Mercredi 5 avril 2023

- Présidence de M. François-Noël Buffet, président -

La réunion est ouverte à 10 h 15.

Communications

M. François-Noël Buffet, président. - Comme le Bureau de la commission l'avait acté, des stages en juridictions judiciaires vont vous être proposés, qui auront lieu en mai et juin prochain. Cette année, le choix a été fait de privilégier des juridictions plus petites, de vingt à trente magistrats, pour avoir une vision complémentaire du fonctionnement de la justice. Sont, notamment, concernés les tribunaux de Senlis, de Laval, de Thionville, de Montauban, de Grasse, qui pourront nous accueillir. Une lettre circulaire va vous être adressée dans les prochains jours, avec appel à candidatures.

Par ailleurs, le Bureau avait pris la décision en octobre dernier de consacrer le déplacement annuel de la commission outre-mer aux Antilles, après la Guyane en 2019, Mayotte en 2020 et la Nouvelle-Calédonie l'année dernière.

Nous nous déplacerons en Martinique, en Guadeloupe, à Saint-Martin et à Saint-Barthélemy pour y évoquer les sujets de la sécurité, de la justice, ainsi qu'éventuellement l'évolution institutionnelle. La délégation que je conduirai sera composée de Marie-Pierre de La Gontrie et Cécile Cukierman, ainsi que de Philippe Bonnecarrère et Henri Leroy. Nous nous déplacerons du 10 au 19 avril prochain. Et selon l'usage, nous ferons un rapport sur ce que nous avons pu constater avec, le cas échéant, des recommandations.

Mission d'information sur les modalités d'investigation recourant aux données de connexion dans le cadre des enquêtes pénales - Désignation de rapporteurs

La commission désigne Mme Agnès Canayer, M. Philippe Bonnecarrère et M. Jean-Yves Leconte rapporteurs sur la mission d'information sur les modalités d'investigation recourant aux données de connexion dans le cadre des enquêtes pénales.

Mission d'information sur l'application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République - Désignation de rapporteurs

M. François-Noël Buffet, président. - Conformément au Règlement du Sénat, qui prévoit que le rapporteur d'un texte est chargé de son application, je vous propose de désigner rapporteures de cette mission les deux rapporteures de la loi, Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien. Je souhaite que ce travail d'évaluation associe également formellement un membre de chaque groupe. Je sollicite donc chaque groupe pour qu'il désigne chacun l'un de ses membres afin d'assister nos rapporteurs dans leurs travaux.

La commission désigne Mme Jacqueline Eustache-Brinio et Mme Dominique Vérien rapporteurs sur la mission d'information sur l'application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

Proposition de loi visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. François Bonhomme rapporteur sur la proposition de loi n° 363 (2022-2023) visant à réduire les inégalités territoriales pour les ouvertures de casinos présentée par Mme Catherine Deroche, M. Stéphane Piednoir, M. Claude Nougein et plusieurs de leurs collègues.

Proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne Mme Valérie Boyer rapporteure sur la proposition de loi n° 396 (2022-2023), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants.

Proposition de loi visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire - Désignation d'un rapporteur

La commission désigne M. Loïc Hervé rapporteur sur la proposition de loi n° 453 (2022-2023), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à faciliter le passage et l'obtention de l'examen du permis de conduire.

Proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique - Examen des amendements au texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons à présent les amendements de séance sur la proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités dans la fonction publique. Nous commençons par l'amendement de la rapporteure.

EXAMEN DE L'AMENDEMENT DU RAPPORTEUR

Article 4

Mme Françoise Dumont, rapporteure. - L'amendement Lois.1 vise à compléter la liste des administrations et établissements publics redevables d'une pénalité financière en cas de non-publication des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération, afin d'y intégrer les établissements publics de l'État et le Centre national de la fonction publique territoriale.

Il tend également à préciser que, dans la fonction publique hospitalière, serait redevable de cette sanction non pas le Centre national de gestion, mais chacun des établissements publics hospitaliers, sanitaires, sociaux et médico-sociaux assujettis à l'obligation de publication des indicateurs relatifs aux écarts de rémunération.

L'amendement Lois.1 est adopté.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 1er

Mme Françoise Dumont, rapporteure. - Les amendements identiques nos  2 et 15 sont contraires à la position de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements identiques nos 2 et 15.

Article 2

Mme Françoise Dumont, rapporteure. - Les amendements nos  17 et 16, en discussion commune, sont également contraires à la position de la commission. Avis défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 17 et 16, de même qu'aux amendements nos  1, 6 et 7.

Mme Françoise Dumont, rapporteure. - L'amendement n°  8 est contraire à la position de la commission. Avis défavorable. En revanche, je suis favorable à l'amendement n°  21.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 8. Elle émet un avis favorable à l'amendement n° 21.

Mme Françoise Dumont, rapporteure. - L'amendement n°  26 rectifié tend à donner un peu plus de temps aux employeurs publics qui nomment aujourd'hui moins de 40 % de personnes de chaque sexe. Cette mesure me semble apporter une souplesse bienvenue. C'est pourquoi je suis favorable à cet amendement.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 26 rectifié.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  5 et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Françoise Dumont, rapporteure. - Concernant l'amendement n°  25 rectifié, je comprends l'intention du Gouvernement de faire preuve d'une plus grande exemplarité pour la parité des emplois qui relèvent de sa décision. Pour autant, je continue d'avoir des réserves s'agissant du taux de 50 %. J'émets donc un avis de sagesse.

La commission s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 25 rectifié.

Article 3

La commission demande le retrait des amendements identiques nos  9 et 18 et, à défaut, y sera défavorable.

La commission demande le retrait des amendements nos  11 et 19 et, à défaut, y sera défavorable.

Après l'article 3

La commission demande le retrait de l'amendement n°  14 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 3 bis

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  28. Elle émet un avis favorable à l'amendement n°  13, de même qu'à l'amendement n°  27 rectifié.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  10 et, à défaut, y sera défavorable.

Article 4

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  24 rectifié. Elle demande le retrait des amendements nos  4 et  20 et, à défaut, y sera défavorable.

Après l'article 4

La commission demande le retrait de l'amendement n°  22 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Françoise Dumont, rapporteure. - Avis favorable à l'amendement de coordination n°  23.

Mme Dominique Vérien. - Aujourd'hui, la loi Sauvadet prévoit déjà un seuil de 40 000 habitants ; un seuil de 80 000 habitants représenterait un recul.

Mme Françoise Dumont, rapporteure. - Justement, nous voulons remplacer le seuil de 80 000 habitants par celui de 40 000 habitants.

Mme Dominique Vérien. - Excusez-moi, j'avais compris l'inverse.

La commission émet un avis favorable à l'amendement n° 23.

La commission demande le retrait de l'amendement n°  12 et, à défaut, y sera défavorable.

Le sort de l'amendement de la rapporteure examiné par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Sort de l'amendement

Article 4

Mme DUMONT,

rapporteure

29

Adopté

La commission donne les avis suivants sur les amendements de séance :

Auteur

Avis de la commission

Article 1er

Mme Mélanie VOGEL

2

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

15

Défavorable

Article 2

Mme Nathalie DELATTRE

17

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

16

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

1

Défavorable

Mme Martine FILLEUL

6

Défavorable

Mme Martine FILLEUL

7

Défavorable

M. MARIE

8

Défavorable

Mme DURANTON

21

Favorable

Le Gouvernement

26 rect. bis

Favorable

M. MARIE

5

Défavorable

Le Gouvernement

25 rect.

Sagesse

Article 3

M. MARIE

9

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

18

Défavorable

M. MARIE

11

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

19

Défavorable

Article additionnel après l'article 3

M. MARIE

14

Défavorable

Article 3 bis

Le Gouvernement

28

Défavorable

M. MARIE

13

Favorable

Le Gouvernement

27 rect. bis

Favorable

Mme Martine FILLEUL

10

Défavorable

Article 4

Le Gouvernement

24 rect.

Défavorable

Mme Mélanie VOGEL

4

Défavorable

Mme Nathalie DELATTRE

20

Défavorable

Article additionnel après l'article 4

Mme DURANTON

22 rect.

Défavorable

Mme DURANTON

23

Favorable

M. MARIE

12

Défavorable

Proposition de loi visant à revaloriser le statut de secrétaire de mairie - Examen des amendements au texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous examinons à présent les amendements de séance sur la proposition de loi visant à revaloriser le statut de secrétaire de mairie.

EXAMEN DES AMENDEMENTS AU TEXTE DE LA COMMISSION

Article 4

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Les amendements nos  1 et 3 proposent une nouvelle appellation de la fonction de secrétaire de mairie : soit « collaborateur communal », soit « secrétaire général de mairie. » Je comprends l'intention des auteurs : l'appellation « secrétaire de mairie » ne correspond plus aux missions exercées par les agents. Mais lors de leurs auditions, les associations des secrétaires de mairie indiquaient ne pas être favorables à un changement de nom. Il ne semble donc pas opportun de changer ce nom maintenant, sans discussion préalable avec les intéressés. C'est pourquoi mon avis est défavorable.

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos 1 et 3.

Article 5

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n°  4.

Après l'article 7 (Supprimé)

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement n°  8 vise à instaurer un conseil représentatif des secrétaires de mairie dans les centres de gestion. Philippe Folliot met en avant une spécificité du métier de secrétaire de mairie, qui ne correspond plus à un cadre d'emploi unique. La rédaction proposée semble toutefois inopérante, et je ne vois pas comment une telle instance pourrait fonctionner au sein du centre de gestion. Demande de retrait, ou à défaut avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 8 et, à défaut, y sera défavorable.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - L'amendement n°  10 rectifié, qui tend à instaurer un conseil organisant la répartition des secrétaires de mairie au sein d'un territoire donné, ne semble pas non plus opérant. Demande de retrait, ou avis défavorable.

La commission demande le retrait de l'amendement n° 10 rectifié et, à défaut, y sera défavorable.

Intitulé de la proposition de loi

La commission émet un avis défavorable aux amendements nos  2 et 5.

Mme Catherine Di Folco, rapporteur. - Permettez-moi de répondre à Alain Richard, qui m'a demandé, la semaine dernière, s'il est possible d'attribuer des logements de fonction aux secrétaires de mairie pour renforcer l'attractivité de ce métier.

Les organes délibérants des collectivités fixent la liste des emplois pour lesquels un logement de fonction peut être attribué, dans deux hypothèses seulement : d'une part, en cas de nécessité absolue de service, lorsque l'agent ne peut pas exercer son métier dans de bonnes conditions de sécurité ou de responsabilité s'il n'est pas logé sur place ou à grande proximité de son lieu de travail ; et d'autre part, lorsque l'agent est soumis à un service d'astreinte. Les secrétaires de mairie ne répondant ni à l'un ni à l'autre de ces critères, il n'est donc pas possible en l'état du droit de leur attribuer un logement de fonction. Le Conseil d'État a annulé des délibérations en ce sens.

La commission donne les avis suivants sur les amendements de séance :

Auteur

Avis de la commission

Article 4

Mme Nathalie GOULET

1

Défavorable

M. BOURGI

3

Défavorable

Article 5

M. BOURGI

4

Défavorable

Article additionnel après l'article 7 (Supprimé)

M. FOLLIOT

8

Défavorable

M. FOLLIOT

10 rect.

Défavorable

Intitulé de la proposition de loi

Mme Nathalie GOULET

2

Défavorable

M. BOURGI

5

Défavorable

Proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences - Examen des amendements au texte de la commission

M. François-Noël Buffet, président. - Nous en venons à l'unique amendement de séance sur la proposition de loi constitutionnelle visant à créer une loi de financement des collectivités territoriales et de leurs groupements et à garantir la compensation financière des transferts de compétences.

