Mercredi 29 novembre 2023

- Présidence de Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente -

La réunion est ouverte à 9 h 35.

Projet de loi de finances pour 2024 - Compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » - Examen du rapport pour avis

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons ce matin les crédits du compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État ».

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. - Cette année 2023 a été marquée par l'achèvement d'une opération structurante pour l'État actionnaire : la finalisation du rachat de 100 % du capital d'EDF, annoncé en juillet 2022. Nous pouvons nous réjouir que l'État actionnaire garde dans son giron le plus proche les entreprises les plus stratégiques pour sa souveraineté, surtout lorsqu'elles sont confrontées, comme EDF, à des défis immenses. L'année 2023 a aussi été marquée par la poursuite du redressement de la situation financière d'Air France-KLM. L'entreprise a remboursé en avril l'intégralité des 320 millions d'euros d'aides versées par l'État pour faire face à la crise sanitaire.

La valorisation du portefeuille coté de l'État actionnaire a retrouvé un niveau satisfaisant par rapport aux niveaux constatés après la crise sanitaire. Les entreprises publiques étaient largement en décrochage par rapport au CAC 40. Mais cela va beaucoup mieux depuis mars 2022. Depuis novembre dernier, le portefeuille de l'État actionnaire a même été légèrement plus performant que le CAC 40 - + 9,5 %, contre + 9 %.

Concernant la doctrine de l'État actionnaire, le commissaire aux participations de l'État a confirmé les priorités identifiées en 2021, à savoir la prise en compte de la souveraineté économique et la ré-industrialisation, la prise en compte des exigences environnementales ainsi que l'accompagnement des évolutions numériques. Nous pouvons saluer le fait que l'axe « Soutien aux entreprises frappées par la crise » soit abandonné, trois ans après la crise sanitaire où l'État actionnaire a opéré plusieurs sauvetages.

Au gré de mes auditions, j'ai pu constater que l'Agence des participations de l'État (APE) mène une politique plutôt volontariste auprès des entreprises de son portefeuille, en matière de valorisation de leur performance et de responsabilité sociale et environnementale.

Toutes ces évolutions sont à saluer, mais elles appellent plus que jamais à une mise à jour de la doctrine officielle de l'État actionnaire par le Gouvernement : celle de 2017, qui allait vers un désengagement progressif de l'État, est totalement obsolète. Certes, l'APE se fixe des objectifs, mais le Gouvernement doit fixer un cap clair.

Bien sûr, les critiques que nous réitérons chaque année sont toujours valables. Mais elles concernent un volet plus budgétaire, plus comptable. J'ai estimé que les progrès accomplis sur le plan économique, sur les questions de souveraineté particulièrement, justifiaient un avis favorable de notre part. Le formalisme comptable et budgétaire est une autre affaire.

Je vous rappelle toutefois les principaux points d'attention.

D'une part, 98 % des recettes du compte d'affectation spéciale proviennent du budget général. Cela détourne le CAS de sa raison d'être, qui est de financer des opérations en capital, au moyen des recettes d'autres opérations en capital. Cependant, dans un contexte plus propice aux nationalisations qu'aux privatisations, il faut bien trouver des sources de financement !

D'autre part, les deux tiers des dépenses du CAS viennent alimenter la caisse de la dette publique, pour contribuer de façon totalement artificielle au désendettement. C'est un pur effet d'affichage, et cela détourne aussi le CAS de sa raison d'être.

Enfin, je tiens à souligner que l'information du Parlement sur les opérations en capital est toujours aussi lacunaire. Je le conçois, il faut garder certaines opérations stratégiques confidentielles, afin de ne pas renchérir ou faire chuter le prix des actifs sous l'effet des annonces. Mais le Gouvernement ne doit pas maintenir le Parlement dans l'ignorance. Des outils existent pour allier confidentialité et information du Parlement ; je pense, par exemple, aux auditions à huis clos, sans compte rendu.

Autre source de manque d'information : la difficile évaluation des crédits, qui pousse le Gouvernement à sur-doter le compte d'affectation spéciale, entraînant des reports. Ce n'est pas tant un problème budgétaire qu'un problème de portée de l'autorisation parlementaire. Pour 2024 par exemple, plus de 1,5 milliard d'euros de crédits pourront être mobilisés pour financer des opérations relevant du périmètre de l'APE, mais ils ont été approuvés par le Parlement en... 2022 ! Et ils ont été constamment reportés depuis, en raison d'une opération confidentielle non réalisée.

C'est pourquoi j'ai fortement insisté auprès du nouveau commissaire aux participations de l'État sur la nécessité de revenir devant le Parlement, sans attendre l'examen du prochain budget, afin de s'expliquer si des opérations en capital sont menées dans un futur proche. Ma demande a été bien accueillie : attendons de voir si elle sera effectivement mise en oeuvre.

C'est pourquoi je propose un avis favorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », principalement pour souligner le fait que les priorités identifiées pour l'État actionnaire vont dans le bon sens, celui de la préservation de la valeur d'entreprises essentielles à la souveraineté de la France. C'est une politique qu'il convient désormais de formaliser et de partager davantage avec le Parlement.

M. Franck Montaugé. - Merci pour ce travail. Un sujet n'est pas du tout pris en compte dans ce CAS : la situation particulière de l'entreprise Atos, qui engage, d'une certaine manière, la question de la souveraineté nationale en matière de sécurité et de process sur des enjeux d'avenir, comme les supercalculateurs et le quantique. L'entreprise est en passe d'être rachetée, les conséquences potentielles pour l'avenir industriel de notre pays sont vertigineuses. Une solution temporaire de nationalisation pourrait nous donner le temps de réfléchir à la bonne stratégie nationale compte tenu de la situation de l'entreprise aujourd'hui. Je proposerai un amendement en ce sens.

M. Fabien Gay. - Si on l'analyse sur le long cours, le CAS « Participations financières de l'État » dégringole. Une seule grosse entreprise - EDF - a été ré-étatisée et les autres ne sont que des participations dans quelques grandes entreprises, dont on ne sait pas bien pourquoi l'État y siège ni quel est son rôle en tant qu'actionnaire. Notre groupe considère que l'État ne peut pas agir comme un actionnaire privé. Nous considérons que cela relève d'une stratégie, pour arracher une entreprise aux griffes du marché.

Avec sa participation dans Renault par exemple, que fait l'État ? On l'entend peu ou pas sur les choix stratégiques qu'il y aurait à faire, comme les relocalisations, la sauvegarde des emplois ou des savoir-faire.

Dans ce contexte, pourquoi l'État participe-t-il encore à ces grandes entreprises ? Nous devons poser cette question. Dans certains domaines stratégiques, comme les médicaments, cette participation se justifie, la crise du covid-19 qui a mis notre pays en difficulté nous l'a bien rappelé.

Je serai clair : l'APE aujourd'hui se limite quasiment à EDF, ce qui ne va pas dans le bon sens. On souhaite une renationalisation, mais pas une ré-étatisation. À cet égard, que compte faire l'État ? L'entreprise va-t-elle être scindée en plusieurs entités ? L'accord récent entre l'État et EDF pour fixer à 70 euros le prix du mégawattheure ne permettra pas à EDF de faire face aux dépenses prévues, soit 65 milliards d'euros pour le désendettement, 50 milliards pour le Grand Carénage, et 50 milliards pour les réacteurs pressurisés évolutifs de nouvelle génération (EPR2 - Evolutionnary Power Reactor). C'est un défi à hauteur de 165 milliards d'euros que l'État actionnaire demande à EDF de relever en investissant lourdement. Je crains que, dans quelques années, on nous annonce qu'EDF n'y arrive pas et doive être démantelée. Le Gouvernement doit donc nous dire ce qu'il compte faire d'EDF.

Nous voulons renationaliser tout le secteur énergétique, TotalEnergies et Engie. D'ailleurs, la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte) a permis de réduire les dernières participations de l'État au capital d'Engie - nous étions les seuls à nous y être opposés - et la crise du gaz sur le marché européen, où nous n'avons plus aucun administrateur d'État, rend la question de sa renationalisation légitime.

Nous déposerons nous aussi un amendement visant à renationaliser de manière temporaire Atos, je rejoins les arguments de mon collègue Franck Montaugé. Nous pouvons au moins tous nous accorder sur le fait que l'on ne peut pas laisser cette entreprise stratégique être démantelée financièrement.

Vous l'aurez compris, nous sommes en désaccord complet avec la stratégie gouvernementale et donc nous ne voterons pas les crédits de la mission.

Mme Viviane Artigalas. - Je crois qu'on n'a aucune visibilité parce que l'État n'a plus aucune stratégie dans ce domaine. On pourrait ajouter l'industrie spatiale aux domaines déjà mentionnés par mes collègues. Ce programme pourtant devrait témoigner d'une vraie stratégie, globale, de l'État sur des secteurs clés de notre souveraineté.

M. Daniel Salmon. - L'État a investi 9,7 milliards d'euros pour étatiser EDF, ce qui ne résout en rien l'endettement de 65 milliards. Nous sommes devant un mur d'investissements de 25 milliards d'euros par an au bas mot, pendant plusieurs années et n'avons aucune visibilité sur l'avenir du groupe.

Par ailleurs, le groupe Atos, crucial pour notre souveraineté, en étant très impliqué dans les logiciels pour l'armée et les centrales nucléaires, attise, à l'heure actuelle, les convoitises d'investisseurs étrangers. Que fait l'État ? L'État stratège s'est désengagé depuis de nombreuses années, même si l'on constate un léger rebond en matière d'engagement. Or on a besoin d'une vision stratégique, qui nous engage vers la transition écologique et pas de saupoudrages occasionnels. En conséquence, nous ne voterons pas ces crédits.

