrement à coeur, tant le développement des métropoles me semble aujourd'hui poser question. Il concerne le fonctionnement même de ces métropoles, dotées de deux jambes : la première les positionnant comme acteurs en pointe du développement économique du territoire, la seconde leur donnant la responsabilité d'entrainer leur hinterland dans le cadre de ce développement. Or la métropole de Lyon me semble aujourd'hui marcher à cloche-pied.

À cet égard, nous formulons deux propositions. En premier lieu, il s'agira de développer les relations de la métropole avec le département du Rhône, dit « Nouveau Rhône », en poursuivant deux voies.

D'abord, l'achèvement de la séparation entre la métropole de Lyon et le Nouveau Rhône, doit permettre d'apporter une nécessaire clarification en ce qui concerne des compétences aujourd'hui insuffisamment exercées en commun. Je pense notamment à la scission de la maison départementale et métropolitaine des personnes handicapées (MDMPH).

Ensuite, il s'agit de constituer le Nouveau Rhône comme circonscription administrative de plein exercice, dotée d'une préfecture à Villefranche-sur-Saône, pleinement indépendante de la métropole et donc prête à engager avec celle-ci des relations renouvelées de coopération, d'égal à égal.

La seconde de nos propositions porte sur les relations qu'entretient la métropole avec l'ensemble des autres collectivités l'environnant, dans l'objectif de concourir à un développement équilibré du territoire régional, et pour qu'enfin la métropole joue collectif.

D'une part, des outils comme le pôle métropolitain n'auraient pas dû être purement et simplement supprimés. La suppression de cette instance souple semble témoigner d'un défaut de volonté de la part de la métropole de coopérer avec ses voisins.

D'autre part, et je souhaiterais insister sur ce point, des moyens organisationnels et financiers doivent être mis en oeuvre pour assurer le développement équilibré du territoire quant à la question des mobilités. À cet égard, la piste d'un reversement d'une partie du versement mobilité (VM) vers la région, que nous présentons dans le rapport, gagnerait à être davantage explorée.

M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons à présent au rapport portant sur la métropole d'Aix-Marseille-Provence.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - La métropole d'Aix-Marseille-Provence est confrontée à des défis spécifiques.

Si l'aire urbaine d'Aix et Marseille, forte de son tissu urbain et d'une importante concentration de fonctions économiques et culturelles, pouvait légitimement faire prétendre cet ensemble au statut de métropole, ce territoire nous a paru très particulier. Comme nous avons pu le constater au cours de nos déplacements, la métropole est marquée par un polycentrisme particulièrement affirmé, ainsi que par des dynamiques économiques, démographiques, sociales et culturelles divergentes.

Au terme d'une construction législative heurtée, marquée par une forte opposition des élus locaux, la métropole ne paraissait remplir ses objectifs qu'imparfaitement. Ainsi, elle ne s'était pas réellement approprié ses compétences, en déléguant souvent l'exercice à ses communes membres.

De plus, le maintien des conseils de territoire, structures intermédiaires héritées des anciens EPCI envisagées comme transitoires par le législateur, mais exerçant de très nombreuses compétences au nom de la métropole, a également empêché celle-ci de développer des projets métropolitains.

Enfin, la situation financière de la métropole, telle qu'elle résultait de cette répartition des compétences, obérait sa capacité d'investissement.

La réforme prévue par la loi dite « 3DS » a permis d'agir sur chacun de ces paramètres. Ainsi, les conseils de territoire ont été supprimés. De plus, les compétences ont été de nouveau réparties entre la métropole et les communes membres, selon un partage entre compétences de proximité et compétences stratégiques, afin de satisfaire le principe de subsidiarité. Par ailleurs, une procédure de redéfinition des relations financières entre la métropole et les communes membres a été prévue.

Nos travaux s'inscrivant dans ce contexte encore mouvant, ils n'ont pas vocation à tirer un bilan définitif de cette réforme, ni à tracer des pistes d'évolution institutionnelle à long terme, ce qui semblerait prématuré.

Soucieux de préserver cet équilibre, nous avons formulé des recommandations qui s'organisent autour de trois axes.

En premier lieu, il s'agit de parachever la récente réforme de la métropole Aix-Marseille-Provence, qui semble engager la métropole sur une voie meilleure. Les acteurs locaux doivent veiller à ce qu'elle produise tous ses effets.

À ce titre, en matière de compétences, nous excluons toute modification législative à court terme. La métropole et les communes membres doivent pleinement s'approprier les compétences qui leur seront transférées au 1er janvier 2023. Dans ces conditions, l'État doit apporter son concours afin d'accompagner une transition qui pourrait s'avérer complexe. Par ailleurs, la clarté n'excluant pas la souplesse, en cas de frictions ponctuelles au sujet de la répartition des compétences, la métropole et ses communes membres devraient être incitées à faire usage des facultés de délégation prévues par la loi. Enfin, si une définition de l'intérêt métropolitain est actée avant le 31 décembre 2022, comme cela semble se profiler, il conviendra d'en assurer la mise en oeuvre rapide.