Article 2

Mme Agnès Canayer, rapporteur. - L'amendement n°  1 vise à déroger aux règles de l'article 40 de la Constitution pour les transferts de compétences entre les collectivités territoriales. Tout d'abord, cet amendement s'éloigne de l'objectif de la proposition de loi constitutionnelle déposée par Eric Kerrouche. Ensuite, une telle dérogation trouverait mieux sa place dans une réforme globale des irrecevabilités enserrant les initiatives parlementaires. Enfin, je tiens à rappeler que le président de la commission des finances admet déjà des transferts de compétences au sein du bloc local, départemental ou régional. L'avis est donc défavorable.

La commission émet un avis défavorable à l'amendement n° 1.

La commission a donné l'avis suivant sur l'amendement de séance :

Article 2

Auteur

Avis de la commission

M. CAPUS

1

Défavorable

La réunion, suspendue à 10 h 40, est reprise à 11 h 20.

Événements survenus à Sainte-Soline le 25 mars 2023 - Audition de M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer

M. François-Noël Buffet, président. - Monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous rappelle que cette réunion est retransmise en direct sur le site internet du Sénat. Il y aura de nombreuses questions : je vous propose d'en limiter le temps à deux minutes, par souci d'efficacité.

Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avoir accepté notre invitation. Cette audition se tient à la suite des événements de Sainte-Soline, ainsi que des mouvements observés à l'occasion de la réforme des retraites. Naturellement, je fais la distinction entre ceux qui ont manifesté dans les cortèges officiels avec leurs organisations syndicales, et ceux qui ont commis des actes d'agression et de violence de caractère délictuel ou peut-être susceptibles d'autres qualifications pénales. Certains mouvements politiques ou associatifs ainsi que des institutions internationales se sont interrogés, et ont parfois contesté les conditions d'intervention des forces de l'ordre - et je ne parle pas d'organisations internationales, comme le Conseil de l'Europe, dont un membre a fait des déclarations publiques à l'encontre de l'action de nos services de police -, ou de l'auto-saisine de la Défenseure des droits.

Le débat vise parfois à confondre et à inverser les rôles de chacun, ce qui est inacceptable. Nous avons besoin de clarté pour comprendre ces événements. Je rappelle qu'à Sainte-Soline, il y a eu 200 blessés parmi les manifestants, dont deux très graves, et 47 blessés parmi les gendarmes. Vous nous préciserez sans doute la nature de leurs blessures, car les forces de l'ordre ont été victimes d'agressions d'une immense violence.

La commission des lois du Sénat souhaite que vous puissiez exposer la manière dont vous avez vécu et dirigé cette situation, pour que nous puissions ensuite, dans un climat apaisé, vous poser nos questions. Cet échange, parfois direct, est nécessaire à la vérité du débat.

M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer. - Je vous prie tout d'abord d'excuser mon retard ; j'étais retenu à l'Assemblée nationale, où avait lieu une audition similaire. Je réponds à votre invitation par plaisir, mais aussi par devoir : il est tout à fait normal et sain que les ministres rendent compte de l'action de leurs services comme de leur propre action devant les représentants du peuple.

Les choses sont complexes. Pour résumer très rapidement cette semaine du maintien de l'ordre, comme le disent la presse ou certaines attaques politiques, se sont mélangées de fortes exactions en milieu urbain, pendant ou à côté des manifestations contre la réforme des retraites, et d'actions violentes à Sainte-Soline, en milieu rural, avec un but différent, en l'occurrence les bassines.

Je souhaite vous présenter un PowerPoint pour résumer la manière dont le ministère de l'intérieur perçoit les choses. De nombreuses enquêtes judiciaires sont ouvertes, tant pour Sainte-Soline que pour certaines manifestations non autorisées ou sauvages, et je ne commenterai pas les actions de justice en cours, tout en portant à votre connaissance les informations dont dispose le ministère de l'intérieur.

Comme certains d'entre vous l'ont rappelé à l'occasion de plusieurs questions d'actualité, de nombreuses manifestations très importantes ont eu lieu en France, singulièrement depuis le début de la réforme des retraites, avec parfois plus d'un million de personnes dans les rues et plus de 300 défilés, sans aucun incident majeur. Ma présentation a pour objet de vous montrer que le problème n'a rien à voir avec le maintien de l'ordre, mais qu'il concerne l'ultragauche. Ce n'est pas un problème policier de maintien de l'ordre qui se pose, mais c'est un problème de violence urbaine, de guérilla, qui n'a rien à voir avec le maintien de l'ordre classique. Cela veut dire, non qu'il ne faut pas améliorer le maintien de l'ordre, exercice ingrat et difficile, mais que nous traversons un moment particulier de violence, né à partir du 16 mars, au moment où l'ultragauche décide de prendre en otage le mouvement social et d'accentuer les exactions, notamment pour l'écologie radicale, comme à Sainte-Soline.

Le tableau que voici - je le mets à votre disposition - le montre bien : pendant les journées d'action nationales précédentes, il y avait en moyenne un million de manifestants. Chacun remarquait les nouvelles méthodes du préfet de police, ainsi que le nouveau schéma du maintien de l'ordre du ministère de l'intérieur. Il ne se passait pas grand-chose d'un point de vue sécuritaire - et c'est tant mieux pour les manifestants et la liberté de manifester. Très peu de policiers ou de gendarmes ont été blessés, et leurs blessures, légères, ont eu lieu dans des conditions classiques de maintien de l'ordre. Il y a eu très peu d'interpellations, si l'on rapporte leur nombre à celui des manifestants.

La journée du 23 mars, présentée en rouge dans ce tableau, est importante du point de vue du changement de l'action, non des manifestants, mais de ceux qui utilisent ces journées comme une occasion pour commettre des violences, c'est-à-dire pour une partie de l'ultragauche. La manifestation du 23 mars est moins importante en nombre que celles du 7 mars ou du 31 janvier, mais elle se traduit par 152 blessés parmi les forces de l'ordre, et par 428 interpellations. Pourquoi ?

Nous documentons le fait que l'ultragauche décide, à partir du 16 mars, d'infiltrer le mouvement social et tente d'en prendre la direction. Des notes de la direction du renseignement de la préfecture de police (DR-PP), des renseignements territoriaux ou de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) confirment que des groupuscules, des personnes françaises ou étrangères, prévoyaient d'organiser, contre les « symboles du capital », les forces de l'ordre, les institutions, ceux qui représentent l'État ou le service public, des attaques n'ayant rien à voir avec la réforme des retraites, l'écologie, l'eau ou l'agriculture. Ces notes sont à la disposition de la délégation parlementaire au renseignement : j'invite les membres de cette délégation à convoquer les chefs de service placés sous ma responsabilité, et à solliciter la transmission de ces nombreuses notes classées secrètes ou confidentielles. J'en lis tous les jours : elles vont toutes dans le même sens, celui de la violence de l'ultragauche, que nous distinguons bien des manifestations classiques. Malgré cette violence de l'ultragauche, les manifestations classiques se sont presque toujours bien déroulées, à l'exception de manifestations à Paris, à Rennes et à Nantes.

Depuis le 16 mars, nous comptons de nombreuses difficultés tant pour les biens que pour les personnes : 1 851 interpellations, 299 atteintes contre des institutions publiques, des préfectures, des sous-préfectures, des commissariats ou des mairies, alors même que les maires, parfois, ne soutiennent pas la réforme des retraites - l'inverse n'excusant pas ces actes, mais pouvant les expliquer. Chacun sait que le maire de Bordeaux, membre d'Europe Écologie Les Verts, condamne la réforme des retraites, mais sa mairie a été incendiée, tout comme des mairies d'arrondissement à Lyon. Des conseils départementaux ou des tribunaux, à Nantes notamment, ont été également envahis ou saccagés.

Il y a eu 132 atteintes de permanences de parlementaires et de politiques, et 33 plaintes ont été déposées par des membres du Gouvernement ou des élus pour menace et outrage, rien que pour le périmètre de la préfecture de police de Paris. Il y a eu des dégradations majeures : 2 500 incendies sur la voie publique, 58 incendies de véhicules légers et 13 incendies de bâtiments en une semaine. Alors que le bilan est extrêmement lourd, policiers et gendarmes ont fait face. Ce sont non pas les manifestants contre la réforme des retraites qui sont en cause, mais bien des gens qui ont voulu utiliser ces moments de mobilisation pour attaquer les symboles et les personnes qui représentent la République.

Je vous présente quelques images, que vous avez peut-être déjà vues. La photographie du saccage de la mairie d'arrondissement à Lyon n'a pas été largement partagée, à l'inverse de celle, esthétique mais extrêmement violente, du porche de la mairie de Bordeaux enflammé. Rappelons que le commissariat et la sous-préfecture de Lorient ont été attaqués, et qu'il a fallu que la préfecture se place en position d'attaque, comme au Puy-en-Velay lors de la radicalisation d'une partie des « gilets jaunes ». Il y a eu de très nombreux blessés, y compris parmi les sapeurs-pompiers venant éteindre ces incendies. Ce jour-là, à Bordeaux, la mobilisation contre la réforme des retraites a été importante : la manifestation a rassemblé 18 000 personnes, mais ne passait pas devant la mairie ; l'incendie a eu lieu bien après sa fin et après la levée du dispositif de garde statique devant la mairie, tard le soir : il n'a rien à voir avec la manifestation syndicale classique.

Certains se sont concentrés sur l'action des services de police à Paris. Souvent, les vidéos diffusées ne sont pas favorables aux forces de l'ordre. Voici un extrait d'une vidéo prise derrière les forces de l'ordre, à Lyon. (Une vidéo est diffusée dans la salle de réunion.) La vidéo dure quinze minutes ; la taille des pavés est impressionnante. (Une autre vidéo est diffusée.) À Dijon, la manifestation n'a rien à voir avec les retraites : des membres de l'ultragauche, extrêmement nombreux, prennent à partie quelques forces de l'ordre en faction de l'autre côté de la rue.

On demande parfois pourquoi les forces de l'ordre interviennent pour protéger des biens, et pourquoi ils viennent mettre fin à des incendies. (Une autre vidéo est diffusée.) Dans cet immeuble parisien, à côté de la place de l'Opéra, un feu s'est propagé à partir de poubelles incendiées : les forces de l'ordre sont intervenues pour évacuer 23 personnes, dont de nombreux enfants. Nous étions objectivement à quelques minutes d'un drame, puisque l'immeuble commençait à s'enflammer. La police a dû intervenir de manière violente et forte pour interpeller les incendiaires, et les sapeurs-pompiers de Paris ont été pris à partie lors de leur intervention.

Ces vidéos sont aussi une réponse : ce matin, à l'Assemblée nationale, on m'a demandé pourquoi installer des policiers et des gendarmes pour protéger des biens, sachant que la vie des personnes est plus importante, et que l'on savait bien qu'il y aurait des violences. De tels raisonnements conduiraient à laisser saccager le Sénat sans que personne ne dise rien ; si l'on place des forces de l'ordre devant son entrée, on dira que l'on cherche la confrontation... Serait-il donc normal de marcher dans les champs d'un agriculteur et de violer la propriété privée ? De laisser saccager la mairie du XIe arrondissement, comme cela aurait eu lieu sans les motards de la Brav-M ? Oui, la police et la gendarmerie sont là pour protéger autant les biens que les personnes. Indépendamment du fait que la propriété est un droit constitutionnel, qui figure dans la Déclaration des droits de l'homme, il est évident que des personnes ont également connu des difficultés, comme dans cet immeuble à Paris.

Sainte-Soline est un cas différent, dans la nature comme dans l'action. Depuis plus d'un an, de fortes exactions y sont commises contre les agriculteurs et leurs outils de production. De nombreuses personnes ont été interpellées en 2021 et 2022. Deux manifestations ont eu lieu en 2022, dont l'une extrêmement violente, en octobre dernier, avec 500 membres de l'ultragauche et des Black Blocs, parfois étrangers ; 61 gendarmes avaient été blessés, parfois extrêmement grièvement.