M. Alain Chatillon. - Pour avoir fait ce rapport pendant une dizaine d'années, je suis surpris qu'il soit aussi bref et qu'il ne comporte pas de détails concrets, société par société, sur leur activité ou les résultats. Dans la mesure où l'État a investi beaucoup d'argent, il me semble important de savoir quelles sociétés méritent de bénéficier de crédits.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - En réponse aux questions de M. Montaugé et de M. Gay, je vous informe que, avec le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, Cédric Perrin, nous avons eu une réunion sur la question d'Atos. Nous organiserons vraisemblablement dès le début de 2024 une première audition commune du directeur d'Atos. Il appartiendra ensuite à nos deux commissions de voir comment nous poursuivrons nos travaux. Notre commission peut en effet demander à se voir octroyer les pouvoirs d'une commission d'enquête ou choisir, comme le suggérait Fabien Gay dans son courrier, d'instituer une mission flash avec deux co-rapporteurs, un au nom de la majorité et un au nom de l'opposition.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. - Personne ne nie l'aspect stratégique de l'entreprise Atos. Le commissaire des participations de l'État que j'ai interrogé sur ce sujet m'a indiqué qu'aucune opération particulière n'était prévue pour le moment sur Atos. On sait simplement qu'environ 1,8 milliard d'euros sont prévus pour des opérations en capital relevant du périmètre de l'APE, qui restent aujourd'hui confidentielles.

Je vous propose d'adopter les crédits pour obtenir plus d'informations. Je note des avancées par rapport aux années précédentes sur ce qui est mis en oeuvre par l'APE par exemple, au niveau d'EDF, de la mise à disposition de terrains non utilisés, de l'engagement en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ou de décarbonation, etc. Cependant, le Gouvernement ne nous donne pas de stratégie claire.

Le portefeuille de l'État actionnaire comprend Renault, Orange, Air France, la SNCF, l'aéronautique, la défense, des valeurs stratégiques. Je n'ai parlé que de l'évolution globale, mais des données supplémentaires se trouvent dans le rapport.

La vente, entre autres, des actions Oceane a permis de consolider les fonds propres d'EDF et d'être bien notée en vue des investissements massifs qui devront être faits dans les prochaines années.

En résumé, les orientations de l'État font défaut, mais, je le répète, on constate des avancées de l'APE dans ses interventions à l'égard des entreprises stratégiques. Notez qu'il y a peu de mouvements en ce moment, la stratégie actuelle étant de conserver les entreprises dans le giron de l'État. Une opération de cession d'actifs à hauteur de 45 millions d'euros est prévue, mais nous n'aurons pas de précision sur ce sujet avant le printemps.

M. Alain Chatillon. - J'aimerais savoir ce que vous a dit le président de l'Agence : quelles sont les stratégies, quels sont les résultats de chaque société par rapport à leur chiffre d'affaires, quels sont les investissements à venir ; en somme, tous ces éléments contribuent à analyser un budget. Or nous n'avons pas d'informations. Je peux voter des crédits quand je dispose des chiffres et que je connais les objectifs assignés aux sociétés. En l'espèce, je ne voterai pas ces crédits. D'ailleurs, combien y a-t-il de sociétés aujourd'hui ?

M. Fabien Gay. - Quoi que l'on pense les uns ou les autres, on ne peut pas accepter d'entendre qu'il va y avoir une opération à 45 millions, sans savoir de quoi il s'agit. Comment décider avec si peu d'informations ? Je crois que l'État a une stratégie : le laisser-faire et le laisser-vendre, contrairement à ce qui est dit. Rappelez-vous Alstom. On a laissé de grandes entreprises être démantelées, y compris par le biais de participations financières d'États étrangers.

Madame la rapporteure, vous nous donnez une liste de groupes, mais si l'État actionnaire s'y conduit comme un partenaire privé, cela nous conduit à nous interroger. On le voit pour les stratégies en matière d'emplois : l'État n'est pas protecteur, et accepte de larges plans de licenciement ou de délocalisation. Nous voterons donc contre les crédits.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je rappelle que la rapporteure émet un avis favorable sur les crédits de ce CAS pour souligner le fait que les priorités identifiées pour l'État actionnaire vont dans le bon sens, celui de la préservation d'entreprises essentielles à la souveraineté de la France.

M. Franck Montaugé. - Notre groupe s'abstiendra.

Mme Anne-Catherine Loisier. - J'aimerais savoir si des amendements sont proposés.

Mme Martine Berthet, rapporteure pour avis. - Le rapporteur spécial a déposé un amendement sur les crédits qui transitent du budget général pour alimenter la caisse de la dette publique.

Mme Amel Gacquerre. - Je m'abstiendrai pour toutes les raisons évoquées.

La commission émet un avis défavorable à l'adoption des crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Écologie, développement et mobilité durables » - Crédits « Énergie » - Examen du rapport pour avis

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous examinons à présent les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis sur les crédits « Énergie ». - Le projet de loi de finances pour 2024 intervient dans un contexte de reflux des prix de l'énergie. Les prix moyens de l'électricité et du gaz s'élèvent ainsi à 140 euros et 50 euros par mégawattheure (MWh) en 2023 ; ces niveaux, toujours élevés, sont très loin des pics atteints l'an passé, dans le contexte de la découverte du phénomène de corrosion sous contrainte et du lancement de la guerre russe en Ukraine.

Les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » s'établissent à 13 milliards d'euros pour 2023, en baisse de 25 %. La baisse, très prononcée, atteint 70 % pour le programme 174 « Énergie, climat et après-mines ». Elle est plus modérée, de l'ordre de 3 %, pour le programme 345 « Service public de l'énergie ». Enfin, le compte d'affectation spéciale (CAS) « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale » (Facé) est stable, avec 360 millions d'euros.

Ces crédits sont complétés par le plan de relance depuis 2021, rattaché à la mission « Plan de relance », et par le plan France 2030 depuis 2022, rattaché à la mission « Investir pour la France de 2030 ». Leur apport se limite à des crédits de paiement (CP), n'excédant pas pour 2023 5 % des montants promis dans le premier cas, et 47 % dans le second.

Le Gouvernement a annoncé l'extinction du bouclier tarifaire d'ici à la fin de 2024. Les mesures exceptionnelles de protection des consommateurs ne dépassent pas 3 milliards d'euros pour 2024, contre 27,9 milliards l'an passé, soit une baisse de 89 % !

Au total, un faible nombre de ces mesures sont reconduites pour 2024. Pour l'électricité, seuls les boucliers individuel et collectif et la baisse de l'accise sur l'électricité sont prolongés, tandis que l'amortisseur électricité est recalibré et le filet de sécurité supprimé. Pour le gaz, seul le bouclier collectif est prévu, ni bouclier individuel ni baisse de l'accise sur le gaz naturel ne le complétant. Pour les carburants et combustibles, seule une indemnité est proposée, les chèques énergie exceptionnels, notamment sur le fioul et le bois, étant abandonnés.

Pire, le Gouvernement capte les recettes exceptionnelles liées à la crise des prix de l'énergie. C'est vrai de l'énergie nucléaire, car l'article 52 du projet de loi de finances (PLF) prévoit que les recettes tirées des compléments de prix pénalisant les fournisseurs d'électricité dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) soient reversées à l'État. Or ces recettes représentent 1,6 milliard d'euros pour 2022 ! C'est la raison pour laquelle la Commission de régulation de l'énergie (CRE), dans sa délibération du 29 juin 2023, et notre commission, dans son rapport d'information du 5 juillet 2023, ont proposé que ce montant revienne aux consommateurs.

C'est aussi vrai des énergies renouvelables, car l'article 52 sexies du PLF prévoit que les recettes tirées des compléments de rémunération bénéficiant aux producteurs d'électricité renouvelable soient reversées à l'État. Ces recettes atteignent 1,3 milliard d'euros pour 2023 ! J'ai des doutes sur la constitutionnalité du dispositif, qui est rétroactif ; il faut espérer qu'il ne soit pas censuré par le juge constitutionnel, comme l'a été l'ancien plafond, dans la décision du 26 octobre 2023.

Plus substantiellement, aucune mesure structurelle de protection des consommateurs n'est prévue. D'une part, les tarifs réglementés de vente sont limités : pour l'électricité, ils sont réservés aux puissances inférieures à 36 kilovoltampères (kVA) ; pour le gaz, ils ont été remplacés par un prix repère. D'autre part, certains dispositifs ne sont pas appliqués : tout d'abord, les fournisseurs de dernier recours en gaz et de secours en électricité et de nombreux correspondants solidarité ne sont pas opérationnels ; en outre, le Fonds de solidarité pour le logement (FSL), géré par les départements, ne bénéficie que de contributions optionnelles, et non obligatoires, de la part des fournisseurs. Enfin, la réforme du marché de l'électricité est encore attendue. Il conviendra d'évaluer l'impact du nouvel Arenh, qui prendrait la forme d'une redistribution des recettes tirées par EDF de l'ensemble de sa production électronucléaire. Il faudra apprécier si cette redistribution sera directe ou indirecte via l'État ou les fournisseurs, et si elle sera homogène ou hétérogène pour les particuliers et les industriels.

Si le bouclier tarifaire est donc en voie d'extinction, la fiscalité énergétique est en voie d'explosion. Certes, les recettes de l'accise sur l'électricité sont nulles, compte tenu de ce bouclier ; pour autant, ces recettes atteignent 32 milliards d'euros pour les produits énergétiques et 2 milliards d'euros pour le gaz naturel.