S'agissant de la difficile question des finances, la commission locale d'évaluation des charges transférées (CLECT) interviendra pour assurer la neutralité financière des transferts de compétences. Ce moment constituera une occasion unique, qu'il faudra saisir, de remettre à plat les relations financières entre la métropole et ses communes membres. Néanmoins, nous n'avons pas été sourds aux difficultés que pose une telle redéfinition. La nécessaire révision des attributions de compensation doit donc être envisagée dans le cadre global de la conclusion d'un nouveau pacte financier, sous l'égide de l'État, entre la métropole et ses communes membres, s'adossant sur un nouveau projet de territoire.

Enfin, en ce qui concerne le volet de l'organisation déconcentrée, la suppression des conseils de territoire a constitué une indéniable avancée, dont il convient désormais de prendre acte. À cette fin, la métropole doit arrêter au plus vite, comme souhaité par le législateur, les contours d'une organisation déconcentrée claire et lisible pour les élus comme pour les citoyens. L'accompagnement de l'État, dès lors qu'il est sollicité par la métropole pour la conduite d'une telle transition, doit être garanti.

Ces réformes de structure suffiront-elles ? Nous nous sommes permis d'en douter au regard de la situation de Marseille, ville-centre atypique qui concentre des difficultés majeures.

Ainsi, en deuxième lieu, des mesures de rééquilibrage ciblées sur la ville de Marseille devront garantir, à court comme à long terme, la viabilité de la métropole. Elles sont aujourd'hui réunies dans le cadre du plan « Marseille en Grand », pour lequel nous avons identifié trois pistes d'amélioration. D'abord, il s'agira d'évaluer régulièrement les mesures prévues pour s'assurer de leur efficacité. Ensuite, il faudra instituer rapidement un comité de suivi du plan, associant les élus locaux et l'État. Enfin, le plan devra s'inscrire dans la durée et son renforcement pourra être envisagé à mesure que les objectifs de politique publique seront atteints.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. - J'en viens à notre troisième axe, qui porte sur la question institutionnelle. Nous avons auditionné les acteurs de la métropole, mais aussi les élus des EPCI voisins et il nous a semblé nécessaire de tirer les leçons de ce que trop souvent les élus subissent, quand un processus de décision est entamé sans être maitrisé et sans avoir été nourri par une étude d'impact, devenant souvent brutal et trop rapide.

En ce qui concerne la question institutionnelle et une éventuelle réforme, aucun consensus ne semble se dégager, ni sur le contenu ni sur le calendrier, ni chez les élus de la métropole ni chez ceux des EPCI voisins.

Les paramètres d'une réforme éventuelle sont toutefois connus et les options évoquées par les personnes entendues pourraient chacune constituer une amélioration du fonctionnement de la métropole, dès lors que les élus auraient un tel projet en partage. Ainsi, il nous parait exclu d'aller à l'encontre de la volonté du pays d'Arles, clairement exprimée par ses élus, de ne pas rejoindre la métropole tant qu'elle n'aura pas fait la preuve de son efficacité. La métropole doit d'abord s'organiser et se stabiliser pour, éventuellement, donner envie à d'autres de la rejoindre.

Une telle réforme ne doit donc pas être conduite dans l'immédiat, car il convient avant tout de mieux ancrer le projet métropolitain. Néanmoins, il semblerait problématique de n'avoir aucun horizon. Ce dossier doit pouvoir avancer et ne doit pas être tributaire des seules échéances électorales, comme celle de 2026, qui, bien souvent, provoquent des secousses. Il est aujourd'hui de notre responsabilité de demander qu'un calendrier soit établi.

Deux échéances rythmant le processus de décision d'une réforme institutionnelle pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence pourraient donc être fixées : la première pour la définition d'un calendrier de réforme, si possible avant 2026, et la seconde pour l'achèvement d'une éventuelle réforme institutionnelle.

S'agissant de la méthode, la réflexion sur l'évolution institutionnelle de la métropole doit être menée en toute liberté et en responsabilité, par les élus locaux eux-mêmes. Néanmoins, afin qu'ils soient dans des dispositions adéquates pour trancher sur un sujet aussi structurant, la méthode de conduite de ce processus doit réunir quatre conditions.

D'abord, la concertation doit être élargie aux élus locaux de l'aire départementale et des points d'étape réguliers doivent être prévus.

Ensuite, l'État doit se voir octroyer un rôle d'accompagnateur et de garant de la tenue du calendrier, défini par les acteurs locaux. Il s'agit là de la conception à laquelle le Sénat est attaché quand il s'agit du rôle de l'État, qui ne doit imposer ni réforme institutionnelle ni calendrier. Cependant, il demeure coresponsable de la réussite de ce territoire.