Nous connaissions ce rendez-vous de Sainte-Soline, et nous avons fait un important travail préparatoire, qui sera soumis aux enquêtes judiciaires. Cette manifestation a été interdite par la préfète des Deux-Sèvres, qui, à plusieurs reprises, a tenu des conférences de presse. Le 10 mars, elle a écrit aux « organisateurs », c'est-à-dire aux collectifs Bassines non merci et Les Soulèvements de la terre, ainsi qu'à la Confédération paysanne. Elle n'a pas obtenu de réponse, mais ces personnes ont publié des communiqués de presse pour expliquer qu'ils maintenaient la manifestation malgré son interdiction. La veille de la manifestation, le procureur de la République a tenu une conférence de presse, lors de laquelle il a rappelé aux organisateurs qu'ils étaient responsables des secours - c'est un point important. Chacun sait que, lors d'une manifestation, culturelle, festive ou autre, ce sont aux organisateurs de prévoir les secours. Les organisateurs n'ont pas voulu évoquer ce sujet, et ils n'ont pas mis en place de secours. Nous reparlerons de la polémique et de la fake news qui a circulé à ce sujet, qui visait à jeter l'opprobre sur l'État et ses agents plutôt qu'à insister sur ce point.

Nous avons rappelé certaines autres interdictions, en plus de l'interdiction de manifestation, notamment les arrêtés préfectoraux interdisant le transport d'armes. Sachez que cet arrêté, qui semble frappé au coin du bon sens, a été attaqué au tribunal par la Ligue des droits de l'homme. Le tribunal administratif, fort heureusement, a validé le travail de la préfète des Deux-Sèvres, mais cela témoigne de l'état d'esprit de certains en vue de cette manifestation.

Au ministère de l'intérieur, lors de trois réunions, nous avons préparé le travail de la préfète et du général de gendarmerie zonale. Le mercredi 22 mars, une réunion a été présidée par la Première ministre au centre de crise, regroupant les ministres de la justice, de l'intérieur, de l'écologie et de l'agriculture, ainsi que de nombreux services, dont les services de renseignement.

Que savions-nous alors ? Qu'un rassemblement extrêmement fort de personnes d'ultragauche aurait lieu à Sainte-Soline, et qu'il y aurait aussi des manifestants pacifiques. Une manifestation a été autorisée dans la ville de Melle : elle a réuni plusieurs milliers de personnes pacifiques, qui ont exprimé leur opinion contre les bassines. Il y a aussi eu une manifestation extrêmement violente dans les champs, à proximité des bassines, qui, elle, n'était pas autorisée. Pour manifester leur opinion contre les bassines, les gens pouvaient le faire à Melle.

Nous avons travaillé au contrôle des frontières, car les services allemands, italiens, suisses et espagnols avaient évoqué le fait que leurs ultragauches voulaient se rendre à Sainte-Soline. Nous avons d'ailleurs interpellé un certain nombre de personnes aux frontières, en prenant des interdictions administratives du territoire (IAT), avec l'appui de la DGSI et de la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ). Nous avons réalisé de nombreux contrôles autour de Sainte-Soline. Pendant les trois jours qui ont précédé la manifestation, 24 000 véhicules ont été contrôlés ; 62 couteaux ont été saisis, ainsi que 67 boules de pétanque, 13 haches, 5 matraques et battes de base-ball, 6 bidons d'essence, 20 aérosols et bonbonnes de gaz, des mortiers d'artifice. Chacun peut le constater, un moment festif se préparait à Sainte-Soline, en tout pacifisme...

Du coup, 3 200 policiers et gendarmes, essentiellement des gendarmes, ont été mobilisés. Je rappelle qu'il n'y a pas qu'une bassine à Sainte-Soline, et que plusieurs bassines dans les Deux-Sèvres pouvaient être attaquées. Les manifestants se sont concentrés à Sainte-Soline, conformément à nos renseignements. Ces 3 200 gendarmes étaient mobilisés non seulement à Sainte-Soline, mais dans l'ensemble du département.

Je vous rappelle également que les armes avec lesquelles se bat la gendarmerie ne sont pas les armes des casseurs. On dit que des armes de guerre ont été utilisées : oui, par les casseurs. La gendarmerie n'utilise pas de cocktails Molotov, par exemple. Les drones ne sont pas utilisés par les gendarmes. Je le dis devant le président de la commission des lois : seuls les policiers et les gendarmes ne peuvent pas faire voler des drones en France. En revanche, les casseurs ont pu faire voler des drones. Nous ne pouvions pas avoir une vision totale des opérations, le procureur de la République ayant refusé les demandes de la préfète ; en revanche, les casseurs ont fait voler des drones pour regarder le dispositif et savoir où attaquer.

On nous demande pourquoi, alors que nous disposions d'informations, nous n'avons interpellé personne. Je le regrette : la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs, déposée par M. Retailleau, soutenue par le ministre Christophe Castaner, a été censurée par le Conseil constitutionnel, ce qui empêche le ministre de l'intérieur et ses services, qui ne font qu'appliquer le droit, d'interpeller des personnes que l'on sait être des casseurs la veille d'une manifestation.

Nous nous préparions donc à un moment de confrontation, non pas parce que nous le souhaitions, comme je l'entends parfois, mais parce que cette confrontation était inévitable, puisque personne, dans le camp des manifestants casseurs, n'a respecté l'État de droit, c'est-à-dire, en l'espèce, les arrêtés d'interdiction de la préfète, les arrêtés de transport d'armes, la volonté d'organiser des secours malgré tout, sans parler des contraintes pesant sur l'utilisation des images par la gendarmerie ou des interdictions de paraître sur ce site, qui, je le rappelle, est la propriété privée d'un agriculteur - tout le monde semble se moquer de savoir pourquoi cette propriété a été foulée pendant des jours et des jours.

Je ne reviendrai pas davantage sur les notes du renseignement : elles sont à la disposition de la délégation parlementaire au renseignement. Énormément d'objets ont été saisis ; en plus de ceux que j'ai cités plus tôt, 800 objets qualifiés d'armes ont été saisis : des armes blanches, des cocktails Molotov, des chalumeaux, des tronçonneuses et d'autres objets sympathiques. Il y a eu 48 gendarmes blessés, dont certains gravement ; 4 individus ont été blessés grièvement, dont deux très grièvement, parmi lesquels un lutte encore pour la vie. Nous avons bien entendu une pensée pour eux. Bien évidemment, les enquêtes judiciaires ouvertes, notamment par le procureur de la République de Rennes, établiront la vérité des événements dans la grande confusion qu'il y a eu à Sainte-Soline.

Revenons rapidement sur la chronologie : dès le vendredi, nous avons dû couper la ligne à grande vitesse (LGV) entre Poitiers et Angoulême, à la suite d'un envahissement des voies ; 300 Black Blocs avaient déjà attaqué les gendarmes mobiles. Le samedi, par deux fois, des cortèges de casseurs ont attaqué à coup de cocktails Molotov et de pierres, comme nous l'avons tous vu à la télévision, cette ligne de gendarmes, qui protégeait, je le rappelle, une décision de justice. Indépendamment de ce que nous pouvons penser des bassines, du réchauffement climatique ou de l'utilisation de l'eau par les agriculteurs - ce n'est pas le sujet -, gendarmes et policiers faisaient respecter l'interdiction de manifester de la préfète, la propriété privée des agriculteurs et les décisions de justice qui ont donné droit à la construction de ces bassines. Évidemment, si l'opinion de chacun est supérieure aux décisions de justice, et implique d'enclencher ou non la force publique, nous ne sommes plus dans l'État de droit tel que nous le connaissons...

Je souhaite insister sur un point important : l'honneur des gendarmes a été profondément touché par l'idée que les secours auraient été empêchés d'intervenir par les forces de l'ordre. Chacun se rappelle la question d'actualité posée au Sénat la semaine dernière, qui évoquait le sujet sans grande nuance. Le travail journalistique a démontré qu'il s'agit d'une fake news, au bout de cinq jours d'insultes et d'atteinte à l'honneur des gendarmes : les secours n'ont pas été empêchés d'intervenir par les forces de l'ordre.

À 13 h 49, un premier appel est passé aux pompiers ; à 13 h 50, un appel est passé au service d'aide médicale urgente (Samu). Il faut géolocaliser ces personnes. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour être en grande partie des élus ruraux, vous savez qu'intervenir sur un champ de six kilomètres carrés, au milieu d'autres champs, sans nom ou numéro de rue, c'est extrêmement difficile pour les secours ! Ce n'est pas non plus très agréable, lorsque 1 000 casseurs envoient des pavés et des cocktails Molotov sur la tête des gendarmes.

Il faut géolocaliser ce blessé ; nous le tentons sans succès. Le Samu s'engage à son tour, pour se rendre sur le site, avec une nouvelle indication de la localisation du blessé grave. Son véhicule est ralenti, comme on le voit sur les images, soit par des manifestants blessés demandant des soins, soit par des personnes qui l'ont pris à partie. Devant l'incapacité du Samu de rejoindre le blessé, nous décidons d'envoyer le médecin du groupe d'intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) sur place, entouré de deux gendarmes et d'un infirmier militaire. Le groupe qui accompagne le médecin du GIGN, fendant la foule hostile pour soigner le blessé grave, est pris à partie et doit rebrousser chemin. Le médecin du GIGN, à qui je souhaite rendre un hommage particulier, malgré les jets de projectiles, les pavés et les insultes, se rend auprès du blessé, lui prodigue les premiers soins et établit le premier bilan médical. Il décide lui-même de ne pas faire évacuer ce blessé par l'hélicoptère de la gendarmerie, car il est blessé trop gravement ; nous devons donc attendre l'hélicoptère médicalisé du service mobile d'urgence et de réanimation (Smur), qui doit se poser parmi la foule, si j'en crois les rapports qui ont, dès le lendemain, été rendus publics par la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) et par la préfète, une heure après l'appel.

Cela dit, regardez ce que l'on distribuait aux manifestants casseurs à Sainte-Soline. (Un document est projeté dans la salle de réunion.) Ce document, que je laisse à disposition des parlementaires, est très bien réalisé - beaucoup d'entre nous ne seraient pas capables de le réaliser avec les outils informatiques. Il explique comment s'équiper et comment réagir si l'on est blessé après la confrontation avec les forces de l'ordre. Il recommande de ne pas avoir sur soi de pièce d'identité, de ne pas décliner son identité, d'essayer de ne pas être près des gendarmes, qui vous emmèneront à l'hôpital alors qu'il ne faut y aller que plus tard, et si possible dans un autre département. Il recommande également de payer en liquide, ainsi que de passer plutôt par les street medics, c'est-à-dire par des personnes, parmi les casseurs ou les manifestants, qui auraient un diplôme médical. Il comporte aussi des recommandations sur la conduite à suivre en garde à vue. C'est un parfait vade-mecum, affichant un numéro de téléphone, mais précisant que, la police surveillant probablement les communications, il vaut mieux communiquer par l'intermédiaire de Signal ou de Telegram. Bref, ce document distribué à tous les manifestants démontrait la préméditation de la violence qui allait s'y perpétrer. Le discours sur le pacifisme des manifestants qui sont allés confronter les gendarmes est une fable à laquelle ne croient que ceux qui l'énoncent - et encore, je n'en suis pas tout à fait certain.