Pire, l'article 11 du PLF autorise le Gouvernement à doubler l'accise sur le gaz naturel. La filière anticipe ainsi une hausse des recettes de 3,5 milliards d'euros.

Enfin, plusieurs dispositifs fiscaux pâtissent d'un manque de neutralité technologique. Si le crédit d'impôt au titre des investissements en faveur de l'industrie verte (C3IV) vise les batteries électriques, les éoliennes, les panneaux solaires et les pompes à chaleur, il exclut les autres projets promus par les récents textes législatifs, dont l'énergie nucléaire, l'hydroélectricité, l'hydrogène ainsi que le captage et le stockage du CO2. De son côté, la taxe incitative relative à l'utilisation d'énergie renouvelable dans les transports (Tiruert) ne traite pas équitablement l'hydrogène renouvelable et celui bas-carbone. Enfin, l'évolution précitée de l'accise sur le gaz naturel conduit à supprimer la minoration soutenant le gaz renouvelable.

C'est pourquoi j'ai proposé une quinzaine d'amendements fiscaux, à titre personnel, pour revenir sur la hausse de l'accise sur le gaz naturel et soutenir les énergies décarbonées dans cette accise, la C3IV et la Tiruert. Je me félicite que plusieurs d'entre eux aient été adoptés le week-end dernier.

Au-delà de la fiscalité énergétique, les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sont limités dans quatre domaines que je vais détailler.

Le premier est celui de la transition énergétique. Les charges de service public de l'énergie (CSPE), qui sont au fondement des dispositifs de soutien aux énergies renouvelables, sont négatives à hauteur de 2,7 milliards d'euros pour les énergies renouvelables électriques. C'est la seconde fois depuis 2023. Pour l'État, elles ne constituent plus des charges mais des recettes ; pour les opérateurs, elles sont non plus perçues, mais rétrocédées !

Dans ce contexte très mouvant, il conviendra d'apprécier, d'une part, si les fluctuations de prix modifieront cette prévision de budget, d'autre part, si les rétrocessions annoncées auront un impact sur les investissements des producteurs et, enfin, comment le Gouvernement utilisera les gains ainsi réalisés. Je l'ai interrogé sur ce point et il m'a précisé que les 13 milliards d'euros de gains de l'an passé ont été utilisés pour le financement du bouclier tarifaire et qu'il sera de même pour 2024. Pour ma part, je continue de penser qu'utiliser des gains structurels pour financer des dépenses conjoncturelles est une mauvaise pratique budgétaire !

Si les CSPE des énergies renouvelables électriques sont donc négatives, elles restent positives s'agissant du biogaz avec 875 millions d'euros, de la cogénération avec 110 millions et des effacements avec 65 millions. Dans le même esprit, l'hydrogène est doté d'un nouveau budget, de 680 millions d'euros. C'est positif mais incertain ; en effet, l'application des dispositifs de soutien aux effacements et à l'hydrogène est conditionnée à l'autorisation préalable de la Commission européenne...

Autre point, le Fonds chaleur renouvelable bénéficie de 820 millions d'euros, ce qui reste insuffisant vu la dynamique des projets, qui atteignent 1,3 milliard d'euros.

Enfin, les fonds de revitalisation des territoires et d'accompagnement des salariés touchés par les fermetures de centrales - en l'espèce, les quatre centrales à charbon et celle nucléaire de Fessenheim - ne bénéficient d'aucun crédit. C'est d'autant moins acceptable que ces fonds ont été créés sur l'initiative de notre commission, à la suite de la loi « Énergie-climat » de 2019 !

Le deuxième domaine concerne la rénovation énergétique. MaPrimeRénov' n'a pas atteint ses objectifs : en 2022, 530 000 primes ont ainsi été versées, contre un objectif de 700 000 logements rénovés. Si la prime monte en puissance, sa massification n'est pas atteinte : en 2022, les crédits versés ont été inférieurs de 11 % au crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) pour 2018, et le nombre de bénéficiaires inférieur de 62 %.

Surtout, la prime exclut encore des bénéficiaires : en 2022, seules 15 000 primes ont été versées à des propriétaires-bailleurs et 500 à des copropriétaires, un point que nous dénonçons régulièrement. La suppression bienvenue de la condition de ressources, par l'article 50 du PLF, permettra peut-être d'aller de l'avant. Je l'espère en tous cas. Enfin, les modalités d'application de la prime restent complexes. Pour 2024, l'accès au parcours « efficacité » doit être conditionné à un diagnostic de performance énergétique (DPE) et celui au parcours « performance » à un Accompagnateur Rénov'. Or, si la loi « Climat-Résilience » de 2021 a prévu la condition liée à l'accompagnateur, de même que son financement parapublic via les certificats d'économies d'énergie (C2E), celle du diagnostic est un ajout réglementaire, à la charge des ménages !

Le troisième domaine est celui de la précarité énergétique. Le chèque énergie n'a pas atteint non plus ses objectifs : en 2023, son taux d'usage s'est établi à 76 %, contre un objectif de 87 %. Si le chèque monte lui aussi en puissance, sa généralisation doit progresser : en 2022, les montants perçus ont été inférieurs de 15 % aux tarifs sociaux pour 2017 et le nombre des bénéficiaires inférieur de 6 % !

En outre, le chèque connaît des difficultés d'application. Tout d'abord, les ménages en situation d'intermédiation locative doivent effectuer des démarches complémentaires pour en bénéficier. Par ailleurs, les droits liés au chèque sont peu opérants en l'absence d'un système de télétransmission. De plus, le courrier d'accompagnement du chèque doit encore être simplifié.

Enfin, le chèque n'est plus mobilisé face à la crise énergétique. Ni la revalorisation exceptionnelle appliquée en 2022 ni les extensions spécifiques au fioul et au bois prévues en 2023 n'ont été reconduites.

Le quatrième domaine est celui de la mobilité propre. La prime à la conversion a atteint ses objectifs : de 2018 à 2022, 983 000 primes ont été attribuées, contre un objectif de 1 million fixé pour le quinquennat. Pour autant, l'effort budgétaire est mitigé : la hausse des crédits de 15 % de la mobilité propre est en trompe-l'oeil car ils devront financer cinq dispositifs, au lieu de deux auparavant.

De plus, l'instabilité normative des dispositifs de soutien est manifeste : depuis un décret du 31 décembre 2022, les ménages des premiers déciles sont exclus de la prime à la conversion ou marginalisés par le bonus automobile ; en outre, les véhicules hybrides rechargeables sont exclus.

Cela nuit au déploiement de ces dispositifs, dont le rythme est inférieur à la dynamique de marché : en 2022, 92 000 primes à la conversion et 275 000 bonus automobile ont ainsi été attribués, ce qui reste en deçà des 600 000 véhicules électriques en circulation en France.

Un point à présent sur les opérateurs de l'État. Cette année, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) dispose de moyens humains et financiers renforcés, ce dont je me félicite.

En revanche, le Médiateur national de l'énergie (MNE) que nous avons auditionné, qui est confronté à 9 000 litiges annuels, n'est plus en mesure de respecter le délai de résolution de 90 jours qui lui est imposé. Il a besoin de cinq équivalents temps plein travaillés (ETPT). De son côté, la CRE doit contrôler et sanctionner, l'année prochaine encore, les manquements liés à l'application du bouclier tarifaire et répondre, de manière pérenne, à la multiplication des appels d'offres en matière d'énergies renouvelables ou d'hydrogène. Elle a besoin de cinq ETPT. Je fais miennes ces demandes raisonnables. C'est un retour sur investissement intéressant car la CRE rapporte aussi des recettes au travers des pénalités. Répondre au citoyen dans les temps est une exigence essentielle.

Quelques éléments sur les crédits « Énergie » extérieurs à la mission.

Tout d'abord, le plan de relance : sur les 14 milliards d'euros alloués à la transition énergétique, seuls 800 millions d'euros de crédits de paiement sont prévus cette année. Or ce plan a financé les dépenses de fonctionnement et d'investissement de la mission, notamment MaPrimeRénov', la prime à la conversion et le bonus automobile. Je plaide donc pour abonder le programme 174, afin de conserver un haut niveau de soutien à la rénovation énergétique et à la mobilité propre.

Ensuite, s'agissant du plan d'investissement, sur les 12 milliards d'euros attribués à la transition énergétique, seuls 5,6 milliards de CP sont prévus cette année. Cependant, 1,5 milliard d'euros en autorisations d'engagement (AE) nouvelles viennent soutenir l'énergie nucléaire, ce qui permet un relèvement utile de la subvention et des effectifs du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), qui est chargé de l'animation de la recherche et du développement nucléaires, depuis le Conseil de politique nucléaire (CPN) du 19 juillet 2023.

Ici aussi, des préoccupations sont palpables. Tout d'abord, même revalorisé, le montant de 3,5 milliards d'euros prévu pour l'énergie nucléaire n'est pas à la hauteur de la relance : EDF doit financer six EPR 2 (European Power Reactors 2) pour 50 milliards d'euros et le Grand Carénage pour 65 milliards d'euros. J'appelle donc à la création d'une action dédiée au « Nouveau nucléaire » au sein du programme 174. De plus, le CEA m'a fait part d'un besoin de 538 ETPT d'ici à 2027 et l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) de 12 ETPT chacun pour 2024. Je fais miennes ces demandes nécessaires, quel que soit d'ailleurs le sort réservé à la réforme annoncée de la sûreté nucléaire, qui n'est pas attendue avant le 1er janvier 2025. S'agissant du soutien à l'hydrogène, il doit bénéficier en priorité à celui nucléaire et surtout être complété : si 1,7 milliard d'euros sont attribués aux projets européens, 1,6 milliard d'euros sont manquants ! Enfin, le soutien aux transports doit intégrer les biocarburants et celui aux technologies, le biogaz.