De plus, une évaluation objective et actualisée des pistes de réforme doit être conduite. Les réformes portant sur la réorganisation territoriale ont été trop souvent menées à la hussarde, sans une solide étude d'impact préalable. Nous devons gérer aujourd'hui des tensions entre des élus qui ont parfois eu l'impression d'avoir subi des transferts de compétences et des mariages forcés. Les territoires gagnent en efficacité quand la volonté est partagée.

Enfin, les acteurs de la société civile doivent être associés aux discussions, notamment en matière économique.

À ces conditions, une réforme institutionnelle fructueuse et consensuelle nous semble pouvoir être conduite. La métropole d'Aix-Marseille-Provence, ses territoires et ses habitants méritent une organisation territoriale qui soit enfin à la hauteur de leur potentiel et de ce qu'ils peuvent apporter au pays. Je voudrais tout de même souligner que, depuis l'adoption de la loi dite « 3DS », qui a stimulé et vivifié la réflexion comme la concertation locale, des avancées significatives ont eu lieu.

Mme Catherine Di Folco. - Mes questions porteront sur la métropole de Lyon. D'abord, pourquoi envisager le passage à une circonscription unique ?

Par ailleurs, vous évoquez le parachèvement de la séparation entre la métropole de Lyon et le Nouveau Rhône, notamment la scission de la maison départementale-métropolitaine des personnes handicapées (MDMPH). Je tiens toutefois à rappeler que plusieurs services s'exercent en commun, comme le service départemental-métropolitain d'incendie de secours (SDMIS), celui des archives ou le centre de gestion de la fonction publique. Il faudrait donc veiller à ce que ce processus de séparation ne touche pas des institutions qui fonctionnent bien, ce qui entrainerait des frais supplémentaires pour rien.

Enfin, je n'ai pas bien compris l'idée d'un transfert de pouvoirs à la région en termes de mobilité, la région étant déjà compétente en la matière.

M. Jean-Pierre Sueur. - Je tiens à souligner le grand intérêt du travail mené. Nous avons rencontré de très nombreux élus des deux métropoles, dans un esprit d'ouverture, et nous sommes parvenus à faire un certain nombre de propositions, qui peuvent réunir les représentants de la mission et, je l'espère, ceux de notre commission.

En ce qui concerne Lyon, un dispositif particulier a été adopté, à la suite du travail réalisé par Gérard Collomb et Michel Mercier. Après avoir entendu les uns et les autres, y compris les maires, nous constatons qu'il existe un accord assez large pour ne pas revenir en arrière, notamment sur la question du suffrage universel pour l'élection des représentants de la métropole. Ce consensus me semble très positif.

Cependant, nous avons observé des difficultés de lisibilité en matière électorale. À ce titre, le vote dans le cadre d'une circonscription unique me parait offrir plus de lisibilité qu'une organisation qui s'appuierait sur des circonscriptions créées de façon artificielle. Cependant, il ne s'agit que de mon point de vue et le rapport reste ouvert à cet égard.

À ce sujet, il apparait aussi nécessaire de prendre en compte ce que disent les maires et j'avais imaginé des solutions de scrutin mixte, comprenant une partie majoritaire émanant du suffrage universel et une partie qui reprendrait une désignation par les communes. Néanmoins, ces solutions sont impraticables, soit parce qu'elles ne sont pas constitutionnelles, soit parce qu'elles aboutiraient à des assemblées pléthoriques. Cette possibilité a été explorée, mais il semble difficile d'y donner suite.

Par ailleurs, le rapport comprend une série de propositions concernant les CTM qui, si la circonscription unique devait être retenue, devraient être repensées selon les réalités du territoire.

De plus, donner plus de poids à la CMM apparait essentiel. Celle-ci doit pouvoir se réunir chaque fois que c'est nécessaire avant le conseil métropolitain, et ses avis devraient obligatoirement être transmis aux conseillers métropolitains, voire lus en séance.

J'en viens à la métropole d'Aix-Marseille-Provence. D'abord, il me semble important que le rapport soit positif à l'égard de la ville de Marseille, qui connait des difficultés, qu'il faut s'efforcer de surmonter plutôt que de les stigmatiser.

Par ailleurs, je partage ce qui a été dit sur le pays d'Arles : ce serait une erreur profonde de vouloir à tout prix l'intégrer dans la métropole. Un jour peut-être, la métropole présentera suffisamment d'avantages pour que les élus des EPCI concernées souhaitent y adhérer.

M. Éric Kerrouche. - Les mesures proposées semblent plus palliatives que curatives. Cette approche peut être utile, mais ne sera pas en mesure de résoudre le problème de fond.

D'abord, on a du mal à penser la spécificité de la métropole de Lyon, qui fusionne le bloc local avec le bloc départemental. Pourtant, des exemples identiques existent dans d'autres pays, notamment en Allemagne.

