Libertés et responsabilités des universités (CMP)

M. le président. - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif aux libertés et responsabilités des universités.

Discussion générale

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour le Sénat de la C.M.P. - Nous arrivons au terme de l'examen de la réforme de nos universités, que le Premier ministre, François Fillon, a qualifié de « réforme la plus importante de la législature ». Pour en arriver là, il aura fallu que coule beaucoup d'encre. Celle de connaisseurs de l'université -anciens ministres, enseignants-chercheurs, président d'établissement- dénonçant les dérives et les effets pervers auxquels ont conduit les textes en vigueur ; celle de nos organes de contrôle -rapports de la Cour des comptes ou des inspections générales, qui identifient les insuffisances du système, mais aussi rapports du Sénat et de l'Assemblée nationale, dénonçant, année après année, avec la régularité d'un métronome, les handicaps et tabous qui tendent à paralyser les évolutions nécessaires, bien que parfois douloureuses. Leurs propositions trouvent enfin à se concrétiser dans ce texte.

Le Sénat avait adopté quelque 80 amendements, dont une cinquantaine à l'initiative de notre commission des affaires culturelles. L'Assemblée nationale a adopté conformes neuf articles ainsi que le nouvel intitulé du projet de loi, ce qui me semble symboliquement important tant il est vrai qu'il n'y a pas de liberté sans responsabilité.

L'Assemblée nationale nous a ainsi suivis pour compléter et actualiser les missions du service public de l'enseignement supérieur. Elle a de même confirmé les dispositions introduites par le Sénat tendant à sécuriser le mode de recrutement des personnels agrégés ; à conforter le conseil scientifique ; à améliorer la participation des étudiants au conseil des études et de la vie universitaire ; à assurer le nécessaire dialogue entre les unités de formation et de recherche de médecine, de pharmacie et d'odontologie et leur université, dans le respect des responsabilités de chacun ; à clarifier les missions du comité technique paritaire ; à confirmer dans la loi la compétence du médiateur de l'éducation nationale en matière d'enseignement supérieur ; à maintenir le statut juridique du patrimoine immobilier que les collectivités territoriales mettent à la disposition des établissements ou encore à confirmer les apports précieux de la commission des finances du Sénat sur les articles dont elle s'est saisie pour avis.

Si sur un certain nombre de points, l'Assemblée nationale a utilement amélioré le texte adopté par le Sénat, elle a aussi voté des dispositions allant à l'encontre de nos positions. Nous avions souhaité mieux asseoir la légitimité du président du conseil d'administration, en prévoyant notamment qu'il serait élu par l'ensemble de ses membres, ainsi que clarifier et conforter son statut pendant la période transitoire. Or, sur ces points essentiels, l'Assemblée nationale est largement revenue au texte initial.

La CMP, au grand dam de bien des sénateurs qui y participaient, n'a pas souhaité revenir sur le mode d'élection du président. Seuls les membres élus du conseil auront donc voix au chapitre. (Murmures improbateurs sur plusieurs bancs à droite) En revanche, elle a arrêté, pour les dispositions transitoires de l'article 30, une solution de compromis.

L'Assemblée nationale avait également limité la représentation des collectivités territoriales parmi les personnalités extérieures au sein du conseil d'administration à deux membres, quand le Sénat avait souhaité qu'il ne s'agisse que d'un seuil minimal. La CMP a adopté une rédaction de nature, me semble-t-il, à répondre à l'ensemble des préoccupations.

Alors que le Sénat avait souhaité s'assurer de la représentation des quatre grands secteurs de formation au sein du conseil d'administration, seuls deux grands secteurs au moins, dans la rédaction retenue par l'Assemblée nationale, devront être représentés dans les listes d'enseignants-chercheurs, au risque de voir les représentants d'une ou deux grandes disciplines concentrer le pouvoir au sein du conseil. Et comment imaginer que les décisions stratégiques concernant les secteurs non représentés puissent être prises sans leur participation ? Nous avons convaincu la CMP de revenir assez largement à la position du Sénat, ce dont je me réjouis.

À l'article 5, relatif à l'élection, au mandat et aux compétences du président, la CMP a supprimé l'ambiguïté induite par la rédaction de l'Assemblée nationale. Le président de l'université sera élu parmi les enseignants-chercheurs, les chercheurs, les professeurs ou maîtres de conférences, associés ou invités, ou tous autres personnels assimilés, ceci sans condition de nationalité. Le futur président pourra donc ne pas appartenir à l'université concernée.

À l'article 6, relatif à la composition et aux compétences du conseil d'administration, la CMP a prévu que les personnalités extérieures comprendraient au moins un chef d'entreprise ou cadre dirigeant d'entreprise, au moins un autre acteur du monde économique et social, ainsi que deux ou trois représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements dont un membre du conseil régional désigné par les collectivités concernées. Je me réjouis de cette rédaction car, dans la perspective d'une plus grande ouverture des universités sur l'extérieur, ces dispositions me semblaient indispensables pour améliorer l'insertion professionnelle des jeunes diplômés et permettre aux universités, via leurs laboratoires de recherche et leurs fondations, de renforcer leur budget par des capitaux privés. Cette rédaction assure en outre une représentation équitable des collectivités territoriales, y compris par leurs groupements -communauté urbaine, communauté d'agglomérations- tout en évitant une surenchère.