J'en arrive à mon dernier point, le CAS Facé. Ce compte soutient les opérations des autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE), c'est-à-dire des collectivités propriétaires des réseaux d'énergie.

Alors que le CAS présente un excédent, de 17 millions d'euros, ce dernier est capté par l'État. C'est pourquoi la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) demande à raison la revalorisation du CAS. Je le souhaite également, a minima à la hauteur de cet excédent.

Au total, les crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » me semblent constituer un budget peu protecteur face à des prix incertains.

Pour y remédier, plusieurs amendements me paraissent nécessaires. Le premier vise à garantir l'éligibilité des collectivités au bouclier tarifaire. Le deuxième tend à supprimer le reversement des compléments de prix de l'Arenh vers l'État, pour les maintenir auprès des consommateurs. Le troisième entend relever de 350 000 euros les crédits de fonctionnement de la CRE, pour lui permettre d'appliquer et de contrôler ce bouclier tarifaire. Le quatrième propose de garantir l'éligibilité des propriétaires bailleurs et des copropriétés à MaPrimeRénov'. Le cinquième vise à allouer 40 millions d'euros au fonds de revitalisation des territoires touchés par les fermetures de centrales - l'engagement avait été pris, mais il n'a pas été tenu. Le sixième prévoit d'augmenter de 115 millions d'euros le chèque énergie, pour allouer 20 euros de plus par ménage, dans un contexte inflationniste. Le dernier amendement prévoit de relever de 180 millions d'euros le Fonds chaleur renouvelable, compte tenu de la dynamique des projets.

Je vous invite à adopter ces amendements, qui sont de nature à renforcer la protection des consommateurs dans l'immédiat, mais aussi à consolider durablement notre souveraineté et notre transition énergétiques. Au total, je vous propose un avis favorable sur ce budget ainsi amendé.

Je ne doute pas que l'examen du projet de loi sur la programmation et la régulation énergétiques, annoncé pour début 2024, sera l'occasion de proposer des réponses structurelles à la hauteur des enjeux, au-delà des mesures budgétaires et fiscales de court terme.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ce rapport très précis et complet.

M. Laurent Duplomb. - Je félicite le rapporteur pour son travail.

Si le MNE doit faire face à une augmentation des demandes, nous devons nous poser une question : comment nos concitoyens peuvent-ils comprendre leur facture ? Le tarif « heures pleines hiver » passe de 15 centimes à 46 centimes, le tarif « heures creuses hiver » passe de 5 centimes à 15 centimes, on vient de recevoir une facture sur deux mois avec des tarifs d'été et d'hiver. On se retrouve avec un amortisseur qui réduit certaines factures, en augmente d'autres. La lettre d'accompagnement est incompréhensible : une facture doit normalement pouvoir être comprise par celui qui la paye ! Je mets au défi quiconque d'expliquer sa facture d'électricité. Avec le prélèvement automatique, on nous « pompe » des montants qui ne correspondent ni aux termes du contrat ni à ce que je pourrais espérer !

M. Jean-Jacques Michau. - Merci pour ce rapport très complet, dont je souscris à bien des points. Si la France veut être en pointe sur la production d'énergies renouvelables, je me demande si les quelques millions alloués à cette filière sont à la hauteur de l'ambition.

Au sujet du dispositif de leasing social sur les véhicules pour les personnes à faibles revenus, il faudrait plutôt dire qu'il est pour les personnes à très faibles revenus, puisque le revenu fiscal des personnes qui en bénéficieront est de 14 000 euros. Ce plafond doit être rehaussé.

S'agissant des dépenses fiscales, je relève une baisse 4 milliards d'euros des recettes pour 2024 en raison de cadeaux fiscaux à l'efficacité douteuse, dont certains vont à l'encontre de la transition écologique.

Enfin, nous avons déposé un amendement sur le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » pour le versement de prestations logement et chauffage dues aux anciens mineurs qui ont opté pour un contrat de capitalisation.

M. Yannick Jadot. - Merci pour ce rapport exhaustif. Le rapport de MM. Mahfouz et Pisani-Ferry indique qu'il faut investir 12 milliards d'euros pour la rénovation thermique des logements, bien entendu pas dès la première année. Mais on est encore loin de cet objectif pour adopter un rythme de rénovation à la hauteur de nos enjeux climatiques, énergétiques et de pouvoir d'achat. Le Gouvernement annonce en permanence 5 milliards d'euros, alors qu'on est plutôt autour de 3,5 milliards.

S'agissant de la prime à la conversion, on a un problème avec les déciles : aujourd'hui, pour toucher le maximum, il faut, si je ne me trompe pas, être au SMIC ou juste au-dessus. Il serait intéressant d'aller un peu plus loin et de viser les classes moyennes pour atteindre des primes aux alentours de 6 000 euros plutôt que de 2 500 euros. Même si les constructeurs annoncent enfin des voitures électriques plus petites et moins chères, je pense, comme le rapporteur, qu'on n'est pas à la hauteur des besoins.

De la même façon, je souscris au propos de Jean-Jacques Michau sur le soutien aux énergies renouvelables qui doit être accéléré. Je vois bien les priorités accordées au nucléaire dans les mots du rapporteur. Mais mettre de l'argent dans les EPR 2 sans pouvoir dire si c'est 50 ou 150 milliards, et alors que le patron d'EDF déclare qu'il faut encore définir l'objet dont nous avons besoin, n'est peut-être pas la priorité en matière d'investissement public.

M. Franck Montaugé. - Merci à notre rapporteur pour son travail.

La commission devrait examiner la question de la formation des prix de l'électricité. En effet, indépendamment de la crise actuelle, rien n'a changé structurellement. Les évolutions du mix énergétique doivent être prises en compte pour déterminer le prix de l'électricité pour les différentes catégories d'usagers dans les années à venir. Je propose à la commission d'envisager une mission d'information sur ce sujet.

Mme Sophie Primas. - Le groupe centriste a demandé une commission d'enquête sur ce sujet.

M. Franck Montaugé. - Je ne le savais pas, c'est tout nouveau ! Dans le contexte post-Arenh pour lequel on commence à nous parler de Power Purchase Agreements (PPA) et de Contracts for Difference (CfD), je ne vois rien de clair sur la formation des tarifs, que ce soit pour les usagers ou les industriels. Or on sait que le prix de l'électricité augmentera considérablement dans les années à venir, pesant lourdement sur le quotidien de nos concitoyens.

De même, comme notre collègue Yannick Jadot l'évoquait par rapport aux déciles concernés - et je partage sa remarque -, je voudrais savoir ce que coûteront les transports du quotidien, individuels ou collectifs, pour les différents niveaux de revenus. Cette question affecte également le quotidien de nos compatriotes. Pourtant, nous ne disposons que d'éléments parcellaires. Une commission d'enquête permettrait peut-être d'apporter des éclaircissements.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Une commission d'enquête a été demandée hier par le groupe Union Centriste sur la production, la consommation et le prix de l'électricité à horizons 2035 et 2050.

M. Fabien Gay. - Merci au rapporteur pour ses explications. La rénovation thermique pâtit du fait qu'on travaille en silo. Dans la rénovation énergétique de bâtiments, on manque de plus en plus de matières premières, les délais sont extrêmement longs. Je souscris à l'idée qu'il faut investir davantage, qu'il faut inclure les classes moyennes, mais les entreprises ne suivent pas parce qu'on manque de matériel et d'ouvriers qualifiés.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Et de filières industrielles.

M. Fabien Gay. - Oui ! On ne parvient pas aujourd'hui à répondre au grand défi du XXIe siècle, la rénovation de nos logements.

D'une part, parce que les dispositifs changent beaucoup d'une année à l'autre : c'est une vraie usine à gaz pour nos concitoyens. Il faut des dispositifs plus pérennes.

D'autre part, parce que nos filières industrielles ne suivent pas. À quoi bon ouvrir davantage de crédits si les entreprises manquent ? De plus, il faut continuer faire le ménage : beaucoup d'escrocs sévissent dans ce secteur, laissant des chantiers inachevés.

Revenons sur les tarifs réglementés, boucliers tarifaires et autres filets de sécurité. Contrairement au récit fait par le Gouvernement, ce n'est pas de l'argent versé aux consommateurs pour les protéger, mais une protection offerte aux acteurs alternatifs par la subvention de leurs profits et de leurs dividendes, qu'ils recevaient d'une main pendant que l'autre augmentait les prix. Les 42 milliards d'euros du bouclier tarifaire sont un véritable scandale. Les consommateurs et les consommatrices qui paient l'impôt se sont fait voler deux fois. Par conséquent, le retour des tarifs réglementés est une véritable question, qui devrait concerner tout le monde, au moins les collectivités territoriales, les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME).

Pour finir, une commission d'enquête a été demandée par notre collègue Vincent Delahaye. C'est nécessaire, car avec le marché européen de l'énergie, les prix ne reflètent plus du tout les coûts de production. La réforme proposée ne réduira pas ce décalage. Les traders s'enrichissent et on ne s'appuie pas assez sur notre mix énergétique. Je ne remets pas en question la solidarité européenne, à laquelle j'adhère pleinement, mais le système doit changer pour bénéficier davantage à notre industrie.

Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas ces crédits.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - J'ai eu l'honneur d'être la présidente de la commission d'enquête sur l'efficacité des politiques publiques en matière de rénovation énergétique, demandée par le groupe écologiste, dont le rapporteur était le président Guillaume Gontard.