Nous avons choisi un mode électoral qui ne recoupe aucun des choix faits aux différents niveaux couverts par cette institution. Nous n'avons choisi ni le modèle communal ni le modèle départemental, et le mode de scrutin retenu cumule les désavantages de l'un et l'autre, sans présenter d'intérêt majeur. L'un de ses inconvénients forts est de tenir une partie des maires de la métropole à l'écart du processus de prise de décision. À ce titre, la proposition visant à donner un plus grand rôle à la CMM relève du palliatif et du rattrapage.

Par ailleurs, notre pays connait une évolution sur laquelle nous devons nous pencher. En effet, dans l'état actuel de notre gouvernance locale, les élections privilégient un mode majorité-opposition plutôt qu'un mode exécutif-législatif. On obtient donc un président et un exécutif qui ont une majorité dans l'assemblée. Ce modèle produit peu de compromis et beaucoup d'affrontements ; il n'est pas tenable. Une véritable évolution - mais il faudrait aller beaucoup plus loin que ce qui est proposé - consisterait à produire cette rupture entre exécutif et législatif dans les grandes institutions françaises. Le modèle serait alors celui qu'on connait dans la plupart des démocraties occidentales et européennes, en Italie, en Espagne ou en Allemagne. Il prévoirait une élection du législatif et une élection de l'exécutif. Sans une telle évolution, nous nous contenterons de tenter de corriger un système qui ne fonctionne pas structurellement, parce qu'il repose à l'origine sur un accord politique intuitu personae.

M. Dany Wattebled. - Ce projet m'inquiète, tant le pouvoir des maires me semble déjà dilué. Ainsi, je reste attaché au mode de représentation et il faut faire attention à cet égard à ne pas passer à un mode de scrutin qui exclurait tout à fait les maires des débats. Il faut maintenir une proportionnalité pour maintenir l'équilibre. En la matière, la CMM ne me parait pas être l'élément le plus important ; ce qui compte, c'est que l'élu soit présent au conseil de la métropole, pour défendre son territoire.

M. Guy Benarroche. - La commission a mené ses travaux dans d'excellentes conditions, depuis les auditions jusqu'à la rédaction du rapport.

En ce qui concerne Lyon, il faut d'abord rappeler la structure unique que constitue la métropole. De plus, la dernière réforme menée a permis de donner à celle-ci le budget et les pouvoirs nécessaires pour qu'elle puisse agir dans le choix des politiques publiques. Il s'agit là d'un point essentiel, qui constitue peut-être la différence majeure avec la métropole d'Aix-Marseille-Provence. La métropole est d'autant plus légitime à faire ces choix que son conseil est élu au suffrage universel direct. À cet égard, je ne vois pas comment nous pourrions nous passer de ce type de suffrage pour élire des représentants dont les votes engagent des budgets énormes. Les travaux de la mission proposent des pistes de réflexion utiles sur le régime électoral, mais, au sein de la métropole, personne n'a remis en cause le maintien du suffrage universel direct.

Les compétences de la métropole de Lyon sont nombreuses et il me semble que l'organisation territorialisée présentée fournit un bon exemple de la façon dont les choses doivent évoluer. Cependant, il faut que le lien avec les communes se noue aussi au niveau de la CMM et des CTM. En conclusion, le modèle lyonnais représente aujourd'hui un atout réel en matière de conduite de politiques publiques et il fonctionne globalement bien. Il demeure récent et des améliorations doivent être apportées. À ce titre, le rapport fournit des pistes intéressantes, qui ne heurteront pas les partenaires sur le territoire.

S'agissant de la métropole d'Aix-Marseille-Provence, le travail effectué depuis le vote de la loi dite « 3DS » a été réel, mais pas très rapide. L'article même que la loi consacrait à la métropole explique ce retard. En effet, il apparaissait clairement que l'on ne pouvait pas réformer la métropole avec un amendement. De plus, il semblait compliqué de se faire comprendre de tous les acteurs du territoire, parce qu'on ne touchait qu'à une partie de l'organisation et que personne ne voyait apparaitre de piste d'atterrissage pour cette loi. Je souhaitais alors que nous allions plus loin, ce qui n'a pas été possible.

Néanmoins, le travail a commencé en ce qui concerne la disparition des conseils de territoire, la répartition des compétences, la définition d'un intérêt métropolitain et l'étude de la réalité des flux financiers à l'intérieur de la métropole.

À ce titre, la chambre régionale des comptes a remis son premier rapport, qui a montré ce que tous les acteurs savaient : la métropole a été bâtie sur un socle mouvant, stable sur un point, la photo des flux financiers prise à l'époque, dans l'objectif d'assurer un certain équilibre grâce aux attributions de compensation (AC) et aux dotations de solidarité communautaire (DSC). Quand la photo a été prise pour savoir ce que chaque commune allait recevoir, chacune avait eu un an pour se préparer et la photo a été truquée.