Le sujet n'est pas celui des manifestations contre les bassines ou les retraites ; c'est celui de l'ultragauche, qui, en Europe, infiltre des manifestations, pour pouvoir être extrêmement violente. Le cas n'est pas que français. Rappelez-vous des manifestations à l'occasion de la réunion du G20 à Hambourg, et du déferlement de violence qui a eu lieu pendant trois jours ; du G8 à Rostock, où les heurts ont provoqué plus d'un millier de blessés ; du G20 à Londres, avec la mort d'un passant. Il y a aussi les fameuses zones à défendre (ZAD). En janvier 2023, à Lützerath en Allemagne, lors de violents affrontements, les policiers ont essuyé des tirs d'engins pyrotechniques et de projectiles, causant une centaine de blessés. En janvier 2023, à Atlanta, de l'autre côté de l'Atlantique, lors d'une opposition à la construction d'une école de police, il y a eu des morts et des blessés. Bref, l'ultragauche utilise des causes, quelles qu'elles soient, pour conduire les forces de police non à faire du maintien de l'ordre, mais à répondre à une guérilla extrêmement violente. Voici quelques images de ce qui s'est passé en Allemagne il y a deux mois, pour ceux qui pensent que les choses ne sont difficiles qu'en France (Une vidéo est diffusée dans la salle de réunion.), ou de ce qui se passait en Italie il y a quelques années. (Une autre vidéo est diffusée.) Nous pourrions prendre d'autres cas en Espagne, comme lors des manifestations sur la Plaza Mayor. Toute l'Europe est concernée par cette utilisation de la violence par l'ultragauche. Je rappelle que, depuis le début des années 2000 et les manifestations contre le contrat première embauche (CPE), la même chose a eu lieu en France. Lors de la présidence de M. Hollande, à Sivens, dont Sainte-Soline apparaît comme une sorte de réplique, nous nous souvenons qu'il y a eu 56 gendarmes blessés, et un jeune homme décédé. À Notre-Dame-Des-Landes, 108 gendarmes ont été blessés. Ce lieu n'était d'ailleurs pas un joyeux rendez-vous d'alternatifs bon teint : 800 engins incendiaires avaient été saisis, ainsi que des dizaines d'armes. Au printemps 2016, Bernard Cazeneuve avait dénoncé la présence de l'ultragauche dans les contestations contre la loi El Khomri, où le niveau de violence était bien plus fort que celui que nous connaissons. La fin des manifestations des « gilets jaunes », qu'il ne faut pas confondre avec les premières mobilisations de ce mouvement, fait aussi apparaître cette radicalisation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je terminerai en vous disant que cela ne fait que commencer : 42 projets sont enregistrés par les services de renseignement comme susceptibles de faire naître des contestations extrêmement violentes ; parmi ceux-ci, 17 pourraient faire apparaître des niveaux de radicalisation au moins équivalents à ceux de Sainte-Soline. Le prochain projet concerné sera sans doute le projet d'autoroute entre Toulouse et Castres, où d'énormes difficultés se poseront pour les forces de l'ordre. Certaines mobilisations peuvent se comprendre d'un point de vue écologique, même si elles ne peuvent pas se comprendre du point de vue de l'État de droit, comme pour l'extension de l'aéroport de Lille ou la construction du tunnel pour la liaison entre Lyon et Turin. Mais certains de ces projets tout à fait écologiques, comme les LGV, sont tout autant contestées que les constructions d'autoroutes. Je voudrais vous en persuader : le sujet tient non pas tellement à l'objet de la contestation qu'à la contestation en elle-même, contre les institutions républicaines.

Enfin, comme nous en discutions lors de l'examen de la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), le Gouvernement a tiré les conclusions des difficultés précédemment rencontrées ; il faut du temps pour qu'elles fassent effet. Le nouveau schéma de maintien de l'ordre a été, pour la première fois, écrit et validé par le Conseil d'État ; la formation est rallongée de quatre mois ; un nouveau centre d'entraînement pour la préfecture de police sera opérationnel en 2024 à Villeneuve-Saint-Georges - le terrain a été acheté au ministère des armées depuis le vote de la loi. C'est également la fin d'un certain nombre de grenades, notamment des grenades à l'explosif, qui ne sont plus utilisées par les forces de police et de gendarmerie depuis l'année dernière. C'est encore, évidemment, la clarification des sommations, travail que nous devons poursuivre avec les manifestants et les journalistes. Je lis, ici ou là, que les nasses ou les actions de maintien de l'ordre de la préfecture de police seraient contraires au droit. Non : les nasses ont été validées par le Conseil d'État, à certaines conditions, évidemment appliquées par les préfets.

Je ne reviens pas sur les moyens votés lors de la Lopmi, car vous les connaissez. Il est certain qu'il manque des unités de force mobiles dans notre pays. Dès le mois de juin, sept unités de gendarmerie mobiles auront été créées. Conformément aux dispositions de la Lopmi, trois unités de CRS seront créées pour le mois d'octobre, et une quatrième le sera en mars prochain.

M. François-Noël Buffet, président. - Pour l'instant, je dispose de quatorze demandes d'interventions. Je vous invite à respecter le temps de parole de deux minutes que nous nous sommes fixé.

M. Alain Marc. - Cette audition est l'occasion de dire mon soutien absolu aux forces de l'ordre. Les médias ont mis en exergue la violence de certains faits, mais, en réalité, les choses ne se sont globalement pas trop mal passées. Les violences touchaient les institutions de la République. Par une étrange inversion des valeurs, les policiers et les gendarmes se retrouvent mis en accusation. C'est inadmissible : il faut parfois remettre les choses à l'endroit, comme vous le faites aujourd'hui.

Quand on participe à une manifestation interdite, on doit en mesurer les risques ! Monsieur le ministre, comment souhaitez-vous que nous puissions faire évoluer notre droit, afin que nos policiers et gendarmes ne soient pas aussi démunis et puissent plus aisément user de la force légitime ?

M. Guy Benarroche. - Monsieur le ministre, une fable en vaut une autre. Il est clair que, pour vous, le problème n'est pas celui du maintien de l'ordre : c'est une guérilla qui s'ouvre. Vous déclarez la guerre et, pour cela, vous accusez, il vous faut un agresseur. C'est classique.

Monsieur le ministre, vous savez que les décisions de justice ont toutes débouté les projets de bassines faisant l'objet de recours, du fait de leur non-conformité avec les législations française et européenne.

Monsieur le ministre, vous savez que vous avez modifié votre doctrine du maintien de l'ordre depuis le 16 mars. Les chiffres le prouvent : ce ne sont pas que les manifestants qui ont changé.

Monsieur le ministre, vous savez que ce qui s'est passé lors des récentes manifestations, notamment à Sainte-Soline, relève non pas uniquement de bavures individuelles - des enquêtes sont en cours -, mais de l'application d'instructions et de consignes, données par votre ministère.

Monsieur le ministre, vous savez bien qu'un certain nombre de faits seront mis en exergue, comme ils le sont depuis quinze jours, vous poussant à revenir sur des affirmations que vous aviez tenues plus tôt ; les instructions et les enquêtes en cours le montreront parfaitement.

Voici ma question : l'article L. 311-2 du code de la sécurité intérieure définit les catégories d'armes. Ses alinéas 4 et 5 concernent les lance-grenades de tous calibres, les lance-projectiles, les systèmes de projection spécifiquement destinés à l'usage militaire ou au maintien de l'ordre, ainsi que leurs munitions. Ce type de matériel a-t-il été utilisé à Sainte-Soline ? Deuxièmement, des grenades lacrymogènes ont-elles été lancées vers des élus arborant leurs écharpes, ainsi qu'en direction des blessés, loin des zones de heurts ?

Les dégâts causés tant parmi les manifestants que parmi les forces de l'ordre sont liés à des processus d'escalade, et non de désescalade. Monsieur le ministre, vous savez que, en France, le nombre de morts et de blessés lors des manifestations est quatre fois supérieur à la moyenne de nos voisins européens, ce qui n'est pas sans susciter une certaine incompréhension à l'étranger.

M. François Bonhomme. - Il y a quelques jours, à Sainte-Soline, nous avons assisté à un déchaînement de violences sans précédent et sans limites. En dépit de tout ce que peuvent en dire les détracteurs, les règles fondamentales de l'État de droit ont globalement été respectées.

Vous avez rappelé toutes les voies de recours utilisées par la police pour lui permettre d'agir en toute légalité. Vous avez également exposé le travail préparatoire de la préfète et du procureur, ainsi que le travail de contrôle réalisé en amont pour prévenir les troubles. Tout cela ne constitue, pour moi, aucun sujet de discussion.

M. Benarroche a parlé de « promeneurs pacifiques » au sujet de gens équipés de boules de pétanque, de battes de base-ball, de bidons d'essence, de bonbonnes de gaz, de mortiers d'artifices ou d'armes blanches et de cocktails Molotov. Il faudra beaucoup d'énergie pour nous faire croire qu'il y avait là des promeneurs du dimanche ou des manifestants pacifiques...

Ces événements n'ont rien à voir avec une manifestation classique. Il y avait une volonté claire d'affronter les forces de l'ordre. Les conditions de maintien de l'ordre ont été parfaitement respectées, en dépit des tentatives non de fake news, mais de « bobards » - je préfère ce terme français - et de fausses informations selon lesquelles certaines personnes auraient été empêchées de recevoir les premiers secours, et en dépit, je dois le dire, de tout ce que peuvent en dire les observateurs autoproclamés des pratiques policières, issus de la Ligue des droits de l'homme, d'autres associations, ou de la Défenseure des droits, qui s'est autosaisie. Cela pose tout de même question : la Défenseure des droits, financée par des fonds publics, a un statut indépendant, et s'autosaisit comme bon lui semble. Le Président de la République l'a désignée, mais il ne peut que se mordre les doigts de la manière dont elle pratique sa mission !

M. Guy Benarroche. - Pourquoi ? Elle ne fait que son travail !

M. François Bonhomme. - Je vous rappelle que la Ligue des droits de l'homme - son nom tient-il de l'antiphrase ? - est financée par des fonds publics, y compris de l'État. Pour être cohérent, monsieur le ministre, il faut cesser de financer des associations qui mettent en cause gravement l'État, dénonçant la violence systémique d'un État policier. On finance des associations qui, quoi que l'on en dise, n'ont rien à voir avec l'État de droit.

M. Guy Benarroche. - C'est votre vision de la démocratie ?

M. François Bonhomme. - Un dernier élément, monsieur le ministre. L'État est parfois incohérent, voire même ambigu. Vous avez parlé de Sivens : le projet a été abandonné à la suite d'un arrêté préfectoral pris à la demande de l'État en 2014 ; le projet de Notre-Dame-Des-Landes a été arrêté en 2018, alors même qu'une consultation publique avait confirmé le projet en juin 2016. L'État s'étonne aujourd'hui que des contestataires de tout poil veuillent mettre l'État à bas, mais il ne faut pas s'étonner : cette ambiguïté nous revient à la figure.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Monsieur le ministre, nous partageons, bien sûr, le diagnostic et les objectifs que vous avez évoqués devant nous, force arguments à l'appui. La majorité sénatoriale, dans une résolution, a exprimé sa gratitude et sa reconnaissance aux forces de l'ordre. Il est inutile de le redire, une très large majorité partage ce point de vue, comme nous l'avons démontré en soutenant les moyens du ministère de l'intérieur.

Dans le Journal du dimanche, vous avez indiqué que « plus aucune ZAD ne s'installera dans notre pays, ni à Sainte-Soline ni ailleurs. Nous créerons une cellule spéciale anti-ZAD avec des jurys spécialisés. » Évidemment, nous sommes interpellés ! Je prolonge les propos de M. Bonhomme : quand la Ligue des droits de l'homme conteste un arrêté préfectoral qui prévoit d'interdire le transport d'armes par destination à Sainte-Soline, on peut se poser des questions ! Le Conseil Constitutionnel a rendu un certain nombre de décisions au sujet des drones. À quel niveau comptez-vous agir ? Allez-vous créer une cellule juridique, avec des moyens ? Faudra-t-il un projet de loi, auquel nous pourrions être associés pour travailler sur un arsenal et des outils juridiques plus appropriés pour que l'on cesse de tolérer l'intolérable, et de justifier l'injustifiable ? Avez-vous également réfléchi au niveau constitutionnel ?

M. Jérôme Durain. - Je rappelle, au nom du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, que nous soutenons les forces de l'ordre, que nous condamnons les violences des casseurs, que nous avons voté la Lopmi, et que nous n'avons pas grand-chose à voir avec l'ultragauche. Cela devrait nous éviter tout procès en terrorisme intellectuel...