À l'article 10, relatif au mode de désignation des membres des différents conseils, la CMP a adopté les dispositions suivantes : les listes des enseignants-chercheurs devront assurer la représentation des quatre grands secteurs de formation, et celle des étudiants d'au moins deux des grands secteurs enseignés dans leur université. Je me réjouis tout particulièrement de l'adoption de ces dispositions que j'ai défendues, tout au long de l'examen de ce texte, avec beaucoup de persévérance.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. - Qui trouve ici sa récompense.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur. - Les tentations de monopole sont ainsi écartées et les étudiants devront s'efforcer d'éviter les listes mono disciplinaires. Je précise qu'il n'est néanmoins pas exclu, compte tenu du mode de scrutin, que l'un des grands secteurs de formation ne soit pas représenté au sein du conseil d'administration.

À l'article 14 relatif aux contrats pluriannuels d'établissement, la CMP a rétabli la disposition relative à l'outil de contrôle de gestion et d'aide à la décision, pour la rendre applicable à l'ensemble des établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPCSCP). À défaut, elle ne se serait appliquée qu'aux seules universités ayant déjà opté pour l'autonomie. Or toutes les universités seront appelées, d'ici à cinq ans, à exercer de nouvelles responsabilités en matière budgétaire et de gestion des ressources humaines et les autres EPCSCP pourront le faire de façon facultative. Un tel outil de contrôle de gestion et d'aide à la décision pourra leur permettre de s'y préparer, comme l'avait souhaité votre commission des affaires culturelles.

Comme l'a dit M. Adnot, les moyens consacrés à la gestion financière ne doivent pas être regardés comme des dépenses, mais d'abord comme des sources d'économie pour l'avenir.

La CMP a supprimé la qualité requise pour diriger un bureau d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants : ce pourra être un fonctionnaire, aussi bien qu'un ancien cadre d'entreprise. Enfin, elle a aménagé les conditions dans lesquelles un président en exercice reste en fonction lorsque la durée de son mandat restant à courir est supérieure à six mois, et précisé les modalités de désignation des personnalités extérieures du conseil d'administration qui pourront, pendant cette période transitoire, participer avec les membres élus du conseil à la délibération sur le maintien en exercice dudit président.

J'ai cité Jean Monnet en avant-propos de mon rapport : « Il ne s'agit pas d'être optimiste ou pessimiste, mais déterminé ». C'est maintenant à l'université tout entière de s'engager dans une réforme que chacun s'accorde à dire nécessaire. C'est un impératif à l'égard des communautés éducatives, qui souhaitent davantage de stratégie, à l'égard des jeunes, qui souhaitent pouvoir s'intégrer plus facilement dans le monde professionnel, mais également à l'égard de la nation elle-même, pour qu'elle reste compétitive, car l'avenir est aux pays qui donnent la priorité à l'économie de la connaissance.

Merci, madame la ministre, pour nos dialogues directs et fructueux. J'espère que les arbitrages budgétaires vous donneront les moyens d'accompagner les universités dans leur mutation. Merci au président de notre commission des affaires culturelles, pour sa détermination bienveillante, merci à notre rapporteur pour avis, mais aussi au rapporteur de l'Assemblée nationale, avec qui j'ai engagé des échanges constructifs ! (Applaudissements à droite)

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. - Merci à tous pour votre assiduité : contrairement à ce que certains veulent faire croire, en particulier par voie de presse, l'avenir de l'université mobilise le Parlement, votre nombre aujourd'hui même -alors qu'une séance après CMP n'est jamais des plus grisantes...- démontre bien que vous vous souciez des universités, de nos enfants, de la compétitivité de notre pays ! Les deux assemblées, en recherchant toujours le compromis, ont amélioré le texte : après une phase de concertation, la réforme a pleinement bénéficié du débat politique. Elle est déterminante et ce texte forme le socle d'une réforme plus vaste de l'enseignement supérieur, que nous conduirons dans les cinq années à venir. L'idée d'autonomie a progressé sur tous les bancs, puisque nous en avons débattu les modalités et non le principe : c'est dire que la réforme était mûre et nécessaire. Les universités vont pouvoir recruter plus rapidement, créer des formations, recevoir des fonds avec plus de souplesse, mieux lutter contre l'échec grâce en particulier à l'orientation active, au tutorat et à la reconnaissance d'une nouvelle mission pour l'université, que tous les syndicats appelaient de leurs voeux : la mission d'insertion professionnelle. C'est du reste pourquoi vos collègues députés ont approuvé la création, issue d'un amendement du groupe socialiste, d'un bureau d?insertion professionnelle dans chaque université.

Les universités auront plus de souplesse pour leur gestion, l'État conservera son rôle de pilote et de garant de la réforme de l'enseignement supérieur, c'est très satisfaisant.

Ce texte porte grandement la marque du Sénat. D'abord, grâce à la volonté du président de votre commission d'ouvrir le conseil d'administration à des personnalités extérieures représentatives des collectivités locales dans leur diversité, et de ce que tous les champs disciplinaires y soient aussi présents. Le conseil d'administration ayant une mission stratégique, il faut veiller à ce que tous les champs disciplinaires y soient représentés. Grâce au Sénat également, les UFR de médecine trouvent toute leur place dans l'université.