En ce qui concerne le travail de répartition entre les AC et les DSC pour rééquilibrer la position de la ville de Marseille à l'intérieur de la métropole, il me semble qu'il existe deux options dont l'une prévoit de ne pas toucher aux AC et de créer des DSC qu'on ne sait pas comment financer. À cet égard, un amendement a été mis sur la table dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, qui envisage la création d'une DSC d'environ 15 millions d'euros pour la première année, qui serait financée par la métropole. Elle prévoit ensuite près de 100 millions d'euros pour les deux années suivantes, qui ne sont pas financés à ce stade. La proposition doit être signée par la métropole le 15 décembre, même si rien n'est encore joué.

Ensuite, je partage l'analyse qui a été faite au sujet de l'organisation future de la métropole. Nous pouvons fusionner ou ne pas fusionner la métropole et le département, ces deux possibilités devant être étudiées. Dans le cas d'une fusion, elle pourrait se faire sur le territoire actuel de la métropole, excluant le pays d'Arles et ses trois EPCI, ce qui m'apparait comme la bonne solution.

Enfin, il faut rapidement se préoccuper de la question du scrutin, qu'il y ait fusion ou non. Les avis de tous les acteurs doivent être pris en compte dans un temps qui doit être marqué par un agenda clair et suivi. Un tel aiguillon semble nécessaire pour permettre à tous les acteurs de fonctionner malgré le passif existant dans ce territoire.

M. Stéphane Le Rudulier. - Mon propos portera uniquement sur la métropole d'Aix-Marseille-Provence. D'abord, je voudrais revenir sur les apports de la loi dite « 3DS ». S'agissant de la répartition des compétences et notamment de la « redescente » des compétences de proximité - je pense notamment à la voirie, à l'éclairage public ou aux bornes incendies -, elle a été grandement appréciée par les maires, notamment pour la souplesse qu'elle offrait. Des avancées ont eu lieu à cet égard.

Néanmoins, le point d'achoppement porte sur le volet financier et je suis en parfait désaccord avec Guy Benarroche sur ce sujet. En effet, les élus sont au travail depuis quelques mois, sur la prospective financière et sur la préparation d'un nouveau pacte fiscal et financier. Des réunions se tiennent toutes les semaines, trois groupes de travail réunissent les maires : le groupe établi autour du plan pluriannuel d'investissement « Ambition 2030 », le groupe relatif à la définition de l'intérêt métropolitain et un groupe purement financier, qui tente de trouver des marges de manoeuvre pour combler le déficit structurel, notamment en ce qui concerne le volet mobilité. Rappelons en effet que le déficit du budget annexe des transports s'élève à 120 millions d'euros par an et devrait atteindre 200 millions d'euros par an à l'horizon de 2030, avec la mise en oeuvre du plan « Marseille en Grand ». Suivre les recommandations du rapport de la chambre régionale des comptes, c'est-à-dire adopter la technique du rabot, reviendrait à mettre en péril plus de deux tiers des communes de la métropole.

Au sujet de la péréquation, sur les 92 communes de la métropole, 10 concentrent la richesse fiscale et financière. Il faudrait travailler exclusivement sur ces communes, qui représentent chacune des dizaines de millions d'euros d'AC quand elles comptent 30 000 ou 40 000 habitants. En effet, les AC par habitant sont de 180 euros à Marseille quand elles s'élèvent jusqu'à 3 800 euros dans certaines communes ! Cette péréquation doit se concentrer exclusivement sur ces communes pour lesquelles une baisse de quelques millions serait quasiment indolore.

En ce qui concerne la question fiscale, le déplafonnement du versement mobilité dans la métropole représente un recours au regard du volume d'investissement prévu. Il s'agit d'un impôt fléché vers le budget annexe des transports et d'un véritable outil, au-delà de ce qui avait été envisagé, comme l'augmentation de la taxe foncière métropolitaine.

Avant de se lancer dans une réforme du périmètre, il faut d'abord stabiliser les choses en matière de répartition des compétences et de ressources financières ; il nous faudra au minimum douze mois pour y parvenir. La question d'une réforme ne pourra se poser qu'après. Quant aux trois EPCI de l'ouest du département, elles pourraient considérer d'un oeil attentif le fait de rejoindre la métropole si elle devenait efficiente, notamment en matière de mobilité.

Enfin, au sujet de la déconcentration des services, les conseils de territoire ont été supprimés au 1er juillet 2022, très rapidement après la promulgation de la loi dite « 3DS ». Cependant, pour l'heure, l'organisation déconcentrée des services métropolitains, qui rassemblent 7 000 agents, n'a pas encore pleinement abouti et leur fonctionnement n'est pas pleinement efficient.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Je me permets d'intervenir modestement, car j'ai connu dans la métropole lilloise des problèmes similaires à ceux que rencontrent Lyon et Marseille. J'ai suivi tous les épisodes, depuis la loi dite « Chevènement » de 1999, qui relançait l'idée de l'élection au suffrage universel direct, jusqu'aux nouvelles créations institutionnelles. Tout le monde sait ici que l'histoire spécifique de la création de la métropole lyonnaise est due à Michel Mercier et Gérard Collomb. D'ailleurs, cette création semble déséquilibrée quand on l'observe de l'extérieur, entre une très grande métropole et un département atrophié.