Le sujet n'est pas celui du talent du ministre ou son efficacité politique, reconnue par la presse. C'est plutôt son bilan en matière de maintien de l'ordre. Du Stade de France aux rues de Paris ou de Bordeaux, force est de constater de trop nombreux dysfonctionnements. Tout n'est pas toujours la faute des autres ! Les manifestants, les supporters étrangers, les membres de l'ultradroite ou de l'ultragauche : il y aura toujours des gens voulant causer du désordre. Le maintien de l'ordre est fait pour cela.

Quel retour d'expérience autocritique peut-on avoir sur ces actions ? Sous l'effet d'une hémiplégie sécuritaire, mes collègues de droite oublient que l'État de droit implique autant la liberté que la sécurité. Nous sommes convoqués et piégés dans un débat très binaire, avec des méchants et des gentils, qui existait déjà à propos de l'immigration, mais qui est à présent importé dans le champ de la sécurité. Oui, il y a de méchants Black Blocs et plutôt de gentils policiers, mais cette vision en noir et blanc ne contribue pas à l'efficacité de l'action publique.

Afin de faciliter la désescalade, principe d'importance pour nombre de nos voisins, qui, eux aussi, ont à gérer des troubles graves, je souhaite vous entendre sur deux points. Le Conseil d'État va aujourd'hui rendre publique sa décision concernant l'obligation de porter le référentiel des identités et de l'organisation (RIO), permettant l'identification des policiers. Cette question n'est pas accessoire : l'identification des policiers intervenant lors d'opérations de maintien de l'ordre importe beaucoup, notamment s'il faut retracer la chaîne des responsabilités en cas de manquement déontologique. Par ailleurs, la population perçoit, à raison, comme une évidence que l'on puisse identifier les policiers. La représentante du ministère de l'intérieur indiquait que le non-port du RIO n'empêchait pas l'identification des policiers suspectés de faute pendant des manifestations, mais de nombreuses enquêtes de l'inspection générale de la police nationale (IGPN) sont classées sans suite, faute d'identifier les auteurs des manquements. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour augmenter le port du RIO, au-delà du rappel de cette obligation - il y en a déjà eu 18 depuis 2013 ?

Par ailleurs, certains policiers rechignent à porter leur RIO, mais d'autres tiennent à porter des symboles empruntés à l'extrême droite, avec, par exemple, des écussons Thin Blue Line, Judge Dredd, Umbrella Corporation ou John Wick. Pourriez-vous rappeler à l'attention des forces de l'ordre que cela est totalement illégal ? Votre position de ministre de l'intérieur accorderait une force particulière à une telle déclaration.

Tempérons l'ambiance du moment : Nicolas Lerner, directeur de la DGSI, indique que nombre de démocraties occidentales considèrent que la principale menace à laquelle elles sont confrontées, c'est la menace de l'ultradroite suprémaciste et accélérationniste.

M. Philippe Bas. - Je remercie le ministre des précisions apportées sur les récents événements de Sainte-Soline. Le Sénat, depuis de longues années, a toujours été aux côtés de l'État pour que force reste à la loi face à tous ceux qui préfèrent l'action violente, plutôt que de s'en remettre à la démocratie et au dialogue social. Dans cet état d'esprit, nous restons disponibles, prêts à prendre des initiatives pour que l'État puisse se défendre.

La grande réunion sociale de ce matin à Matignon a tourné court. Je dois vous le dire : le Gouvernement auquel vous appartenez n'est pas capable de produire du consensus social sur ses réformes. Dès lors, il ne faut pas s'étonner qu'il y ait dans notre pays une forme de radicalisation des luttes.

Vous n'êtes pas non plus capable de contenir l'ultragauche. Nous avons évoqué Sivens, Notre-Dame-Des-Landes, mais il y a aussi eu l'Arc de Triomphe, les « gilets jaunes », des manifestations récentes que vous avez rappelées, avec des incendies d'ordures, à Paris, Rennes, Nantes - les événements du Stade de France sont un autre sujet.

Au fond, toute votre démonstration établit que ce qui s'est produit était prévisible. Qu'avez-vous fait pour l'empêcher ? La manifestation était interdite, oui, mais où est l'autorité de l'État lorsque l'interdiction n'est pas respectée, et que vous ne vous donnez pas les moyens d'empêcher ce que vous interdisez ? Nous sommes face aux limites de votre propre action. Quand les forces de l'ordre entrent en jeu, il est normal qu'elles utilisent la force pour laquelle elles sont justement employées. Il est important pour nous de les défendre, de souligner la difficulté de leur mission, et de les appuyer. Mais nous sommes dans une situation où l'État, défié, est aussi peut-être déficient. De quoi avez-vous besoin maintenant pour que cela ne se reproduise pas ?

Mme Esther Benbassa. - Monsieur le ministre, depuis une semaine, vous parlez d'écoterrorisme ou de terrorisme intellectuel. Ces abus de langage sont, en premier lieu, une offense à la mémoire des victimes d'attentats et, en second lieu, une incitation à la violence. Quand cesserez-vous ces provocations qui, loin de calmer le débat, ne font que l'envenimer ?

Vous parlez abondamment de l'extrême gauche, mais très peu de l'extrême droite. Que dites-vous des échanges sur Telegram dans le groupuscule FR Deter, dont vous avez demandé l'interdiction ? Celui-ci diffuse une liste produite par le site Fdesouche il y a deux ans, appelant à des actes de violence contre des personnalités et des élus, dont je fais partie. Je vous le dis : j'ai peur ! Que comptez-vous faire contre ce genre de groupuscules ?

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Monsieur le ministre, vous avez, à plusieurs reprises, regretté ce que beaucoup, grâce à Donald Trump, appellent désormais les fake news. Vous avez raison, mais, depuis le début de la séquence, vous avez contribué à cette situation.

Le 21 mars et le 28 mars, vous avez dit qu'être dans une manifestation non déclarée est un délit. Nous savons tous qu'il n'en est rien, comme cela a été rappelé par le Conseil d'État.

Le 27 mars, vous avez dit que la section de la Brav-M mise en cause dans les violences commises à Paris avait été écartée, au moyen d'une sorte d'oxymore, déclarant : « ils n'ont pas été identifiés formellement, et le préfet de police de Paris a confirmé qu'ils ne seraient pas engagés dans la manifestation de mardi. » Quel tour de force !

De plus, avec votre préfet de police, vous avez indiqué qu'il existe un signalement automatique des violences filmées. Quand on se renseigne auprès de la préfecture, il s'avère qu'aucun service n'est chargé de cette tâche et que, malgré l'activité sur les réseaux sociaux, il n'y a pas de dispositif dédié permettant d'identifier les dérives des forces de l'ordre. Comment comptez-vous y répondre ?

Vous avez fait la une du Journal du dimanche en indiquant que vous refusiez le terrorisme de l'extrême gauche. Esther Benbassa l'a parfaitement rappelé et, en tant qu'élue de Paris, je vous rappelle que le terme de « terrorisme » ne devrait pas être utilisé trop rapidement.

Mercredi dernier, lors des questions d'actualité au Gouvernement, je vous demandais si vous étiez prêt à adresser aux membres des forces de l'ordre la lettre que le préfet Grimaud a envoyée le 29 mai 1968 à l'ensemble de ses agents. Il y était écrit : « Frapper un manifestant tombé à terre, c'est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière. » Vous ne m'avez pas répondu sur ce point. Je ne pense pas que vous considériez que le préfet Grimaud pratiquait le terrorisme intellectuel ! Je rappelle d'ailleurs qu'une salle de la préfecture de police de Paris porte son nom.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Madame de La Gontrie, le Conseil d'État estime que j'ai été imprécis, et non que mes propos étaient faux. Je vous le rappelle : depuis le décret-loi de 1935, et selon les articles L. 211-1 et suivants du code de la sécurité intérieure, organiser une manifestation non déclarée ou interdite constitue un délit passible des peines prévues à l'article 431-9 du code pénal, c'est-à-dire de six mois d'emprisonnement.

Organiser une manifestation interdite, c'est un délit. Participer à une manifestation interdite, c'est une infraction punie d'une contravention de la quatrième classe. Constituer un « rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public », selon les termes de l'article 431-3 du code pénal, notamment lorsque la manifestation est interdite, c'est aussi un délit.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je parle de manifestations non déclarées, monsieur le ministre. Ce n'est pas la même chose.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Pardon, madame la sénatrice, mais tout ce que vous avez indiqué est faux !

Permettez-moi de corriger un abus de langage de votre part : vous avez parlé de « votre » préfet de police. J'y ai senti à la fois du mépris et une insulte envers le préfet de police. Peut-être que « le préfet de police de la République » serait plus approprié... Il est bon de respecter les fonctionnaires qui ne sont pas là pour vous répondre.

Concernant la Brav-M, oui, les cinq individus soupçonnés d'avoir été enregistrés dans le document que nous avons entendu, qui est bien évidemment scandaleux, n'ont pas été sur la voie publique. Parmi ces cinq individus, les deux qui ont parlé n'ont pas été totalement identifiés, et une enquête administrative a lieu.

Par ailleurs, vous me reprochez d'utiliser le mot « terrorisme ». Vous faites manifestement partie de ce que Philippe Muray nomme « l'empire du bien » : vous considérez que des gens peuvent utiliser des mots, et que d'autres ne peuvent pas le faire. Il n'y a pas de police des mots en démocratie, madame la sénatrice. Vous n'avez l'apanage ni de la morale ni du vocabulaire. Je mets des mots sur les choses : jeter des cocktails Molotov sur des gendarmes, c'est de la terreur. Vous n'avez jamais été parmi les gendarmes, à recevoir des cocktails Molotov. Plutôt que livrer aux chiens l'honneur de la police, comme aurait dit un ancien Président de la République, je vous invite à passer une journée avec la Brav-M pour voir la violence à laquelle elle est confrontée. Une journaliste de l'Agence France-Presse (AFP) l'a demandé, et elle en est revenue impressionnée ; BFM l'a demandé, en pensant qu'on le lui refuserait, permettant à tous les Français de voir ce qu'il en était - d'ailleurs, le journaliste a été blessé.

Si vous le souhaitez, je vous donne rendez-vous demain matin pour passer la journée avec les policiers pendant une manifestation. Malheureusement, je constate que vous estimez plus facile de juger de loin que de voir de près... C'est dommage. Vous avez lu le Journal du dimanche, c'est très bien ; je vous encourage à écouter Bernard Cazeneuve ce matin sur France Inter. Son propos, extrêmement intéressant, permettait de constater qu'il existe, dans notre République, une gauche qui soutient les forces de l'ordre sans dire « oui, mais ».

Enfin, madame de La Gontrie, vous comparez la situation avec mai 68. Mais savez-vous qu'il y a eu alors 7 morts et 2 000 blessés, dont 200 à 400 très grièvement ? Vous comparez l'incomparable, des choses qui n'ont rien à voir. C'est aussi cela, la police des mots. Un peu de modération dans vos propos envers les forces de l'ordre, dont vous devriez vous demander pourquoi elles vous ont, au moins en partie, abandonné électoralement... Peut-être est-ce parce que, au moment où ils sont attaqués, vous ne les défendez pas, et parce que vous mettez un signe égal entre la police, la gendarmerie et les casseurs.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. - Je lis la lettre du préfet Grimaud !

M. Gérald Darmanin, ministre. - Il n'y a pas de signe égal. Certains ont pour eux la force du droit et de la loi, que vous élaborez, alors que les autres n'ont pas cette force, et utilisent la violence tout court. C'est extrêmement différent. Je suis personnellement très touché par les policiers et les gendarmes qui se sentent insultés par des discours politiques comme le vôtre. Je vous le dis franchement.

Monsieur Durain, vous avez raison : nous devons faire une autocritique. Vous savez bien que ce n'est jamais à chaud que l'on peut tirer toutes les conclusions. Nous avons tiré des conclusions des événements du Stade de France - je m'en suis expliqué devant vous -et, depuis, de très nombreux événements ont eu lieu dans cette enceinte sans que cela fasse la une de votre commission, car les choses se sont très bien passées. Le week-end de Sainte-Soline, il y a eu un grand match de l'équipe de France de football au Stade de France et les choses se sont très correctement passées, ce dont je me félicite. Oui, des critiques sont à faire. Nous en tirerons les conclusions. Je publierai des rapports, comme cela a été le cas au lendemain de Sivens.