Vous avez encore su rassurer la communauté universitaire sur la proportion toute marginale qu'y tiendra l'emploi contractuel. Ce sera un outil précieux entre les mains du président de l'université, pour recruter des compétences qui font défaut dans la communauté universitaire -par exemple des architectes, des conducteurs de chantiers- ou pour attirer des spécialistes étrangers et internationalement reconnus. Leur recrutement par contrat se fera désormais dans un cadre légal, ce qui est de loin préférable au bricolage auquel on recourt aujourd'hui. Mais l'emploi contractuel restera dans des limites clairement établies : c'est tout le sens de votre amendement instituant une proportion de l'emploi contractuel par rapport à l'emploi global de l'université.

Vous m'interrogez sur les moyens, le Premier ministre m'a confirmé hier même que la prochaine loi de finances verrait mon budget s'accroître de 1,8 milliard supplémentaire, conformément à l'engagement du Président de la République de consacrer en cinq ans 5 milliards supplémentaires pour l'université et 4 milliards pour l'enseignement supérieur. Cela démontre la priorité accordée à la société du savoir, pour laquelle nous lançons cinq chantiers : les conditions de vie étudiante, l'immobilier universitaire, les carrières, le statut des jeunes chercheurs, la réussite universitaire. Cette progression budgétaire de 5 % est sans précédent, mais cela ne m'empêchera pas, étant comptable de chaque euro dépensé, de lutter contre le moindre gaspillage !

M. Michel Charasse. - Très bien !

Mme Valérie Pécresse, ministre. - L'État accompagnera les universités sur ce long chemin de l'autonomie -que les 84 universités françaises souhaitent emprunter sans attendre.

Je serai très heureuse de vous présenter un rapport d'étape sur l'avancée de cette réforme et je vous remercie pour la qualité du texte issu de la commission mixte paritaire. (Applaudissements à droite)

M. Ivan Renar. - Face aux problèmes que connaissent nos universités, une réforme de grande ampleur était nécessaire. Il était ainsi indispensable de répondre aux difficultés des étudiants, de plus en plus confrontés à la précarité, y compris dans le domaine de la santé. Il fallait aussi lutter contre l'échec en premier cycle. Il était urgent de remédier à la pénurie de doctorants. Ces questions ont été abordées maintes et maintes fois, notamment lors des débats budgétaires et, plus d'une fois, nous avons dit que la France ne pouvait rester un grand pays dans un monde difficile, sauf à investir massivement dans la matière grise : l'éducation, la recherche mais aussi l'innovation technologique, la culture et les arts.

Certes, l'autonomie des établissements peut donner un nouveau souffle à l'enseignement supérieur mais la situation exigeait une réforme beaucoup plus audacieuse que celle qui nous est proposée, d'autant qu'elle ne s'accompagne pas des moyens financiers et humains indispensables. Alors qu'une loi de programmation était attendue, qu'un collectif budgétaire d'au moins 600 millions était indispensable pour répondre aux urgences, pas un euro de plus ne sera versé aux universités avant 2008, même si j'ai pris bonne note de l'annonce que vous venez de faire, madame la ministre.

La réforme de l'enseignement supérieur était pourtant qualifiée de prioritaire. Le monde universitaire appréciera vos déclarations d'intention, d'autant que le gouvernement vient de consacrer 11 milliards aux déductions et exonérations fiscales durant cette session extraordinaire.

Plus inquiétant encore, votre texte ne prévoit aucun financement pérenne des universités et il laisse entrevoir un désengagement progressif de l'État qui se traduira par une course aux financements. Les 85 universités ne pourront devenir autonomes dans les cinq prochaines années que si l'État assure la mise à niveau de chacune d'entre elles, notamment pour leurs bâtiments.

Au risque de nous répéter, l'État doit investir massivement dans ses universités. Pour reprendre les termes de la CPU, « la mise en oeuvre de la réforme nécessitera une forte mobilisation de moyens sans laquelle l'évolution statutaire n'apparaîtrait que comme un exercice de style. Une loi de programmation budgétaire est plus que jamais nécessaire ». Autrement dit, sans moyen, l'autonomie ne sera qu'un leurre.

Pour le gouvernement, l'autonomie se limite à une réforme du mode de gouvernance des universités. Et sur ce plan, le texte n'est guère satisfaisant puisqu'il écarte du projet d'établissement bon nombre des acteurs et usagers des universités, remettant en cause le fonctionnement collégial. Alors que toutes les énergies sont nécessaires, c'était une grave erreur que d'écarter le conseil scientifique et le conseil des études et de la vie universitaire de la gestion démocratique des établissements.

Donner un nouveau souffle à l'université nécessite de mobiliser toute la communauté universitaire sur la base de projets définis collectivement et non uniquement par un conseil d'administration resserré. En outre, les qualités des enseignants-chercheurs ne peuvent être objectivement évaluées que par leurs pairs. Aussi, la mise en place d'une nouvelle procédure de recrutement ne manquera pas de provoquer de graves dysfonctionnements. Y avait-il urgence à bouleverser un mode de recrutement certes perfectible mais qui avait fait ses preuves ?