Vos remarques se retrouvent dans la vingtaine de propositions que nous avons rendues à la fin du mois de juin. Nous y appelions de nos voeux une stratégie ambitieuse, qui soit également claire, pérenne et solidaire. Nous demandions également une augmentation significative des crédits pour MaPrimeRénov', même s'il y a une petite amélioration dans ce PLF, afin de massifier la rénovation énergétique globale des logements et atteindre ces objectifs, pour l'heure incantatoires, en matière de stratégie nationale bas-carbone (SNBC). Je rappelle qu'il y a par an entre 50 000 et 100 000 rénovations globales performantes quand on devrait en faire chaque année 370 000 d'ici à 2030 et 700 000 d'ici à 2050.

M. Serge Mérillou. - Merci au rapporteur pour la qualité de son travail. Je suis resté un peu sur ma faim sur les crédits consacrés à l'hydrogène. Le rapporteur a fait état d'un grand scepticisme, mais peut-on espérer que ce vecteur énergétique puisse prendre un jour une part importante de notre mix énergétique, ou n'est-ce qu'un serpent de mer ?

Sur les énergies d'avenir, y a-t-il des crédits ou des avancées sur la fusion nucléaire, notamment sur le projet international qui nous concerne ?

Je veux aussi confirmer ce qu'a dit Fabien Gay sur MaPrimeRénov' : je suis surpris de la façon dont beaucoup de nos concitoyens parmi les plus défavorisés se font avoir. On leur présente des projets de rénovation qu'ils pensaient hors de portée et finalement ils se retrouvent avec une pompe à chaleur qui ne fonctionne pas ou qui est montée de façon absurde, ce qui suscite beaucoup de rancoeur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Si on veut lutter plus efficacement contre les fraudes, il faut aussi renforcer les moyens humains de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) qui ont vraiment fondu comme neige au soleil.

Mme Amel Gacquerre. - Merci beaucoup pour ce rapport très complet. Le fonds vert a été annoncé puis abondé. Mais sait-on comment il est fléché ? Car nous avons dans les territoires des difficultés de coordination avec la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) et la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR).

Par ailleurs, et c'est un sujet qui nous touche particulièrement en ce moment, ce budget tient-il compte de la multiplication prévisible des catastrophes naturelles ? Le régime d'indemnisation CatNat sera-t-il revu ? France Assureurs nous explique que la situation sera de plus en plus compliquée. Ce problème est-il anticipé ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - La lisibilité de la facturation est importante, d'autant que, comme vous l'avez entendu lors des auditions, elle ne sera pas simplifiée. Des zones d'ombre demeurent sur les modalités de reversement. Pour une entreprise, tenir un budget sans connaître le prix final de l'énergie est un défi. Quant au MNE, il intervient dans les situations de conflit avec des fournisseurs : le plus souvent ce sont des fraudes, comme l'a dit notre collègue Fabien Gay.

La question de la réindustrialisation de la France est posée. Effectivement, accélérer la nécessaire rénovation énergétique, sans avoir les matériaux et devoir les importer, de surcroît en contexte inflationniste, n'allégera pas notre bilan carbone - d'où notre amendement sur le bilan carbone justement. La réindustrialisation française ou européenne dans ces domaines est absolument stratégique.

Le soutien à l'hydrogène reçoit 680 millions d'euros dans le budget, auxquels il faut ajouter 4 milliards de l'Ademe et nous attendons encore la contribution européenne. Effectivement, on parle depuis des décennies de l'hydrogène ; il est légitime de se demander pourquoi ce dossier n'avance pas. On constate aujourd'hui que l'Allemagne et la France ont adopté deux positions opposées. L'Allemagne a fait le choix d'importer son hydrogène, mais la France considère - et c'est également mon opinion - que c'est un risque de vulnérabilité, comme on l'a vu avec les importations de gaz récemment. Ces stratégies différentes sur l'hydrogène, malgré nos positionnements proches industriellement, posent question.

Sur le Fonds vert, on le renforce au détriment sans doute du CAS Facé, donc on déshabille Pierre pour habiller Paul. Ce n'est évidemment pas souhaitable, alors que leur objet est proche, d'où mes propositions d'amendement.

La question du prix de l'électricité est effectivement cruciale et nécessite de poursuivre nos travaux parlementaires. Nous avons pu constater des écarts importants entre les auditions que nous avons menées et les annonces du ministre de l'économie et des finances, confirmées ensuite par la ministre de la transition écologique. On oscille entre 60 et 70 euros le MWh - la différence est énorme ! - et en termes de stratégie économique, il nous faut des explications sur ces différences.

Je n'ai pas du tout abordé le problème des catastrophes naturelles, mais il ne relève pas du champ de la commission des affaires économiques.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - C'est notre collègue Christine Lavarde qui suit ces questions.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Nous connaissons des communes qui sont exclues des contrats d'assurance. Le problème se pose également pour les particuliers.

M. Daniel Salmon. - Avec les énergies renouvelables qui sont par essence diffuses, on aura besoin de très nombreux réseaux ; or nous sommes en retard sur ce point. Les technologies de production sont matures, mais il s'agit aujourd'hui de pouvoir les raccorder en temps et en heure. Des budgets sont-ils prévus pour les réseaux ?

Concernant la rénovation thermique, un colloque s'est tenu il y a une dizaine de jours au Sénat sur le biosourcé hors-site, qui est une porte d'entrée pour accélérer la rénovation thermique. Le biosourcé hors-site est du préfabriqué, mais avec de la paille, du chanvre - des matériaux disponibles en France. On a des entreprises performantes, qui attendent d'avoir de la visibilité pour investir massivement. Il faut y aller !

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Oui, sauf que se pose toujours une question assurantielle sur ces matériaux.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - La question des réseaux prendra effectivement de l'ampleur dans les années qui viennent. Le budget actuel leur consacre 360 millions d'euros. Les communes doivent imaginer le développement et l'implantation future d'énergies renouvelables, ce qui inclut l'alimentation, en électricité ou en gaz. En conséquence, les régions devront décider, avec l'ensemble des collectivités, de l'organisation des énergies renouvelables implantées sur les territoires, à la fois pour les aspects financiers et calendaires liés au raccordement.

Ce sera la même chose pour l'hydrogène, puisque nous avons fait le choix de le produire dans nos territoires, ce qui est bien plus judicieux que d'avoir une centralisation ou d'être dépendant de l'importation.

Mme Sophie Primas. - Je partage cette inquiétude sur la qualité des réseaux. Nous avons voté ici pour que les zones d'accélération soient définies par les maires, et l'exercice qu'on leur demande est terriblement complexe : les informations qui doivent leur être communiquées sur les capacités en énergies renouvelables, en vent, en ensoleillement, en géothermie se limitent à des cartes sur des sites Internet. Mais ce n'est pas si simple, il faut aussi utiliser les raccordements ; pour cela, il faut les aider. Or l'ingénierie proposée par l'État est très insuffisante. Je crains qu'on ne leur dise dans six mois : « Vous n'y arrivez pas, on reprend la main ! ». C'est à l'opposé de l'idée qu'on se fait de l'implication des élus locaux dans la stratégie locale d'énergie.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Je suis complètement d'accord avec ce qui vient d'être dit. Imaginez des territoires qui ont l'ambition de faire du renouvelable et qui vont s'apercevoir qu'il n'est pas possible d'avoir le raccordement nécessaire : quelle déception ! La toile d'araignée des réseaux est très complexe.

Pour le gaz, le problème est différent, mais il existe : les méthaniseurs ne pourront pas être directement raccordés aux réseaux. La mobilisation territoriale en faveur du renouvelable est magnifique. Mais on risque de se heurter au réel, par exemple des difficultés de raccordement. On le sait, en termes de réussite industrielle, lorsqu'un investissement est fait, il faut produire le plus rapidement possible.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ces échanges très riches.

Article 50

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-715 a pour but de garantir à l'article 50 l'accès à MaPrimeRénov' de l'ensemble des ménages, quels que soient leurs revenus, mais aussi leur situation, qu'ils soient propriétaires, occupants, propriétaires bailleurs ou en copropriété.

L'amendement n° II 715 est adopté.

Article 52

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-716 a pour but de préciser que les collectivités territoriales et leurs regroupements sont éligibles au bouclier tarifaire.

Mme Sophie Primas. - Les petits syndicats sont-ils pris en compte ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Oui. Certains diront que c'est déjà le cas, mais ce n'est pas écrit. Je souhaite l'inscrire dans le marbre.

L'amendement n° II 716 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-717 a pour objet de supprimer, à l'article 52 du PLF 2024, le reversement vers l'État des recettes exceptionnelles tirées des compléments de prix de l'Arenh, afin qu'ils puissent être reversés aux consommateurs.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Notre collègue Christine Lavarde, avec qui notre rapporteur pour avis est en lien, propose le même amendement au nom de la commission des finances.

M. Fabien Gay. - C'est très bien, mais le problème est celui de la mise en oeuvre. Il faudra interroger le Gouvernement sur le post-Arenh.

M. Daniel Salmon. - Notre opposition à cet amendement tient au fait que le prix de l'électricité ne va pas aller en baissant. Par conséquent, il ne faut pas donner un mauvais signal au consommateur en disant que l'énergie est accessible à un prix bas. Par ailleurs, de quel consommateur parle-t-on ici ? C'est un peu flou également. L'Arenh est un prix qui a été fixé pour montrer que le nucléaire était très compétitif et peu cher, ce qui n'est pas tout à fait le cas. Des investissements très lourds seront nécessaires dans les années à venir ; peut-être vaut-il mieux être vigilant plutôt que de reverser au consommateur sans filtre.