Nous avons frôlé à Lille une crise totale du même type que celle qui est rencontrée aujourd'hui par Marseille et nous l'avons évitée grâce à deux éminents sénateurs, Pierre Mauroy et André Diligent. Ainsi, il y a vingt ans, s'opposaient à Lille « l'axe des émirats » et l'axe des villes en difficulté. On parlait de sécession, de réforme institutionnelle, de modification des AC et des DSC... Mais nous en sommes sortis et je donnerai ce conseil : chaque fois que l'on évoque une réforme institutionnelle révolutionnaire, on aboutit à un plus grand enlisement.

Aujourd'hui, c'est d'un pacte financier dont la métropole d'Aix-Marseille-Provence a besoin. Il faut d'abord éviter une catastrophe financière, comme l'a fait en son temps Pierre Mauroy. Ensuite, les questions institutionnelles cesseront de poser problème parce que les communes s'y retrouveront. Il ne faut surtout pas bouleverser les institutions et accentuer les contraintes pesant déjà sur les maires.

M. André Reichardt. - Ceux qui étaient déjà sénateurs et membres de la commission des lois lorsque ces métropoles ont été créées ne doivent pas s'étonner aujourd'hui des difficultés dont nous parlons. J'étais ici lorsque Gérard Collomb et Michel Mercier sont venus nous jouer leur pièce de théâtre, et je me souviendrai longtemps des cris d'alarme de Sophie Joissains en ce qui concerne la création de la métropole d'Aix-Marseille-Provence. Voilà ce qui se passe lorsqu'on ne fournit pas de travail préalable sérieux. Pensons-y à l'avenir !

Je me félicite néanmoins de l'évaluation de politique publique qu'a entrepris la mission et je souhaite que ce travail sérieux aboutisse.

Toutefois, comme l'a dit Éric Kerrouche, je pense que les mesures envisagées relèvent du palliatif. J'ai bien noté que des propositions étaient faites, particulièrement à Lyon, comme la clarification du mode de scrutin. Par ailleurs, je suis favorable à la circonscription unique ; il faut savoir ce qu'on veut. Malgré tout, je crains qu'il ne s'agisse que de corriger les choses et je ne crois pas que la CMM apportera la solution attendue. Je le dis en étant fort de mon expérience de maire d'une petite commune de la grande communauté urbaine de Strasbourg, devenue eurométropole.

Mme Valérie Boyer. - Ce rapport souligne bien la différence qui existe entre les métropoles de France, chacune ayant sa spécificité et son histoire. En ce qui concerne la métropole d'Aix-Marseille-Provence, nous avons beau déployer toute la souplesse possible, la métropole connait une pénurie budgétaire et de grandes inégalités sur son territoire, qui ne sont pas compensées. Ces difficultés ne seront pas réglées par des mesures qui semblent surtout incitatives.

Aujourd'hui, il s'agit d'une métropole de projets et, parmi eux, celui de la mobilité pourrait peut-être fédérer les communes des Bouches-du-Rhône. Cependant, les différences sont immenses entre les villes et entre les habitants. De plus, la ville de Marseille concentre toutes les centralités du territoire, et même de la région, ce qui rend la tâche difficile. Néanmoins, je retiens de ce travail la recherche d'une stabilité, qui pourrait offrir une solution - sans oublier toutefois qu'aux difficultés juridiques, financières et fiscales, s'ajoute un manque de conception politique. Espérons que la stabilité et la perspective d'un projet en matière de mobilité permettront de sortir cette métropole de l'ornière.

M. Mathieu Darnaud, rapporteur. - J'ai été rapporteur d'un texte sur le statut de Paris et l'aménagement métropolitain, à l'occasion duquel nous appelions à ne pas trop multiplier le nombre de métropoles. En effet, une métropole est définie par plusieurs critères, l'exercice est forcément complexe, pose des questions en matière de démocratie, d'économie, d'aménagement du territoire, et les décisions prises sont difficilement modélisables. À titre d'exemple, nous évoquons ce matin deux métropoles dont l'une a un territoire six fois plus grand que l'autre ; il est difficile de tirer des conclusions qui soient valables pour les deux.

Par ailleurs, je rappelle qu'il s'agit ici d'une évaluation et que nous devons plus et mieux évaluer nos métropoles.