Il aurait été plus pertinent d'engager une véritable concertation avec la communauté scientifique pour parvenir à une solution vraiment satisfaisante. Enfin, ce texte remet gravement en cause l'emploi statutaire qui devrait demeurer l'emploi de référence. Cela est particulièrement vrai pour les enseignants-chercheurs auxquels leur statut permet de mener des travaux de recherches sur le long terme. Il est vrai que la logique de non remplacement d'un fonctionnaire sur deux entraîne des coupes claires dans tous les services et administrations de l'État et encourage le recrutement d'agents contractuels pour tous les types d'emplois.

De telles dispositions, qui fragilisent les statuts des personnels de l'université et laissent les conseils d'administration et les présidents d'université totalement libres de fixer les charges de services et les rémunérations, sont inadmissibles. L'enseignement supérieur et la recherche doivent être prioritaires et ils ont besoin d'un véritable plan pluriannuel de l'emploi statutaire.

Un mot sur notre amendement visant à protéger et à conserver les biens mobiliers des universités tels que les incunables, manuscrits et oeuvres d'art. Je regrette que cette disposition ne figure pas dans le texte et de nombreux collègues souhaitent que nous revenions sur cette question.

M. Jacques Legendre. - C'est vrai !

M. Ivan Renar. - C'est pourquoi nous déposerons une proposition de loi pour voir avec vous, madame la ministre, ce qu'il convient de faire.

Le débat se termine mais cette réforme demeure bien insuffisante au regard des défis qui doivent être relevés. En introduisant des mécanismes concurrentiels entre universités et entre personnels, elle menace l'avenir du service public de l'enseignement supérieur et de la recherche. D'autres choix étaient possibles, mais encore fallait-il entendre les propositions de la communauté universitaire, qui poursuit son travail de réflexion.

Oui, l'enseignement supérieur n'a pas de prix, même s'il a un coût ; oui, la question du financement de l'enseignement supérieur aurait dû faire l'objet d'un large débat. S'il faut imaginer de nouveaux partenariats, le service public a fait ses preuves, même s'il est perfectible. L'État devra assumer ses responsabilités concernant les universités car elles sont loin de disposer de budgets comparables à ceux des pays développés et même des pays émergents.

Les enjeux de ce siècle appellent au développement des formations supérieures et pourtant l'organisation actuelle empêche de trop nombreux étudiants de réussir. Ce texte n'y changera rien. Alors que l'avenir de notre pays dépend étroitement de l'enseignement supérieur et de la recherche, le gouvernement a privilégié l'urgence en réduisant la concertation a minima.

Si la réforme était nécessaire, cette loi suscite l'inquiétude. En témoignent les motions votées par les conseils d'université et la mobilisation des organisations de personnels.

C'est pourquoi nous voterons contre un texte qui ne redonnera pas un nouvel élan au service public des universités. Mais, comme le disait un célèbre jazzman dans un clin d'oeil à mai 68 : « Ce n'est qu'un débat, continuons le début ! » (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Marc Todeschini. - Nous voilà donc réunis pour entériner un texte présenté comme l'un des plus importants de cette législature. Or, la montagne a accouché d'une souris (« Oh ! » à droite) puisque ce projet de loi se résume à organiser une nouvelle gouvernance des universités.

Alors que tous les candidats avaient fait de l'université un des thèmes majeurs de la campagne, alors que le gouvernement nous annonçait qu'il ferait des universités et de la recherche une priorité et qu'il nous annonçait un signe fort, nous ne pouvons que constater qu'il n'a pas jugé utile d'accompagner cette loi d'un collectif budgétaire, même si le premier ministre a annoncé pour l'an prochain 1,8 milliard de plus.

Le seul signe fort après les élections aura été l'instauration d'un bouclier fiscal pour les plus fortunés et près de 13 milliards de déductions fiscales diverses. Cela méritait d'être rappelé.

Oui, nous souhaitions, nous aussi, donner plus d'autonomie à nos universités, mais pas n'importe comment. Oui, il fallait responsabiliser les présidents d'universités, mais ne pas aller jusqu'à l' hyper présidentialisation que vous instaurez. Oui, nous sommes favorables à une nouvelle gouvernance, encore faut-il que l'État assume son rôle en ce qui concerne l'enseignement supérieur et la recherche. Or, rien ne sera fait pour les conditions de vie et d'études des étudiants, rien non plus pour lutter contre la précarité dont ils sont victimes. La réforme du premier cycle, où l'échec reste massif, est encore dans les limbes. Rien, non plus, sur la place des universités face aux grandes écoles et à la recherche. Quid de la place des doctorants et des post-docs et de leur insertion professionnelle ? Quid, d'ailleurs de l'insertion de tous les étudiants ? Enfin, cette réforme ne s'accompagne pas des moyens financiers nécessaires.