M. Yannick Jadot. - On préférerait une gestion sociale des consommateurs. L'expérience du bouclier tarifaire a montré qu'on avait dépensé beaucoup d'argent public pour des consommateurs qui, de fait, pouvaient assumer l'augmentation des prix, alors que les petits consommateurs ont reçu moins que ce qu'ils auraient pu avoir.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous avons la volonté d'aller vers le consommateur, ce qui me semble déjà très important.

L'amendement n° II 717 est adopté.

Article 35

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-718 vise à doter la CRE de cinq ETP supplémentaires pour remplir sa mission.

L'amendement n° II 718 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-719 a pour objet d'allouer 115 millions d'euros au chèque énergie.

L'amendement n° II 719 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-720 a pour objet d'allouer 180 millions d'euros supplémentaires au Fonds chaleur renouvelable, pour lui permettre d'atteindre 1 milliard d'euros. Je rappelle que ce fonds est une réussite territoriale. Ce sont des projets dans les territoires, et il est nécessaire d'aller plus loin.

M. Daniel Salmon. - Une question de compréhension : on enlève ces crédits du programme « Expertise, information géographique et météorologie » ? Peut-on avoir des précisions car, avec les aléas climatiques actuels, ce n'est sans doute pas sur cette ligne qu'il faudrait prendre des crédits ?

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - Ce sont des crédits de fonctionnement. Lors des débats, nous pourrons demander au Gouvernement de lever le gage.

L'amendement n° II 720 est adopté.

M. Daniel Gremillet, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-721 a pour objet d'allouer 40 millions d'euros aux territoires concernés par la fermeture de quatre centrales à charbon et Fessenheim. Les territoires n'ont pas souhaité la fermeture de ces centrales. Il est donc important d'avoir ce fléchage pour les accompagner.

L'amendement n° II 721 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits « Énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.

Projet de loi de finances pour 2024 - Mission « Outre-mer » - Examen du rapport pour avis

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis sur la mission « Outre-mer ». - Il me revient de fermer le bal des avis budgétaires en vous exposant les grands axes de la mission « Outre-mer » pour ce budget 2024.

Les crédits dédiés au rattrapage économique et social des territoires ultramarins et à la compensation des handicaps naturels auxquels ils font face, tels que l'insularité, sont éparpillés au sein de 32 missions et 105 programmes budgétaires. Il n'est donc pas aisé d'apprécier, dans sa globalité, l'effort de l'État envers les territoires ultramarins.

Je me limiterai aux crédits de la mission « Outre-mer », qui s'élèvent à 2,9 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE), soit 11 % de l'ensemble des crédits à destination de l'outre-mer. Cette mission connaît cette année une hausse de 6,8 % en AE et de 4,5 % en crédits de paiement (CP) par rapport à 2023. Il faut naturellement se réjouir de cette hausse, bien qu'elle s'explique largement, comme l'année précédente, par la hausse mécanique du montant des crédits dédiés à la compensation des exonérations de cotisations sociales.

Dans cet avis, j'ai souhaité mettre l'accent sur deux thématiques très importantes à mes yeux et pour nos compatriotes d'outre-mer, et sur lesquelles la délégation sénatoriale aux outre-mer a d'ailleurs eu l'occasion de rendre des rapports très suivis, en 2021 et 2023. J'évoquerai ainsi tour à tour les problématiques du logement social et de la continuité territoriale.

Mais avant toute chose, je tiens à souligner que les crédits de la mission pour 2024 font écho à l'essentiel des recommandations de l'avis budgétaire que je vous avais présenté ici même il y a un an, et que nous avons voté ensemble. Ces crédits répondent aussi à nombre de recommandations des récents rapports de la délégation sénatoriale aux outre-mer, que j'ai désormais l'honneur de présider. Même si nous n'étions naturellement pas les seuls à formuler des recommandations de bon sens sur des thématiques comme le logement ou encore la mobilité - les élus locaux ultramarins étant évidemment les plus au fait des réalités concrètes et locales des territoires -, je pense que nous pouvons tous ici nous réjouir de l'impact de nos travaux sur des sujets aussi importants que ceux touchant à la vie quotidienne de 2,2 millions de nos compatriotes.

Je commence par la question du logement social. Si cette question est prégnante dans l'Hexagone, elle l'est encore davantage dans de nombreux territoires ultramarins. J'ai souhaité insister sur les trois grands enjeux que sont la construction, la réhabilitation et la lutte contre l'indignité. Je veux d'abord vous donner quelques ordres de grandeur.

En matière de construction, le parc social dans les départements et régions d'outre-mer (Drom) atteint presque 180 000 logements, avec un déficit estimé à 110 000 logements, alors que 80 % des Ultramarins sont éligibles au logement social.

En 2022, avec 2 729 logements livrés, nous avons atteint un point bas historique de la construction, soulignant que la crise du logement social n'est pas une crise soudaine issue de la covid-19 ou de l'inflation.

En ce qui concerne la réhabilitation, la situation n'est guère plus rassurante. Depuis 2011, le total annuel de réhabilitations plafonne autour de 2 000 logements, ce qui demeure très en deçà des besoins, notamment en raison du vieillissement de certaines populations, que l'on entend maintenir à domicile.

Quant au logement indigne, le nombre de logements concernés est évalué à près de 150 000, et la Fondation Abbé Pierre identifie 600 000 personnes en situation de mal-logement ou confrontées à l'absence de logement personnel, soit près de trois Ultramarins sur dix.

Face à ce constat préoccupant, la ligne budgétaire unique (LBU), principal outil d'intervention de l'État en faveur de la politique du logement en outre-mer, connaîtra un accroissement notable de ses crédits en 2024, ce dont on peut se réjouir. L'ensemble des sous-actions sont concernées, et je tiens à noter l'augmentation de 80 % des crédits dédiés à la lutte contre le logement insalubre, ce qui rejoint une recommandation de l'an passé ainsi qu'un amendement que j'avais défendu au nom de notre commission en séance publique.

Cet effort sur la LBU - quasiment 50 millions d'euros en AE - est à replacer dans le cadre des annonces issues du comité interministériel des outre-mer (Ciom) qui s'est tenu en juillet dernier et qui vise notamment à lever un certain nombre de freins au développement économique de ces territoires.

L'effort consiste aussi, plus prosaïquement, à compenser les effets de l'inflation sur les prix de la construction, que les professionnels estiment comprise entre 15 et 20 %.

Augmenter les crédits dédiés au logement social est indispensable, pour encourager la production et garantir un loyer compatible avec les moyens des bénéficiaires de ces logements. Cependant, en matière de logement social, tout ne se rapporte pas à une question de crédits budgétaires ; le défaut d'adaptation des normes hexagonales pèse encore énormément sur le secteur.

Dans l'exemple, bien connu, du marquage « régions ultrapériphériques » (RUP), l'obligation absurde d'importer à grands frais des matériaux estampillés « CE » depuis le continent européen, alors même que nos territoires pourraient s'approvisionner dans leur environnement régional et réduire les coûts d'importation ainsi que les émissions polluantes, est identifiée de longue date par les acteurs de terrain, comme par notre Haute Assemblée.

Le rapport de la délégation sénatoriale relatif à la politique du logement dans les outre-mer recommande de mener un travail actif de développement du marquage RUP, tout comme mon avis budgétaire de l'année précédente. Je note avec satisfaction que cette question a été soumise au Ciom, de même que mon appel à l'organisation d'assises de la construction en outre-mer. Celles-ci se dérouleront finalement en février 2024. Il convient désormais de maintenir une forte attention politique sur ce dossier de long terme, nécessitant un réel engagement au-delà des annonces.

Toujours au sujet de l'adaptation des normes, je signale que le Gouvernement a repoussé aux calendes grecques la question du diagnostic de performance énergétique (DPE) dans les outre-mer. Certes, les critères du DPE hexagonal ne sauraient s'appliquer tels quels aux climats ultramarins. Cependant, le retard pris par le Gouvernement emporte une conséquence très concrète, à savoir l'exclusion des territoires ultramarins du bénéfice de l'essentiel du dispositif MaPrimeRénov', qui permet de financer des travaux de rénovation globale. Le Gouvernement me répondra probablement que des dispositifs de soutien existent sur les crédits de la LBU. Sans doute, mais leurs montants sont bien plus faibles que ceux de MaPrimeRénov'. Ces derniers peuvent atteindre 63 000 euros de subvention pour les ménages les plus modestes.

Considérant les besoins colossaux de rénovation des logements en outre-mer, la question croissante du confort d'été, ou encore celle de la vacance des logements, j'estime que les Ultramarins devraient pouvoir prétendre à des niveaux de subvention similaires à ceux des hexagonaux pour leurs travaux de rénovation.

Enfin, je vous proposerai de porter, au nom de la commission, un amendement visant à abonder de 5 millions d'euros les crédits de l'action n° 01 « Logement », pour mettre en place une aide forfaitaire au traitement de l'amiante dans les logements. Cette question demeure cruciale dans les outre-mer, où le parc de logement est vieillissant et où les coûts du désamiantage peuvent atteindre des sommets. Avec cet amendement, il s'agit de mettre en oeuvre une mesure initialement envisagée par le Ciom, et finalement non retenue.

Au total, il est évident que la question du logement social en outre-mer ne se réglera pas en un jour. Elle nécessite un effort global, qu'il soit budgétaire ou normatif. Elle suppose aussi l'investissement de l'ensemble des acteurs, et je souligne ici la massification des investissements d'Action Logement dans nos territoires ultramarins. Le groupe s'est dernièrement engagé à produire 5 000 logements à Mayotte sur 10 ans, territoire où il était, jusqu'à récemment, absent. Une telle implication ne peut être qu'encouragée.