Pour répondre à André Reichardt et Éric Kerrouche, il est peut-être prématuré de parler de soins palliatifs dans la mesure où nous avons presque affaire à un nouveau-né... Cependant, je les rejoins sur le fait qu'il est difficile à ce stade de trouver des solutions qui ne soient pas clivantes. En ce qui concerne le mode de scrutin par exemple, nous avons offert plusieurs hypothèses pour aider à définir le modèle. Si nous considérons qu'il s'agit avant tout d'un modèle départemental, il devient possible de calquer le mode de scrutin correspondant. Ainsi, nous avons proposé la création de 75 cantons. Dans le cadre d'une solution intermédiaire, nous avons proposé la création de 31 cantons. Enfin, nous avons évoqué la circonscription unique. N'oublions pas que nous sommes confrontés à un problème de proximité et de lisibilité de l'action publique par les habitants de ces métropoles, qui sont habitués au modèle communal et se retrouvent face à un modèle nouveau et hybride.

Marc-Philippe Daubresse a raison et il s'agit de l'une des conclusions majeures que nous tirons du rapport sur Aix-Marseille-Provence : il faut d'abord conclure un pacte financier, sous l'égide de l'État. Cela compte plus encore après le lancement du plan « Marseille en Grand ».

Concernant la MDMPH, nous avons à présent affaire à deux collectivités. Par ailleurs, les présidents du département du Nouveau Rhône et de la métropole souhaitent qu'il y ait deux entités. Cependant, cela n'empêche pas que les choses se fassent dans de bonnes conditions, la volonté étant de poursuivre l'excellence du travail mené. Le Nouveau Rhône est aujourd'hui un département à part entière et il faut le prendre en compte, raison pour laquelle nous pensons nécessaire de le doter d'une préfecture.

En ce qui concerne le versement mobilité, il ne s'agit pas de compétences, mais de moyens ; tous les élus l'ont souligné. Certes, le versement mobilité échoit à la métropole, mais n'oublions pas que cette collectivité a besoin pour fonctionner des personnes venant de son hinterland. Aujourd'hui, comme le signalent le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes et celui de la communauté d'agglomération Porte de l'Isère, la métropole de Lyon est en train de s'isoler des territoires environnants en matière de mobilité. N'oublions pas non plus que la région gère les trains express régionaux (TER). De plus, en Auvergne-Rhône-Alpes, presque toutes les intercommunalités ont transféré leur compétence mobilité à la région. Il faut donc prendre en compte cette situation et donner une partie des moyens à la région, pour qu'elle puisse organiser, avec la métropole et d'autres autorités organisatrices, le fonctionnement des mobilités sur le territoire.

J'en viens à la question de la circonscription unique. Il ne s'agit pas d'opter pour un choix particulier, mais de faire état de trois possibilités, entre lesquelles il conviendra d'arbitrer dans un futur assez proche, pour permettre de répondre à la fois aux besoins de proximité des habitants et au mécontentement des maires, qui ont dénoncé que des projets métropolitains pouvaient voir le jour dans leur commune sans même qu'ils en soient informés. Ce sujet appellera des réflexions, mais il était prématuré pour nous d'aller plus loin.

Mme Françoise Gatel, rapporteur. - Vos questions et interventions mettent en évidence ce qui représente un enseignement qui n'est pas nouveau, mais que nous redécouvrons toujours : l'évolution de l'organisation institutionnelle ne peut être une cavalcade effrénée et sans fin. Il faut stabiliser les situations pour garantir une bonne appropriation par les élus locaux et une mise en oeuvre efficace pour nos concitoyens.

Dans le cas de ces deux métropoles, leur origine explique les constats que nous faisons. L'initiative de la métropole de Lyon a été portée ici par deux grands acteurs locaux. La proposition émanait d'une culture de coopération déjà existante et d'une vision qui offrait de propulser le territoire vers la réussite de son avenir. Elle reposait sur des atouts exemplaires, qui ont permis de créer une structure singulière, bien dans l'air du temps.

Mais il ne faut pas confondre mode et style. Suivre la mode en matière d'organisation institutionnelle n'est pas sans danger et peut conduire à commettre des erreurs. Le style serait de développer un projet adapté au territoire. À ce titre, une vraie question se pose au sujet de Marseille. En effet, après avoir analysé les atouts et difficultés du territoire, l'idée a germé de ce remède miracle - pour reprendre la métaphore médicale - : en utilisant l'outil métropolitain, on pourrait entrainer le territoire. Or l'outil ne fait pas la qualité du maçon. Cet ensemble, qui agrège des territoires aux cultures et aux dynamismes économiques très différents, n'a pas de tradition métropolitaine.

En revanche, Lyon est une création assez adaptée. Quant au mode de scrutin, il est éminemment démocratique car il s'effectue au suffrage universel direct. Cependant, il ne fonctionne pas bien et il faut donner de la visibilité à la métropole. La circonscription unique permettrait de développer et de mettre en oeuvre de véritables programmes et projets métropolitains. De plus, grâce à la prime de scrutin majoritaire à 25 %, la gouvernance serait plus accessible aux communes et plus consensuelle. Dans les métropoles et les intercommunalités, les oppositions ne sont pas toujours politiques et peuvent se créer en fonction d'intérêts divers. La métropole est le lieu d'élaboration d'un projet de territoire.