Vous évoquez les gentils et les méchants, mais il n'y a pas de gentils Black Blocs ! Nous pouvons nous accorder sur ce point.

Sur le RIO, vous avez raison. Aujourd'hui, le Conseil d'État se prononce en référé. Il y aura donc une décision au fond, quelle qu'elle soit. Vous avez raison : des policiers et gendarmes ne portent pas leur immatriculation, ce qui est, effectivement, contraire aux règles. Vous l'avez rappelé, il y a eu de nombreux rappels aux règles. Faut-il aller plus loin ? Nous allons y réfléchir, si le Conseil d'État nous enjoint de le faire. Par ailleurs, vous avez raison, il faut pouvoir identifier pour sanctionner. J'attends la décision du Conseil d'État. Comme toujours, car je suis un républicain et un démocrate, j'appliquerai les règles de droit, qu'elles me plaisent ou non. Comme vous, je fais de la politique pour changer ces règles de droit lorsqu'elles ne me plaisent pas. Mais, quand elles existent, après avoir été décidées par la majorité, je les applique. Si vous le souhaitez, je suis prêt à vous associer aux mesures que nous prendrons si le Conseil d'État nous le demande.

Vous avez raison, il ne peut pas y avoir de rupture de la neutralité des agents du service public en général, donc des gendarmes et policiers. Aucune démonstration politique, philosophique, et encore moins relevant de l'ultradroite ne peut être tolérée. Je vois beaucoup de gendarmes et de policiers, comme vous, de manière organisée ou parfois sans prévenir. Il m'est arrivé de constater, dans des cas très minimes, que certains portaient des signes sur leurs uniformes, ce qui n'est pas acceptable. De manière générale, on ne doit pas porter de signe sur son uniforme. Les cas sont extrêmement réduits, mais ils peuvent exister. À chaque fois, j'ai fait prendre des sanctions. Oui, les signes relevant de l'extrême droite ou de l'ultradroite ne sont en aucun cas tolérés : ils doivent être retirés, et les individus qui les portent doivent être sanctionnés. Il y a quelques semaines, un policier ayant participé, dans sa vie civile, à une manifestation d'extrême droite a été confondu par des images, puis a été arrêté en marge de la Coupe du monde, alors qu'il préparait une manifestation violente contre des supporters « maghrébins ». Nous l'avons interpellé : la police fait son travail, sans distinguer l'ultragauche de l'ultradroite, car elle attaque tous ceux qui s'attaquent à la République. Cette personne a été révoquée, à l'unanimité du conseil de discipline.

Vous avez raison, cela peut arriver, comme dans tous les métiers. Des gardiens de phare, des boulangers, des sénateurs, des policiers et des gendarmes peuvent faire des bêtises, être inquiétés par la justice, parfois faire des choses contraires aux règles. Ils doivent être sortis de ce corps social. Vous avez parfaitement raison.

Non, nous ne considérons pas que la menace principale provienne de l'ultragauche ; la principale menace terroriste en France est bien évidemment la menace islamiste. Nous avons déjoué 41 attentats islamistes depuis 2017, dont un hier, grâce aux services de renseignement. Nous avons déjoué 9 attentats de l'ultradroite depuis 2017 ; la délégation au renseignement pourra vous donner toutes les informations y relatives. Et nous en avons déjoué un de l'ultragauche, fin 2020 ; il s'agissait d'une action extrêmement violente et mortifère contre des forces de l'ordre. Les personnes concernées ont été mises en examen, présentées à un juge et incarcérées ; je constate que personne n'en parle. Pourtant, oui, il existe aussi une menace de l'ultragauche. On compte 2 200 personnes de l'ultragauche fichées S par la direction générale de la sécurité intérieure, 1 000 pour l'ultradroite et plus de 20 000 pour les islamistes.

Il ne faut pas comparer ces mouvances. La gauche ne doit pas nous reprocher d'oublier l'extrême droite, ni la droite d'oublier l'extrême gauche. Les extrêmes ne sont bons pour personne et les ultras veulent abattre la République de la même manière, certains sur le fondement de la race, d'autres en s'appuyant sur une revendication sociale radicale, mais tous mènent au pire. Les services du ministère de l'intérieur ne choisissent pas et les combattent de la même manière ; je sais, du reste, que vous en êtes tous convaincus.

Monsieur Bas, je comprends votre question, mais je me permets de tempérer vos propos. Notre-Dame des Landes ne date pas d'Emmanuel Macron : cela fait très longtemps - cela remonte aux années 1970 - que l'on essaie de construire un aéroport sur cette zone, et les gouvernements que vous avez servis ou soutenus n'ont pas évacué les personnes qui occupaient illégalement les terrains, y installaient des pieux et attaquaient les forces de l'ordre. La lâcheté vis-à-vis de l'ultragauche, par habitude, par peur ou par complaisance intellectuelle, a donc été collective.

Il faut mettre fin à cette complaisance, c'est pourquoi j'ai indiqué, dans le Journal du dimanche, qu'il n'y aurait plus de nouvelles ZAD, car c'est bien ce que les manifestants voulaient installer à Sainte-Soline. On nous reproche d'avoir « placé des gendarmes pour protéger un trou », mais ce n'est pas le sujet - du reste, même si c'était le cas, je ne vois pas où serait le problème, s'agissant de la défense d'une décision de justice et d'une propriété. Simplement, ils voulaient bel et bien faire une ZAD à Sainte-Soline, reproduire Notre-Dame-des-Landes. D'ailleurs, le collectif Les Soulèvements de la terre est composé, pour une large part, d'anciens de Notre-Dame-des-Landes, dont ils ont beaucoup appris.

Or une ZAD, qui est déjà insupportable en soi, car c'est une zone de non-droit, crée des cellules souches, donnant lieu à d'autres contestations et à d'autres violences. Cela engendre parfois des contre-sociétés, avec la déscolarisation des enfants, dont on ne parle pas assez, ou l'entrisme dans les conseils municipaux, pour faire démissionner les maires, comme cela s'est produit dans le sud-ouest de la France. Il faut comprendre qu'il s'agit d'une organisation. Donc, oui, nous essayons de rompre avec une forme de lâcheté ou de complaisance à l'égard de l'ultragauche.

Sommes-nous responsables ? Sans doute, puisqu'aucun responsable politique des trente dernières années n'a voulu aller à la confrontation, dans la mesure où cela entraîne des violences, lesquelles obligent ensuite à se justifier devant vous, mesdames, messieurs les parlementaires. Mais nous sommes arrivés à un point extrêmement critique, qui concerne d'ailleurs l'ensemble de l'Europe : non seulement la France, mais aussi la Grèce, l'Italie, l'Allemagne.

La cellule anti-ZAD est une cellule juridique, parce que, en amont de la violence, il y a tout un travail de l'ultragauche, sur la propriété des terrains, l'entrisme dans les conseils municipaux, les contestations incessantes des documents d'urbanisme, la pression, le paiement en cash de certains agriculteurs pour s'installer sur leurs terres, les menaces exercées contre certains élus ou certaines autorités... L'État doit donc s'armer aussi en amont, indépendamment des forces de l'ordre.

Il y a des ZAD en France - il y en a une près de Dijon -, il y a des occupations illicites de terrains ; je pense notamment à celles qui existent en Île-de-France depuis plus de quarante ans, avec quelques centaines ou quelques milliers de personnes. Or, comme il est très difficile d'évacuer les ZAD, autant empêcher qu'elles s'installent.

M. Marc-Philippe Daubresse. - Faut-il changer la loi ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Je ne sais pas s'il faut changer la loi, mais il faut déjà se demander si les différents ministères concernés, dont celui de l'intérieur, ont tous les moyens pour agir. En tout état de cause, le décret relatif aux drones est en cours d'examen au Conseil d'État, après avoir reçu un avis favorable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), et, dès l'été prochain, nous pourrons faire voler ces appareils dans une démarche de renseignement. Cela est permis grâce à un travail collectif, dont vous avez pris votre part comme rapporteur, monsieur le sénateur.

Quant à la loi du 10 avril 2019 visant à renforcer et à garantir le maintien de l'ordre public lors des manifestations, dite « anti-casseurs », issue d'une proposition de loi de Bruno Retailleau, je pense qu'il faut remettre sur le métier l'ouvrage, car la décision du Conseil constitutionnel laisse la voie à une réécriture.

Sur les ZAD, la cellule de juristes doit faire un état des lieux et tirer les conséquences réglementaires ou législatives qui s'imposent. Monsieur Bas, je vous confirme que je suis déterminé à lutter contre ce phénomène et que, ni le week-end dernier ni le précédent, les individus n'ont réussi à installer une ZAD. L'autorité de l'État a été respectée, mais, en effet, cela a été violent. Cela répond à la question de M. Alain Marc.

Monsieur Benarroche, je n'entrerai pas dans le débat pour ou contre les bassines, car ce n'est pas le sujet ; on peut être à la fois contre les bassines et contre l'envoi de cocktails Molotov sur les gendarmes. D'ailleurs, votre mouvement politique a fait une erreur politique à cet égard. Si la gauche avait dit que ce qui se passait à Sainte-Soline était inacceptable, que les gendarmes avaient été agressés et qu'il fallait calmer le mouvement social, vous auriez été mieux entendus des Français. Vous avez préféré globaliser, même si, dans votre cas personnel, ce n'est peut-être pas par sentiment anti-police. Quand certaines personnes, comme M. Mélenchon, expliquent que les policiers doivent « se faire rééduquer mentalement », on a affaire à une forme de terreur et de terrorisme intellectuel. De même, quand on dit que « les policiers tuent », cela ne les aide pas à bien se porter. Que l'on ne vienne pas ensuite s'étonner du nombre de suicides dans cette profession...

Je ne vous fais pas ce procès, monsieur Benarroche, mais défendre les événements de Sainte-Soline comme vous le faites nuit beaucoup au crédit de ceux qui défendent sincèrement la cause environnementale et qui s'opposent à l'installation de bassines. Je respecte ce point de vue, mais je suis ministre dans un État de droit et j'applique les décisions de justice. Il se trouve que la justice a validé la construction d'une telle bassine à Sainte-Soline. On peut être pour ou contre l'extension d'un aéroport, la construction d'une ligne à grande vitesse ou l'installation d'une bassine - personnellement, j'ai mon opinion -, mais, en l'occurrence, la justice a validé le projet. Le droit de propriété et les décisions de justice doivent être protégés - force doit rester à la loi, dit-on - et cela touche, j'imagine, tous les démocrates et tous les républicains.

Par ailleurs, la doctrine n'a pas été modifiée pour les manifestations de Paris à partir du 16 mars dernier. Simplement, nous avons eu affaire, non à de gentils manifestants, mais à de méchants militants de l'ultragauche. Je vous encourage à vous faire communiquer toutes les instructions envoyées à cet égard aux préfets et au préfet de police. Vous constaterez que rien n'a bougé : les instructions sont restées les mêmes, ce sont les circonstances qui ont changé.

Monsieur Bonhomme, j'ai partiellement répondu à vos questions. Vous avez raison, « bobard » vaut mieux que « fake news » ; j'essaierai de me corriger à l'avenir. Les événements de Sivens et de Notre-Dame-des-Landes sont liés à la complaisance à l'égard de l'ultragauche, qui nous touche tous. Je n'étais pas ministre de l'intérieur à l'époque de Notre-Dame-des-Landes, mais les services de renseignement estimaient qu'une évacuation de la ZAD, opération de très grande envergure, entraînerait des morts de chaque côté, manifestants et forces de l'ordre. La décision a donc été prise de ne pas faire cette opération. Était-ce une bonne décision ? Je vous laisse la responsabilité de votre opinion à ce sujet, et je la respecte, mais il eût été préférable, en tout état de cause, de ne pas laisser s'installer la ZAD à l'origine. Il est très difficile et extrêmement dangereux d'évacuer une ZAD, donc il vaut mieux l'empêcher de s'installer. Je suis d'accord avec vos propos sur l'autorité de l'État. À l'avenir, empêchons leur installation.