J'aborde maintenant la question de la continuité territoriale. Le Ciom entend mettre en oeuvre bon nombre des recommandations du rapport de mars 2023 de la délégation sénatoriale aux outre-mer sur le sujet, et je ne peux que m'en réjouir. Les crédits alloués à la continuité territoriale augmentent de plus de 41 % en AE pour 2024, de manière à financer les annonces du Gouvernement visant à soutenir davantage la mobilité des actifs, à renforcer les aides au déplacement des étudiants, ou encore à mieux accompagner les talents du monde de la culture et du sport. En accompagnement de ces évolutions, l'Agence de l'outre-mer pour la mobilité (Ladom) fait actuellement l'objet d'une réforme destinée à en faire le véritable point focal de la mobilité outre-mer.

Toutefois, je regrette que la question de la mobilité interne ne soit toujours pas traitée, alors même que, dans certains territoires, il ne suffit pas de prendre sa voiture, de conduire une demi-heure ou une heure, pour atteindre un aéroport international. Ainsi, en Guyane, territoire toujours très enclavé, pour se rendre à Cayenne, des compatriotes doivent prendre l'avion ou la pirogue, ce qui requiert un temps considérable et engendre des coûts importants que la collectivité doit prendre en charge pratiquement seule. De même, la Polynésie française maintient des dizaines de lignes aériennes non rentables par l'intermédiaire d'une délégation de service public (DSP), pour éviter que certains de nos compatriotes ne se retrouvent coupés du monde.

La Guyane comme la Polynésie française ont besoin que l'État prenne ses responsabilités et soutienne financièrement les mobilités vers les aéroports internationaux. Je proposerai en mon nom propre, les crédits concernés ne figurant pas au sein de la mission « Outre-mer », un amendement destiné à permettre à l'État de participer au financement des DSP guyanaise et polynésienne, de manière à soulager quelque peu ces collectivités.

Je rappelle que la Guyane investit 9 millions d'euros dans sa DSP, quand l'État ne l'abonde qu'à hauteur de 1 million. La Polynésie française emploie pour sa part 10 millions d'euros à la dotation de sa DSP, sans aucune aide de l'État.

En définitive, mes chers collègues, même si ce budget ne constitue pas un « grand soir » pour les outre-mer - je n'ai d'ailleurs pas mentionné les baisses de crédits de plusieurs actions -, nous pouvons nous réjouir que les territoires ultramarins et le Sénat aient été entendus sur certaines de leurs demandes et de leurs recommandations. Il reste naturellement beaucoup à faire, mais ce budget pour 2024 traduit en partie les annonces de ces derniers mois du Gouvernement. Je vous invite à en prendre acte et à voter en faveur des crédits de la mission.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Merci pour ce rapport et mes félicitations pour votre élection en tant que présidente de la délégation aux outre-mer.

Mme Viviane Artigalas. - Je remercie et félicite également notre collègue. Elle a mis en place un système intéressant de référents outre-mer dans chacune des commissions. Un effort global évalué à 22 milliards d'euros bénéficierait en effet aux outre-mer via d'autres missions que celle, qui nous occupe.

Ce budget continue d'être en hausse, mais, encore une fois, il lui manque une stratégie, une vision globale. De plus, il est toujours empreint d'une méthode descendante, qui ne répond pas vraiment aux besoins des territoires concernés.

Le Gouvernement peine à anticiper, par la planification, les problèmes qui pourraient surgir. De nombreuses crises ont frappé les outre-mer. Le mal-logement, autrement dit l'habitat indigne, précaire, illégal, informel, dégradé, y est massif, particulièrement en Guyane et à Mayotte.

Nos données diffèrent quelque peu, mais l'Union sociale pour l'habitat (USH) évoque en effet un besoin de l'ordre de 100 000 logements sociaux dans ces territoires ultramarins. Or le plan Logement outre-mer 2019-2022 a permis de n'en livrer que 8 000 pendant son application : nous sommes vraiment loin du compte, et ce n'est pas le prochain budget qui corrigera la trajectoire.

Ce budget ne répond pas au besoin d'un nouveau modèle économique et de société en outre-mer. À cet égard, il faudrait tout remettre à plat.

On ne peut que mettre en rapport son montant de 2,9 milliards d'euros avec la somme de 22 milliards que, soi-disant, d'autres politiques publiques de l'État apporteraient aux outre-mer. Le problème est que nous n'avons ici aucune visibilité. Quand, enfin, saurons-nous de quels ministères ces différents crédits proviennent, à quelles actions précises ils se destinent, quels effets ils emportent sur la situation des territoires ultramarins ? L'évaluation de leurs résultats n'est jamais faite, et je rejoins Franck Montaugé sur la nécessité d'évaluer les politiques publiques.

C'est pourquoi je juge le projet de loi de finances (PLF) sur la mission « Outre-mer » comme n'étant globalement pas à la hauteur des attentes ; je n'en reconnais pas moins une augmentation importante des crédits, ce qui est un premier pas. J'attends aussi la mise en oeuvre concrète des promesses issues du Ciom.

Mme Antoinette Guhl. - Avec mon groupe politique, nous reconnaissons de même que le budget est en augmentation, mais il ne permet pas de faire face aux besoins dans de nombreux domaines : le mal-logement, l'habitat indigne, la vie chère, le chômage, l'accès aux soins, l'éducation. Il ne comporte aucune ligne spécifique sur une politique environnementale adaptée aux outre-mer, par exemple pour la biodiversité.

Nous vous soumettons quelques idées qui auraient pu être intégrées dans ce texte : l'augmentation du budget lié à l'habitat indigne, l'élaboration d'un plan pour l'accès à l'eau dans les outre-mer, avec les crédits correspondants, la mise en place du chèque alimentaire d'urgence à Mayotte, le renforcement des moyens alloués au plan Chlordécone IV 2021-2027, au plan Sargasses II 2022-2025 ou au plan Écophyto II+ - autant de plans déjà lancés, mais qui manquent de moyens. Ajoutons le renforcement du budget des observatoires des prix, des marges et des revenus (OPMR), nécessaire dans un contexte inflationniste.

Un problème concerne les bourses destinées aux étudiants ultramarins. Plusieurs d'entre eux, que nous avons reçus hier au Sénat, nous ont expliqué la nécessité d'une revalorisation de ces bourses.

Vous l'avez compris : nous ne sommes pas totalement favorables à ce texte. Nous nous abstiendrons.

Mme Anne-Catherine Loisier. - Je salue le travail de notre rapporteur.

Le budget de la mission « Outre-mer » manque d'une stratégie d'ensemble qui le sous-tende et dont l'élaboration gagnerait à impliquer les territoires ultramarins et leurs élus, et à soutenir leurs initiatives. Ceux-ci le réclament.

Il ressort néanmoins de nos rapports budgétaires successifs une forme de cohérence. Sur l'action n° 03 « Numérique » du programme 343 « Plan France Très haut débit » de la mission « Économie », nous avons voté une enveloppe complémentaire relative au très haut débit à Mayotte, compte tenu d'une situation désastreuse ; quant à l'action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois » du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », elle intègre la demande des acteurs économiques du territoire guyanais de développer davantage cette filière, afin de répondre, notamment, aux besoins de logements. Il y a là une matière première disponible.

M. Stéphane Fouassin. - Je salue à mon tour la hausse notable des crédits de la mission « Outre-mer ». Elle surpasse l'inflation.

L'action n° 01 « Logement » du programme 123 « Conditions de vie en outre-mer » présente par exemple à elle seule une augmentation de 49 millions d'euros en AE et de 10 millions en CP. Il s'agit d'un niveau de financement historiquement élevé. Il ne satisfera cependant pas toute la demande des outre-mer, tant le retard pris est considérable. Les dernières années ont montré que la crise du logement est prégnante où que nous soyons en outre-mer.

Nous notons une augmentation, également historique, de 23 millions d'euros des crédits destinés à soutenir l'action n° 03 « Continuité territoriale » du même programme.

La mission « Outre-mer » du PLF pour 2024 va dans le bon sens en ce qu'elle met l'accent sur le soutien aux entreprises et sur la mobilité des travailleurs.

En ce qui concerne le soutien aux entreprises, le dispositif de la loi pour le développement économique des outre-mer (Lodéom) permet à des exonérations applicables en outre-mer de bénéficier d'une assiette élargie. Cette assiette comprend la contribution au Fonds national d'aide au logement (Fnal), la contribution de solidarité pour l'autonomie (CSA), une partie des cotisations accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), ainsi que les cotisations patronales Agirc-Arrco.

En revanche, le montant des exonérations des cotisations de sécurité sociale a, en 2023, été sous-évalué de 244 millions d'euros en AE par l'Urssaf. L'évaluation des dispositifs de défiscalisation amorcée par le Gouvernement devrait permettre une meilleure quantification des besoins.

Le ministre Darmanin demande que le dispositif rénové, inscrit à l'article 55 du PLF, de mobilité professionnelle proposé par Ladom dans le cadre du Ciom soit retravaillé.

Par ailleurs, j'aurais aimé un fléchage financier territoire par territoire. Il a fait l'objet d'une demande, mais ne s'est pas concrétisé dans le PLF pour 2024. En l'état, nous analysons une masse commune, sans savoir quel territoire bénéficie de tel ou tel financement.

Enfin, je rejoins les intervenants précédents dans leurs remarques sur l'évaluation des politiques publiques.