Concernant Marseille, il s'agit encore pour les élus d'apprivoiser le modèle. Ce territoire grandit lentement, mais forcer la croissance ne donne pas toujours de bons résultats. Il convient de saluer le travail accompli depuis la loi dite « 3DS », avec notamment - évolution extraordinaire - la suppression des conseils de territoire.

Le pacte financier est un défi important, qui ne pourra être relevé sans un projet de territoire. Situation atypique : Marseille, la ville qui devrait tirer la métropole vers le haut, se retrouve aujourd'hui dans une situation difficile. Se posera bientôt la question de l'accompagnement de l'État qui, aujourd'hui, octroie des subventions, mais surtout des avances.

Ces deux « créations » sont nouvelles. Il convient de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain - et donc, ne pas chercher à inventer autre chose au prétexte que cela ne fonctionne pas après quelques mois. Pour Lyon, des réglages sont nécessaires afin que les maires retrouvent leur place. Pour Marseille, la promesse du territoire est encore à construire, les élus avancent et les acteurs économiques poussent ; il est dans l'intérêt de tous que ce territoire prospère. Je ne suis pas pessimiste. Nos propositions n'ont pas pour objet de dire aux élus ce qu'ils doivent faire. Nous faisons des propositions à partir de constats, et les membres de la mission, dans leur grande diversité, sont unanimes pour saluer le travail accompli.

M. François-Noël Buffet, président. - La mission menée par nos deux rapporteurs intervient à un moment où les deux métropoles sont au début de leur vie, notamment celle de Lyon. Cette dernière n'a atteint sa plénitude que depuis l'élection au suffrage universel direct en 2020 ; elle est en place depuis 2015, mais, jusqu'en 2020, elle fonctionnait encore avec l'état d'esprit d'un EPCI. L'habitude du travail partagé entre les maires et la métropole a été prise depuis la création de la communauté urbaine en 1969, de surcroît sur un territoire urbain unique et avec une population importante. En 2020, l'élection au suffrage universel direct a entrainé un certain nombre de difficultés, notamment ce conflit de légitimités entre les maires et les élus de la métropole. Une évolution culturelle est à mener ; elle a encore besoin de temps.

Je rappelle que la mission est née d'une contestation d'un grand nombre de maires qui, sans en faire un sujet polémique, n'arrivaient pas à obtenir ce qu'ils souhaitaient. Les rapporteurs proposent des ajustements, nous sommes dans la gestion d'une croissance. Sur un territoire de 1,5 million d'habitants portant un budget de l'ordre de 4 milliards d'euros, on ne peut pas ne pas être dans un système démocratique, avec des élections au suffrage universel direct ; on lève des impôts, les enjeux sont importants.

Pour Marseille, la problématique est différente. Nous sommes dans le cadre d'un EPCI qui cherche encore à définir son projet métropolitain. L'histoire de ce territoire est riche et il ne faut pas non plus négliger le rôle de la deuxième ville de France. Il y a un besoin d'apaisement, tout en ayant conscience de l'enjeu financier. Un travail est engagé et, s'il n'est pas conduit, ce territoire continuera de souffrir.

Ce sont deux situations différentes, avec des cultures politiques différentes, notamment dans l'appréhension du phénomène intercommunal. Mais nous restons convaincus, comme l'avait imaginé à l'époque le gouvernement du général de Gaulle, qu'il s'agit de deux grandes métropoles d'équilibre sur le plan national. Elles ont un rôle à jouer, au-delà d'elles-mêmes. Les évolutions ne se feront, à Lyon comme à Marseille, que si les élus se prennent en main.

Il conviendrait de reprendre nos travaux avant l'issue du mandat en 2026, afin de voir les évolutions et, le cas échéant, faire les ajustements nécessaires. L'enjeu est important, sachant que, dans ces territoires, les puissances économiques sont organisées de manière différente.

Pour la métropole de Lyon, les rapporteurs proposent d'intituler le rapport d'information : « Métropole de Lyon - communes : le pari d'un destin commun. » Cela traduit le fait que, en dépit des difficultés actuelles, il s'agit bien pour tout le monde de vivre ensemble.

Les recommandations sont adoptées.

La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

M. François-Noël Buffet, président. - Pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence, les rapporteurs proposent le titre suivant : « Métropole d'Aix-Marseille-Provence : une métropole à la croisée des chemins. ». Cela signifie que la métropole a des choix à effectuer dès maintenant.

Les recommandations sont adoptées.

La mission d'information adopte, à l'unanimité, le rapport d'information et en autorise la publication.

La réunion est close à 11 h 45.