Le texte voté par le Sénat n'a pas été amélioré par l'Assemblée nationale ni par la commission mixte paritaire, au contraire. D'ailleurs, une grande partie des modifications proposées par notre commission des affaires culturelles n'a pas été retenue par les députés. Il est vraiment difficile d'être dans la majorité sénatoriale depuis les élections, à croire que l'ouverture n'est pas allée jusqu'au groupe UMP et qu'elle s'est arrêtée à la défense de la francophonie ! (Exclamations à droite)

Alors que cette réforme était indispensable pour tous les personnels enseignants, administratifs et techniques et pour tous les étudiants, ce projet de loi ne laisse pas d'inquiéter, tant en ce qui concerne la situation des contractuels que la remise à plat des moyens consacrés aux universités. Dans les deux cas, vous laissez la porte ouverte à toutes les déviances possibles et nous n'aurons pas une université à deux mais à plusieurs vitesses. En refusant d'encadrer la masse salariale réservée aux contractuels, vous allez mettre à mal l'encadrement statutaire à l'université. Certes, certaines universités ont du mal à recruter des professeurs étrangers, et une certaine souplesse était nécessaire, mais il ne faut pas que les contractuels se substituent aux statutaires car l'université n'a pas besoin de plus de précarité. D'ailleurs, la Conférence des présidents d'université vous a dit sa façon de penser et son refus de l'expérimentation université par université. Il convenait en outre de remettre à niveau les dotations financières de chaque université afin de corriger les inégalités. Or, rien de tout cela ne figure dans le texte de la commission mixte paritaire.

Après vos belles promesses, nous attendions avec impatience cette loi. Or, nous restons sur notre faim car elle ne s'attaque pas aux racines du mal. Difficile dans ces conditions de vous suivre, même si nous avons voulu être une opposition constructive !

Je m'associe aux paroles de notre rapporteur pour vous dire combien nous avons apprécié le climat de travail en commission, en séance et même en commission mixte paritaire. Merci donc au président Valade et à notre rapporteur. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Morin-Desailly. - Ce texte important participe à la rénovation globale de notre système d'enseignement supérieur et de recherche ; essentiellement axé sur la gouvernance et l'autonomie, il était indispensable : la compétition mondiale se joue désormais sur le terrain de la formation.

Après son passage dans les deux assemblées, dont les appréciations étaient parfois divergentes, le texte se rapproche de sa rédaction initiale ; ses éléments principaux sont préservés, qu'il s'agisse du conseil d'administration resserré, du président manager, de la clarification des procédures de décision ou des responsabilités en termes budgétaires et de gestion des ressources humaines.

Nous nous réjouissons de la rédaction de la CMP relative à la représentation des collectivités locales au sein du conseil d'administration ; à la présence au titre des personnalités extérieures d'au moins un chef d'entreprise ou cadre dirigeant ; à la représentation des quatre grands secteurs de formation dans la composition des listes pour l'élection des enseignants-chercheurs. Nous sommes en effet attachés à une expression pluraliste des disciplines enseignées et des courants d'opinion.

Enfin, même sur les procédures dérogatoires de recrutement des enseignants-chercheurs, le Parlement aura réussi à améliorer le projet de loi, notamment en garantissant la qualité académique des membres du nouveau comité de sélection. C'est déjà une avancée.

Cette réforme ne réussira toutefois que si elle est suivie d'autres réformes et de moyens. Deux sujets me semblent essentiels. J'avais plaidé, lors de la discussion générale, pour la mise en oeuvre d'une orientation active qui permette aux étudiants de passer progressivement de l'université au monde du travail. Je me réjouis donc que le projet de loi confie aux universités une nouvelle mission d'orientation et d'insertion professionnelle ; la procédure de préinscription va dans ce sens. L'université devra informer les étudiants sur le contenu et les débouchés des filières qu'ils souhaitent intégrer. Cette procédure, qui devra faire l'objet d'une attention toute particulière des établissements, rejoint la proposition de Patrick Hetzel de définir une séquence d'orientation du pré-bac au post-bac. Les débats au Sénat ont renforcé ce dispositif, notamment en instituant un bureau d'aide à l'insertion professionnelle des étudiants dans chaque université.

Notre assemblée a, également, à l'initiative de notre collègue Pierre Laffitte, proposé d'engager l'orientation dès la seconde en prévoyant une concertation entre les universités et les lycées. Il faut que l'orientation devienne une priorité dès l'enseignement secondaire. Enfin, nous saurons désormais mieux ce que deviennent les étudiants après leur sortie de l'université grâce aux statistiques et indicateurs de réussite et d'insertion professionnelle que devront publier les établissements d'enseignement supérieur.

Nous devrons poursuivre dans cette voie et traiter de l'échec en premier cycle, notamment en traduisant dans les faits les propositions du rapport Hetzel. Je pense, en particulier, à l'élaboration d'un dispositif privilégiant l'accès des bacheliers professionnels aux sections de technicien supérieur et des bacheliers technologiques aux instituts universitaires de technologie -ce qui imposera l'ouverture de places dans ces filières. Ce sont ces bacheliers qui connaissent le plus fort taux d'échec en premier cycle.

Nous savons tous, enfin, que notre pays dépense peu pour ses étudiants et ses universités, moins que pour un lycéen et bien moins que ce que dépensent les pays comparables.