Vous posez la question de la Ligue des droits de l'homme. Je ne connais pas les subventions accordées par l'État à cette organisation, mais cela mérite d'être étudié, au regard des actions qu'elle a menées. Je rappelle néanmoins qu'elle est également financée par beaucoup de collectivités locales, que vous représentez.

M. François Bonhomme. - Cela s'ajoute !

M. Gérald Darmanin, ministre. - Madame Benbassa, si vous êtes l'objet de menaces ou d'insultes, je les condamne évidemment avec la plus grande vigueur. Marine Tondelier a appelé mon cabinet, la semaine dernière, parce qu'elle faisait l'objet de menaces et d'insultes lors de ses déplacements. Elle a donc été protégée par les gendarmes de la République. Le service de la protection protège des maires, socialistes ou autres, qui combattent vigoureusement le Gouvernement. Nous n'en faisons pas la publicité. La police est la police de l'ensemble des Français, elle n'appartient à aucun parti politique. Si vous vous sentez menacée, n'hésitez pas à nous le dire. Nous pouvons faire une évaluation et prévoir sans problème un accompagnement.

Madame la sénatrice, non seulement le groupuscule FR Deter a été dissous, mais, s'agissant d'une procédure judiciaire, les services de renseignement peuvent désormais connaître l'identité des intéressés, qui seront poursuivis. Une enquête judiciaire a été ouverte en ce sens.

Je vous prie donc de croire, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'il n'y a pas, en la matière, deux poids, deux mesures : l'ultradroite est très dangereuse, et l'ultragauche l'est tout autant. Nous devrions plutôt nous unir pour les condamner ensemble.

M. Philippe Bonnecarrère. - Vous constatez le problème de l'ultragauche et de la guérilla. Nous partageons votre volonté de maintenir l'ordre public. Vous avez cité l'effet domino. En effet, si l'autorité de l'État avait été respectée dès le départ au barrage de Sivens, il n'y aurait pas eu le drame que l'on sait. Personne n'a intérêt à la violence en général. Avez-vous des pistes pour contribuer à la désescalade ?

Mme Muriel Jourda. - Je salue le commissariat de Lorient, dont les policiers ont été attaqués avec une grande violence.

Il y a eu 179 procès liés à la ZAD de Notre-Dame-des-Landes, tous gagnés par l'État, et ils ont tous été purgés sous le quinquennat de François Hollande. On pouvait alors agir.

Comment définissez-vous l'ultragauche ? Comment rattachez-vous les manifestants à cette mouvance, sachant qu'ils ont pour consigne de ne pas avoir de papiers et de ne pas être identifiables ? Que comptez-vous faire contre ces mouvements nuisibles ?

M. Dany Wattebled. - Il y a des manifestants pacifiques et des Black Blocs. Comment identifier et poursuivre ces derniers ? La reconnaissance faciale serait une solution.

Les manifestants pacifiques sont-ils prévenus avant les charges des forces de l'ordre ? Cela leur permettrait de reculer et de se protéger. Y a-t-il des sommations ?

Mme Brigitte Lherbier. - La démocratie doit être protégée. C'est un principe essentiel pour le Sénat. Le schéma du maintien de l'ordre s'est adapté pour protéger les citoyens. Comment faire pour s'assurer que ces manifestations ne donnent pas lieu à une casse impunie ? Comment les casseurs s'organisent-ils ? Comment le législateur peut-il faciliter le recueil de preuves ? L'identification des casseurs est difficile : ils sont cagoulés, dissimulés. Quelles techniques envisager pour les repérer, les suivre, les arrêter ? Nous sommes prêts à modifier la loi Retailleau si c'est nécessaire.

M. Jean-Yves Leconte. - On parle beaucoup d'ordre républicain, mais n'oublions pas l'adjectif qualificatif de cette expression. Pouvez-vous faire respecter l'ordre républicain en appartenant à un gouvernement qui multiplie les provocations, le mépris et la morgue face à la majorité de la population ?

Mme Laurence Harribey. - Je suis girondine. Vous ne parlez que de l'ultragauche, mais il y a aussi l'ultradroite. À Bordeaux, il s'agissait d'une action de l'extrême droite, d'après mes informations.

M. Gérald Darmanin, ministre. - Non, c'était l'ultragauche.

Mme Laurence Harribey. - Il est regrettable qu'il faille poser la question pour obtenir des propos équilibrés. Cela joue le jeu de l'ultradroite. En Europe, le danger provient plus de la prise de pouvoir par l'extrême droite que par l'extrême gauche.

M. Loïc Hervé. - Marc-Philippe Daubresse et moi sommes disponibles pour étudier le rôle des drones en matière de protection de l'ordre public.

Au-delà de Sainte-Soline, la dégradation des conditions de manifestation est réelle. En Haute-Savoie, des étrangers, qui ne se comportent pas de la même manière que les autres manifestants, participent à des manifestations locales. Comment gérez-vous cette question ?

M. Hussein Bourgi. - Je salue les forces de l'ordre. Leurs conditions de travail sont difficiles.

Il n'y a pas de police de la pensée, des mots. En revanche, quand on est un responsable politique, on doit cultiver la nuance. « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde », comme le disait Camus. Vous avez répété quarante fois le mot « ultragauche » dans votre exposé liminaire, puis encore quinze fois dans vos réponses aux premières questions. Le tableau est plus nuancé. Il y a des personnes qui relèvent de l'ultragauche, des personnes qui relèvent de l'anarchisme et, dans les grandes villes, des casseurs qui profitent du désordre pour voler. Pour être crédible, il faut utiliser les bons mots.

Ma question porte sur les interdictions administratives de territoire. Il y a des flux de casseurs qui viennent de l'étranger. De quels pays viennent-ils et combien d'entre eux ont fait l'objet d'IAT ?

Mme Marie Mercier. - La manifestation du week-end dernier était interdite. Est-ce pour cela que la Croix-Rouge n'était pas présente ? Si elle était là, pourquoi n'a-t-elle pas pu intervenir ? Quand il y a eu des blessés, pourquoi les véhicules de secours n'ont-ils pu arriver plus vite ? On savait que ce serait violent. Ne peut-on anticiper davantage ces situations, afin que les secours arrivent plus vite ?

M. Henri Leroy. - La violence extrême est en ascension dans presque tous les pays européens. Les mesures techniques, juridiques et administratives ne suffisent plus pour faire face au déchaînement de violence et de haine dues à des groupuscules extrêmes, de droite ou de gauche. À quand des mesures adéquates pour maîtriser ces situations, qui ne feront que s'aggraver tant que l'on ne prendra pas des mesures à la hauteur des menaces ? Les forces de l'ordre les attendent...

M. François-Noël Buffet, président. - Les protestations du Conseil de l'Europe ou de l'ONU nous sont connues par voie de presse. Vos services ont-ils des relations directes avec ces organisations ? Étiez-vous prévenus ?

M. Gérald Darmanin, ministre. - Monsieur le président, j'ai découvert ces déclarations, comme vous, par voie de presse. J'ai fait savoir à notre ambassadeur auprès du Conseil de l'Europe qu'il serait opportun que nous en ayons connaissance par voie officielle, même quelques minutes avant, ne serait-ce que pour pouvoir y apporter une réponse. J'espère que nous améliorerons nos discussions. J'ai invité le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe à venir rencontrer nos forces de l'ordre.

Pour moi, l'ultragauche et l'ultradroite ne font pas partie, respectivement, de la gauche et la droite. Plusieurs d'entre vous semblent penser, et cela m'étonne, que la discussion sur l'ultragauche concerne la gauche, mais ce n'est pas la gauche ! Ces mouvements sont ainsi qualifiés depuis très longtemps. D'ailleurs, le moment pendant lequel l'ultragauche a été le plus combattue par les services de renseignement a été quand la gauche était aux responsabilités, avec Manuel Valls et Bernard Cazeneuve comme ministres de l'intérieur. Je ne confonds nullement l'ultragauche et la gauche, et je suis surpris que vous me reprochiez de ne pas parler suffisamment de l'ultradroite. Simplement, en l'occurrence, il se trouve que c'est l'ultragauche. Je ne peux pas dire autre chose.

D'ailleurs, Madame Harribey, à ma connaissance - une enquête est en cours -, aucune information n'indique que ce serait l'ultradroite qui serait responsable de l'attentat de Bordeaux. Je regrette, à cet égard, qu'un député de La France insoumise, M. Coquerel, ait désigné un mouvement politique sur une chaîne de grande écoute sans avoir la moindre preuve. S'il s'avère, au bout du compte, que c'est dû à l'ultradroite, je le dirai volontiers - je la combats de la même manière. J'ai d'ailleurs dissous l'association Bordeaux nationaliste en décembre 2022, et M. Mélenchon m'en a félicité par un tweet. J'ai également dissous Génération identitaire, dans des conditions très difficiles ; le Conseil d'État a validé ma décision.

On m'interroge, madame Harribey, sur ce qui s'est passé à Sainte-Soline. Je ne peux dire autre chose que la vérité : à ma connaissance, à celle des services de renseignement, c'est l'ultragauche. Si le président de la commission veut m'inviter à parler de la menace accélérationiste ou suprémaciste, je le ferai bien volontiers, mais ce n'est pas l'objet de cette audition. Je n'oriente pas la « poursuite » sur un aspect pour masquer les autres, comme on peut le faire au théâtre ; je ne fais que constater les choses.

En ce qui concerne l'incendie de la mairie de Bordeaux, on m'informe que cinq individus ont été interpellés, placés en garde à vue ; l'un d'eux a été écroué, et deux font l'objet d'un contrôle judiciaire. Jusqu'à présent, à la connaissance des magistrats chargés du dossier, aucun lien n'a été établi avec l'extrême droite. Cela ne signifie pas qu'il n'y en a pas, mais l'ultradroite est suffisamment dangereuse pour qu'on ne lui impute pas des actes dont elle ne serait pas responsable.

Vous me demandez de définir l'ultragauche. Pour moi, mais aussi pour les services de renseignement, l'ultragauche est un mouvement ou des militants qui légitiment le recours à l'action violente parce qu'ils refusent les règles institutionnelles, évidemment pour des causes radicales que l'on pourrait qualifier de « sociales » ou d'« écologiques ».

De ce point de vue, madame Jourda, la différence fondamentale avec l'ultradroite, la droite extrême, qui mène bien évidemment des actions violentes - je ne dis pas que c'est plus facile pour les services de renseignement parce qu'ils sont très dangereux - est que celle-ci ont un souci de l'ordre et de l'organisation qui vire à l'obsession : il leur faut des statuts, une hiérarchie, des lieux. Comme l'expliquent les services de renseignement, il y a une volonté d'organisation, d'écriture, de statut.

L'ultragauche est plus nébuleuse. La culture anarchique y est plus présente, même si je ne confonds pas les anarchistes avec l'ultragauche violente. La volonté d'organisation est moindre. Il y a, c'est vrai, une internationale à l'ultraroite, mais elle est, par nature, nationaliste, alors que l'ultragauche est, par nature, davantage internationaliste. D'ailleurs, leur arrivée dans certaines causes, en France ou ailleurs - j'ai parlé des manifestations du G7 ou du G20 en Angleterre ou en Allemagne -, montre qu'il y a beaucoup plus d'échanges internationaux. Ce ne sont donc pas les mêmes mouvements. Ce ne sont pas des structures en miroir. Leurs modes d'action diffèrent.

Il y a d'ailleurs une paranoïa avancée, très forte, dans l'ultragauche, qui utilise des cryptos, des messageries cryptées, que l'ultradroite utilise un peu, mais pas toujours. Ce n'est pas la même culture. Il y a, à l'ultragauche, une culture du clandestin, que ne partage pas toujours l'ultradroite, qui va jusqu'à porter des insignes.