Mme Evelyne Corbière Naminzo. - S'il est vrai que les budgets de la mission « Outre-mer » sont en augmentation, ils appellent certaines observations, notamment autour de la question de l'emploi.

Nous voyons que l'accent est mis sur la formation, spécialement avec le dispositif du service militaire adapté (SMA) : à l'occasion de leurs différentes visites dans l'île, les ministres se succèdent au régiment du service militaire adapté (RSMA) de La Réunion. Ce dispositif du SMA fonctionne, mais on ne saurait s'y limiter en matière de formation professionnelle. D'autres leviers sont à actionner, notamment pour La Réunion.

On nous annonce une diminution des crédits alloués aux parcours emploi compétences (PEC). Or le taux de chômage est important en outre-mer en général, à La Réunion en particulier, et les perspectives professionnelles y restent difficiles. Il importe donc de réfléchir à l'usage de ces crédits.

Ladom bénéficie d'une enveloppe en hausse, afin de viser des publics élargis - les personnes en formation professionnelle, celles qui sont en mobilité, les demandeurs d'emploi -, ce qui est intéressant. Cependant, une augmentation de 40 % suffira-t-elle à répondre à l'élargissement du champ de la mission de l'Agence, d'autant que le plafond de ressources des bénéficiaires est relevé de 11 991 euros à 18 000 euros ?

Un dispositif vient s'ajouter, qui permet aux étudiants de rentrer chez eux au cours de leur première année d'études. Les crédits sont donc insuffisants et le PLF n'est clairement pas au rendez-vous de l'objectif de continuité territoriale. Je rappelle que les prix des billets d'avion connaissent, eux, une forte augmentation. Or ce mode de transport constitue notre seul lien avec l'Hexagone.

Une aide d'urgence exceptionnelle de 10 millions d'euros peut en principe être accordée au fret, afin d'aider les agriculteurs et producteurs ultramarins à exporter leurs marchandises. La Réunion produit par exemple des ananas Victoria, mais les conditions d'octroi de cette aide ne coïncidant pas avec les spécificités locales, peu de ses agriculteurs parviennent finalement à en bénéficier. Il conviendrait de transformer ce dispositif en aide pérenne et de le considérer sous l'angle de la continuité territoriale, puisque les outre-mer ne se rapprocheront pas de l'Hexagone en 2024.

Je note que l'objectif de logements financés passe de 5 000 à 4 000, ce qui est regrettable.

Par ailleurs, il nous faudra être vigilant sur le devenir de l'article 55 du PLF. Augmenter le budget de Ladom en passant à côté du sujet central, c'est-à-dire l'aide au retour des Ultramarins dans les territoires dont ils sont natifs, serait dénué de sens.

Quoiqu'en progression, le budget de la mission « Outre-mer » ne me paraît pas répondre aux attentes de nos différents territoires ultramarins.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Madame Artigalas, lors d'un échange avec les services fiscaux, j'avais demandé des précisions complémentaires sur la ventilation de tous les crédits relatifs à l'outre-mer, ministère par ministère. On m'a objecté que cela serait d'une mise en oeuvre trop complexe. Les documents qui accompagnent notre rapport contiennent une approximation de cette répartition, qui en donne une première vision d'ensemble.

Dans le cadre du contrôle de l'action du Gouvernement, le Ciom fera l'objet d'une attention particulière de la délégation sénatoriale aux outre-mer. L'innovation consistant à nommer un référent hexagonal et un référent ultramarin dans chacune des commissions du Sénat permettra une meilleure information de la délégation à partir de regards croisés. Le budget des outre-mer se répartit en 32 autres missions ; la commission des affaires économiques ne se prononce que sur les crédits des programmes 123 « Conditions de vie outre-mer » et 138 « Emploi outre-mer » formant la mission « Outre-mer ». Il reviendra aux référents présents dans les autres commissions d'attirer l'attention sur la situation des territoires ultramarins.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Nous passons à la présentation de l'amendement sur les crédits de la mission.

Article 35

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - L'amendement n°  II-704 vise à abonder de 5 millions d'euros les crédits en AE et en CP de l'action n° 01 « Logement » du programme 123 « Conditions de vie outre-mer », afin de mettre en place une aide forfaitaire au désamiantage des bâtiments, financée sur les crédits de la LBU.

Il s'agitrait d'une aide de 5 000 euros par logement. Elle contribuerait au financement du désamiantage de quelque 1 000 logements par an.

À titre d'exemple, le désamiantage des tours de la cité Floralies à Cayenne, en Guyane, a représenté 85 % du coût de leur démolition, qui s'élevait à pratiquement 10 millions d'euros. En l'absence de filière de conditionnement et de traitement sur place, tout devant être envoyé en Hexagone, les opérations de désamiantage des tours Gabarre du quartier Lauricisque de Pointe-à-Pitre à la Guadeloupe ont entraîné un surcoût de 82 % de la démolition.

Mme Antoinette Guhl. - Le montant de 5 millions d'euros de l'abondement paraît très peu élevé. L'objectif de désamianter 1 000 logements semble également modeste. J'imagine que vous avez pesé l'un et l'autre.

Mme Micheline Jacques, rapporteur pour avis. - Il s'agit en fait d'un amendement d'appel destiné à inciter le Gouvernement à prendre position sur la question du traitement de l'amiante dans les territoires ultramarins et, au-delà, à engager une réflexion beaucoup plus globale sur la question du logement.

Si les crédits augmentent, nous nous apercevons que peu de nouveaux logements sortent de terre, toujours pour des motifs extrêmement variés : des montages de dossiers qui prennent énormément de temps, des questions d'ingénierie ou de main-d'oeuvre disponible.

En 2022, nous avons travaillé à une proposition de loi qui partait du constat que nombre de logements réhabilités à La Réunion présentaient, après travaux, des défauts qui les rendaient impropres à l'usage d'habitation. Le budget n'est donc pas seul en cause.

L'objectif inscrit dans l'amendement s'en tient à peu près à la moitié du nombre de logements réhabilités par an.

M. Stéphane Fouassin. - N'oublions pas non plus le détermitage. Les termites posent plus que l'amiante un problème majeur dans nos cases créoles constituées de bois sous toit de tôle. L'amiante reste rare dans les habitations privées à La Réunion, où on la retrouve surtout dans les bâtiments publics.

L'amendement n° II 704 est adopté.

La commission émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer », sous réserve de l'adoption de son amendement.

Groupes de suivi - Désignation des membres

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Il nous revient de procéder à la reconstitution de quatre groupes de suivi de la commission : le groupe de suivi sur le tourisme, le groupe de suivi de la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (Égalim), le groupe de suivi des accords commerciaux de l'Union européenne et le groupe de suivi sur l'espace.

La composition de ces groupes a été établie dans le respect de la représentation proportionnelle des groupes politiques, après consultation des différents groupes. L'effectif de chaque groupe de travail ou de suivi étant restreint, l'exercice est naturellement contraint. Je vous rappelle toutefois que les travaux de ces groupes resteront ouverts aux autres sénateurs de la commission qui seraient intéressés.

Mme Viviane Artigalas, M. Yves Bleunven, M. Michel Bonnus, M. Jean-Marc Boyer, M. Jean-Luc Brault, M. Frédéric Buval, M. Alain Chatillon, M. Patrick Chauvet, Mme Évelyne Corbière Naminzo, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Daniel Fargeot, M. Gilbert Favreau, M. Stéphane Fouassin, M. Daniel Gremillet, M. Philippe Grosvalet, Mme Antoinette Guhl, Mme Annick Jacquemet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Jacques Michau, Mme Sylviane Noël, M. Sebastien Pla, Mme Évelyne Renaud-Garabedian et M. Lucien Stanzione sont désignés membres du groupe de suivi sur le tourisme.

M. Bernard Buis, M. Henri Cabanel, M. Guislain Cambier, Mme Anne Chain-Larché, M. Pierre Cuypers, M. Laurent Duplomb, M. Daniel Gremillet, Mme Anne-Catherine Loisier, Mme Marianne Margaté, M. Pierre Médevielle, M. Franck Menonville, M. Jean-Jacques Michau, Mme Sophie Primas, M. Christian Redon-Sarrazy, M. Olivier Rietmann, M. Daniel Salmon et M. Jean-Claude Tissot sont désignés membres du groupe de suivi de la loi Égalim.

M. Fabien Gay, M. Franck Menonville, Mme Sophie Primas, M. Christian Redon-Sarrazy et Mme Évelyne Renaud-Garabedian sont désignés membres du groupe de suivi des accords commerciaux de l'Union européenne.

Mme Anne-Catherine Loisier, M. Franck Montaugé et Mme Sophie Primas sont désignés membres du groupe de suivi sur l'espace.

Mme Dominique Estrosi Sassone, présidente. - Je vous informe également qu'un groupe de suivi de la mise en oeuvre du volet relatif à l'artificialisation des sols de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience, et de la loi du 20 juillet 2023 visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs de lutte contre l'artificialisation des sols et à renforcer l'accompagnement des élus locaux, dite loi « zéro artificialisation nette » (ZAN) devrait prochainement être mis en place à la demande du groupe Union Centriste, en commun avec la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable et la commission des finances.

Ce groupe serait composé de 17 membres, ce qui permettrait une représentation équilibrée de chacun des groupes politiques en son sein sur le modèle de la mission conjointe de contrôle qui avait travaillé sur le sujet à l'automne dernier. Nous procéderons d'ici peu à un appel à candidatures auprès des groupes, en concertation avec les autres commissions concernées.

La réunion est close à 12 h 00.