M. Michel Charasse. - C'est parce qu'il met son argent ailleurs !

Mme Catherine Morin-Desailly. - Nous avions salué la volonté du Président de la République d'engager un « effort inédit » ; je me félicite que le Premier ministre ait annoncé hier que 1,8 milliard d'euros supplémentaires seraient alloués en 2008 à l'enseignement supérieur et à la recherche. Cet effort devra être poursuivi pendant le quinquennat et même au-delà. J'avais évoqué, pour ma part, un pacte d'investissement pour l'enseignement supérieur sur dix ans, nécessaire pour traiter les chantiers ouverts par madame la ministre : système d'aides sociales et logements étudiants, revalorisation des carrières des enseignants-chercheurs et statut des jeunes chercheurs, conditions matérielles de travail.... Tout cela demande un effort massif et durable pour mener 50 % d'une classe d'âge au niveau licence, comme le recommande la stratégie de Lisbonne. Nous serons attentifs, lors de l'examen du projet de loi de finances, à ce que les crédits soient bien là.

Le groupe UC-UDF votera ce texte, qui est une étape importante pour l'avenir de l'université française, même si ce n'est pas le grand projet de loi attendu. (Applaudissements au centre et à droite)

La discussion générale est close.

Interventions sur l'ensemble

M. David Assouline. - Même si le temps parlementaire que méritait ce texte, qu'on voulait fracassant, le plus important de la mandature, nous a manqué, les arguments principaux ont pu être échangés. Les débats se sont déroulés dans l'indifférence de l'opinion, parce que le gouvernement a voulu faire vite, au coeur de l'été, marquant ainsi sa défiance envers la communauté universitaire. Celle-ci pourtant, comme les personnels, comme les forces politiques, était prête à un vrai débat, consciente qu'une réforme était nécessaire. Mais vous avez fait le choix de ne légiférer que sur la gouvernance. Nous construisons le socle sur lequel la construction sera plus aisée, dites-vous ; mais ce n'est pas le cas. Il eût mieux valu commencer par les chantiers que vous avez annoncés, madame la ministre !

Il est vrai que l'autonomie ne fait pas aujourd'hui vraiment débat. Mais de quelle autonomie parle-t-on ? Pour nous, elle est synonyme de souplesse, de réactivité, de capacité de recrutement, d'investissement. Le texte fait quelques progrès dans cette direction. Mais souvenez-vous ! Il y a peu encore, lorsque la droite parlait d'autonomie, elle entendait remise en cause des diplômes nationaux, sélection et compétition ; elle pensait que de la concurrence de tous contre tous naîtrait nécessairement l'excellence. Le danger a été perçu, mais il n'est pas complètement écarté...

Le risque, c'est que demain l'État laisse filer. L'hyper présidentialisation, l'affaiblissement de la démocratie interne, la remise en cause des statuts : les risques sont là. Faites confiance aux présidents, dites-vous, les financiers privés ne seront pas si gourmands, les sciences humaines seront préservées.

Faire confiance, soit, mais la loi doit prévenir les dérives ! Et faut-il encore que l'État ne soit pas un simple accompagnateur mais encadre, donne des moyens, et en donne plus à ceux qui en ont plus besoin. Les universités solides iront vite, attireront des capitaux ; mais les autres, dans nos territoires, doivent continuer à vivre elles aussi...Elles ne le pourront qu'épaulées par un État équitable, qui répartit, surveille, encadre.

Nous avons abordé ce débat ouvert, non à un vote positif...

Plusieurs voix à droite. - Ah ! Nous étions inquiets !

M. David Assouline. - ...mais à une grande réforme qui dés 2007 se serait traduite par un effort nouveau. Une véritable ouverture politique de votre part nous aurait encouragés à l'abstention. Mais votre ouverture n'est que d'affichage, de débauchage de quelques personnalités ; sur le fond, rien ! Nous en prenons acte et tout en demeurant constructifs et forts de propositions, nous voterons contre ce projet. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard César. - Le groupe UMP, lui, votera pour cette loi essentielle. Si nous voulons rester compétitifs au niveau mondial et protéger nos emplois, nous devons bousculer les traditions et extraire notre système universitaire des trop nombreuses contraintes qui le paralysent. Les universités pourront accéder en cinq ans à l'autonomie budgétaire et patrimoniale et s'ouvrir au monde extérieur pour améliorer l'insertion professionnelle et obtenir des financements privés. Tout le monde appelait à une telle réforme et si le texte a été soumis à la procédure d'urgence, il est avant tout le fruit de la concertation.

La Haute assemblée a enrichi le texte ; la CMP a apporté les derniers ajustements. Les sénateurs savent quels liens se nouent entre les universités et les collectivités : ces liens trouvent une traduction concrète dans la nouvelle gouvernance des établissements. Le projet de loi rééquilibre aussi la composition des différentes instances universitaires afin que leur travail gagne en rapidité et en efficacité. Nous avons souhaité garantir la représentativité en respectant la répartition des grands secteurs de formation. Je me réjouis aussi qu'ait été inscrite l'authentification du président par le conseil d'administration.

Fortes de leur nouvelle gouvernance, les universités pourront enfin assumer des compétences nouvelles et agir de manière autonome. Les fondations leur fourniront un outil de gestion supplémentaire -les fondations partenariales en particulier. Demain, nos universités pourront diversifier leurs ressources, ce qui est indispensable à leur survie ; car les engagements budgétaires de l'État pour les prochaines années, remarquables, ne peuvent suffire.