Bien évidemment, c'est beaucoup plus subtil dans la réalité, mais cela montre les différences et les difficultés pour les services de renseignement.

Je répondrai en même temps à M. Wattebled et Mme Lherbier. Je ne suis pas tout à fait certain que la reconnaissance faciale nous aiderait - je me suis déjà exprimé sur ce point. Ce qui est certain, c'est que les extrémistes violents réalisent un travail de contournement très important pour éviter d'être identifiés. D'ailleurs, une partie de ces personnes - pas toutes - font partie des classes bourgeoises. Je sais que le second degré n'est pas de mise dans les rendez-vous politiques et médiatiques, mais, si vous me permettez un jeu de mots, elles ont un petit côté « Black Bourges ». Tous les services de renseignement, les policiers disent que ce ne sont pas des gens des quartiers ou des cités ou des ouvriers en colère : ce sont beaucoup d'enfants de bonne famille, qui habitent dans de beaux arrondissements parisiens, qui ont des professions ou qui font des études extrêmement importantes et qui trouvent un intérêt à la violence. Est-ce un intérêt passager ou un intérêt continu ? L'avenir nous le dira. Quoi qu'il en soit, ce constat n'est pas nouveau : ceux qui font la révolution dans la rue, les contestataires sont rarement des fils d'ouvriers.

Ils sont, par nature, plus organisés. Ils ont compris le principe général de l'action de la police, de la gendarmerie et de la justice. D'ailleurs, je suis allé voir les CRS à Lambersart, parce que Lille avait été très touchée par les manifestations. Ils m'ont donné les documents qu'ils ont retrouvés sur les personnes. Ces documents, tout aussi bien faits que ceux que je vous ai montrés, indiquaient non seulement comment s'équiper, mais aussi quel cabinet d'avocats appeler, ce qu'il faut dire aux services de police lors de la garde à vue...

Il peut arriver que quelqu'un devienne violent parce qu'il est touché dans son usine, dans sa famille... C'est évident inexcusable, mais il ne s'agit pas de violence organisée. Il s'agit de violence spontanée. Des dockers qui sont en colère peuvent évidemment être très violents, mais ils n'organisent pas leur violence - d'ailleurs, ils revendiquent que la violence soit un mode d'action pour faire entendre leur cause.

Là, il y a une part de dissimulation et d'organisation qui devrait nous inquiéter.

Que peut-on faire ? Dans le trafic de drogue comme dans ces manifestations violentes, le travail de renseignement est le même qu'hier : il s'agit d'écoutes téléphoniques classiques. Mais celles-ci donnent de moins en moins de choses à l'heure de Telegram, Signal et WhatsApp. Les gens malhonnêtes utilisent d'autant plus ces messageries où ils savent qu'ils ne sont pas entendus.

Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que vous nous avez autorisé dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, c'est-à-dire la captation à distance et la possibilité d'utiliser la technologie pour prendre en main un téléphone, toujours sous le contrôle de la Commission nationale des techniques de renseignement et de la justice, vous devriez nous l'autoriser dans la lutte contre les trafiquants de stupéfiants, qui sont parfois beaucoup plus organisés que les terroristes, ou contre les actions extrêmement violentes, qui peuvent installer de la terreur.

Pour surveiller l'ultradroite ou l'ultragauche, pour connaître le groupe Telegram évoqué tout à l'heure par Mme Benbassa, il faut un travail humain. Ce n'est pas un travail technique, puisque vous ne nous autorisez pas à entrer sur Telegram.

Si vous voulez donner à l'État les moyens de se protéger, ce qui pose des tas de questions - de libertés publiques, de libertés individuelles, d'échanges d'informations, qui sont bien plus complexes que ce je peux évoquer maintenant -, donnez-nous, pour les trafics de stups de grande ampleur, pour la criminalité organisée et pour actes violents des extrêmes, les mêmes techniques de renseignement que vous nous donnez pour le terrorisme. Je ne dis pas qu'il n'y aura pas un attentat ce soir ou demain, mais 41 ont tout de même été déjoués depuis 2017, et encore hier, les services de renseignement ont interpellé un adolescent de 14 ans en possession de matériels extrêmement dangereux chez lui et dont on peut penser qu'il aurait pu commettre des actes très graves - une enquête a été ouverte par le Pnat. Il y a eu une autre affaire il y a trois mois, et il y en a quasiment tous les trimestres. Vous nous avez donné les moyens de lutter contre de tels agissements.

La loi, aujourd'hui, ne nous donne pas forcément les moyens de répondre à cette nouvelle menace. En tout état de cause, continuer de faire les écoutes téléphoniques à la papa, au moment où tout le monde utilise des messageries cryptées, c'est peut-être mettre une main dans le dos aux policiers et aux gendarmes qui luttent pour notre sécurité. Je veux attirer votre attention sur ce point.

M. Hervé a raison de dire que la nature des manifestations change. Au reste, sur 100 manifestations, 98 se passent très bien ! Je peux vous dire que, tous les vendredis, je rencontre le préfet de police de Paris, qui me montre la carte des manifestations du week-end. Il faut en gérer 30 à chaque fois : les opposants à tel ou tel gouvernement, les sans-papiers, les professeurs en colère, les médecins pas contents, les parlementaires qui râlent... Certaines sont très importantes. Et il y en a partout en France ! Or, non seulement l'ultragauche, des individus violents et des professionnels de la contestation de nationalité étrangère participent à certaines manifestations, mais les services d'ordre ne sont pas les mêmes qu'il y a trente ans - c'est un fait. Donc, oui, nous essayons, avec les polices européennes, de comprendre ce phénomène inquiétant et qui nous semble organisé.

Monsieur Bourgi, je rappelle que 4 088 IAT sont actuellement en vigueur. Par ailleurs, il y en a eu une dizaine pour Sainte-Soline. Une IAT est toujours notifiée - cela implique que l'on a pu voir les personnes. Ce n'est pas un arrêté quelconque. Beaucoup d'ultragauches, d'islamistes ou d'ultradroites sont d'ores et déjà bloqués du fait d'IAT prises précédemment.

M. Bonnecarrère a raison. Je me permets de citer René Girard, qui pense que la violence est mimétique. Il est sûr que, quand on ne s'engage pas dans la désescalade, il arrive un moment où certains - policiers ou non - deviennent des boucs émissaires. Il faut essayer de faire baisser cette violence mimétique. On retrouve ce phénomène partout ailleurs : René Girard explique ainsi l'histoire du christianisme, mais on pourrait expliquer plein d'autres choses.

Quand les policiers et les gendarmes sont sur place, il est déjà trop tard pour réfléchir. On essaie de le faire, et il faut peut-être que l'on s'améliore. Quoi qu'il en soit, c'est très en amont qu'il faut agir.

Au reste, je ne pense pas que ce soit du ressort exclusif du ministère de l'intérieur. J'ai déjà eu l'occasion d'expliquer que le ministère de l'intérieur est l'équivalent du Samu pour la médecine. Nous intervenons en urgence. Bien sûr, on peut toujours discuter du délai d'intervention, de la pertinence des équipements, mais, en réalité, ce n'est pas le médecin du Samu qui, fondamentalement, sauve la vie de la personne. Il intervient au moment de l'AVC ou de la crise cardiaque, mais c'est trente ans de médecine préventive qu'il fallait faire auparavant, pour éviter que la personne ne soit en surpoids, pour qu'elle arrête de fumer, qu'elle fasse du sport, qu'elle découvre le cancer qui l'atteint...

On se tourne toujours vers le ministre l'intérieur. Je suis très heureux d'être devant vous et, de temps en temps, de faire la une de l'actualité, à mon détriment, parce que j'essaie de protéger les policiers et gendarmes, mais, de fait, c'est quand tout s'est mal passé que l'on m'appelle ! Donc, oui, il faut parvenir à la désescalade. Il faut réfléchir à cette question. Je crois qu'elle dépasse très largement les cadres de mon ministère, qui sont pris dans l'urgence de l'action et essaient de répondre aux situations avec leurs moyens.

Madame Mercier, personne ne le rappelle - c'est très important notamment pour les enquêtes judiciaires qui s'ouvrent -, mais ce sont toujours les organisateurs qui doivent prévoir les services de secours ! Ils ne peuvent se retourner vers le maire, en cas de problème, pour lui demander pourquoi il n'a rien pris. Les déclarations en préfecture, les conditions, les établissements recevant du public (ERP), les instructions préfectorales ne sont pas là pour faire joli dans le décor !

À Sainte-Soline, les organisateurs n'ont pas répondu. Malgré tout, et alors que la manifestation était interdite, la préfète a mobilisé des moyens de secours conséquents : 13 véhicules du service départemental d'incendie et de secours (Sdis) - je remercie d'ailleurs le département des Deux-Sèvres -, 2 hélicoptères - un de la gendarmerie et un du Smur, pour les secours -, 5 équipes du Smur - qui, pendant ce temps, n'ont pas pu soigner les personnes en situation d'urgence dans la zone ouest - et 3 équipes médicales du GIGN. Pour quelqu'un qui ne devait rien organiser, la préfète a bien travaillé !

Il a été difficile de procéder aux géolocalisations des blessés. Il fallait retrouver des personnes qui n'avaient quasiment pas de téléphone portable, pas d'identité, dans un champ de 6 kilomètres, dans la foule et dans la violence. De fait, les personnes ont été blessées pendant les affrontements. Ils n'ont pas été blessés à part.

D'ailleurs, vous lirez, dans le document - je vous le laisserai, monsieur le président - que la consigne était : si vous êtes blessé, faites-vous transporter par les street medics, et non par les gendarmes, qui vont vous amener à l'hôpital. Il faut bien avouer que c'était une drôle de consigne !

Les casseurs auraient aussi pu arrêter les affrontements et dire : quelqu'un est blessé, on lève le drapeau blanc. Cela n'a pas été fait. Il y a même eu des violences envers les personnes venues soutenir et soigner les policiers et les gendarmes.

À son arrivée, des blessés ont interpellé le Smur pour lui demander de les soigner. Je pense à la personne qui est encore entre la vie et la mort au moment où nous parlons - nous avons évidemment une pensée pour elle et sa famille. L'équipe du Smur a fait ce qu'elle a pu et a dit que quelqu'un était manifestement plus gravement blessé, mais elle a été retardée. D'ailleurs, des images du véhicule du Smur qui a du mal à fendre la foule circulent sur internet.

D'autres personnes ont pris à partie le corps médical, au sens violent du terme. Le patron du Samu des Deux-Sèvres a dû s'expliquer à la télévision plusieurs fois - il a enfin été entendu par une partie de la presse. Il a déclaré que les gendarmes ne les avaient jamais empêchés d'y aller, mais qu'ils ont fini par se dire que c'était trop dangereux pour eux - il est normal et logique, pour les personnels de santé, de sécuriser avant de porter secours - et qu'ils ont évidemment eux aussi été concernés par ces violences.

Des enquêtes judiciaires sont ouvertes, ce qui est tout à fait logique. Il est évident que la police et la gendarmerie, comme la préfète, fourniront tous les éléments, mais je veux dire, en tant que chef de mon administration, que la préfète a bien agi, que cette opération a été bien préparée, que les gendarmes ont fait ce qu'ils ont pu, dans des conditions d'extrême violence, et qu'il ne faut pas retourner les valeurs. Si les gendarmes ont été agressés, c'est parce qu'il y avait des agresseurs. Si les gendarmes avaient été seuls devant les bassines, il ne se serait pas passé grand-chose. Ils auraient passé un moment bucolique dans la campagne des Deux-Sèvres. Au contraire, ils ont eu en face d'eux un millier de personnes qui leur ont jeté des cocktails Molotov à la tête.

M. François-Noël Buffet, président. - Merci, monsieur le ministre.

Alors que nous arrivons au terme de notre réunion, je veux dire que les membres de la commission des lois apprécient le débat, mais ne céderont pas à la tentation du commentaire facile. Nous défendrons sans relâche les règles et l'ordre républicain, auquel nous sommes tous très attachés.

La réunion est close à 13 h 05.