L'Assemblée nationale a souhaité autoriser les établissements à se regrouper. Nous avons inclus dans le contrat pluriannuel les modalités de la participation à un pôle de recherche et d'enseignement supérieur. Les classements internationaux prouvent clairement la nécessité d'augmenter la taille et donc la visibilité de nos universités. Nous souhaitons que des forces auparavant dispersées travaillent ensemble !

M. Jacques Valade, président de la commission. - Très bien !

M. Gérard César. - Il est important enfin que les universités publient des statistiques sur les taux de réussite, les débouchés, l'insertion professionnelle des diplômés et créent un bureau chargé d'assister les étudiants dans leur recherche de stages et de premier emploi. Ce projet de loi reconnaît -enfin !- l'orientation et l'insertion professionnelle comme des missions de l'université.

Ce texte est une première étape. Avec les autres chantiers annoncés, madame le ministre, nous bâtirons la nouvelle université. Nous serons à vos côtés ! (Applaudissements sur les bancs de l'UMP)

M. Yves Fréville. - J'hésite encore à voter ce texte. Non que l'autonomie financière m'effraye. En 1980, le Premier ministre d'alors, Raymond Barre, avait installé une commission de la réforme financière des universités, que j'avais présidée. Nous avions conclu que l'autonomie financière était un pari nécessaire. Mais dans votre texte, le risque que prévalent encore les corporatismes, les syndicalismes, les localismes, ne sont pas éliminés. Je suis très attaché à l'indépendance des corps universitaires, c'est un principe fondamental de notre République  mais il ne faut pas la confondre avec l'indépendance des universités ! Les universités appartiennent à la nation (Applaudissements sur les bancs socialistes), non aux professeurs, aux étudiants (Applaudissements à droite) ou aux personnalités extérieures ; elles appartiennent à tous.

M. David Assouline. - Pas au marché !

M. Yves Fréville. - L'élimination des personnalités extérieures de l'élection du président et les modalités de choix de ces personnalités ne me semblent pas totalement satisfaisantes.

MM. Adrien Gouteyron et Roland du Luart. - Oui !

M. Yves Fréville. - C'est un signal de fermeture des universités, quand elles auraient besoin de s'ouvrir davantage.

M. Adrien Gouteyron. - C'est dommage.

M. Yves Fréville. - Je regrette aussi que la France ne soit pas encore mûre pour créer des conseils d'orientation qui apportent tant aux universités étrangères.

Merci, madame la ministre, d'accepter de prendre un risque. Je ne sais pas si je vais vous suivre...

M. Michel Charasse. - Il faut tout de même vous dépêcher de décider !

M. Yves Fréville. - ...mais je suis heureux que vous ayez entrepris cette réforme, qui devra être prolongée ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. François Fortassin. - Elle était en effet nécessaire et attendue. Fallait-il la faire dans la précipitation ? Nos concitoyens nous prendront-ils au sérieux, lorsque nous votons une loi sur les universités le 1er août ? (Voix à gauche : « Le 4 août ! ») Nous aurions sans doute pu attendre le 15 septembre...

M. Henri de Raincourt. - L'ouverture de la chasse ! (Rires à droite)

M. François Fortassin. - La Haute assemblée a bien travaillé. Cependant j'ai en vain espéré quelques signes forts, tels qu'une rallonge budgétaire de quelques centaines de millions d'euros ; quant au slogan de l'ouverture, il n'a pas trouvé d'application pratique ici et tous les amendements de l'opposition ont trouvé porte close, je dirais même, cadenassée ! (M. le président de la commission le conteste) Je déplore en particulier votre refus d'élargir le corps électoral, d'autant qu'un président extérieur élu par un tel collège aurait eu plus de poids. C'est pourquoi, bien que le texte contienne des éléments intéressants, les Radicaux de gauche voteront contre. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. - Sans revenir sur le fond, je voudrais dire à M. Assouline combien j'ai apprécié son changement d'attitude par rapport à un passé récent. J'espère que cette révision n'est pas trop déchirante et que l'ouverture qu'il évoque correspond à son évolution actuelle. Je m'en réjouis à la fois pour lui et pour le groupe dont il fait partie.

Je voudrais répondre à mon collègue et ami le professeur Fréville que nous sommes un certain nombre, universitaires ou non, à partager son interrogation. Il est évident, et nous en avons débattu tant en commission qu'en commission mixte paritaire, où le rapporteur pour avis Philippe Adnot est intervenu sur le sujet, qu'au moment où l'on parle d'autonomie des universités, de possibilités de choix, restreindre par la loi la possibilité de faire intervenir des personnalités extérieures à l'université dans des domaines essentiels, comme l'élection du président, alors qu'elles sont associées au vote du budget et au plan de développement universitaire, nous paraît une anomalie.

Nous avons accepté l'argumentation de nos collègues de l'Assemblée nationale et de Mme la ministre, à condition naturellement qu'elle ne soit pas une fin en soi, et que l'on puisse imaginer, comme vous l'avez évoqué vous-même, madame la ministre, une évolution de ces dispositions...

M. Adrien Gouteyron. - Il le faudrait !

M. Jacques Valade, président de la commission. - D'aucuns ont considéré que nous n'avions pas pris assez de temps pour poursuivre notre réflexion. Or nous sommes en session extraordinaire et le Président de la République a fondé sa campagne électorale sur la nécessité d'une rénovation de la formation des élites françaises. Nous ne pouvions pas nous permettre de perdre une année universitaire. Les cycles universitaires, en effet, sont tels que si l'on perd du temps, on passe son tour. C'est donc une excellente chose que d'aller vite et le plus loin possible. (M. Assouline s'exclame) Il faut beaucoup de courage à un gouvernement pour s'attaquer à la réforme des universités, comme l'ont montré les difficultés suscitées par telles ou telles dispositions suggérées ou prises par d'autres gouvernements.

Il faut rendre hommage à celles et ceux qui sont chargés de ce dossier et je voudrais vous dire, madame la ministre, combien j'ai apprécié votre engagement, votre pugnacité, votre capacité de persuasion. Vous obéissez, sous la responsabilité du Premier ministre, aux instructions du Président de la République lui-même -qui nous ont coûté une semaine en moins de travail- lequel a souhaité conduire la concertation.

Nous avons accompli du bon travail. Heureusement, la commission des affaires culturelles était prête, car depuis de nombreuses années, nous avons étudié ce sujet et suggéré quelques dispositions. Ainsi la commission a été très studieuse, même si son temps de travail fut limité -d'aucuns parleraient de précipitation ! Nous avons travaillé comme d'habitude, c'est-à-dire au fond, grâce à la diligence du rapporteur, à sa compétence, à son engagement personnel, avec la commission des finances et Philippe Adnot. Ainsi, nous avons abouti à ce que la position du Sénat permette des avancées utiles.

Le débat à l'Assemblée nationale nous a inquiétés : il nous a semblé retirer à ce texte des dispositions intéressantes et des améliorations que nous avions obtenues au Sénat. Par chance, grâce à une bonne concertation entre le rapporteur du Sénat et celui de l'Assemblée nationale, auquel je tiens à rendre hommage, grâce à une bonne coopération entre nous, nous avons réussi à trouver un point d'équilibre. Est-ce pour autant une loi définitive ? Aucune loi ne l'est réellement...

M. Adrien Gouteyron. - Certes !

M. Jacques Valade, président de la commission. - ... surtout dans un domaine si difficile ! Cette loi est nécessaire. Mais elle n'est évidemment pas suffisante. Vous avez vous-même, madame la ministre, ouvert cinq chantiers, auxquels nous sommes prêts à participer.

Cette loi est le socle de la réforme : nous allons voir quelles initiatives prendront les universitaires. Il appartient en effet, monsieur Fréville, aux présidents d'université de prendre l'affaire en main, avec de nouvelles structures qui leur sont proposées, de nouvelles responsabilités, par rapport au passé, le respect des libertés universitaires, auxquelles nous sommes très attachés, et des moyens supplémentaires.

Nous étions en effet partis de l'hypothèse de 0,8 milliard d'euros pour la recherche, confirmés après le séminaire gouvernemental d'hier ; s'y ajoutent, en conformité avec l'engagement du Président de la République, un milliard d'euros pour l'enseignement supérieur, soit 1,8 milliard d'euros au total.

M. David Assouline. - Insuffisant !

M. Jacques Valade, président de la commission - Comme vous l'avez dit, madame la ministre, nous nous donnons les moyens structurels et matériels de faire évoluer l'université dont l'État sera l'accompagnateur, pour aller dans le sens que nous souhaitons tous, c'est-à-dire celui de l'amélioration de la performance des universités. Il y a un corps d'enseignants et de chercheurs tout à fait exceptionnels, il y a des structures et des moyens : il faut maintenant appliquer tout cela...

M. Henri de Raincourt. - Très bien !

M. Jacques Valade, président de la commission. - La commission des affaires culturelles votera, dans sa majorité, ce texte et suivra avec beaucoup d'attention l'application de cette loi, comme de la loi sur la recherche, à laquelle nous sommes également très s'attachés. (Applaudissements au centre et à droite)

L'ensemble du projet de loi, dans la rédaction résultant des conclusions de la commission mixte paritaire, est mis aux voix par scrutin public à la demande du groupe socialiste.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 195
Contre 126

Le Sénat a adopté. (Applaudissements à droite, où l'on félicite Mme la ministre)

Mme Valérie Pécresse, ministre. - Je tiens à vous remercier, monsieur le président, pour votre présidence bienveillante et tout à fait... présidentielle ! Je remercie également la commission des affaires culturelles, son président et son rapporteur, ainsi que l'ensemble des groupes et leurs représentants.

Je souhaite que toutes les interrogations qui demeurent sur ce projet de loi puissent être levées.

Je rappelle à l'ensemble des sénateurs qui nous ont fait l'amitié de marquer leur intérêt pour ce texte en étant présents aujourd'hui qu'il y aura un comité de suivi qui procédera chaque année à un état des lieux et auquel participeront un sénateur et un député. Sa composition n'est pas encore arrêtée, mais les parlementaires qui se sont le plus engagé dans ces débats y seront certainement associés. Nous regarderons chaque année comment cela se passe et où sont les points de blocage.

Plus de la moitié des universités ont déjà pris l'attache de mon ministère pour préparer leur autonomie. Nous avons devant nous un travail d'accompagnement considérable.

C'était un débat et c'est un début ! (Applaudissements à droite et au centre)